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Bulletin
DE
Il
Société
la.
des
ï
ÉTUDES OCÉANIENNES
No
54.
(N° 13)
TOME V
JUIN
Anthropologie
Histoire
—
des
—
1935
Ethnologie
Institutions et
—
Philologie,
Antiquités
populations maories.
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
Océanographie
—
Sciences naturelles
Tourisme.
IMPRIMERIE
A
DU
GOUVERNEMENT
PAPEETE
(TAHITl)
�Les articles
...teur
publiés dans le Bulletin fexceptés ceux dont l'auses droits, peuvent être Traduits et reproduits
expresse, que l'origine et l'auteur en seront men¬
réservé
a
à la condition
tionnés.
Toutes communications relatives
Papeete, Tahiti,
ce
au
$i(!ÏÉin
au
président.
Musée
Boîte
ou
à
110,
:
Lè Bulletin est
Prix de
a-u
doivent être adressées
Société.
la
envoyé gratuitement à tous ses Membres.
numéro
10
Cotisation annuelle des Membres résidents
♦
...
en
pçiys
français
Cotisation annuelle des
>
3*0 francs.
*
'
Cotisation annuelle des Membres résidents
r
fr. i>
étrangers
SOUSCRIPTION UNIQUE,.
pembre à vie résidant
en
France
Membre à vie résidant à
ou
,
40
francs.
3
dollars.
,.v
.
dans ses colonies. 300 fr.
l'Etranger, six livres sterling
ou
trente dollars.
;
.
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•'
v
Avantages de se-faire recevoir Membre a vie pour cette som¬
me versée une fois pour toutes. (Article 24 du Règlement Into
r-i jui\ Buljetiuy
17 et N° 29).
" \
i° Le Bulletin continuera,à lui
être adressé, quand bien même
il cesserait d'être Membre résidant à Tahiti.
20
L'intérêt de cette
revenu
modique somme assure à la Société
supérieur à la cotisation annuelle de 30 fr.
un
3° Le Membre à vie n'a plus à se préoccuper de l'envoi ou du
paiement de sa cotisation annuelle, c'est une dépensé et un souci
de moins.
Mu
conséquence
sont invités
a
:
Dans leur intérêt et celui de la Société,
devenir Membre
TOUS CEUX
a
vie
:
qui, résidant hors Tahiti, désirent recevoir le
Bulletin.
TOUS LES jeunes Membres de la Société.
TOUS CEUX
qui, quittant Tahiti s'y intéressent quand même.
Société des
Études Océaniennes
�jBWifc&aœaw
DE
SOCIÉTÉ
LA
D'ÉTUDES
OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME V
IV" 51.
—
(N° 13)
JU1ÎV
1ÎKÎ5.
SOMMAIRE
Pages
Actualité.
Le musée de
Papeete,
par
H. Lavachery
473
par
H. Bodin
481
Tourisme.
Pour
émigrer à Tahiti,
Folklore.
Légende marquisienne, par Tahiaoteaa
Légende des Tuamotu
L'origine du Cocotier, par Y. Malardé
490
498
Divers.
Bibliographie
Liste complémentaire des Membres de la S.E.0
Société des
Études
Océaniennes
501
302
�\
Société des
Études
Océaniennes
�LE
MUSÉE
DE
PAPEETE.
{Extrait des articles publiés par M. Henri LAVACHERY, dans le
Petit Parisien " des 8 et 13 mai 1935).
"
Note de la rédact ion
:
Le navire-école belge " Mercator", rapatriant la mission
franco-belge, chargée d'études archéologiques et ethnogra¬
phiques à l'Ile de Pâques, a l'ait escale à Tahiti pendant
quelques jours, vers la fin de janvier.
M. Henri Lavachery, Directeur du Musée Archéologique
du Cinquantenaire à Bruxelles et le Dr Métraux, Délégué du
Ministère des Colonies et du Musée du Trocadéro, ont bien
voulu, à différentes reprises, visiter le Musée et la Bibliothè¬
que des Etudes Océaniennes.
Bien que nous ne partagions pas entièrement les idées de
M.
Lavachery
au
sujet des Musées locaux, il
nous
paraît in-
téressantetsurtoututile, de faire connaître aux Membres de
notre Société l'opinion d'un savant aussi averti touchant le
Musée de Papeete dont la Société des Etudes Océaniennes
assure la garde et l'entretien.
EN
REVENANT
TAHITI
Le navire-école
ET
DE
ETRE DE
DATEES,
LES ARTS DU PASSÉ.
belge " Mercator ", nous ramène de l'île
Pâques par les 'chemins d'Océanie. Tahiti a toujours attiré
les marins, depuis que Bongainville secrutrevenu au temps
des sirènes. Je laisserai à d'autres le soin de peindre à nou¬
veau "les plaisirs de l'isle enchantée".
Je connaîtrai donc de Tahiti ce qu'il était de mon métier de
voir et qui, du reste, m'attirait particulièrement : Je veux par¬
ler du Musée de Papeete. Sa richesse propre non moins que
de
�—
474
—
les services
qu'il rend et ceux qu'il pourrait rendre, méritent
métropole.
Commençons par une déclaration qui me mettra à l'aise
pour parler de l'effort particulier réalisé à Tahiti. Je suis, en
principe, résolumenthostile à tous ces petits musées locaux.
J'estime que les pièces que renferment ces collections ne
sont nulle part mieux logées que dans le musée de la
capitale.
En l'espèce, les objets exposés et conservés à Paris s'assu¬
rent du même coup, outre la conservation la plus parfaite,
l'audience scientifique la plus étendue et la certitude d'être
vus et étudiés par
les meilleurs spécialistes en la matière. Je
connais ainsi, en Belgique aussi bien qu'en France, des
piè¬
ces de tout premier ordre qu'un nationalisme local conserve
jalousement dans des musées d'hôpitaux militaires ou d'u¬
niversités provinciales. Les pièces y sont perdues. Elles cou¬
rent le danger d'y être volées ou détruites
par l'incendie,
l'humidité, etc. Personne ne les y va voir et, si on y va, les
conditions d'exposition sont si détestables qu'on arrive aies
voir que fort mal. Cela est donc bien posé, je déteste le mu¬
sée de province et le considère comme un mal, du moment
qu'il accapare des pièces qui y sont isolées. Il est absurde
que le musée de l'hôpital de la Rochelle, par exemple, con¬
tienne de merveilleux " tikis " en jade de la Nouvelle-Zé¬
lande, à la merci des larrons, tandis que le musée d'ethno¬
graphie du Trocadéro de Paris, qui est le plus grand musée
d'ethnographie de France et qui fait un effort surhumain pour
devenir l'un des plus beaux du monde, malgré la compres¬
sion des budgets, ne possède point de ces "tikis" !
Autant, d'autre part, me paraîtrait digne d'intérêt et de
soutien officiel un musée qui à la Rochelle, par exemple pré¬
tendrait réunir tous les souvenirs du protestantisme rochelois, des campagnes marines de ses corsaires, etc.
Le musée de Papeete participe malheureusement des deux
cas opposés cités
plus haut; il est un musée d'intérêt local
en ce sens que les
antiquités polynésiennes sont bien du passé
l'attention de la
direct de l'endroit où il se trouve.
Mais il contient aussi les pièces isolées
perdues, parce qu'il
trop tard. D'autres musées se sont for¬
més avant lui (et citons encore une fois le
Trocadéro) qui
ont déjà des séries plus complètes que
Papeete ne possédera
fut commencé mal
ou
Société des
Études
Océaniennes
�475
—
—
.jamais el auxquelles manqueront cependant les pièces que
Papeete détient.
Notez que les pouvoirs dirigeants ne sont nullement fixés
eux-mêmes sur la politique à observer vis-à-vis du musée
-de Papeete. D'une part, un arrêté observé avec la dernière
des sévérités interdit,
ou
du moins soumet à licence l'ex¬
portation de n'importe quel objet appartenant à l'ancienne
culture, si petitsoit-il ! C'est le signe qu'on entend donc, du
moment qu'il s'agit d'objets mobiliers, les diriger tôt ou tard
vers
le seul conservatoire officiel.
D'autre part on supprime à celui-ci toute
-des. Il faut être habitué au luxe strict des
espèce de subsigrands musées
d'Europe, à leur raffinement de socles, de vitrines, d'éclai¬
rage, d'étiquettes pour réaliser la grande misère d'un musée
comme celui de Papeete. Les objets précieux de grande
taille sont rangés le long des murs sur des socles en caisses
d'emballage. Les petits objets s'empilent dans des montres
semblables à celles de marchands de confiserie dans les
foires. Rappelez-vous les sucres de pomme enrubannés"
Aux délices des douceurs de
Nancy ". Mais les vitrines de
Papeete, ont vieilli; elles " font poussière " de toutes parts.
Un jour prochain elles s'écrouleront.
Et cela notez-le bien, au milieu de la sollicitude générale.
