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DE
LA
SOCIÉTÉ DES ÉTUDES OCÉANIENNES
'
iii
mm
M
"'.''iM1
™pipij
H° 125
Anthropologie
Histoire
—
-
—
TOME X (N° 12)
Ethnologie
—
Institutions et Antiquités des
Littérature
Astronomie
PAPEETE
—
-
et
Océanographie
Philologie
Populations Maories
Folklore
—
Sciences r»c?ture5les.
IMPRIMERIE DU GOUVERNEMENT
�Conseil d'Administration
Président
M. H. JACQUIER.
.........
Vice-Président
.
M. JAUNEZ
.
Secrétaire-Archiviste
Melle LAGUESSE.
Trésorier
M. LIAUZUN.
Assesseur
M.
Cdt. PAUCELLIER.
M.
Rudolphe BAMBRIDGE.
Assesseur
.
Assesseur
Assesseur
M. Terai BREDIN.
M. Martial IORSS.
.........
Assesseur
M. Simcon KRAUSER.
Assesseur
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rendraient pas
le livre emprunté à la date fixée.
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La
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présentera la formule à signer.
Bibliothèque est ouverte aux membres de la Société et à
invités tous les jours, de 14 à 17 heures, sauf le
Dimanche.
La salle de lecture est ouverte
14 à 17 heures.
au
public tous les jours de
Musée.
Le Musée est ouvert tous les
heures. Les
jours, sauf le lundi de 14 à 17
jours d'arrivée et de départ des courriers : de 9 à
11 heures et de 14 à 17 heures.
Société des Études Océaniennes
�BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ D'ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME X
No 125.—
(N° 12 )
DÉCEMBRE
1958
SOMMAIRE
Pages
Histoire
de navigation dans le Pacifique. Le capi¬
long cours bordelais Arnaud MAURUC 1800(L. Jore)
863
Quarante
taine
ans
au
1872.
Extrait des souvenirs du
les
-
Contre-Amiral MOTET Char¬
877
Edouard
Société des
Études
Océaniennes
��HISTOIRE
Quarante
LE
ans
CAPITAINE
de navigation dans le Pacifique
AU
MNAUD
Le 27 vendémiaire
LONG
fêAURUC
COURS
BORDELAIS
(1800—1872).
IX de la
République Française, c'est23, rue Rénière,
d'Arnaud, celui
d'un de ses déclarants à l'Etat Civil Arnaud Canel, âgé de
quarante ans, habitant rue St Pierre, dont l'acte dressé le 29
vendémiaire ne révèle pas la profession. Peut-être parce qu'il
ne savait pas
écrire, il n'apposa pas sa signature sur le registre
des naissances comme le fit l'autre déclarant, Marie Lavalette,
née Mauruc, âgée de vingt-trois ans, tante de l'enfant, demeu¬
rant Allée des Noyers, 60 : le grand-père paternel de ce dernier
dont le prénom et la profession ne sont pas mentionnés ; enfin,
l'heureux père, Louis Mauruc, époux de Sophie Amèze, né¬
gociant.
L'enfant avait été baptisé, le jour même de sa naissance,
dans l'église St Paul, paroisse de ses parents, par un des
vicaires, l'abbé Cazeaux, ses parrain et marraine étant Arnaud
an
à-dire le 19 octobre 1800, naissait à Bordeaux,
un
enfant auquel fut donné le seul prénom
Canel
et
Selon
Marie Lavalette.
vraissemblance, Louis Mauruc était marchand
grains et de farines, et frère d'un huissier de la Ville dont
les noms figurent dans les documents datés de 1816. (2)
On ne sait rien de l'enfance d'Arnaud, ni des circonstances
qui le déterminèrent à devenir marin. Ayant atteint l'âge de
toute
de
(1) Ancienne chapelle des Jésuites, l'église St Paul devenue une des
paroisses de la ville lorsque la liste en fut établie en 1791, eut
pour premier curé l'ancien principal du Collège de Guyenne, Domi¬
nique Lacombe qui, élu en 1798 Evêque constitutionnel et métropo¬
litain du Sud-Ouest, en fit sa cathédrale. Après le concordat du 1er
Juillet 1801, St Paul reprit sa place de simple paroisse (Abbé Brun :
Les Eglises de Bordeaux-Delmas-Bordeaux).
(2: Le premier habitait alors, ou avait son magasin Quai de Bour¬
gogne ; le second son Etude, rue Dieu, derrière la Douane.
dix
Société des
Études
Océaniennes
�—
864
—
seize
ans, celui auquel les futurs capitaines de navire com¬
mençaient de naviguer en qualité de « pilotins » c'est-à-dire
d'élèves-officiers de la marine de
commerce
au
moment de la
brillante
reprise de l'activité maritime de Bordeaux, pratique¬
ment anéantie pendant la Révolution et le Premier Empire
il fut sans doute poussé dans cette voie par l'enthousiasme
qui se manifesta dans ce grand port et peut-être aussi par le
souvenir d'un parent, le Capitaine Jean Mauruc qu'il avait pu
connaître à la fin de sa vie. (1)
Le premier commandement du Capitaine Arnaud Mauruc
paraît avoir été celui d'un brig (2) « La Revanche », revenu
à Bordeaux au début de l'année 1828, d'un voyage sur lequel
aucune
précision n'a été recueillie.
Par une coïncidence curieuse, il fut remplacé dans ce poste
par le Capitiane Bureau qui devait être massacré dans une
des îles du groupe des Fidji en juillet 1834.
Mauruc se vit alors confier par l'armateur Guestier le com¬
mandement d'un autre brig « Le Courrier de Bordeaux »,
destiné à Valparaiso. Rien ne permet de penser que Guestier
ait eu la moindre intention d'envoyer ce navire jusqu'aux îles
Océaniennes ; de fait il revint dans les moindres délais puisque,
parti de Bordeaux en septembre 1828, il y était de retour
moins d'un an plus tard.
Ce fut seulement à la seconde arrivée à Yalparaiso au début
de 1830 que « Le Courrier de Bordeaux » fut affrété par une
association de commerçants établis dans ce port, pour aller
porter à Tahiti une cargaison destinée au comptoir qu'elle
avait fondé dans cette île et qui avait été confié à J. A. Moerenhout, secrétaire de Mr Doursther, Consul de Hollande, un
de ses membres, ayant atteint Papeete le 2 avril 1830, le
bâtiment après avoir débarqué ses marchandises et pris à son
bord des produits du pays, repartit à la fin du mois pour Yal¬
paraiso, emmenant comme passager J. A. Moerenhout. (3)
Le Courrier de Bordeaux » accomplit ensuite au moins
une autre campagne dans l'Océan Pacifique ainsi que nous le
«
(1) Le Capitaine Jean Mauruc avait commandé en 1748-1749 « La
»
(sic) il était probablement alors jeune capitaine.
(2) Un brig (ou brick) comporte deux mâts dont un au moins
possède des vergues ; dans le second cas, il est appelé « brig-goëlette ».
Reine Ester
(3) Cf
sonneuve
-
L Jore, Un Belge
au
service de la France
Paris.
Société des
Études
Océaniennes
-
Adrien Mai-
�—
savons
par
865
—
le Pitcairn Island Register où sont mentionnées
deux escales qu'il y fit, à l'aller et au retour les 14 décembre
1830 et 27 juin 1831. C'est à cette seconde date qu'il rapatria
à Pitcairn
un
certain nombre d'habitants de cette île recueillis
lui sur l'atoll de Hood où les avait déposés le capitaine
d'une goélette sur laquelle ils avaient pris passage à Tahiti,
prétextant que le mauvais temps s'opposait à ce qu'il pour¬
suivit son voyage et l'obligeait à retourner à Papeete. (1)
A quel moment le Capitaine Mauruc abandonna-t-il le com¬
par
mandement du
pas
«
Courrier de Bordeaux
certaine. On peut
supposer que ce
»
?
