-
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N°
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TOME IV
91
(N° 2)
JUIX lî*30
m-
Anthropologie
Histoire
—
des
—
Ethnologie
—
Philologie.
Institutions et Antiquités
populations maories.
Littérature et FolkJoi-e.
Astronomie
—
Océanographie
—-
Sciences naturelles
Tourisme.
Il
lit
IMPRIMERIE
A
DU
OOUVERNHMEKT
PAPEETE
(TAHITI)
I
�Les articles publiés dans le Bulletin, exceptés ceux dont l'au
teury a réservé ses droits, peuvent être traduits et reproluits
à la condition expresse,
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tionnés.
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20
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�^VuiM
O.R. S.T. O.M. PAPEETE
A F? R IVÉ
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et
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23 OCT 1969
\ DËJ LA ' " / •
J*/ I ENREGIST&EUENT SOUS M?^5D'ETUDES^Ot^EAtlENN
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SO PIETE
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
TOME IV
IV" 3«.
-
(N° 2)
JUIN 1930.
SOIYCIYC AIKIE
T AGES
Fthnolo<jie
L'arc chez les
Polynésiens,
par
M. Ed. Ahnne.
•
39
Folklore.
Légendes de Maupiti :
Le bateau de Hiro
47
Rehia
Histoire de Ui
48
Paitoa
a
so
(communiquées par A. Ropitcau).
Tourisme.
En
pirogue au Pari de Tautira, par M. Yves
Malardé..
52
..
63
Avis.
Ouvrages et périodiques reçus
Société des
Études Océaniennes
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2i'ïiI©£OfôII
L'ARC CHEZ \M
L'une des
•
premières
une
l'homme primitif inventa pour
défendre contre ses ennemis fut cer¬
armes que
procurer du gibier ou se
tainement l'arc.
se
Courber
POLYNÉSIENS
branche, en réunir les deux extrémités par une
placer une flèche armée d'une pointe acérée
liane résistante et y
ne demandait ni un
esprit très ingénieux, ni une main bien ha¬
bile.
Aussi dès la
plus haute antiquité, trouvons-nous cette arme
auprès des barbares comme chez les nations déjà ci¬
vilisées. Nemrod et Esaù tiraient de l'arc; les Centaures étaient
aussi habiles archers que bons cavaliers et nous savons avec
quelle dextérité les peuples d'Asie: Assyriens, Mèdes, Parthes se
servaient de l'arc pour la chasse aussi bien que pour la guerre.
Sans compter les Amazones qui. comme leur nom nous le rap¬
pelle, sacrifiaient un sein pour ne pas être gênées dans leur tir.
Malgré cette haute antiquité, et cette universalité dans l'usage
de cette arme, un fait assez curieux et qui soulève une question
ethnologique intéressante, c'est que les Polynésiens ne semblent
jamais s'être servi de l'arc comme arme de chasse ou de guerre.
Alors que presque tous les peuples de race mélanésienne: Ca¬
lédoniens. insulaires des Nouvelles-Hébrides, des Salomon, Fid¬
ji, Nouvelle-Guinée etc. se battaient avec l'arc et les flèches, l'usa¬
ge de cette arme s'arrête au seuil de la Polynésie.
Dans les luttes si fréquentes qui eurent lieu entre Tonga et
Fidji, les Fidjiens attaquaient toujours avec les flèches, tandis
que les Tongiens n'avaient que la fronde, la sagaie et la lance.
Et cependant, l'arc, les flèches et même le carquois existaient
à Tahiti comme dans la plupart des îles polynésiennes mais ils
n'étaient employés que pour le jeu sacré qu'on appelait Te'a, heiva te'a ou te'a raa. Te'a était le nom de la flèche qui, faite ordi¬
nairement de bambou s'appelait également ohe. Vaima. te a ou
farii te a désignaient le carquois et l'arc se nommait/#//#.
en
honneur
Société des
Études
Océaniennes
�40
—
De
—
jours, ce n'est guère que dans les musées d'Europe ou
d'Amérique qu'on aura l'occasion de voir un arc tahitien et en¬
core ces spécimens sont-ils assez rares. Le British Museum en
possède quelques beaux exemplaires, ainsi qu'une collection de
flèches et plusieurs carquois en bambou dont l'un orné de des¬
sins très fins. L'arc qui se trouve au musée de Papeete est d'une
fabrication beaucoup plus grossière et d'une authenticité douteu¬
se, car à une certaine époque on a apporté dans nos îles, nom¬
nos
bre d'arcs et de flèches de N'!l" Guinée.