Car le musée de Papeete est entouré de sollicitude. Le gou¬
verneur des Etablissements français d'Océanie, M. Lucien
Montagné, qui est un philologue, rompu à toutes les disci¬
plines scientifiques, ne pouvait manquer de montrer de l'in¬
térêt à un établissement vers lequel ses goûts et ses connais¬
sances le portent Lout naturellement. La Société des Etudes
Océaniennes, qui groupe tous les hommes de science et les
-lettrés de la Colonie, a la garde de ce musée où se trouvent
sa bibliothèque et sa salle de réunions. Elle a fait ce
qu'elle
pouvait faire de mieux en faveur des collections: déléguer
d'un des plus érudits de ses membres, M. H. Bodin, pour en
être le directeur. M. H. Bodin sait naturellement beaucoup
■mieux que moi tout ce qui manque à son musée. Mais que
iaire lorsqu'on est entièrement désarmé ?
Objets océaniens.
Ceci
posé, analysons les collections de Papeete. Elles
oc-
�—
470
—
cupent un local situé au fond d'un jardin que commandent,,
du côté de la rue, des bâtiments de la police.
Des
flamboyants mettent
sur le chemin que l'on suit, che¬
pavés s'encadrent d'herbe, un reflet pourpre et
cruel. C'est là que se dressent les deux statues enlevées ré¬
cemment dans l'ile Raivavae, l'une des îles Australes ou îles
françaises au Sud de Tahiti.
Ces statues représentent un type de transition entre celles
de l'île de Pâques et celles des Marquises. Le
masque rap¬
pelle déjà la grossièreté fruste des faces des "tikis" de
guerre de Tahiti. J'ai été très heureux de voir ces statues,
min dont les
car
il m'aurait fallu faire
un long
voyage pour les contem¬
deux ans
C'est au premier étage du bâtiment où nous venons de
pé¬
nétrer que se trouvent les collections qui nous intéressent.
Les statues de bois des Marquises retiendront tout d'abord
notre attention. Papeete possède certainement l'une des
plus
colossales du monde. Elle a près de quatre mètres de haut
pler il
y a
et son diamètre est de deux mètres.
Elle
a
été taillée dans
seul tronc d'arbre etle haut de la tète se déploie en éven¬
tail là où le faisceau des premières branches se réunissait à
un
leur base. Le type du Liki des
Marquises est connu. Des yeux,
énormes, arrondis, très légèrement tracés par deux traits
parallèles à la surface du cylindre de la tète, surmontent,
sans laisser
place à un nez, une bouche de grenouille. Le
corps rassemble autour du tronc les bras, dont les mains en¬
cadrent le nombril ; les jambes sont à demi fléchies. Le grand
tikide bois rappelle ainsi fortement les mêmes images faites
en pierre. Il en va tout autrement de trois autres statues de
bois, d'un mètre environ, qui sont non l.oin de la grande;
faites d'un tronc d'arbre élancé, d'un diamètre de 40 centi¬
mètre au plus, elles montrent, en dessous d'un visage
dont
les traits sont au complet, des membres
plus déliés, plus dé¬
tachés du tronc. Deux de
sorte de cage
de
ces
statues ont les honneurs d'une
empoussiérée ;
Dans la même salle, on trouve également une série de sta¬
tues en pierre, d'un mètre environ de hauteur,
provenant des
îles Australes. Elles sont du même style massif
(un rnarquisien grossier) que les grosses statues
du jardin et faites du
verre
même tuf rougeàtre.
Société des
Études
Océaniennes
�—-
477
—
Les collections de
Papeete comptent encore de nombreu¬
petites pièces, représentant des exemplaires de tous les
outils en pierre, en usage jadis. Les plus beaux sont les
pi¬
lons de trachyte grise dont les uns, ceux de Tahiti, portent un
manche transversal, du même bloc, qui permet l'appui de la
main. Ceux des Marquises ont le manche rond, arrondi en
boule, parfois taillé légèrement d'un double visage de tiki
aux grands yeux.
J'ai négligé de dire au début, et je m'en excuse, que la base
de la collection de Papeete est due à un frère de la
congré¬
gation des Sacrés-Cœurs de Picpus, ordre auquel appartient
aujourd'hui encore Mgr Nouailles. évêque de Tahiti. Ce reli¬
gieux collectionna de longues années puis, un jour, fit don de
ses
ses
récoltes à la Société des Etudes Océaniennes.
De cette
collection faite évidemment
avec
de très pau¬
moyens, proviennent quelques pièces admirables : un
casse-tête de chef marquisien en bois brun, si poli qu'il en
vres
est devenu
noir, tout orné de légers dessins à peine en relief,
pareils à ceux des tatouages; deux protubérances rectan¬
gulaires, de chaque côté de la massue marquent la partie
avec laquelle le chef, d'un
coup sec, faisait éclater l'os de la
tempe de son ennemi (1).
Un objet splendide et d'acquisition récente est aussi un
diadème de chef en écaille de tortue, alternant avec des pla¬
ques de nacre. Chaque panneau porte l'image d'un tiki déli¬
catement sculpté. Il est complet dans sa stylisation, qui rap¬
pelle celle de certains rois des anciens jeux de cartes anglais.
Derrière le diadème, pour en hausser les bords, se plaçaient
des barbes de vieillards finement montées et tressées. Cer¬
tains ancêtres faisaient ainsi, si l'on
peut dire, commerce de
d'avance, était
leurs charmes! Leur barbe réservée, vendue
l'objet de soins jaloux. Le jour où
d'un caractère religieux.
Le musée de
on
la coupait était
une
fête
Papeete contient aussi des trophées pris sur
allemand vonLukner, et des souve-
les marins du corsaire
(l) Cet objet, dont l'authenticité est indiscutable et connue depuis
première acquisition par le musée de Duncdin, fut échangé par les
soins delà S.E.O. avec des pièces figurant en double dansla collec¬
tion donnée à la Colonie par le R. Frère Alain, ancien Directeur de
l'Ecole des Frères do Ploërmel, de Papeete.. (Note de-la rédaction)-.
sa
�—
478
—
nirs d'histoire locale. Toul cela jure assez bien avec les mer¬
veilles
archéologiques dont nous venons de faire le rapide
catalogue. Mais les collections de ce genre sont la rançon dm
musée du type dit local, elles en sont inséparables. Elles
n'intéressent personne sauf les gens du cru.
M usée tic
Papcctc centre d'art indigène.
Il y a
si l'on veut, quelque prétention de ma part à prendre
position dans le débat, puisque, aussi bien, je lui suis fort ex¬
térieur! Mais outre ce débat, je viens en quelque sorte de le
créer (les gens de Papeete vivant fort bien au milieu de leurs
contradictions), j'envisage avant tout la conservation de quel¬
ques belles pièces archéologiques. Celles-ci sont du patri¬
moine
d'en
commun
de l'humanité et, à ce
prendre la défense, et même
titre, chacun a le droit
peut s'en dé¬
personne ne
sintéresser tout à fait.
Je
mets
je le répète,
personne à Papeete.
le gouvernement, par l'intérêt cons¬
tant qu'il lui porte ; son directeur, M. H. Bodin, par sa sciencg
et ses soins; la Société des Etudes Océaniennes, par son
intelligente supervision, ontparfaitement mérité un plusbeau
musée que celui qui leur échoit actuellement.
Seulement, un musée est un organisme vivant qui ne peut
subsister sans argent. Or, le musée de Papeete est privé, do¬
ne
Bien plus,
en
cause,
j'estime
que
rénavant, de toutes ressources. Ainsi,
d'un dilemme :
on se
Ou laisser la situation .dans le
trouve
en
face
-statu-quo et voir peu à peu
Papeete se détruire et disparaître faute d'en¬
tretien sérieux, ou bien les sauver en envoyant tout ce qui
est sujet à destruction et tout ce qui est transportable dans
la métropole.
On pensera bien, vu la déclaration de principe que j'ai faite
au début, que c'est cette dernière mesure qui rallie mes suffra¬
ges. Mais je me rends compte de tout ce qu'elle comporte
de difficile et même d'impossible dans le cas de Papeete. On
ne pourrait, à
première vue, sansnotoire injustice, décapiter
la Société des Etudes Océaniennes d'une de ses principales
raisons d'être et d'agir. Et ceci nous ramène à notre point
les collections de
Société des
Études
Océaniennes
�—
-de
départ: il faut accorder
/i 79
au
—
musée de Papeete les subsi¬
des nécessaires.
Ceux-ci devraient être
employés, sans tarder, à l'établisse¬
catalogue moderne, sur fiches, accompagné de
photographies de toutes les pièces. Ces photos seraient four¬
ment d'un
nies à tous les musées étudiant l'Océanie. Ainsi, il serait re¬
médié, dans la
tère si
mesure
çlu possible,
désespérément local, à
a
l'isolement, au carac¬
du musée de Pa¬
mes yeux,
peete.