La date
n'en est
fut à la fin de 1831
année
Capi¬
début de 1832 puisqu'en avril de cette dernière
le navire rentra à Bordeaux sous le commandement du
taine Demand.
ou
au
Mauruc
prit alors le commandement d'un brig « Le Poly¬
naviguant sous pavillon chilien. En était-il proprié¬
taire ou l'avait-il simplement affrété, ou bien encore était-il
entré au service d'armateurs de Valparaiso ? Nous ne pourrions
le dire, nous rangeant toutefois plutôt à la troisième supposi¬
tion. On n'est pas mieux renseigné sur les voyages qu'il fit
avec ce bâtiment. Tout ce que
l'on sait, c'est qu'il se trouvait
à Valparaiso le 13 mai 1834 quand arrivèrent dans ce port,
venant de France un petit groupe de missionnaires de la
Congrégation des Sacrés Cœurs, dite de Picpus, à laquelle le
Vatican avait confié l'évangélisation du Pacifique Oriental.
Mauruc leur suggéra de commencer leur apostolat par Tahiti,
nésien
»
(1) Située au nord et à peu de distance relativement de l'archipel
Gambier, l'île Hood, scion Moerenhout (Voyages aux Iles du
Grand Océan
Arthus Bertrand
1837
vol. 1 page 113 et sui¬
vantes) il est constitué par un banc de corail qui, en quelques endroits
est encore enfoncé sous les eaux de la mer. Elevé en quelques autres
de trois ou quatre pieds seulement au-dessus de la surface, il forme
plusieurs îlots couverts de verdure et il s'étend de tous côtés autour
des
-
-
d'un lac intérieur. En
bref, c'est
-
un
atoll inhabité à cette époque.
Les
naufragés, si l'on peut dire, faisaient partie des descendants
des mutins du Bounty établis sur l'île Pitcairn. En 1830, ils avaient
été transportés d'office, sur la décision du Gouvernement britannique
à Tahiti, mais s'étant déplus dans cette île, ils se firent rapatrier par
divers voiliers, dont celui dont il est question ici. Sans l'intervention
de Mauruc, ils auraient subi le sort le plus misérable ; deux d'entre
eux étaient morts de privations.
Société des
Études
Océaniennes
�—
866
—
mais
craignant d'avoir des difficultés avec les autorités indigè¬
qui subissaient l'influence des missionnaires protestants, il
ne leur proposa
pas de les y transporter. Les religieux eurent
donc recours à un Américain le Capitaine Swithin, comman¬
dant de la goélette « Peruviano », qui accepta de les prendre
à son bord. Mauruc mit à leur disposition un de ses hommes
Néo-Zélandais d'origine, pour leur servir d'interprète dans les
îles habitées par des Maoris dont la langue était la sienne et
qui avait quelque connaissance de l'anglais et de l'espagnol.
N'ayant pas la certitude d'être admis à débarquer à Tahiti,
les Pères de Picpus se firent débarquer aux Gambier.
Le 12 avril 1838 le Capitaine de Vaisseau Dupetit-Thouars
se trouvant à Valparaiso reçut la visite de Mauruc qui lui remit
le rapport suivant : (1)
Le Roi des Gambier ayant adopté des couleurs nationales
pendant le dernier séjour que je fis sur les îles de sa dépen¬
dance, je hasarde (sic) de vous en donner connaissance, sup¬
posant d'après le but de votre mission, que cela peut vous
nes
«
intéresser.
«
Comme
je me trouve figurer pour quelque chose dans les
qui ont donné lieu à cette mesure, pour l'intelligence
faits, il convient que je prenne les choses d'un peu loin.
motifs
des
Dans le mois de septembre 1836, je partis du port de
Valparaiso dans le but d'aller faire la pêche des nacres et des
perles fines aux Iles de l'Archipel Dangereux. Je commandais
alors le brick chilien, « Le Polynésien ». La mésintelligence
qui régnait entre ce Gouvernement (du Chili) et celui du Pérou
et la non-perspective d'un prompt accord me faisant craindre
des risques que j'aurais à courir au retour de mon voyage si
les affaires politiques suivaient le même cours, je projetai de
me rendre à O'Taiti, une fois ma pêche faite et d'y demander
le pavillon de ce Gouvernement, espérant l'obtenir sans diffi¬
culté m'étant c réé quelques relations dans le pays lors de mes
précédents voyages.
Après avoir visité plusieurs îles (2), je mouillai dans le
mois de janvier 1837 aux îles Gambier où j'allai en relâche par
«
«
(1) Dupetit-Thouars - Voyage autour du Monde
251-255.
sur
la Vénus
-
Tome II, pages
(2). Dont Pitcairn, où son
Register.
passage est
noté le 2 novembre 1836 dans
le Pitcairn Island
Société des
Études
Océaniennes
�—
suite d'une voie d'eau
867
—
forte qui s'était déclarée peu de
jours auparavant, et forcé par une série de vents contraires
qui m'empêchaient de me rendre à une île que je me proposais
assez
de visiter.
A
arrivée
aux Iles Gambier,
je fus accueilli par les
français établis sur ces îles avec toute ia cor¬
dialité que je pouvais désirer. Monseigneur de (sic) Rouchouze,
évêque de Nilopolis et vicaire apostolique de l'Océanie Orien¬
tale, de qui on ne saurait trop faire l'éloge, eut la bonté de
m'offrir tous les secours dont il pouvait disposer, dans le cas
où je me déciderais à faire réparer mon navire dont on avait
bien reconnu la voie d'eau ; elle se trouvait à tribord sur
l'avant, près de la quille.
« Le
lieu ne paraissant pas très favorable pour abattre en
carène (1), n'ayant pas le dessein de m'arrêter
longtemps et
conservant toujours le projet de me rendre aux îles de la So¬
ciété, je le remerciai de son offre obligeante sans accepter ni
refuser,
«
mon
missionnaires
« Pour
utiliser ma relâche pendant que je travaillais g re¬
connaître la voie d'eau du bâtiment, j'avais fait commencer la
pêche quoique
sans
espoir de réussir à
ma
satisfaction.
Cependant, la pêche ayant mieux réussi que je n'osais l'espé¬
rer, insensiblement le chargement avança. La voie d'eau étant
restée toujours la même depuis le moment où elle s'était
«
déclarée
et les recherches qui furent faites me faisant supposer
dans tous les cas, elle conserverait à peu près la même
extension, je conjecturai qu'il serait possible, sans trop de
danger, de se rendre à Valparaiso, et j'abandonnai le projet
de virer en carène à O'Tahiti, mais il fallait toujours m'y rendre
pour changer le pavillon et cela allongeait beaucoup la tra¬
versée de retour que, sans cela, j'aurait pu effectuer directe¬
ment de l'île Oparo (Rapa) où j'avais
indispensablement besoin
de toucher, indépendamment de la nécessité où j'étais de chan¬
ger mon pavillon.
Après avoir réfléchi plusieurs jours aux moyens à em¬
ployer pour atteindre les deux buts que je me proposais, je
m'avisais d'engager le Roi à adopter un pavillon ; je le croyais
dans son droit ; sous bien des rapports, les Iles Gambier com-
que
«
(1) Cette opération consistait, le bâtiment étant vidé, à le
sec
la
et à
le coucher successivement
sur
un
ou
partie à réparer et effectuer les opérations nécessaires.