*
*
Plusieurs écrivains ont
signalé cette absence de l'arc comme
chez les Polynésiens.
Lesson, vol. 1. p. 388 nous dit en parlant des Tahitiens :
« Ils avaient des carquois de bambou remplis
de (lèches en 10« seaux. Nous ne croyons pas, à dire vrai, que jamais cette arme
« ait été en usage chez eux. car l'habitude de l'arc et des flèches
« paraît avoir été inconnue à tous les Océaniens et ces flèches,
« d'après celles que nous avons vues, ne devaient
pas être bien
« dangereuses. »
Rienzi pense que les Tahitiens se servaient de l'arc pour tuer
les tourterelles qui, dit-il, sont fort grasses et dont ils avaient une
quantité.
M. de Quatrefages est très précis à ce sujet. (Migration des
Polynésiens p. 32): « On peut remarquer comme un caractère
«
ethnologique qu'aucune des tribus polynésiennes n'employait
« l'arc et les flèches à titre d'armes. Ce n'est
pas qu'elles en igno« rassent
l'usage car on voit reparaître ces instruments dans cer« tains jeux. Cette absence ou ce
peu d'usage d'armes atteignant
« de loin l'ennemi est d'autant
plus remarquable chez ces peuples
« qu'on trouve l'arc chez toutes les races noires de la Mélahésie.
« Etait-ce chez les
Polynésiens l'effet d'uirpoint d'honneur et rc« gardaient-ils comme plus
digne d'un brave de s'exposer de près
« aux coups de l'ennemi?.
Quelque scrupule religieux motivaitarme
«
de guerre
il cette abstention !.
Le
core:
»
Capitaine Wilson dans le
«
Leurs
arcs
sont
voyage du Duff, (p. 368) écrit en¬
faits de burao et leurs flèches de petits
«
bambous munis d'une
«
moyen
pointe de bois de fer qu'ils fixent au
résine
de
de la
l'arbre à pain. La corde est faite de roâ ;
Société des
Études
Océaniennes
�—
«
«
41
—
ils s'en servent pour tirer non sur un
la plus grande distance. »
but, mais
pour
atteindre
Moerenhout (
1837 Vol. 11 p. 148 et 149) parlant du tea'raa ou
jeu des archers nous dit que c'était l'amusement préféré des chefs.
« Le lieu qu'ils choisissaient pour ces exercices était toujours
« quelque pointe de terre sacrée où les premiers chefs et les
« membres de la haute aristocratie avaient seuls droit de se pré« scntcr. A l'entrée, on plaçait des hommes de garde, armés cha« cun d'une lance qu'ils croisaient en forme de
barrière, et,
« quand un individu osait s'y présenter sans être premier chef
« ou du plus pur sang aristocratique, ils gardaient leurs lances
« croisées en baissant les pointes de son côté, pour marquer que
« l'entrée lui était interdite; mais ils les relevaient à l'approche
« de toute personne de la haute noblesse.
« Les femmes en étaient indistinctement exclues, quoiqu'elles
« eussent souvent le même amusement, mais à une certaine dis«
tance du lieu
où
se
tenaient les chefs.
»
Ellis
qui dans ses Polynesian Researches,
(édit. 1839, vol. 1 p. 217-220) nous donne le plus de détails sur
ce sport qui était à la fois un amusement et une cérémonie reli¬
gieuse :
« Le tir à l'arc, te a qu'on nommait aussi heiva te'a était plus
« qu'aucun
autre un jeu sacré. Les arcs, flèches et carquois
« aussi bien que les étoffes dont on les enveloppait et les vête« ments portés par les archers étaient sacrés ; des personnes spé« cialement désignées en avaient la garde.
« Ce sport était généralement pratiqué soit au pied de la mon« tagne, soit sur la plage. Ma maison, dans la vallée de Haame« ne à Huahine était tout près d'une ancienne place de tir à l'arc
« (vabi te'à). Avant de commencer le jeu, les deux partis se ren« daient au marae où avaient lieu certaines cérémonies; puis les
« archers revêtaient un costume spécial et revenaient à l'endroit
« désigné. On ne tirait pas sur un but; c'était seulement un
« exercice de force. Deux petits drapeaux blancs marquaient la
« place où les flèches devaient être tirées.