Pour que ce
catalogue offre toutes les garanties, on ne voit
pourquoi la colonie ne ferait pas appel à uu spécialiste
d'un musée de Paris qui, parla même occasion, dresserait
le catalogue des monuments a conserver dans les autres
îles des Etablissements français de l'Océanie. 11 est naturel,
en effet, que, si l'on prétend conserver les monuments an¬
ciens, c'est-à-dire les empêcher de sortir des îles, on connaisse
un parun. on décrive et on photographie tout ce
que l'on pré¬
tend conserver. De cette manière, le musée de Papeete de¬
viendrait l'annexe, le prolongement océanien du Musée
-d'ethnographie de Paris. Et un pareil projet ne devrait pas
■s'arrêterà l'Océanie. Les autres colonies françaises ont droit
à un traitement similaire, dont profiterait largement la scien¬
ce française et surtout l'ethnographie, cette Cendrillon par¬
mi les disciplines scientifiques qui intéressent la France.
Pour en revenir à l'Océanie, on pourrait voir dans ce re¬
nouvellement du musée de Papeete l'origine de tout un mou¬
vement destiné à rendre à la population indigène un intérêt
a la vie
plus proprement nationale. A Papeete, on estparvenu
à faire renaître des chants, des danses anciennes. Dans les
autres îles persistent encore à cet égard les tabous édictés,
dès l'origine, parles missionnaires catholiques. Ce n'est pas
diminuer une œuvre que j'admire profondément que de dire
à ces bons pères que, dans beaucoup de cas, ils se sont trom¬
pés. Ces danses et ces chants auxquels ils prêtaient un carac¬
tère païen et érotique sont parfois entièrement différents...
11 y a encore, d'autre part, quelques arts indigènes qui se
pratiquent avec une mollesse qui chaque jour grandit.
Coupes en bois, noix de coco sculptées, tapas, statuettes
-en pierre
ou en bois, etc. : ces arts ne sont plus ou moins en¬
couragés que par des marchands qui en profilent. Pourquoi
pas
�—
le musée de
nouveau
'«80
—
Papeete ne deviendrait-il pas le centre d'un re¬
indigène'? La conservation des ouvrages
de l'art
anciens, proposés comme modèles aux artisans
d'aujour¬
d'hui, deviendrait dès lors d'utilité nationale. Un
comptoir
de vente de ces
ouvrages pourrait être établi au même mu¬
sée. D'où
de revenus modestes qui viendraient s'a¬
subsides gouvernementaux indispensables.
Pour tout cela le concours d'un
spécialiste de la métropole
pourrait être infiniment utile, car il assurerait le lien direct,
jouter
source
aux
nécessaire autant que les subsides, avec la France. Le renou¬
des arts indigènes océaniens ne
pourrait, en effet, se
développer sans que le goût parisien, et même le snobisme,
si nécessaire aux arts, ne lui accorde droit
de cité.
veau
L'Océanie, et tout particulièrement Tahiti,
siteur
un
exerce sur
le vi¬
charme d'autant
plus profond qu'il est tout impré¬
gné de mélancolie. Les paysages d'une beauté à la fois si ri¬
che et si grave sont
dépeuplés de leurs vrais habitants. Ces
habitants eux-mêmes, d'une grâce et d'une finesse
d'esprit
incomparables (combien de fois ne les avons-nous pas, au
cours d'un
long commerce avec eux, comparés aux Grecs
de l'antiquité?) disparaissent
peu à peu, fondus dans le mé¬
tissage, et surtout parce qu'en tant que Polynésiens, ils n'ont
plus de raison profonde de vivre.
D'où la mélancolie d.'un
voyageur conscient. Mais cette
mélancolie se révolte contre elle-même, car aussi bien elle
veut rendre à ces peuples
qu'on ne peut se retenir
d'aimer,
goût à l'existence dont notre contact insouciant les prive.
L'encouragement à un retour aux arts du passé, aux chants,
aux danses
peut être un agent de ce renouveau de bonheur.
Le musée de Papeete doit devenir un des centres de
cette
action, tant par les modèles qu'il peut proposer
que par un
mouvement qu'il est tout spécialement à même
d'entrepren¬
ce
dre.
Peut-être voudra-t-on prêter l'oreille à
flexions d'un passant.
ces
quelques ré¬
Henri LAVACHERY.
Honolulu, 25 février 1935.
Société des
Études
Océaniennes
�TO'USlESàaES
Pour
Le choix d'un
émigrer à Tahiti.
refuge de paix et de sécurité.
Pour éviter l'incertitude de l'heure
présente, ainsi cpie les
tourments
économiques et sociaux qu'elle occasionne, un
nos
concitoyens, séduits par la renom¬
nombre croissant de
mée dont la Colonie
jouit dans le monde, en même temps
la foi dans l'efficacité de son éloignement, pense à
quitter la France pour aborder nos rivages, et s'y fixer dans
la paix et la
tranquillité.
que par
Munis de quelques renseignements et de leur
ils partent de Marseille sur un
"fortune",
paquebot des Messageries
Maritimes;
un mois et demi, durant la
traversée, les voilà
leurs espérances et pas mal d'illusions. La
pre¬
mière faute qu'ils commettent
(sans
seuls
avec
compter parfois celle
rendre malades, pendant le voyage, par
manque d'exercice et excès d'alimentation carnée, ils débar¬
quent. ayant navigué sans joie et sans profit, moins valides
de
partir) c'est de
à l'arrivée
se
qu'au départ.
C'est alors que commencent les hésitations et la
dissolulion assez rapide des
énergies naguère si solides. La fatigue
du voyage (lisez : intoxication
alimentaire), le climat doux
mais un peu chaud et aussi ce charme
spécial à Tahiti qui
enchante le voyageur, quel que soit son niveau social;
tout
cela est
du
un
apaisement qui endort l'activité organisatrice
nouveau venu.
Est-il riche, et
en conséquence classé comme
désirable, il
qu'il peut souhaiter, à commencer par l'em¬
pressement éclairé et parfaitement gratuit du
Syndicat d'Ini¬
trouvera tout
tiative
ce
Bureau du Tourisme. Cette association des
notables
aussi bien organisée que dans toute autre de nos
colonies, est la Providence des touristes de foutes classes et
de toutes nationalités, elle remplit son rôle dès leur
arrivée
mais ne peut rester le guide
au
du pays,
complet, bon
et toutes les demandes. Elle fait
tout
ce
pour tous les cas
qu'elle peut, puis
à chacun de s'aider et le ciel donnera le
reste.
Une question se pose: Est-ce
que /'amateur de paix et de
tranquillité sait suffisamment ce qu'il veut et l'adaptation
Société des
Études
Océaniennes
�qu'il est personnellement capable de réaliser? Car ce n'est
le nouveau milieu qui doit se soumettre à lui, mais au
contraire c'est lui-même qui doit s'adapter aux circonstances
pas
locales, matérielles et morales.
Elles sont variables suivant les îles et de leur connaissance
dépend
un choix de la plus haute importance pour le but à
atteindre. Il serait à souhaiter qu'un examen psychotechni¬
que de chaque postulant à la recherche d'une existence plus
facile, puisse être établi avant le départ, la fiche une lois
remplie il ne resterait plus qu'à indiquer l'île la mieux appro¬
priée à chaque cas particulier. Sans attendre un résultat
aussi absolu essayons de nous en approcher par la raison :
Les "riches" qui débarquent n'ont peut-être pas droit au
royaume des cieux, mais en attendant qu'ils le méritent,
Tahiti. La Perle clu Pacifique, leur offrira tout ce qu'ils dé¬
sirent: Fêtes indigènes, festins copieux, visite des sites et
plaisirs exotiques nouveaux.... Les uns achètent une pro¬
priété, (parfois pour y trouver l'ennui au point de vouloir peu
de temps après retourner dans leur pays d'origine) les autres
et ce sont les sages, se rendent compte que la nature harmo¬
nieuse qui les entoure mérite autre chose que des joies ar¬
tificielles et frelatées, oùl'égoïsme règne en maître, alors ils
simplifient leur existence, s'intéressent aux sciences ou à
des œuvres sociales, montrent aux indigènes l'exemple
d'une vie saine et active et cherchent à leur venir en aide par
des dons utiles à la collectivité. Pour ceux-là tout est beau
et
agréable.
L'altruisme,
source
de bonheur.
Un
exemple remarquable de ce qu'un homme riche et cul¬
peut faire de bien, à lui-même et aux autres, est celui
d'un professeur américain qui est établi à Tahiti : En quelques
années sa propriété est devenue un jardin botanique où
chaque plante porte son étiquette. Il importe fréquemment
des variétés nouvelles et celles propres à l'alimentation sont
distribuées par graine ou par bouture. Sa roseraie est iné¬
puisable et le district où il réside offre, en bordure de la route
et dans toute son étendue, un jardin fleuri qui fait l'admira¬
tivé
tion des visiteurs.