Société des
Études
mettre
deux flancs pour
Océaniennes
au
dégager
�—
868
—
posent un royaume, en miniature il est vrai, et encore dans
l'enfance, mais quelque petits que soient ces Etats ils sont
complètement indépendants et leur Gouvernement est établi
des bases à peu
sur
«
Pénétré de
ces
près fixes.
idées, je les soumis préalablement à Monsei¬
l'Evêque qui après les avoir méditées, les trouva justes
la complaisance de se charger de les faire adopter et
de demander, en même temps, de ma part, en cas de nécessité,
une autorisation
pour arborer à mon bord les couleurs que l'on
choisirait, et de naviguer sous leur protection, ou du moins sous
celle que je supposais qu'accorderait toute nation juste au
gneur
et
eut
Droit des Gens.
réussi, comme je me le proposais, nous choisî¬
pavillon.
Le
1837, jour de l'inauguration, il y eut une
grande cérémonie, dans le genre de cel'es usitées en pareil cas
au temps des premiers temps de la race
de David (?) et dans
laquelle Monseigneur officia. Vint ensuite une autre cérémonie
en usage
dans le pays, à peu près de représentation (aucun
motif religieux ne s'y mêlait) et après tout cela, lé pavillon
fut arboré au bruit des salves répétées de deux caronades de
12, composant toute mon artillerie ; le reste de la journée se
passa en réjouissances et fut une véritable fête pour les habi¬
«
mes
Le tout ayant
en
commun
le
«
tants.
«
J'obtins
quelques jours plus tard, les papiers qui m'étaient
nécessaires pour naviguer en sûreté, tels que l'acte de nationa¬
lité et le rôle d'équipage, tous deux en langue de Gambier,
signés du Roi avec la traduction en français libellée par Mgr
l'Evêque : depuis cette époque, ils m'ont toujours servi dans
mes
diverses
navigations.
J'ai omis les détails relatifs à la
fête, les jugeant étran¬
sujet, mon but étant seulement de vous donner avis
qu'il venait d'être adopté un pavillon dans ces îles. Vous en
ayant fait connaître les couleurs, je ne me répéterai pas (Trois
bandes horizontales d'égales dimensions ; celle du milieu est
bleue, les deux autres sont blanches. Le pavillon porte en
outre cinq étoiles rouges dont quatre sont disposées en carré et
occupent les quatre angles du pavillon, la cinquième est placée
au milieu de la bande bleue).
A la veille de mon départ et ayant tous mes papiers en¬
caissés, je ne peux vous faire connaître l'époque précise de la
«
gers au
«
Société des
Études Océaniennes
�—
cérémonie dont il
laissée
en
a
été
869
—
parlé plus haut,
ce
qui fait
blanc.
que
je l'ai
Daignez, etc... Signé A. Mauruc.
Le Commandant de la Vénus ne
parait pas s'être in¬
quiété de savoir ce que valait, du point de vue du Droit Mari¬
time International, l'usage fait par un
capitaine français du
pavillon d'un petit souverain exotique non reconnu par les
nations dites civilisées et qui n'avait été ratifié à aucune
d'elles.
Le Commandant Dumont d'Urville,
de l'Astrolabe et de la Zélée ayant fait
commandant l'expédition
aussi escale à Valparaiso
en avril
1838, a noté dans la relation de son voyage, que Mau¬
ruc faisait
fréquemment avec sa petite goélette, le trajet de
Valparaiso aux Iles Tuamotu et Tahiti, exploitant fructueuse¬
ment le trafic des perles, de l'écaillé et de la nacre et assu¬
rant, en même temps, un service de cabotage entre les Iles
de la Société et les côtes du Chili pour
le compte des mission¬
naires au autres Européens qui pouvaient
l'employer. (1)
Le Capitaine Mauruc, ajoute-t-il, après une première ap¬
parition aux (2) Gambier, revint il y a deux mois au même
mouillage pour continuer la pêche des perles ; mais des cir¬
constances particulières qui ne sont pas bien connues, ont
brouillé le capitaine avec les missionnaires. Cette influence a
empêché qu'on pêchat pour Mr Mauruc, d'où il est résulté des
plaintes. Le fait paraît être... que l'aide donnée aux mission¬
naires Laval et Caret à Taïti par Mr Moerenhout
(3) avait
été la base d'un nouvel arrangement commercial en dehors
des affaires religieuses. Mr Moerenhout est pêcheur de
perles
lui-même, et, en évaluant autant que faire se peut, les con¬
currences, les missionnaires le favorisent considérablement,
en même
temps qu'ils éloignaient de leur demeure les navires
qui viennent montrer à leurs élèves de mauvaises mœurs et
«
(1) Dumont d'Urville
années 1837-1840
et
Paris
-
L'auteur commet
Voyage
-
les corvettes l'Astrolabe
-
la
au Pôle Sud et dans l'Océanie sur
Zélée, par ordre du Roi, pendant les
Gide 1841-1845.
le bateau de Mauruc, le « Polynésien »,
goclette.
(2) Dumont d'Urville n'envisage ici que les escales faites par Mauruc
aux
Gambier en 1837 ; il y avait beau
temps qu'il fréquentait cet
était
un
brick et
une
non
erreur,
pas une
archipel.
(3) Lors de la tentative d'ailleurs
de s'établir à Tahiti
en
infructueuse de
novembre-décembre 1836.
Société des
Études
Océaniennes
ces
missionnaires
�—
870
—
de
dangereux exemples. Cet arrangement convient à tout le
monde, sauf aux pêcheurs étrangers à l'affaire. Mr Moerenhout y gagna un précieux monopole, les missionnaires un agent
dévoué à Taïti et l'éloignement d'un danger redoutable.
«
Cependant, le Capitaine Mauruc en partant il y a envirop
deux
les Tuamotu, disait hautement qu'il n'était
avaient
France,
circons¬
tances sont peut-être
amplifiées par Guillou (1) qui luimême se plaint beaucoup des rapports des missionnaires. Ces
messieurs ont souvent parlé du Capitaine Mauruc amicalement
ce
qui serait douteux s'ils craignaient quelque chose de sa
part. Ils déblatèrent assez contre leurs voisins, les missionnaires
anglais, pour prouver qu'ils ne ménagent pas leurs adversaires.
Entre 1838 et 1841, Mauruc abandonna le commandement
du brick Polynésien pour prendre celui d'une simple goélette
la Rita dont le passage est signalé par le Pitcairn Island Register dans cette île le 12 novembre 1841 venant de Valparaiso
mois
pour
pas satisfait de la conduite des missionnaires ; qu'ils lui
occasionné une perte très grande et qu'à son retour en
il porterait plainte et rendrait ses griefs publics. Les
et allant
aux
Paumotu et à Tahiti.
Etant de passage à Tahiti au début de l'année 1842, Mauruc
se trouve mêlé à un incident quelque peu ridicule qui se dé¬
roula à Papeete. (2)
Quelques matelots du baleinier français « Réunion », dont
port d'attache était le Havre, suscitèrent, un soir qu'ils
étaient descendus à terre, une bataille entre le chien de leur
capitaine et celui d'une des femmes de la maison de la Reine.
La bagarre attira sur place des agents de police indigènes qui
tentèrent de séparer les deux adversaires. Survenu à son tour
le
(1) Le Dr Guillou était un des chirurgiens de la Zélée - La lettre
Dupetit-Thouars que nous avons reproduite plus haut prouve
de façon indubitable que Mauruc était dans les meilleurs termes avec
remise à
les missionnaires.
(2) De nombreux auteurs rapportent cette affaire qui, en somme,
guère d'importance. Le capitaine américain Wilkes la relate
en détail d'après
Dumont d'Urville et son secrétaire Desgraz et conclut
en
déclarant que cette scène offrit l'occasion au Consul de France
de se débarrasser de Moia, de fermer la bouche à Mauruc au sujet de
n'avait
leurs conflits et de brouiller la France et Tahiti.