« Les arcs étaient faits du bois léger mais dur du burau (Pari« tïum titiaceiim); non tendus, ils étaient parfaitement droits et
« mesuraient environ cinq pieds de longueur, un pouce à un
« pouce et quart d'épaisseur au milieu, ils s'amincissaient aux
Mais c'est
«
encore
deux extrémités.
«
Ils étaient
soigneusement polis et ornés parfois de tresses de
Société des
Études Océaniennes
�«
cheveux
«
deux bouts.
«
«
«
«
«
«
«
«
de cordelettes de fibres de
cocos
enroulées
aux
La corde de l'arc était faite de chanvre
indigène ou romaha
(pipturus argenieus)] les flèches étaient de bambous légers et
très résistants. Elles se terminaient par une pointe en bois de
fer (aito ou casuarina), mais n'étaient jamais barbelées. Leur
longueur variait de 2 pieds 6 pouces à 3 pieds.
« L'endroit où l'on tirait était considéré comme
sacré; il s'en
trouvait un dans mon jardin à Huahine. C'était une plate-forme de 3 à 4 pieds de hauteur ayant la forme d'un
triangle
dont un côté était concave. Les préparatifs terminés, l'archer
gravissait cette plate-forme, mettait un genou en terre et tendaitla corde de l'arc avec le bras droit jusqu'à ce que la poin«
«
ou
«
te de la flèche vint à toucher le milieu de l'arc. Il fallait beau-
«
de force, dans cette position, pour tendre la corde aussi
loin; souvent elle se rompait et quand la flèche partait, l'arc
tombait de la main du tireur. Fréquemment ces flèches pouvaient atteindre une distance de 300 yards.
« Quand ceux d'un parti l'emportaient, leurs flèches
dépassant
celles des autres, leurs partisans élevaient leurs drapeaux et les
agitaient en l'air. S'ils étaient battus, ils abaissaient leurs pavillous mais lançaient un pied en l'air en-criant: 11a pan, tout
est perdu !
« Ce sport
était tenu en grande estime, le roi et les chefs y assistaient. Ausstôt le jeu terminé, l'arc et le carquois rempli de
flèches étaient remis à celui qui en avait la garde; les archers
se rendaient au marac et étaient tenus de se
baigner et de changer de vêtements avant de pouvoir se restaurer ou rentrer chez
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
coup
«
eux.
«
digne de remarque que chez les Tahitiens, la
religion était intimément mêlée à tous les actes de la vie : leurs
guerres, leurs travaux, leurs jeux, tout était placé sous la tu«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
C'est
un
fait
telle de leurs dieux. Panitetavae, était le-dieu des archers.
« Les flèches dont ils se servaient étaient souvent teintes avec
art de différentes couleurs. Les arcs étaient simples, mais les
carquois avaient une forme élégante. Faits d'un morceau de
bambou de 3 à 4 pieds de long et de 2 pouces environ de diamètre, ils étaient soigneusement polis, peints ou ornés de
sculptures et liés en haut et en bas par des tresses de cheveux
ou de cordes extrêmement fines. Le couvercle du carquois
était
fdrmé par une demi-coquille de noix de coco, bien ronde, de
Société des
Études
Océaniennes
�«
«
«
«
«
couleur brun foncé et
polie avec soin; il était retenu par une
à l'intérieur et fixée au bas du carquois.
« L'arc et les flèches n'étaient
jamais employés par les Tahitiens autrement que dans leurs jeux; c'est sans doute pour
cette raison que leurs flèches quoique
pointues n'étaient pas
barbelées et qu'ils ne tiraient pas sur une cible. »
corde passant
*
:i=
*
M. Kenneth Emory, le sagace et persévérant
ethnologiste du
Bishop Museum de Honolulu a retrouvé en plusieurs endroits de
nos îles et notamment à
Tahiti, dans la vallée de Papenoo, les
plates-formes où se pratiquait le tir à l'arc et il publiera sans dou¬
te quelque jour le résultat de ses découvertes avec
plans et pho¬
tographies à l'appui.
Nous nous bornerons à reproduire ici quelques-uns des rensei¬
gnements qu'il a bien voulu nous fournir à ce sujet.