Ce bienfaiteur aime à venir
Société des
en
Études
aide
aux
agriculteurs coura-
Océaniennes
�•geux vaincus par la crise, il paie leurs dettes et sans deman¬
der d'intérêts attend les remboursements à longue échéance.
Récemment
construire
il fit
à la Colonie
un
don de 50.000 frs. pour
pavillon d'hôpital, à l'usage des contagieux...
11 est certain que ce philanthrope a su trouver à Tahiti des
satisfactions de l'ordre le plus élevé et que grâce à cela rien
ne manque à son bonheur,
D'autres sont des sportifs dont le "home " nous séduit par
l'élégance et le bon goût ; ils passent leur temps à chasser
les monstres marins, en particulier les nombreuses variétés
d'espadons. Certains sont artistes, littérateurs, ou musiciens
etc... voilà pour les privilégiés de la fortune.
Quant à ceux qui désirent une vie moins coûteuse, le choix
judicieux de leur établissement est plus compliqué, Pour eux
il faut passer en revue tous les archipels, car la seule île de
Tahiti n'offre pas les mêmes possibilités, au moins pour les
petites bourses.
un
Les Iles
Marquises.
Cet
archipel situé entre 7° 50' et 10"30' Sud jouit d'un climat
chaud avec des périodes (plutôt que des saisons) de
pluies et de sécheresse. La population qui était en 1813 de
60.000 habitants d'après David Porter n'en a que 2.000 au plus
en 1935, répartis dans 6 îles sur 10 que compte l'archipel.
Les vallées dépeuplées donnent l'impression de nécropoles
abandonnées, où les fruits jonchent le sol envahi par la
assez
brousse.
Beaucoup de concessions appartenant aux Domaines de
sans demande. 11 y a également des propriétés
-à vendre à des prix modérés.
*Soyez végétariens : Aux Marquises, comme partout ailleurs,
la vie est d'autant plus facile pour le nouvel arrivant qu'il a
des aptitudes pour devenir un "végétarien complet". Ce n'est
pas que le poisson et la viande manquent, il y en a, surtout
pour le chasseur de chèvres et de porcs sauvages, mais non
seulement c'est une rude tâche de courir chaque jour après
sa proie, mais la santé, la vigueur intellectuelle et physique
ne peuvent être acquises que parles énergies solaires natu¬
relles et gratuites contenues dans les fruits et les légumes.
On les cueille partout et le moindre effort de culture en
l'Etat restent
�—
484
—
l'abondance. Il faut
aux Marquises, comme dans
tropicales, suivre ce mode d'alimentation;
c'est le moyen de se libérer de toutes les difficultés maté¬
rielles et de ne plus subir de privations, tout en évitant les
assure
toutes les îles
maladies.
Distractions scientifiques: Tout en cultivant son jardin,
(comme Candide), il existe aux Marquises des matériaux de
premier ordre pour l'étude ethnologique et archéologique
d'une race en voie de disparition. Les vieux autels du paga¬
nisme, les statues mégalithiques, les sépultures remplies
d'objets anciens, témoins d'un art remarquable, se cachent
aux flancs des montagnes sous une végétation envahissante.
Beaucoup d'auteurs en ont parlé, mais le champ des recher¬
ches est
encore
abondant et varié.
Ces dernières années des tentatives de colonisation et d'ex¬
ploitation agricoles par des sociétés françaises et tchéco¬
slovaques ont échoué au cours de la crise. Quelques indivi¬
dus isolés de race blanche y vivent heureux.
Récemment une trentaine de familles belges avait l'inten¬
tion de s'y rendre. Le capitaine d'un bateau de leur nationa¬
lité (1) qui devait visiter l'île principale Noukahiva a cherché
en passant à Papeete (Tahiti) à se renseigner sur l'archipel,
auprès des personnes les plus expérimentées, en particulier
des missionnaires. La note générale fut de décourager l'or¬
ganisateur de ce projet. Pourtant? Si ces 30familles de chô¬
meurs
pouvaient comprendre et pratiquer la vie simplifiée
dans un cadre naturel paradisiaque, loin du froid et des
brumes du Nord, sous un soleil d'éternel printemps, elles
comprendraient que tout cela vaut mieux que les privations
et le chômage forcé, elles n'hésiteraient pas à se rendre en
Océanie. Là se trouve l'abondance végétarienne et tous les
trésors naturels gratuits les plus conformes aux besoins des
hommes, tandis que dans la vieille Europe c'est la perte de
la dignité humaine dans la sombre et incurable misère d'une
civilisation qui menace de tomber en ruine, qui les attend.
Les Iles Marquises conviennent surtout à de petits groupe¬
ments bien organisés et que la vie simple et sans ambition
libérera des soucis matériels.
(i) Le Navire-Ecole "Mercator" de l'Association Maritime Belge-
>o<
les O
�Les Tuamotu
Cet
ou
Iles Basses.
archipel formé de 80 atolls madréporiques élevés de
de la mer ne figurent géné¬
2 à 3 mètres au-dessus du niveau
dans la nomenclature des îles à coloniser: Les
manquent et la consommation des conserves est
coûteuse et malsaine. Le cocotier et les produits de la mer
en sont les seules ressources. Pas de fruits, pas de terre vé¬
ralement pas
vivres frais
gétale convenable pour faire un
jardin, pas de rivière pour
puiser l'eau d'arrosage, et quand les pluies tardent le liqui¬
de saumâtre dont se contente l'indigène pour boisson, n'est
guère engageant pour un Européen.
Par contre le propriétaire d'une cocoteraie n'a pas de frais
d'entretien, la brousse n'existe guère et le coprah d'une qua¬
lité exceptionnelle atteint toujours un prix plus élevé que
dans les îles volcaniques. Les terres à vendre sont rares et
souvent trop morcelées, Le climat, tempéré par la brise saine
de l'océan, serait le plus salubre que l'on puisse souhaiter
si les végétaux alimentaires ne manquaient pas.
Archipel des Gambie)'.
situées au Sud des Tuamotu. à 900
le tropique du Capricorne. Cet archipel
Les Iles Gambier sont
milles de
Tahiti,
sous
d'origine volcanique est composé de 10 ilôts très rapprochés
qui circonscrivent un lagon de 18.000 hectares. Les points
culminants sont le Mokoto et le Mt Dùff qui s'élèvent à 400
mètres de hauteur.
On y trouve les fruits tropicaux, mais ceux des climats
tempérés y poussent aussi bien. Les communications avec
Papeete sont assurées deux ou trois fois l'an par le bateau
du service postal intérinsulaire et des goélettes de l'arme¬
ment local.
Les ômigrants pourvus de ressources modérées, avides de
paix, d'isolement et de conditions hygiéniques excellentes,
trouveront aux Gambiers la satisfaction de tous leurs désirs.
En supprimant de la vie toutes les causes d'intoxications,
aussi bien physiques que morales (car l'inquiétude, la haine.
l'égoïsme
et toutes les passions basses empoisonnent
l'organisme aussi violemment que les mauvais aliments)
c'est sous les tropiques que l'on peut atteindre la longévité
la plus heureuse.
�—
486
—
Les
navigateurs comme Cook et Bougainville ont fait à cesujet des constatations particulièrement édifiantes et ce
qu'ils écrivaient pour Tahiti est aussi vrai pour lesGambier.
«
A l'ombre de ces charmants bocages, vous contem«
plez, de toute part, une multitude de maisons, qui parais«
sent n'être que des hangars ; mais suffisent pour mettre
«
les Naturels à l'abri de la pluie, de l'humidité et de 1 'in—
«
fluence de l'air; ces maisons sont remplies de monde et
«
les plus grandes contiennent plusieurs familles
«
Telle est la profusion des excellents fruits qui y croissent
«
sans cultures, que personne n'est embarrassé de pourvoir
...
«
à
«
taine
sa
Et
nos
subsistance
îles le 2 avril 1768
Tahitiens)
«
leurs
«
dans le
«
«
«
«
«
un an
sens
voyages
plus tard,
en
du Capi-
arrivant dans
:
L'heureuse vieillesse à laquelle
«
«
(Relations des
Cook)....
Bougainville écrivait
ils parviennent (les
sans aucune incommodité, la finesse de tous
et l'a beauté de leurs dents qu'ils conservent
plus grand âge, quelles meilleures preuves et de la
régime que suivent les
habitants ?
La viande et le poisson sont réservés à la
table des Grands, le peuple ne vit que de légumes et de
fruits
et ce régime sans doute contribue beaucoup à
les tenir exempts de presque toutes nos maladies. J'en
salubrité de l'air et de la bonté du
«'dirai autant de leurs boissons; ils n'en connaissent d'au«
«
très que l'eau, l'odeur seule du vin et de l'eau-de-vie leur
donnait de la répugnance ; ils en témoignaient aussi pour
«
le
«
fortes
tabac, les épiceries et en général pour toutes les choses
Je n'ai jamais rencontré d'hommes mieux
«
faits ni mieux proportionnés
etc....