(C. Wilkes - Narrative of the United States exploring expédition
during the years 1838-1842 Philadelphia.)
Société des
Études Océaniennes
�871
—
le chef de la
police Moia,
—
s'efforçant de franchir le cercle
doute involontairement, le ca¬
pitaine Mauruc qui en faisait partie. Ripostant, ce dernier
frappa Moia avec la clef de sa maison qu'il tenait dans une de
ses mains,
ce pourquoi il fut mis en état d'arrestation avec
quelques autres personnes intervenues pour le dégager, mais
il fut peu après relâché sur l'intervention du Consul de
France,
J.A. Moerenhout. L'incident n'eut pas de suite pour le mo¬
des
spectateurs, bouscula
en
sans
ment.
Mauruc
reprit la mer peu de temps après puisqu'il n'était
présent à Tahiti le 17 mai 1842 jour de l'envoi d'une
lettre collective d'un certain nombre de Français établis dans
l'île au Consul des Etats-Unis d'Amérique dans laquelle ils
sollicitaient la protection de ce dernier en attendant
que
le Consul de France J.A. Moerenhout fut
remplacé dans cet
emploi. L'instigateur de cette affaire avait été le Capitaine
Lucas ennemi juré de Moerenhout, qui crut pouvoir signer la
lettre pour Mauruc, ce qui lui valut une verte réprimande du
Capitaine de Corvette Du Bouzet de passage à Tahiti avec
l'Aube outre la semonce que cet officier fit aux signataires
de la lettre qui avaient osé, alors qu'il était présent, demander
au
représentant d'une puissance étrangère sa protection.
pas
Mauruc
ne
prit
lèrent à Tahiti
aucune
de
1842
part
à
aux
1844.
événements qui se dérou¬
(1) Il s'éloigna même des
Etablissements
suivantes
français de l'Océanie au cours des deux années
pendant lesquelles il séjourna aux Samoa et aux
Tonga.
Arrivé
le milieu de 1845 à
Apia, principal port de l'île
d'Upolou il fut sollicité par le R.P. Rondaire, Préfet apostolique
du groupe de vendre sa goélette à la Mission catholique ;
ce
n'était plus la « Rita » mais une autre la « Clara » substituée
à la première nous ne savons pas à quelle époque.
De passage à Apia sur le petit bateau de la mission, l'Etoile
du Matin, le Père Rondaire était allé voir le 28 septembre 1845
le Capitaine Mauruc qui l'avait très bien reçu ainsi que
le convers
(1) Intervention de Dupetit-Thouars à Tahiti (1842) ; abrogation
du régime du Protectorat sur les Etats de la
arrestation de Pritchard par le Capitaine de
Corvette d'Aubigny (1844).
par Dupetit-Thouars
Reine Pomare 1843 ;
Société des
Études
Océaniennes
�—
872
—
qui l'accompagnait (1). Nous lui avons remis votre lettre
préfet apostolique à son Supérieur Mgr Bataillon
résidant dans l'île Wallis, et il s'est offert à nous rendre tous
les services qu'il pourrait, quoique sa position ne soit pas très
frère
mandait le
arrivée, il a éprouvé comme Français et
« Popes » (terme de mépris employé dans
les missions protestantes pour désigner les missionnaires catho¬
liques soumis au Pape) toutes sortes de désagréments. Les mi¬
nistres qui voyaient en lui un antagoniste pour le commerce
(2), ont exploité cette veine pour le contrarier ; il était sur le
point de se rembarquer quand nous sommes arrivés pour aller
continuer sa pêche (d'huîtres perlières), avec l'intention de
revenir à Apia... Quelques jours après notre première visite
à Mr Mauruc, nous sommes venus à parler de sa goélette et de
la nôtre ; nous lui avons dit que si vous l'aviez vue, vous
l'auriez incontestablement achetée parce qu'elle est parfaite¬
ment de la grandeur convenable pour la mission ; il a réfléchi
là dessus et a pris la résolution de vous la montrer ; il nous a
invités à venir la voir. Je crois, pour mon compte, que Votre
Grandeur ne saurait trouver un navire plus approprié à sa
position et au but qu'Elle se propose ; la chambre est un vrai
bijou qui vous est tout à fait convenable (sic) tandis que
Votre Grandeur ne peut réellement se présenter convenable¬
ment dans
« l'Etoile
du Matin »... Si je vous parle de la
sorte Monseigneur, c'est que je suis entièrement persuadé de la
convenance de cette acquisition... et que vous serez tôt ou tard
obligé d'aller chercher au loin avec beaucoup de frais. Mr
Mauruc ne se décide à aller à Wallis que sur la persuasion où
nous sommes
que sa goélette sera achetée par vous... son prix
est de 4000 piastres, ce que le navire lui a coûté. »
agréable. Dès
comme
son
partisan des
L'insistance du P. Rondaire vint à bout de la résistance
de
Mgr Bataillon qui acheta effectivement la Clara à laquelle il
donna le
nom
d'Etoile du Matin.
(1) Lettre du P. Rondaire à Mgr Bataillon, non datée, mais certaine¬
ment
écrite de Samoa
en
octobre
ou
novembre 1815 selon le P. Ver-
lingue, Procurateur Général des Missions Maristes à Rome, qui a bien
voulu nous en communiquer la teneur, ce dont nous le remercions
vivement.
(2) Fort mal rétribués par la Société des Missions de Londres, les
protestants étaient obligés, pour faire subsister leurs
familles, de ss livrer à des opérations commerciales.
missionnaires
Société des
Études
Océaniennes
�—
873
—
Nous ne connaissons pas les ternies dn contrat qui fut passé
décembre 1845 par le vicaire apostolique et le Capitaine
Mauruc mais nous pensons que l'affaire ne fut conclue qu'en
raison du fait que ce dernier consentit une réduction du prix
en
qu'il avait demandé acceptant en complément de la somme
offerte par Mgr Bataillon, un petit voilier que son constructeur,
un
Anglais nommé John Jones converti au catholicisme l'année
précédente et récemment décédé à la suite d'un accident, avait
légué à la mission catholique, demandant à celle-ci d'élever
ses enfants. Sans cette concession de la part de Mauruc, l'ac¬
cord n'aurait probablement pas pu se faire, car ainsi qu'il
l'avait écrit au Supérieur Général de la Société de Marie le
T.R.P. Colin, le 18 octobre 1845, le Vicaire apostolique était à
court de fonds. (1)
C'est sur ce petit bâtiment que Mauruc se rendit aux Tonga
dans les premiers jours de 1846. Combien de "temps séjournat-il dans cet archipel ? Nous l'ignorons, mais ce que nous sa¬
vons c'est qu'il en était reparti depuis plusieurs mois déjà en
1849. Cette approximation peut être déduite d'un passage du
livre du Capitaine de Vaisseau Erskine, de la Royal Navy, dans
lequel cet officier rapporte une accusation portée contre Mau¬
ruc
par le Roi Georges des Tonga (2).
Avant de prendre congé, le Roi Georges exprima son grand
attachement à la Grande-Bretagne et son désir d'être protégé
par elle contre une agression étrangère (lisez de la France).
Il exprima cette appréhension par une longue histoire qu'il
n'est pas nécessaire de reproduire ici en entier, concernant les
exigences que lui imposa un marchand français établi quelques
années auparavant à Tonga-Tabou. Bien qu'il eût bénéficié de
la protection des missionnaires anglais qui l'avaient aidé par
tous les moyens en leur pouvoir, cet homme avait éprouvé un
tel découragement de la part des natifs en général (il les accu¬
sait d'avoir à deux reprises mis le feu à sa maison) qu'il
avait abandonné sa tentative (de se fixer aux Tonga), et était
retourné à Tahiti ; mais, avant sou départ, il avait extorqué
au Roi
Georges environ 600 dollars en le menaçant (s'il ne
cédait pas) d'être puni par un navire de guerre français, alors
«
(1) Archives de la Société de Marie.