« Nous avons trouvé, nous dit-il, quatre
plates-formes au fond
« de la vallée de Papenoo. L'une d'elles
qui est connue de la plu« part des habitants du village est située à environ six heuresde
« marche du bord de mer, au nord du ruisseau
qui coule dans
« la vallée latérale de Vaihi
; elle fait face à un espace découvert
« en pente douce.
« La 2e est à Farehapc, à une heure de marche de Vaihi en al« lant vers l'intérieur, à proximité d'un marae.
« A deux jours de marche dans la vallée,
à Teieie-faatautau.
« on trouve deux autres plates-formes situées côte à côte et
qui
« font face par dessus le cours d'eau à une étendue de terrain à
« peu près plate. A 500 yards de là, en descendant la
vallée, se
«
trouvent des terrasses
«
«
«
«
«
«
Les
plates-formes de la vallée de Papenoo ne sont pas très
en pente; elles mesurent environ 1
pied de hauteur à l'arrière et 2 pieds en avant. La base qui est
une ligne à peu près droite a de
14 à 18 pieds, les deux côtés
latéraux de 21 à 34 pieds; la plate-forme s'élargit vers l'avant
et les côtés en sont légèrement incurvés. Le front forme un dcmi-cercle dont les deux extrémités sont distantes de 14 à 18
pieds et terminées par une large dalle de pierre dressée,
«
«
d'anciennes habitations.
élevées: le terrain étant
Société des
Études
Océaniennes
�44
—
plates-formes sont entièrement pavées à l'exception de
longitudinale et l'autre transversale, qui se
rencontrent à peu près au milieu. On ne touve pas de corail. »
Ces
«
«
«
—
deux allées, l'une
*
*
*
les auteurs que nous avons cités sont d'ac¬
les Polynésiens, l'arc ne fut ja¬
ni pour la guerre, aucun d'eux
donne l'explication de ce caractère ethnologique spécial à ces
En résumé, si tous
cord pour reconnaître que chez
mais employé ni pour la chasse,
ne
peuples.
exprime l'idée que c'était peut-être
point d'honneur chez les Polynésiens de ne pas combattre de
loin et qu'ils regardaient comme plus digne d'un brave de s'ex¬
Seul, M. de Quatrefages
un
poser aux coups de l'ennemi. Cette opinion est fort plausible:
ancêtres les Francs dédaignaient l'usage de l'arc à la guerre,
tels
nos
se
précipitaient la poitrine découverte à la rencontre de l'adver¬
l'attaquaient avec l'épée et la francisque. Ainsi d'Arta-
saire et
leurs épées,
gnan et ses compagnons ne se servaient-ils que de
abandonnant à leurs valets le pistolet et le mousquet.
vraisemblable que soit cette explication, elle
paraît point décisive: d'abord elle ne concerne l'usage
de l'arc que comme arme de guerre; je veux bien que le gibier
soit assez rare dans nos îles de l'Océanie, cependant il y avait un
certain nombre d'oiseaux qu'on pouvait abattre avec des flèches.
Mais surtout, l'empressement que mirent les Tahitiens à adopter
les armes î\ feu dès l'arrivée des Européens, l'usage qu'ils en fi¬
rent dans leurs dernières guerres et en particulier à la bataille de
Punaauia en 1815 nous montre bien qu'ils ne dédaignaient point
les armes à longue portée qui frappent l'ennemi à distance.
Mais quand on a visité ou habité pendant un certain temps cet¬
te poussière d'îles que l'on nomme l'Océanie; lorsqu'on consi¬
dère que, presque toujours et partout, l'outil, l'instrument, l'ar¬
me d'un peuple sont adaptés non seulement à son genre de vie
mais à la configuration géographique de son pays, à sa faune et
à sa flore, on comprend mieux pourquoi les Polynésiens n'em¬
ployaient jamais l'arc ni pour se défendre, ni pour se procurer
Toutefois, pour
ne nous
leur nourriture.
Que les Turcomans, Mongols ou Indiens, Peaux-Rouges aient
toujours fait de Parc leur arme favorite, rien de plus naturel !
Société des
Études
Océaniennes
�de l'Asie, les déserts ou les plaines sans
l'Amérique offraient à ces habiles archers qui étaient
également des cavaliers infatigables un champ d'exercice sans
pareil pour un sport où ils ne tardèrent pas à exceller.