Depuis les 167 ans qui se sont écoulés, après le passage de
Bougainville, les 240.000 habitants qui vivaient à Tahiti et
les 3.000 des Gambiers sont en partie anéantis. Leur répu¬
gnance pour les choses fortes avait malheureusement cessé
depuis longtemps, en outre au lieu de leur enseigner YEvan¬
gile du Soleil, cher à Allain Gerbault, et qui était naturelle¬
ment le leur, notre pauvre civilisation les a tués avec toutes
les drogues dites alimentaires ou médicinales, avec nos ma¬
ladies et surtout l'usage des vêtements superflus, toujours
nuisibles
sous
des climats aussi bienfaisants.
Société des
Études
Océaniennes
�Les Tubuai
on
Iles Australes.
Raivavai, Tubuai, Rurutu et Rimatara, jouissent d'un cli¬
tempéré comme celui des Gambier et présentent des
mat
conditions générales identiques. La population est plus nom¬
breuse que dans les archipels précédents et l'occupation
des terres laisse moins de
propriétés disponibles. Souvent
Européens qui ont fréquenté ces rivages hospitaliers
n'ont pas cherché à en connaître d'autres et s'y sont fixés.
Les Iles Australes peuvent, comme les Gambiers, convenir
pour des personnes peu fortunées, désirant vivre de leur
travail et des produits de la terre.
les
Ile
Rapa.
Rapa, par sa position géographique 27° 33' de latitude Sud
jouit du climat le plus frais des Etablissements Français de
l'Océanie, avec des [températures moyennes de 22° pendant
les mois les plus chauds de décembre janvier, et de 14° à 18°
en Juillet-Août. Elle est visitée 2 fois par an par le Service,
postal intérinsulaire. Les cultures tropicales, sauf le café
qui vient très bien, y poussent mal, mais par contre toutes
celles du midi de la France y réussissent encore mieux que
dans les autres îles. La population est d'environ 200 habitants
et surtout féminine, les hommes sont marins et vont parfois
résider dans les îles voisines.
Cette île convient à des
goûts bien précis de simplicité et
d'isolement quasi complet, même sans avoir d'autre fortune
que
les
ressources
locales.
Iles Sous-le- Vent.
Cet archipel situé à 120 miles à l'Ouest de Tahiti est un des
plus peuplé (9.000 habitants). De grandes propriétés chargées
des meilleurs fruits tropicaux sont à vendre. Les baies sont
poissonneuses, le porc, la chèvre, le canard et la poule sau¬
vages forment un gibier abondant dans les lacs de la côte
et sur les montagnes (Raiateaa un pic qui s'élève à 1033 m).
Les fruits savoureux des forêts d'orangers se perdent faute
de pouvoir être exportés dans les pays étrangers voisins,
ainsi qu'en France.
Cet archipel peut convenir aussi bien pour des émigrants
O.
�488
—
fortunés désirant
pour
—
employer de la main-d'œuvre indigène que
les autres de situation modeste.
Ile Moorea
on
Eimeo.
Cette Me située à 13 milles de Tahiti est aussi séduisante et
belle que sa
voisine. Elle aurait même
une
qualité supplé¬
mentaire. c'est d'être restée plus primitive et hospitalière,
et d'avoir encore une
population que le contact restreint avec
étrangers a moins éloigné de ses qualités natives. Moo¬
les
communication
journalière avec Papeete. Un assez
grand nombre d'étrangers riches vivent dans cette petite île.
D'autres se contentent, aussi bien, de propriétés à bon mar¬
ché à quelque distance de la plage.
rea
est
en
#
D'une
#
façon générale le Gouvernement de la Colonie
s'efforce d'empêcher l'indigène de se laisser déposséder de
ses terres. L'indivision qui règne dans les biens est aussi
un
obstacle
aux
ventes; malgré tout, les occasions d'achat
sont pas rares,
soit des propriétés appartenant déjà à
étrangers, soit quand il y a des saisies immobilières.
Le caractère hospitalier et bienveillant des indigènes, quel
que soit l'archipel plaît à tous les nouveaux arrivants. Les
touristes, même ceux qui viennent à Tahiti pour un court
séjour, préfèrent se rendre dans les districts plutôt que de
rester à Papeete où la vie d'hôtel est plus coûteuse et les
distractions moins champêtres.
ne
des
L'indice de la vie est certainement moitié moins élevé
qu'en France, il peut même tomber à presque rien, si
le veut, car la nature ici est généreuse.
Considérations
La vraie
générales
sur
on
le travail et le chômage.
de la crise mondiale n'est pas
directement
développement du machinisme, ni l'insuffisance des pro¬
duits, mais le système chaotique actuel qui est basé sur la
possibilité du travail: Qui a du travail a de l'argent, donc
peut vivre. Mais cela devient de plus en plus impossible à
réaliser pour des masses croissantes d'individus, à mesure
que le travail mécanique se substitue au labeur humain, ce
qui fait donc que le chômage au lieu de faiblir, s'intensifie.
cause
le
Société des
Études
Océaniennes
�—
Le
489
—
développement du machinisme est
d'une part inévita¬
ble, d'autre part indispensable pour l'évolution de l'huma¬
nité. Donc il faut nous installer dans le chômage, parceque
prospérité ne reviendra jamais, il reste à attendre un nou¬
système économique et social basé sur le chômage
permanent avec le machinisme se substituant progressive¬
ment au labeur humain. Il faut bien reconnaître que l'huma¬
nité n'a jamais été si puissante, ni en possession de toutes
sortes de richesses accumulées, qu'aujourd'hui, une seule
chose manque, c'est la possibilité du travail pour tout le
la
veau
monde. Malheureusement si un
individu
ne
peut se procurer
travail cela ne modifie en rien ses
besoins naturels, et si l'Europe ou l'Amérique les lui refuse,
il doit pouvoir les trouver ailleurs.
11 ne peut plus être question de créer des sources de profit,
comme autrefois, mais seulement de choisir un climat et
une terre où la vie soit enfin harmonieuse et satisfaite. Ce
n'est pas non plus pour y retourner à l'état de nature car les
progrès des sciences et leurs applications techniques ont
trop enrichi l'humanité pour désirer abandonner ces puis¬
sances merveilleuses. Il faut au contraire constituer de nou¬
velles collectivités ou les conditions optimales et omnilatérales de la vie seront pleinement réalisées.
En plus des individus isolés, naturistes ou végétariens de
de plus en plus nombreux en Océanie française des groupes
de ce genre sont en voie de réalisation à Tahiti : L'un est
des
ressources
par son
américain et veut fonder un village en montagne avec un
gratuit. L'autre est français, composé d'intellec¬
fuyant l'avenir incertain qui menace le vieux Monde ;
leur intention est de vivre en contact intime avec la nature,
tout en possédant une importante bibliothèque, la radio
etc. Le but utile est l'enseignement gratuit de toutes les
sciences et des arts, jusqu'aux grades universitaires et
sanatorium
tuels
même au-dessus.
organisations, conçues sur des bases intellectuelles et
ne pourront que réussir dans le bonheur et la tran¬
quillité, pour tous ceux qui y participeront, ou qui formeront
des groupements identiques.
Ces
altruistes,
H. BODIN.
Société des
Études
Océaniennes
�490
—
—
!F QXil?,?;i DIRE
LEGENDE MARQUISIENNE
Les grands tïkis
Les
grands tikis étaient placés dans les liea, endroits tapu
(sacrés) - où les grands prêtres (taua), les noa (prêtres de
grade inférieur) faisaient leurs invocations et incantations);
on y immolait les victimes.
Les meae étaient des endroits sacrés qui
servaient de lieux
de sépulture, chaque famille avaient son meae
(comme on
inhumait les chefs de famille ave& leurs ornements et féti¬
ches c'est ce qui explique les démolitions de meae aux¬
quels se sont livrées certaines personnes pour y trouver ce
que l'on appelle en langage mercanti des curiosités, boucles
d'oreilles, tikis familliers, os sculptés etc...).
Dans le liea se trouvaient les grands tikis
simples soit en
bois, soit en pierre. Là on rendait le culte à ces tikis qui repré¬
sentaient le Dieu créateur (ou principe
fécondant) nommé
-
Atea
ou
Tanaoa.
Atea s'étant
accouplé avec Atanua il en naquit : Garçons :
Atea (la nuit) Teanunui a Atea, Teononui a Atea
et Tumea (deux jumeaux) on les désigne en
abrégé Tu et Ono,
dieux de la guerre.— Filles: Temeama (la
lune) et Teteta
Teponui
a
(la lumière).
Atea s'unit
avec diverses femmes, notamment
Tauhua,
naquit éclairs, tonnere, pluie.