(2) J. E. Erskine (R.N.) Journal of a
the Western Pacific in
1853
-
p.
cruise among the islands of
H.M.S. Mavannah
-
London
133.
Société des
Études Océaniennes
-
John Murray
�—
874
—
le Roi George, d'après sa propre déclaration (et il n'avait
motif d'agir autrement) avait fait tout ce qu'il avait
pu pour le protéger pendant qu'il résidait dans ses Etats et
pour rechercher et punir ceux qui lui avaient porté tort (on
l'avait donc effectivement fait
note du traducteur). Ceci
aurait été probablement oublié sans l'arrivée quelques mois
plus tard, d'une corvette française dont le capitaine requit le
Roi Georges, bien qu'il fût malade à ce moment, de venir le
voir à son bord où il le semonça sévèrement sur la conduite de
ses sujets
envers le marchand en question, Mr Mai-uc (sic) et
le mit en garde contre les conséquences que des mauvais traite¬
que
pas un
—
les ressortissants français, entraîneraient. Geor¬
envers
exprima une grande peur d'une telle intervention et d'une
future agression possible de la part de la France, ce
que je
fis tout en mon pouvoir pour apaiser, lui
expliquant que les
actes d'un individu ne devaient pas être assimilés à ceux d'une
nation, enfin que toute plainte d'une injustice commise à son
encontre par un citoyen ou un officier français serait certai¬
nement prise en considération par le Gouvernement de leur
pays, si elle était correctement exposée. »
Qu'y avait-il de vrai dans la déclaration du Roi George ? Il
est possible que Mauruc, qui avait subi des pertes matérielles
du fait de certains habitants des Tonga, en avait rendu le
souverain responsable et l'ait obligé à l'en dédommager.
Quoiqu'il en ait été, la présence de Mauruc aux Tonga pen¬
dant quelques mois en 1846 et peut-être 1847, n'est pas
douteuse. En 1852, Mgr Jaussen, Vicaire apostolique de Tahiti
ayant jugé opportun de posséder une attestation en faveur des
missionnaires français établis aux Tonga, s'adressa à Mauruc
qui lui répondit ce qui suit, de Huahine, le 15 janvier 1853 :
« J'ai
toujours remarqué en eux la plus grande bienveillance
envers tous, la vraie charité, rien de ce
qui approche du fana¬
tisme, et, puisque c'est la vérité que vous me demandez, j'ajou¬
terai que j'ai été en quelque sorte surpris de cette absence de
ce que l'on
appelle dans le monde préjugés religieux, les ayant
trop souvent rencontrés en d'autres occasions dans mes voyages.
ments
ge
J'ai trouvé aussi dans
ces
messieurs des
cœurs
vraiment fran¬
çais et qui ont toujours fait tous leurs efforts pour démentir
les traits calomnieux que l'on essaye de répandre sur notre
patrie parmi les naturels, et donner d'elle l'opinion £ laquelle
elle a droit de prétendre ». En post scriptum, Mauruc renvoyait
Société des
Études
Océaniennes
�—
875
—
l'Evêque à un Anglais, le capitaine Skelton, qui avait habité
Tonga et qui pouvait confirmer ces renseignements. (1)
les
*
%
%
La destruction par un incendie à la fin de la première guerre
mondiale, des archives de l'Inscription Maritime de Bordeaux,
ne permet
pas de préciser plus complètement que nous l'avons
fait, la carrière du Capitaine Mauruc. Mr l'Administrateur
Général George a toutefois pu nous faire savoir
que ce dernier
avait élu domicile à Tahiti en 1865 et que, à partir de cette
date, aucun mouvement d'embarcation le concernant ne fut
signalé à son quartier.
En réalité, il avait cessé de naviguer bien auparavant, ayant
acheté une propriété dans le district de Tefarerii à Huahine,
aux Iles
Sous-le-Vent, il s'y était établi, ne venant plus que
rarement à Tahiti. C'est là qu'il mourut le 20 juin 1872. Ses
restes mortelles furent inhumés dans le cimetière du village
sud appelé Huturaro, où vint reposer à son tour son camarade
et ami, le capitaine Lidet, devenu lui aussi propriétaire à Hua¬
hine. D'après la tradition, ils auraient réalisé une certaine for¬
tune pendant la guerre de Sécession américaine en
plantant
du
coton
dont
ce
conflit avait
diminué
considérablement la
production.
D'après Mr Paul Marcantoni (2), Mauruc avait épousé une
Tahitienne et Lidet une métis anglo-tahitienne qui avait reçu
une bonne éducation à
Sydney. Ni l'un ni l'autre ne laissèrent
de descendance.
*
*
*
En
terminant, nous ne saurions mieux faire que de repro¬
quelques lignes que Gilbert Cuzent, Pharmacien de la
Marine a consacrées au Capitaine Arnaud Mauruc dans son
ouvrage « Voyage aux Iles Gambier » (3) : « C'est un des
hommes qui, avec le Capitaine Rousseau ont rendu le plus de
services au commerce français de l'Océanie. Ils ont été les
duire les
(1) Archives de la Société de Marie
-
Communication du regretté
Père Courtais.
(2) Arrivé à Tahiti en 1879, à l'âge de dix-sept ans, M. P. Marcan¬
y décéda le 21 septembre 1935. Le Bulletin de la Société des
Etudes Océaniennes de 1935 a publié sous son nom ses souvenirs qui
toni
contiennent de nombreuses
erreurs.
(3) Masson, Editeur, Paris, 1872.
Société des
Études
Océaniennes
�—
876
—
premiers à explorer l'archipel des Tuamotu et ils ont fourni
la navigation de ces parages de nombreux et très utiles
renseignements. »
Deux notices, dont Mauruc fut l'auteur, ont été
publiées
par la Société de Géographie de Paris dans son Bulletin : un
plan de l'Archipel Dangereux en 1840, et des notes sur l'Archi¬
pel Dangereux en 1848. (1)
sur
L.
de
JORE.
Gouverneur Général
la France d'Outre-Mer
bien quand Mauruc aurait transporté sur son
protestants aux Iles Marquises, comme le
signale Miss J. I. Brooks dans son ouvrage : Rivalry in the Pacific
Islands 1800-1875, University of California Press, Berkeley and Los
Angeles 1841, p. 36. Peut-être s'agirait-il du voyage que fit au début
(1) Nous
navire
des
ne voyons pas
missionnaires
de 1834 le Pasteur Orsmond de Tahiti à Nuku-PIiva pour
faire savoir
qui s'étaient fixés en ce dernier
point en août 1833 qu'un accord avait été conclu entre la London
Missionary Society et le Board of Commissioners for Foreign Missions
de Boston, réservant à la première toutes les îles situées au sud
de l'équateur.
à
des
missionnaires
américains
Société des
Études
Océaniennes
�—
des
Extrait
877
du
souvenirs
SMÎOTET
—
CONTRE-AMIRAL
(Charles-Edouard)
Grâce à
l'obligeance de Monsieur l'Amiral MOTET qui nous
à publier dans notre « Bulletin » un extrait des
souvenirs tàhitiens de son père, nous nous retrouvons pendant
quelques instants dans l'atmosphère romantique du Tahiti * du
«
Mariage de Loti » et de la grande Reine Pomare IV «Au
temps des Amiraux ».
Le narrateur, MOTET Charles-Edouard, est né à
Papeete
le 2 octobre 1848. Sa marraine fut Pomare IV, son parrain
l'Amiral Lavaud, alors Gouverneur de Tahiti.