Puei
les montagnes
d'où
Tumutetai
la
Tepapa
les poissons et tout
Manetaifenua
Mumuhu
Ninanina
Moméiea
Uuhou
les rivières
les pierres
mer
ce
qui
se
trouve dans
la
mer
le sable
les maiore
(c'était
(fruits à pain)
une
femme de forme humaine) le
cocotier
Noina
1akaoa
les rnape
les bananiers
Tumeneo
les taros
Société des
Études
Océaniennes
�•
Kua
le
Faemo
les buraos
Maumio
le miro
Teve
les banians
Kiina
Tanihulii
les porcs
le ton (cordia
Paumau
les grottes
pandanus
(bois de rose)
subcordata)
Il donna aussi naissance à des dieux secondaires tels
que
Tapeia dieu des pêcheurs; Manuia, dieu des oiseaux ; Kakavehie, dieu du vent : Kopaanuiatea, dieu de la musique, etc.
LÉGENDE DE TANAOA
Deux frères,
Tapavaiki et Teahiutapu vivaient à Atuona.
Tapavaiki eut une fille Aimauouo (blanc, immaculée, sans
tache).
Tapavaiki voulut faire construire une maison "faetai" (1)
fille Aimauouo au bord de la rivière Vaitumata.
Teahiutapu froissé de ce que son l'rère ne l'avait pas avisé
pour sa
de la construction de cette maison vola la fille de
et s'enfuit dans la
son
frère
Tapaivaki pleurant sa fille se mit à
sa recherche et rencontra son frère cadet Teahiutapu auteur
du rapt, il lui dit "Tu as caché ma fille" le cadet le reconnut
et lui en donna les motifs. Il lui dit que sa fille était dans la
mer, sur un poisson (un marsouin dont le nom était Tepapaoniatoa), qu'il fallait que la maison soit construite tout à fait
au bord de la rivière et face à la mer de façon que lorsque
l'on appellerait le poisson, pour rapporter la fille, il puisse
s'approcher suffisamment pour que la fille puisse reconnaî¬
mer.
tre la maison.
Tapavaiki rencontra ensuite un nommé Meihano et lui ra¬
ce que son frère lui avait dit au
sujet de la construc¬
conta
tion de la maison. Meihano lui déconseilla de faire cette
truction suivant les indications de
son
cons¬
frère. Il lui dit que
(i) Quand une tille de rang
maison où elle allait habiter
devenait pubère on lui construisait une
quand elle prenait mari.
Cette construction donnait lieu à des cérémonies et pratiques aux-quelles participaient toute la famille et tout le clan.
Société des
Études Océanienne
�—
492
—
celui-ci avait donné
un mauvais conseil,
qu'il fallait, au con¬
traire, que la maison soit construite face à la montagne de
façon que le poisson puisse s'approcher sans être effarou¬
ché.
Tapavaiki suivit le conseil de Meihano et construisit la
maison face à la montagne. Pendant ce
temps Meihano cons¬
truisit
à la
sa
propre maison de l'autre côté de la rivière et face
mer.
Tealmitapu avait déjà dit à son frère que ce serait à la
pleine lune (ohotunui) que l'on ferait venir le poisson avec
la fille. C'est ce qui se passa, le
poisson arriva le soir de Oho¬
tunui
avec
la fille. Parvenue à l'endroit où la
mer
brise la fil¬
le cria de dessus le
poisson "Aimauouo na Tapavaiki" litté¬
ralement Aimauouo a Tapavaiki,
la signification réelle est:
je suis la fille de Tapavaiki. Comme la maison de Meihano
faisait face à la mer la jeune fille
dirigea le poisson vers cette
maison croyant que c'était la sienne, son oncle lui
ayant dit
que sa maison devait être construite face à la mer.
La fille s'approcha avec le
poisson, elle tenait à la main
lin "einui" (ornement fait d'une dent
de cachalot), elle ten¬
dait la main qui tenait le "ei" afin
que son père puisse la sai¬
sir pendant que le poisson s'en retournerait.
Ce fut Meihano
qui le reçut. Au lieu d'attraper la main, il saisit le "ei", la
fille reconnut alors
que ce n'était pas son père et effrayée
elle s'en retourna avec le poisson et
disparut pour toujours.
On prétend que cette fille continue à vivre sur le dos
du mar¬
souin (encore actuellement,
quand les indigènes se trouvent
en danger, ou en
perdition, ils invoquent Aimauouo. Mitiefitu qui était chef et
pilote à Vaitahu (île Taliuata) il y a quel¬
ques années, avait été sauvé par elle). La
croyance populaire
veut que ce soit elle
qui renvoie les corps des noyés sur la
plage.
Tapavaiki attendait sa fille cette nuit là, il entendit le cri
qu'elle poussa en s'en retournant sur le dos du marsouin. Il
sortit de la maison et vit
sa fille qui s'en retournait,
il la rap¬
pela, elle lui répondit "trop tard".
Furieux Tapavaiki fit la
guerre à Meihano qui fut battu.
Meihano s'enfuit sur la
montagne Temetiu (le grand mont qui
domine
Atuona), avec son fils Tanaoa.
Meihano avait d'autres enfants
qui étaient établis. Tanaoa
Société des
Études
Océaniennes
�—
était, le
plus jeune et vivait
493
—
père. Celui-ci envoya
chercher des vivres,
Tanaoa s'étant présenté, son frère lui demanda ce
qu'il vou¬
lait et lui donna tout ce qu'il désirait. En s'en retournant il
jeta les vivres qu'on lui avait donnés, et il fit ainsi quand il
fut envoyé chez ses différents frères et sœurs.
Lorsqu'il arrivait les mains vides chez son père Meihano,
celui-ci lui demandait où étaient les vivres, il répondait
qu'il
n'en avait pas, qu'on avait pas voulu lui en donner et
qu'on
Tanaoa chez
un
de
ses
avec son
autres fils pour y
l'avait chassé.
Le
foi
père Meihano
aux
dires de
se
son
doutant de quelque chose n'ajouta
pas
fils Tanaoa, il lui ordonna d'aller cher¬
cher des
coquillages comestibles, pendant ce temps là lui,
Meihano, construirait un cercueil fil avait dit à son fils de pé¬
cher pendant dix jours de manière à avoir une
quantité suffi¬
sante de coquillages pour les faire
faisander). Quand le cer¬
cueil fut terminé le fds rentrait avec les
coquillages ramassés
par lui. Le père lui dit de les déposer dans le cercueil qu'il
avait fait. Quand les coquillages commencèrent à couler
(l'odeur de certains coquillages faisandés se rapproche du
cadavre en décomposition), il dit à Tanaoa d'aller chercher
ses frères et sœurs et de leur dire
que leur père était mort.
Il lui prescrivit de bien leur recommander
lorsqu'ils vien¬
draient de ne pas soulever le linceul qui était censé recou¬
vrir un cadavre, que telle était sa volonté.
Meihano avait fait cela pour se rendre compte s'il serait
regretté par ses enfants.
Les enfants
rendirent donc à
l'appel du frère. Le père
de ses filles qui le pleurait le
plus et celle-ci voulant se rendre compte comment il se fai¬
sait que son père soit déjà décomposé et
que le frère ne les
ait pas prévenus plus tôt, enfreignant l'ordre de son
père
souleva le linceul ; elle vit alors que le père n'était
pas mort
que ce n'était qu'une simulation.
Quand elle se retourna pour dire à ses autres frères et sœurs
que leur père n'était pas mort, que c'était une mystification
se
constata alors que
ils lui dirent
:
C'est
jouer, laissons le
une
c'était
un
une
mauvais tour que
avec son
notre père veut nous
fils Tanaoa et sauvons nous dans
autre île.
Comme les gens
d'Atuona avaient construit des pirogues
�494
—
—
que Tanaoa n'en avait pas et qu'il n'avait pas aidé à la cons¬
truction, les gens d'Atuona dirent aux frères et sœurs de s'en¬
fuir dans une autre ile nommée Fiti. Ils
prirent donc la
Tanaoa demanda à
mer.
autre
pirogue de l'embarquer. On lui
répondit: Où étais-tu quand les ati (tribu) Meibano construi¬
saient leurs pirogues? Tanaoa ne rencontra
que des refus
jusqu'à ce qu'il se soit adressé à la pirogue de la sœur qui
pleurait le plus le père. La sœur accepta mais son mari se
fâcha il lui dit que la pirogue était déjà
trop chargée, qu'ils
couleraient
les enfants.
avec
Tanaoa les laissa
il fit
une
une
pirogue
partir et quand ils furent
avec
en
pleine
mer
du sable et la monta mais le sable
s'effondra. Il alla alors chercher des oroe
fleur du cocotier), les mit à la mer ce
(enveloppe de la
qui lui fit une pirogue
et il monta dessus. On ne
voyait que Tanaoa mais on enten¬
dait des éclats de voix nombreux dans cette
pirogue.
Tanaoa se mit à la poursuite des
pirogues. Chaque fois
qu'il atteignait la pirogue ceux qui la montaient étaient chan¬
gés en marsouins. 11 atteignait ainsi la pirogue de la sœur
qui avait accepté de le prendre. Tanaoa voulut sauver sa sœur
mais elle refusa disant
que son mari et ses enfants étant dé¬
jà changés en poissons, elle voulait suivre leur sort. Tanaoa
au lieu de continuer le
voyage sur Fiti, toutes les autres pi¬
rogues ayant été détruites, atterrit à Fatuuku.