Son père, MOTET Marc-Eugène, était en 1846 l'aide de camp
de l'Amiral Lavaud. Il mourut pendant la campagne flu Mexi¬
que, le 8 octobre 1862, alors ,qiie, Capitaine de Vaisseau, il
a
autorisé
commandait le
«
Navarin
».
Charles-Edouard, officier de marine, comme il est de tra¬
dition dans sa famille, fit, au cours de sa carrière, deux autres
séjours à Papeete, en avril 1876 et en juin 1888. Contre-Amiral,
il mourut à Brest, en 1931, Président de l'Institut Finistérien
d'Etudes
Préhistoriques.
Tous les amoureux du
MOTET leurs bien vifs
passé adressent à Monsieur l'Amiral
remerciements pour cette aimable
petite histoire de notre charmant pays.
contribution à la
L.
*
*
R.
*
Le 10 novembre
1846, la frégate « La Sirène », commandée
le capitaine de vaisseau Lavaud (depuis Contre-Amiral),
nommé aux fonctions de Gouverneur de Tahiti, appareillait de
Brest, avec de nombreux passagers (militaires, marins et leurs
familles) pour se rendre à destination.
Mon père, MOTET, Marc-Eugène, Lieutenant de Vaisseau,
lui était attaché comme Chef d'Etat-Major.
Ma mère, qui depuis 4 jours avait mis au monde mon frère
aîné Georges-André-Victor, l'accompagnait dans ce lointain
voyage, dont la longueur devait s'accentuer du fait que la
Sirène » devait passer par le Cap Horn (où régnent les
vents généraux d'Ouest) et remonter jusqu'à Valparaiso.
par
«
Société des
Études
Océaniennes
�—
878
—
La
première relâche de la frégate fut à Ste-Croix de Ténémère, ne pouvant plus nomrir son enfant, y fit l'ac¬
quisition d'une chèvre qui lui permit tout juste de l'allaiter
jusqu'à Rio Janeiro où l'on acheta, comme nourrice, uue né¬
gresse et son petit.
L'arrivée à Valparaiso de la « Sirène » eut lieu le (?)
puis elle se dirigea sur Papeete oii elle arriva le 21 mai 1847,
après 192 jours de traversée.
L'abolition de l'esclavage, décrétée par le Gouvernement de
48, mettait mes parents dans l'obligation de renvoyer libérés,
dans leur patrie, au Brésil, la négresse et son enfant, mais on
dût attendre pas mal de temps pour
trouver, chose peu facile,
un voilier devant faire route
pour Rio Janeiro et ce ne fut pas
sans une
grande satisfaction qu'on vit enfin partir cette femme
dont la conduite, déréglée, était devenue réellement scandaleuse.
La Reine de Tahiti, Pomare IV avait, comme mari le Prince
rife. Ma
Arii Faite. Ils firent tous les deux le meilleur accueil aux nou¬
veaux venus et la Reine mit à la
disposition de mes parents
une
grande case en bois, système américain, qu'ils habitèrent
pendant tout le temps de leur séjour dans la Colonie. A leur
départ, en Avril 1850, on y installa le Cercle militaire. Cette
case, très voisine de celle, plus vaste, qu'occupait la Reine,
était bâtie sur un terrain lui appartenant, traversé par un petit
ruisseau où l'on pouvait se baigner, ombragé par de belles
frondaisons tropicales.
Une lettre de ma mère, du 15 8bre 1848, lettre dont il man¬
que malheureusement une partie qui devait être très intéres¬
sante, contient des détails qui ont leur valeur et je la cite tex¬
tuellement
:
Depuis que j'ai quitté la France, les tribulations ne m'ont
manqué.
Vous avez sans doute su par mon frère, mon embarquement extrordinaire,
quatre jours après être accouchée de
mon
premier enfant, le 10 novembre 1846.
« Je
vous
assure qu'il m'a fallu bien du
courage pour me
décider à partir dans ces conditions, surtout pour le pauvre
petit qui a bien manqué de ne jamais revoir son pays.
Que vous dirais-je sur ma traversée ? Peu de chose à vous
intéresser, car six grands mois entre le Ciel et l'eau sont
bien monotones. Ajoutez à cela la position de mon petit
garçon que j'ai eu malade pendant tout le temps et vous
devez penser que ma vie a dû s'écouler bien tristement.
«
«
pas
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
Société des
Études
Océaniennes
�—
879
—
relâches de Rio Janeiro, où il m'a fallu acheter
négresse nourrice pour mon petit Georges qui se mourait, de Valparaiso où nous avons séjourné quelques jours
pour nous réparer, ce dont nous avions grand besoin, après
être restés 46 jours à la mer sans vivres frais, le reste de
la route a été bien pénible pour moi ! Il me tardait tant
d'être arrivée dans ce beau pays de Tahiti que l'on vante
tant, mais qui, malheureusement, ne vaut pas sa réputation.
La Reine Pomare et le Gouverneur Capitaine de Vaisseau
Charles LAVAUD ont été parrain et marraine de mon nou« veau
garçon né le 2 octobre 1848.
Quelques détails sur son illustre marraine et sur son peupie vous intéresseront peut-être assez pour que je vous en
dise quelques mots.
« Pomare est
grande. Elle a l'air distingué et bon, beaucoup
de noblesse dans le maintien, et, d'un coup d'oeil, elle sait
se faire obéir à la minute ; très timide devant les autorités
étrangères, elle n'ose même pas parler devant elles lorsqu'elle
ne les a jamais
vues, mais elle est excellente femme et très
gaie dans l'intimité. Je demeure à côté de chez elle ; j'ai
souvent sa visite et celle de ses femmes que mon piano attire
toujours avec un nouveau plaisir.
Lors du passage de l'Amiral LE GCLARANT de TROMELIN
à Papeete, la Reine l'a magnifiquement traité ; elle a fait
venir la Houpa-IIoupa de tous ses districts.
Cette Houpa-IIoupa est constituée par une réunion de
chanteurs et de danseuses qui exécutent des dauses très
« extraordinaires,
lesquelles n'ont lieu que dans les fêtes solennelles. J'avoue que cela a été pour moi ce que j'ai encore
« vu de
plus curieux.
Le Chef de chaque district arrive en tête de sa bande dans
la Cour de Pomare. Là, il étend une natte pouvant contenir
danseurs et danseuses, donne le signal et, après avoir, ainsi
que toute sa troupe, mis le genou en terre pour saluer leur
Reine, ils commencent une danse dont on n'a pas d'idée, tant
pour la régularité des mouvements que pour la contorsion des
membres. Eile est pourtant convenable et décente et il n'y
a
que dans les montagnes, et entre eux, seulement, qu'ils se
livrent en entier à la passion de la danse : je dis passion,
parce que chez eux, c'en est une véritable. Ils commencent
à danser à la chute du jour et ne finissent que quand ils
«
Sauf les
«
une
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
tombent de lassitude.
Société des
Études
Océaniennes
�—
Lorsqu'ils
«
880
—
ont fini leur pantomime et
qu'il faut céder la
district, ils s'agenouillent de nouveau, ôtant
leurs couronnes dont ils sont
toujours parés »....
(La suite de la lettre manque)
Ma Naissance
Lorsque je naquis, ma mère fut dans l'im¬
possibilité de me nourrir et l'on se préoccupa de trouver, dans
l'île, une femme mariée allaitant un enfant. Mais ce ne fut
«
place à
un autre
«
—
pas
chose facile
et les
premières recherches
ne
donnèrent pas
satisfaction. De son côté, la Reine
qui affectionnait beaucoup
ma mère et
qui aimait à se rendre souvent chez elle, attirée
par son beau talent sur le piano, se préoccupait
beaucoup du
résultat des démarches.