'A Fatuuku
se
trouvait
une
"pootu" (beauté renommée)
nommée Meto. Nombreux étaient les courtisans de cette fille.
Ils racontaient mensongèrement
qu'ils avaient possédé cette
fille alors qu'ils n'avaient fait que
passer la nuit à rôder au¬
tour de sa maison.
Tanaoa qui était un adolescent chétif et maladif vivait avec
jeunes gens, ceux-ci dirent: que faisons nous de cet en¬
fant; ils lui demandèrent son nom, il répondit qu'il se nom¬
les
mait
Puapuatai (écume de mer). On lui fit observer que ce
(fagot de
Puapuatai.
Quand les jeunes gens rentraient à l'aube ils racontaient
n'était pas un nom, il répondit
"Pupahoepaenoa"
bois rejeté par la mer). On le laissa sous le nom de
leurs soi-disant
exploits à Tanaoa, lui disant qu'ils avaient
les faveurs de la belle fille Meto.
Un soir Tanaoa les laissa
eu
partir et
il
se
rendit à la maison de Meto
Société des
;
vers le milieu de la nuit
arrivé à cette maison, Ta-
Études Océaniennes
�—
49o
—
constata que
les fameux jeunes gens étaient endormis
"paepae" (1) h l'extérieur de la maison.
Tanaoa passa derrière la maison à l'endroit où couchait la
naoa
sur
le
fille et fit entendre
son
sifflet. Dans
son
sifflet il disait
:
E Me¬
to e Meto a haaiikua e Meto e
(0 Meto, o Meto la belle des
Meto). Meto entendant ce sifflet ouvrit la porte et sor¬
tit ; elle vit les jeunes gens qui dormaient sur le paepae. Elle
les réveilla et leur demanda qui avait fait entendre ce sifflet,
chacun dit que c'était lui, mais quand ils sifflèrent aucun ne
se rapprocha du sifflet entendu par elle. Furieuse elle les
chassa tous. Pendant qu'elle les chassait le sifflet se fit en¬
belles
tendre de
nouveau
derrière la maison et l'on
te que Tanaoa en était l'auteur.
La fille le prit pour mari. Tanaoa
se
rendit comp¬
redevint beau, même les
jeunes gens ne le reconnaissaient pas.
Il vécut
de voir
les
me
sa
avec
fille
cette fille. La belle-mère n'était pas contente
avec un individu dont on ne connaissait pas
origines. Elle demanda à
sa fille "sous quel nom ton hom¬
s'est-il fait connaître à toi ?" la fille répondit Tanaoa.
La
mère
reprit: "C'est faux ce n'est pas Tanaoa, si,
quand tu auras un enfant, je vois le humu (poisson nommé
oiri par les tahitiens), le einui (ornement en dent de cacha¬
lot), le kahu koukou (vêtement en tapa) je croirai que c'est
Tanaoa. La fille rapporta à son mari tout ce que sa mère
lui avait dit.
Tanaoa alla trouver
belle-mère et lui dit
je m'appelle
répondit en le narguant et ti¬
rant sur la paupière inférieure "tiens mon œil, quel est ce
Tanaoa". En tirant la paupière le doigt y resta collé.
La fille dit à son mari : Ta belle-mère a voulu se gratter et
le doigt ne peut plus se détacher.
Tanaoa alla lui passer la main et le doigt se détacha.
Tanaoa fit construire une faetai pour l'enfant qui devait
naître. La fille dit alors à sa mère que Tanaoa était en train
de tresser la figure du Humu (poisson) en fibres de coco pour
mettre à l'entrée de cette maison. La mère lui répondit: Quel
est ce Tanaoa, et elle se tapa sur la fesse en signe de dérisa
bien Tanaoa. La belle-mère lui
(i) Plate forme en pierre sur laquelle la maison marquisienne est
construite.
Société des Études Océaniennes
�'
_
496
sion mais la main resta collée
ver
Tanaoa et lui dit
:
—
au
derrière. La fille alla trou¬
Ta belle-mère
a
été
prise de déman¬
geaison
au derrière, elle a voulu se gratter et sa main est
restée collée à la fesse. Tanaoa alla encore faire détacher la
main.
Tanaoa devenu furieux contre
où
sa
belle-mère alla à la
mer
trouvaient les deux humu
(poissons) qui étaient nour¬
ris dans une cuvette des rochers, il leur dit d'aller crever les
yeux du requin Manoouato. Ce requin vivait, parait-il, sous
l'île Fatuuku. Il leur indiqua pour ce faire le
jour où devait
avoir lieu une grande fête à Fatuuku.
Les deux liumu allèrent becqueter les
yeux du requin. Le
requin voulait mordre les poissons mais comme ils étaient
petits et lestes, il ne pouvait le faire. Quand les humu lui mor¬
daient l'œil, le requin bougeait, ce qui faisait trembler l'île
de Fatuuku. Tanaoa dit à sa femme : il va se passer
quelque
chose ici, ne me lâche pas, tiens toi bien à mon hami
(cein¬
ture en lapa servant de cache sexe aux
hommes, maro des
se
tahitiens.
Le inano (requin) furieux de ne pouvoir
parer les coups des
humu, d'un coup de queue renversa l'île de Fatuuku. Toutle
monde périt sauf Tanaoa et sa femme
qui n'avait pas lâché
son
hami.
Quand il émergea, il monta sur l'îlot qui n'était pas la mê¬
me île ; il n'y avait
plus que des feo (corail arborescent) et
du corail.
Au bout de trois
jours ils manquèrent de vivres et d'eau,
regarda du côté de Hi vaoa et vit la vallée de Ifanatukume ; elle demanda à Tanaoa quelle était cette vallée il
lui réponditc'est 1 Ianatukuua. Elle ditàTanaoa : Ne
pourraistu pas aller dans cette vallée chercher des vivres et de l'eau.
Tanaoa dit : Je vais aller et quand
j'y serai tu gratteras le sa¬
ble et le corail à l'endroit que je t'aurai
désigné et l'eau y
jaillira, mais laisse couler pour enlever la saumure. Tanaoa
partit donc à Hanatukuua, il jeta des fruits à pain à la mer
et le courant les emporta ; il jeta de l'herbe
qui pousse à Fa¬
tuuku. La femme vit alors
que son mari était parvenu à des¬
tination et gratta à l'endroit qui lui avait
été.désigné pour
avoir de l'eau. En effet l'eau, jaillit mais la-femme avait telle¬
ment soif qu'elle n'attendit
pas et se mita boire ; c'est pour
la femme
Société des
Études
Océaniennes
�—
cela que l'eau
de nos jours.
497
—
de Fatuuku est restée saumàtre et l'est encore
Tanaoa abondonna la femme à Fatuuku et
11 alla du côté de Ilanaui et rencontra
une
partit à llivaoa.
femme sauvage ;
il
s'approcha d'elle, lui arracha une dent à la place de laquelle
une dent de requin. Cette femme devint cannibale
c'est pour cela qu'on la nomma Nonakaikaia.
Tanaoa continua sa route jusqu'à Vaipae au fond de la val¬
il lui mit
lée de Tahauku,
TAIIIAOTEAA.
(A suivre)
Société des
Études
Océaniennes
�L'Origine du cocotier selon la
légende de Takoto.
La
tre
légende cfui suit m'a été communiquée il
par le Père Paul Mazé, missionnaire
ans
y a
déjà
aux
îles Tua-
qua¬
motu de l'Est.
Le Père Paul Mazé m'écrivait à la date du 25 août 1931
"Les iles de l'Est Tuamotu étant les dernières
:
acquises à
civilisation, et les moins fréquentées parles voyageurs,
encore beaucoup de souvenirs assez fidèles et
assez intéressants.
Après le passage et le séjour assez pro¬
longé de ces messieurs du Bishop Muséum de Ilonolulu, tout
cela est changé, et le travail lent
que j'avais commencé a été
exécuté vite, et, je crois, avec une certaine
compétence par
notre
conservaient
eux."
Pour
arrêté
part, je regrette infiniment que le Père Paul ait
ma
ses
travaux. 11 eut été intéressant de savoir par
lui
qui connaît si bien les Indigènes et depuis plus d'un quart
de siècle, toutes ces vieilles légendes
paumutuanes, et tant
d'autres détails du plus haut intérêt touchant la vie
primitive
Indigènes de ces iles et l'arrivée des premiers Européens.
Mais le Père Paul doit hélas, en plus de son
ministère, se
des
pencher
les misères de
lépreux de Réao et de Pukarua.
laissent ses courses
le loisir d'achever le
travail commencé. Je ne puis néanmoins
que le remercier
de bien avoir voulu me transmettre les principales
données
de l'origine du cocotier, selon la
légende de Takoto.
sur
ses
Il leur .donne le peu de
temps que lui
d'île à île sur son cotre, et il n'a plus
*
#
11 existe à Takoto
#
légende de Maui Tikitiki a Taraga.
C'est dans cette légende qui est fort
longue, que l'on trouve
l'histoire de l'origine du cocotier à Takoto. On peut résumer
ainsi brièvement celle-ci : Maui eut
quatre fils de sa légitime
épouse I-Iava. Il en eut un cinquième d'une autre femme.
C'est ce dernier qui fut nommé Maui Tikitiki a
Taraga. Il fut
élevé par sa mère Iluahega,
et ne fut reconnu par son père
que plus tard, et admis alors par lui dans sa famille.
Il ne lui fut pas reconnaissant de cette faveur et se montra
une
d'une nature indocile.
Société des
Études
Océanienne:
�—
499
—
Après avoir souillé la couche paternelle il partit à la re¬
reposaient depuis de longues an¬
nées, ses ancêtres, dans la vie de l'au-de là.
cherche cles demeures où
C'est ainsi
qu'il découvrit successivement et les massacra
impitoyablement, Muea, Mauiki qui était en un lieu appelé
Kororupo, puis Tiki, qui, naissant avec la lune en suivait les
diverses phases de développement et de décroissement pour
atteindre la décrépitude au terme du dernier quartier.
Il massacra ensuite Tera (le soleil) et enfin le dernier, Tuna.
A celui-ci il coupa la tête et l'enterra au pied d'un des piliers
de soutien de
demeure.
sa
avait supplié son méchant descen¬
pitié de lui. Il avait même ajouté pour fléchir
ce cœur impitoyable : "Même mort je réapparaîtrai à ta vue.
Tu seras dans la nécessité (et tes enfants aussi jusqu'à la fin
de leur génération) de m'embrasser sur le nez tous les jours
de ta vie." (Tuna faisait allusion au trou par lequel on boit
généralement l'eau du coco, ce qui oblige, surtout les enfants,
à appliquer le nez sur la petite proéminence qui se trouve
entre les trois trous).
Avant d'être tué, Tuna
dant d'avoir
Maui Tikitiki a Ataraga fut stupéfait, quelques jours plus
tard, de voir pousser un arbre d'une espèce inconnue, à l'en¬
droit où il avait enfoui la tête de Tuna, son ancêtre.
grandit, déploya ses feuilles, puis donna des fruits,
jaunes, tantôt roux, ou même verts.
L'arbre
tantôt
ce qui porta la stupéfaction de Maui à son comble,
fut, lorsque, ayant enlevé la bourre de l'un des fruits, il
Mais
ce
découvrit l'image
ses
orbites,
parfaite du crâne de Tuna, avec sa bouche,
son nez.
réalisa la prédiction du vieux tupuna.
suivirent,
tout en savourant l'eau des
générations qui
Et c'est ainsi que se
Les
cocos,
cette boisson délicieuse et rafraîchissante, baisèrent
ardemment et
chaque jour, le nez de leur aieulTuna.
Depuis, le cocotier s'est multiplié. 11 penche son tronc
directions, suivant les vents régnants.
élancé dans toutes les
Mais
ce
souvent à
Voici le
fut Takoto, (et non pas Tatakoto
tort) qui fut son pays d'origine.
"patautau" du cocotier:
Société des
Études
Océaniennes
comme on
écrit
�—
500
—
Takotokoto ka fararara
Iva hiti ake te ala
Naku te hakari
Ka
"
"
pirearea
complètement
ou simplement incliné,
Quand le nuage se lève et apporte la tempête
Couché
Il est bien à moi le cocotier altier
"
Même
quand l'âge rabougrit ses fruits."
16 mai 1935
Yves
MALARDÉ
Secrétaire de la Société cles
Etudes Océaniennes.
Société des
Études
Océaniennes
�—
501
—
BIHLIOTIIÈQUE
Dons «le
MM.
:
Kroepelien Livres sur les E. F. 0.
1934).
Ch. Vernier Tahitiens d'autrefois et
-
Collection (Oslo
d'aujourd'hui
-
Ch.
Vernier.
L.
Montagné La langue Malgache
Lucien Montagné
-
(Manuscrit),
A.
Faugerat Voyage au Pôle Sud et dans l'Océanie sur
les corvettes L'Astrolabe et la Zélée
mont d'Urville
-
-
Du-
10 vol. Editions de 1841
à 1846.
Bernice P. Bis-
Society Islands insects
-
n° 113.
hop Muséum: Marquesan insects - n° 114.
Archeology of the Pacific Equatorial Is¬
lands
K. Emory.
-
Hawaiian Helicinidae
-
Marie C. Neal n°
123.
Outline of Hawiian
E. S.
Physical Therapeutics
Mary Kawena Pukui
n°
The
-
Craighill.
-
Katherine Livermore
126.
legend of Maui and Tahiti
son, n°
-
J. F. Stim-
127.
Flowerings plants of Samoa
tophersen, n° 128.
Polychaeta from Hawaii
ly, n° 129.
The fishes of Oceania
-
-
-
Erling Chris-
Maximilian Hol-
Supplément.
Proceedings of the fifth Pacific Science Congress Canada, 1933, (5 vol.).
Gouvernement du Commonwealth et de l'Australie, n°
Fr. Hervé
27
-
1934.
Achats: Aïmata,
fille de Tahiti
Tihoni Wiriamu
socie
les
-
-
Robert Chauvelot.
1796-1839.
-
Brunei.
�50-2
—
Liste
—
complémentaire des Membres de la S. E. O.
(Voir N° 53).
Résident
en
France
:
M. Huet, Inspecteur des colonies. Ministère des colonies.
27, Rue Oudinot - Paris.
Résidents à Tahiti.
MM.
Bourrigeaud - Taaone - Pare.
R. Bourgéois - Papeete.
E. J. Cook
Punaauia.
-
H. Juventin
-
Papeete.
Papeete.
R. Kahn Lauzerte
-
Des erreurs ou omissions se seront peut être glissées dans la liste
publiée dans le Bulletin n° 53, mais les intéressés n'auront qu'à s'adres¬
ser au Président,
pour qu'il soit fait droit à leur demande.
IV. B.
—
Société des
Études
Océaniennes
�BUREAU DE LA
SOCIÉTÉ
M. E. Ahnne.
Président
Vice-Président
Mi G. Lagarde.
Trésorier
M. A. Cabouret,
Secrétaire-Archiviste
M; Y. Malardé
Bibliothécaire et Conservateur du
Membre de la Société se faire présenter par
Pour être reçu
un
Musée M. H. Bodin.
membre titulaire.
BIBLIOTHÈQUE
Le Bureau de la
Société informe ses Membres que
dé¬
peuvent emporter à domicile certains livres de
Bibliothèque en signant une reconnaissance de dette au
cas où ils ne rendraient pas le livre emprunté à la daté
sormais ils
la
fixée.
présentera la formule à signer.
Bibliothèque est ouverte aux membres de la Société
et à leurs invités tous les jours de 15 à 17 heures.
Le Dimanche de 14 à 17 heures.
Le Bibliothécaire
La
MUSÉE,
Dimanche de 14 a 18 heures
joui s d'arrivée et de départ des courriers. Mêmes heures.
Le Musée est ouvert le Jeudi et le
et les
Pour tout achat de
s'adresser au
Bulletins., échanges ou donation de livres
Président de la Société, ou au
Bibliothécaire du
Musée, Boîte 110. Papeete.
LE BULLETIN
articles
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas qu'il
epouse les théories qui y sont exposées, ou qu'il fait sien les
commentaires et les assertions des divers auteurs qui, seuls, en
prennent toute la responsabilité.
Le Bureau de la
Aux lecteurs
Société accepte l'impression de tous les
de former leur appréciation.
La Rédaction.
Société des
Étude
�Société des Études Océitniennés
�
Dublin Core
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La Société des Études Océaniennes (SEO) est la plus ancienne société savante du Pays. Depuis 1917, elle publie plusieurs fois par an un bulletin "s’intéressant à l’étude de toutes les questions se rattachant à l’anthropologie, l’ethnographie, la philosophie, les sciences naturelles, l’archéologie, l’histoire, aux institutions, mœurs, coutumes et traditions de la Polynésie, en particulier du Pacifique Oriental" (article 1 des statuts de la SEO). La version numérique du BSEO dispose de son ISSN : 2605-8375.
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2605-8375
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Établissement
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Title
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Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 54
Description
An account of the resource
Actualité - Le musée de Papeete, par H. Lavachery 473
Tourisme - Pour émigrer à Tahiti, par H. Bodin 481
Folklore
- Légende marquisienne, par Tahiaoteaa 490
- Légende des Tuamotu : l’origine du Cocotier, par Y. Malardé 498
Divers
- Bibliographie 501
- Liste complémentaire des Membres de la S.E.O. 302
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1935
Date de numérisation : 2017
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PFP 3 (Fonds polynésien)