Elle
nourrissait alors son deuxième
fils, Joinville, né peu de
temps auparavant ; et, ayant accepté d'être ma marraine, elle
proposa spontanément à ma mère de me donner le sein
jusqu'au
moment
manda
où l'on
aurait trouvé la nourrice
cinq à six semaines
désirée,
ce
qui de¬
fut une femme de Moorea
face et à six milles environ à l'Ouest
et
ce
(grande île située en
Tahiti), nommée Pataata, mais que nous appellions Taioto,
qui en accepta enfin la charge.
Cette indigène était mariée à un
Moutoi, agent de police tahitien, et mes parents m'ont toujours dit combien ils avaient
été satisfaits des soins
qu'elle m'avait donnés, me parlant éga¬
lement de leur constante reconnaissance
pour les attentions
délicates qu'avaient eues pour eux la
Reine, et son mari, Arii
Faite, prince consort, qu'elle avait épousé séduite par la
beauté de son esthétique et
par sa grande éloquence;
Dans leurs entretiens publics, les Tahitiens ont une
prédi¬
lection marquée pour ces joutes oratoires
que les Européens
établis depuis peu dans le pays peuvent
apprécier rapidement,
car la
langue est très facile à apprendre ; et, à cette époque,
Arii Faite se distinguait entre tous.
Le temps s'écoulait et arriva le moment où ma
famille dût
de
songer à rentrer en France.
La Frégate « La Sirène »
Tahiti le 25
Au
de
partit
avec eux et
quitta
en
effet
1850.
mars
longue carrière maritime, j'ai eu l'occasion
Papeete.
première fois, le 13 avril 1876, comme Enseigne de
cours
ma
de revenir deux fois à
Une
Vaisseau à bord du transport « Le Rhin
Escales de ce long voyage :
».
départ de Brest
Société des
Études
—
Océaniennes
Santa Cruz de
�—
Ténérife
Tahiti
—
—
881
—
Ste Catherine
Yalparaiso
—
(Brésil) — Nouvelle-Calédonie
Ste Hélène — Palma (Baléares)
—
—
Toulon.
Une deuxième fois, le 1er juin 1888, comme
Vaisseau.
Lieutenant de
J'étais aide de camp secrétaire du Contre-Amiral LEFEVRE, commandant en chef la Division navale de l'Océan Paci¬
fique, à bord du croiseur « Duquesne ».
Puis une troisième fois, du 26 août au 18 septembre 1889,
jour de notre départ pour Nouméa. L'Amiral devait y aller
passer l'Inspection Générale et se rendre, de là, à Valparaiso,
puis effectuer ensuite son retour en France par le Cap Horn.
A
premier voyage, j'apportais de la part de mon par¬
rain, l'Amiral LAVAÙD et du Contre-Amiral RIBOURT, Com¬
mandant en Chef la Division navale de l'Atlantique sud (Pa¬
villon sur la « Vénus ») que nous avions rencontré au Brésil,
à notre relâche devant l'Ile de Ste-Catherine, au mois de
novembre 1875, des lettres personnelles pour la Reine, à la¬
quelle ils portaient beaucoup d'intérêt.
L'Amiral RIBOURT, alors Enseigne de Vaisseau, se trou¬
vait à Tahiti en même temps que mes parents, avec son père,
mon
le
Capitaine d'Etat-Major RIBOURT, devenu par la suite Géné¬
de Division, les Enseignes de Vaisseau TIIOMANET et
GIROLM, devenus le premier Vice-Amiral, le deuxième Con¬
tre-Amiral ; le Capitaine BERT, de l'Infanterie de Marine,
plus tard promu Colonel, et sa femme, sœur de M. GIROLM.
Le Commandant de la « Sirène » était le Capitaine de
ral
Vaisseau Baron NOURY.
C'était donc une véritable colonie que la « Sirène » avait
embarquée à destination de Tahiti, en novembre 1846.
La Reine avait été prévenue de mon arrivée. Aussi atten¬
dait-elle la présence du « Rhin » et convint-elle avec moi,
par l'intermédiaire de ses fils Arii Aue (qui lui succéda en
1877 sous le nom de Pomare V), Tamatoa et Terii Tapouni,
avec lesquels j'étais entré immédiatement en relations, qu'elle
viendrait à Papeete, le samedi 15 avril et qu'elle m'attendrait
à 3 heures de l'après-midi chez elle.
Le Gouvernement français lui avait fait bâtir un palais, voi¬
sin de la grande case qu'elle préfère et qu'elle habite toujours.
On y accède par une large allée qui aboutit à la rue de Ri¬
voli, principale artère de la ville, belle avenue ombragée d'ar¬
bres magnifiques.
Société des
Études
Océaniennes
�—
Elle était
en
termes
assez
882
—
froids
ticulier Gilbert PIERRE,
elle avait quitté
avec
le Commandant par¬
de sorte que depuis quelque temps
Papeete pour habiter chez sa bru, Moe, à
Faaa, village distant de quelques kilomètres, résidence du
Père COLLET, dont il était le Curé.
Ayant appris la présence de la Reine chez elle, Mr Gilbert
PIERRE vint la voir
contrariée
un
peu avant mon arrivée. Elle
en
fut
aussi, prêtant peu d'attention à l'entretien qui avait
lieu par interprète, elle surveillait attentivement l'allée
qui de¬
vait me conduire auprès
d'elle et, dès qu'élle m'aperçut, quit¬
tant brusquement son
visiteur, elle sortit, s'élançant en courant
à ma rencontre ; elle
m'appela plusieurs fois par mon prénom
tahitien « Te Arai Tua » et me tomba dans les
bras, en m'embrassant avec effusion. Puis, nous revînmes ensemble vers
:
demeure.
sa
Le
Commandant Gilbert PIERRE eut naturellement lieu
d'être étonné du manque de forme du
départ précipité de la
Reine et de la scène qui s'offrit à ses
regards, lorsqu'il vit la
Reine embrasser, sans hésiter, le
jeune officier qui se pré¬
Cercle, aux quelques personnes qui
s'y trouvaient, interprétant d'une façon peu favorable les
attitudes respectives de cette vieille Reine et de ce
jeune en¬
seigne. Il en fut pour sa courte honte, lorsqu'il sut la réalité de
sentait. Il
en
fit part,
au
la situation.
Pomare comprenait assez bien le
français, mais elle ne le
pas, ou ne voulait pas le parler, de sorte que notre
conversation exigea un
interprète. L'entretien dura naturelle¬
ment un certain
temps, étant donné tout ce que j'avais à lui
dire et que j'étais
chargé de lui transmettre de la part de tous
ses anciens
amis. Elle m'en demanda des
nouvelles, insistant
surtout les termes affectueux de leurs relations et
les excellents
souvenirs qu'elle avait conservés de tous ses
amis, les Officiers
parlait
Supérieurs de la Marine qui s'étaient succédés à Tahiti
comme
Gouverneurs !
«
Ah !
me
disait-elle, du temps de tes parents,
naissait le Commandant
le
nom : du PETIT
TIIOLARS,
—
«
Tomandant
»
—
on
ne
con¬
que par son
BRUAT, LAVAUD. Les relations
agréables. Aujourd'hui, ce n'est plus la même chose.
On ne dit plus, on ne sait
plus le nom du Commandant. On
parle toujours du « Tomandant » et quand, il est remplacé,
c'est encore le « Tomandant »
que l'on invoque. On est bien
obligé de l'accepter, mais on ne l'aime pas ».
étaient
Société des
Études Océaniennes
�—
883
—
J'allais la voir,
chaque jour où je la savais présente à Pasa part et de celle de toute sa famille,
où je vis de bien jolies jeunes filles, un accueil aussi aimable
que possible. N'étais-je pas des leurs, son fils, le frère de ses
enfants dans ce beau pays où l'adoption des enfants a une si
peete. Je recevais de
grande importance, et est si courante
Le « Rhin » quitta Papeete le mercredi 10 mai 1876, à 9
heures du matin, se dirigeant sur Valparaiso, où il arriva le
20 juin, et j'emportais le plus délicieux souvenir de tout ce que
j'avais vu et de toutes les prévenances et amabilités dont
j'avais été l'objet pendant ce mois de séjour dans mon beau
pays natal.
;
J'avais bien essayé de retrouver ma nourrice. Vivait-elle
encore ?
Je savais qu'elle était retournée depuis longtemps
dans son île de Moorea. Je crus parfois réussir, mais, malheu¬
reusement, rien ne devait aboutir. Peut-être aurais-je été plus
heureux, si j'avais pu, moi-même, faire des recherches à
Moorea ; mais mon service ne m'en donnait ni les facilités, ni
le temps, et je dus me résoudre à abandonner un projet qui,
pourtant, me tenait bien au cœur.
A un séjour ultérieur que je fis à Papeete, au cours de ma
campagne dans le Pacifique (1888-1890), le 5 septembre 1888,
j'étais allé avec le Prince Hinoi, chez un vieil interprète, pour
la traduction d'une lettre qu'Hinoi venait de recevoir de l'île
de Borabora, dont sa femme était Reine.
,
Hinoi était
du Roi Pomare V qui avait succédé à sa
il était le fils de feu le Prince Joinville, frère
cadet du Roi (que nourrissait la Reine, lorsque je naquis). Sa
femme, Mareva-rua, (*) fille d'un autre frère du Roi, Tamatua,
(**) était Reine de Borabora.
Ce vieil interprète, qui avait, parait-il, 67 ans fut bien éton¬
né lorsque Hinoi lui eut dit qui j'étais. Il me raconta alors que
c'était lui qui avait procuré à mes parents la nourrice que
l'on recherchait pour moi.
mère
en
Voici
de
*
son
neveu
;
récit
:
A la demande du
«
«
1877
l'époque, chez
Gouverneur, j'allai, dans l'unique voiture
première femme, Arii Peu, belle-
une
Teriimaevarua
* *
Tamatoa
Société des
Études
Océaniennes
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«
sœur
«
qui
Reine, Arii Faite, (***) femme très fière
répondit qu'elle avait peur et qu'elle ne voulait pas
un enfant
étranger.
revins à Papeete, chez le Gouverneur LAVAUD, qui me
mais enfin, il faut bien que cet enfant puisse boire.
«
«
dit
«
«
«
«
«
Je
:
Comment faire ?
« Laissez-moi
ce
soin, lui ai-je répondu. Il y a, à côté de
belle jeune femme, mariée à un moutoi (agent
de police tahitien) qui nourrit uu petit. Elle est aussi belle
femme que la mienne et elle acceptera j'en suis sûr d'allaiter
chez
cet
«Je
«
«
«
«
«
«
«
«
«
—
du mari de la
me
nourrir
«
884
moi,
une
enfant.
alors
retournai
chez
moi.
Je
demeurais
en
face
de
la Gendarmerie
actuelle, et, moins d'une demi-heure après,
j'arrivais avec ma femme et votre nourrice à l'hôtel du
Gouvernement où nous étions attendus avec une grande impatience. On s'extasia sur la beauté de la femme que j'amenais et l'accueil que vous lui fîtes, une fois
que Madame votre mère, l'ayant agréée, elle eut consenti à vous nourrir,
prouva qu'elle vous convenait fort bien, car vous êtes bien
resté à son sein au moins près d'une heure, sans vouloir
l'abandonner.
Dès lors, vous revîntes avec nous à la maison. Tous les
jours Mr Motet et votre mère venaient vous voir ; et, tous
« les
soirs, lorsque je revenais du Gouvernement où je tra« vaillais
sous les ordres de Monsieur votre
père, je me distrayais en vous prenant dans mes bras et en vous promenant
comme cola,
comme si vous aviez été mon enfant. Ah 1 vous
veniez parfaitement, si bien que, vers neuf mois, on vous a
sevré, et cela, sans que votre santé en eût aucunement souffert, car vos parents désiraient vous avoir avec eux ».
Que de souvenirs évoqués par cette conversation ! Ce vieux
Barf (c'était son nom, il devait être d'origine anglaise) ne se
rappelait plus le nom de sa nourrice. Je le lui ai dit : « C'est
bien cela, a-t-il ajouté. Mais elle existe 1 Elle doit être à Moorea, si elle ne se trouve pas à Tahiti. Je vais lui écrire 1 »
«
Alors, lui ai-je répliqué, faites-lui savoir que je suis à
bord du « Duquesne » et que je serai très heureux de la revoir
l'an prochain, quand nous reviendrons. Pour le moment, il n'y
faut pas y songer, car nous sommes en partance pour
la Côte
d'Amérique ».
«
«
«
«
«
«
«
* * *
Ariifaaite
Société des
Études
Océaniennes
�—
885
—
répétait toujours : « Mon Dieu ! Comme
étranges ! Comment se peut-il, com¬
ment croire que l'enfant que j'ai connu si petit, que j'ai pro¬
mené si souvent dans mes bras, que j'ai soigné comme un des
miens, soit cet officier distingué que j'ai devant mes yeux ! ».
Hélas ! Le « Duquesne » est bien revenu à Tahiti l'année
suivante, mais il m'a été impossible de retrouver ma nourrice
Taiototo (Pataata Vahiné — vahine veut dire femme). L'Ami¬
ral hâtait son inspection générale dans l'Ile ; il était très pressé
de se rendre à Nouméa. Notre long séjour sur la Côte d'Améri¬
que, au Callao, à Panama où la cessation des travaux nous
retint trois longs mois (nous y étions arrivés le 1er janvier
1889), puis à San Francisco, où nous dûmes passer au bassin,
le vieux
Et
Barf
les choses de la vie sont
nous
avait bien retardés !
Puis, le retour en France était en perspective, après une
longue campagne de plus de deux ans ! Il fallait écourter le
séjour a Papeete et je dus renoncer à aller à Moorea, l'Ile
si voisine, essayer de retrouver cette nourrice qui ne donnait
signe de vie, malgré les recherches dont elle avait été l'ob¬
mon absence.
Et ce fut pour moi une réelle déception !
pas
jet
en
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Études
Océaniennes
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même il cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
2°
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té, sont invités à devenir Membre à vie :
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Bulletin de la Société des Études Océaniennes (BSEO)
Description
An account of the resource
La Société des Études Océaniennes (SEO) est la plus ancienne société savante du Pays. Depuis 1917, elle publie plusieurs fois par an un bulletin "s’intéressant à l’étude de toutes les questions se rattachant à l’anthropologie, l’ethnographie, la philosophie, les sciences naturelles, l’archéologie, l’histoire, aux institutions, mœurs, coutumes et traditions de la Polynésie, en particulier du Pacifique Oriental" (article 1 des statuts de la SEO). La version numérique du BSEO dispose de son ISSN : 2605-8375.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
2605-8375
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Établissement
Université de la Polynésie Française
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 125
Description
An account of the resource
Histoire
- Quarante ans de navigation dans le Pacifique. Le capitaine au long cours bordelais Arnaud Mauruc 1800-1872 (L. Jore) 863
- Extrait des souvenirs du Contre-Amiral Motet Charles-Edouard 877
Source
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Société des Études Océaniennes (SEO)
Publisher
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Société des Études Océaniennes (SEO)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1958
Date de numérisation : 2017
Relation
A related resource
http://www.sudoc.fr/039537501
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
1 volume au format PDF (32 vues)
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Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
Imprimé
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
PFP 3 (Fonds polynésien)