Pour atteindre d'une flèche la gazelle rapide, frapper en pleine
course le bison impétueux, poursuivre ensuite et achever l'ani¬
mal blessé, l'arc léger et peu encombrant, le carquois rempli de
flèches et permettant de renouveler l'attaque étaient bien les ar¬
mes qu'il fallait. Rien d'étonnant par la suite à ce que ceux qui
avaient acquis une telle habileté à la chasse se servissent pour la
guerre de l'arme où ils excellaient.
Mais combien différents étaient l'habitat et le genre de vie de
nos Polynésiens qui sont avant tout des marins et des pêcheurs.
Le gibier n'existait guère dans leurs petites îles aux vallées en¬
caissées, aux horizons bornés, sur la mince bande de terre res¬
serrée entre la montagne et la mer où ils habitaient parfois. Car
la plus grande partie de leur existence se passait sur l'immense
plaine liquide de cet Océan qu'ils sillonnèrent en tous sens dans
'eurs migrations aventureuses et qui assurait leur subsistance. Et,
à cette époque où les hommes ne vivaient guère que de leur chas¬
se, le gibier des Polynésiens était cette faune, si nombreuse, si
variée, si redoutable parfois, qui gîte dans les profondeurs de
l'Océan et qu'ils poursuivaient sans relâche.
De quelle utilité pour ce genre de chasse leur auraient été l'arc
et les flèches? Le poisson, petit ou grand, le monstre marin mê¬
me ne s'attaquent que de près. Pour les atteindre mortellement,
pour s'en emparer, la flèche légère qu'ils emportent dans les pro¬
fondeurs de la mer n'est pas assez efficace. 11 faut une arme plus
lourde, plus redoutable qui puisse fendre les eaux avec force et
faire des blessures plus meurtrières. Aussi la véritable arme du
Polynésien fût-elle toujours le harpon.
Qu'il fût formé d'une seule tige de bois dur poli et bien affilé,
qu'on y fixât trois ou cinq pointés de bambou ou d'os barbelés ;
qu'on le nomme lance, dard ou sagaie ; de tout temps le harpon
fût l'arme de prédilection du Polynésien, arme qu'il lançait avec
une adresse merveilleuse et une vigueur qui la rendaient singir
lièrement redoutable. Aujourd'hui encore ne voyez-vous pas,
Les vastes plateaux
bornes de
dès leur tendre enfance
nos
Tahitiens s'exercer
au
lancer du har¬
pon? n'est-ce pas le mode de pêche qu'ils préfèrent? l'arme
qu'ils emploient même pour chasser le cochon sauvage ; celle que
on trouve à la porte de toutes les cases indigènes.
Société des Études Océaniennes
�—
46
—
Quoi d'étonnant à
ce que l'arme employée journellement pour
pêche, celle qu'ils maniaient avec le plus d'adresse soit devenue
également pour eux l'arme de guerre par excellence.
Telle est la raison qui nous paraît expliquer suffisamment
pourquoi les Polynésiens ne virent jamais dans l'arc qu'une ar¬
me de luxe propre tout
au plus à servir à leur amusement.
11 peut y avoir d'autres causes qui ont motivé cet ostracisme.
Nous serons heureux si que'que lecteur de ces notes peut nous
les indiquer.
la
Ed. AHNNE.
Président de la S. E. (),
Société des
Études
Océaniennes
�XOX.33Ll.OmE
LI. BATEAU BE
HIRO.
Hiro était le fils de Faimanu et de Materaure né à Tahaa. 11 était
était guerrier et le tils avait adop¬
était venu à Maupiti faire la guer¬
re aux dieux des païens. Personne ne pouvait résister devant lui,
tous les dieux des anciens étaient battus par les siens; et Hiro
fut vainqueur à Maupiti: il y construisit une pirogue de pierre
qui y est encore dans la vallée "Ataa" district de Vaitia.
Au moment de lancer son bateau à l'eau, ses ennemis très ja¬
loux de son travail, lui firent tout le mal qu'ils purent. Il allèrent
trouver le sorcier de Maupiti qui s'appelait Uuru Tahutahu et
lui dirent : « Tu sais qu'Hiro va mettre son bateau à l'eau cette
nuit, (car jusqu'alors personne n'entreprenait de travaux excep¬
tionnels durant le jour, par crainte de ne recevoir aucune aide
des esprits) quand son bateau sera-à l'eau, il partira pour Tahaa
emmenant des serviteurs avec lui. de sorte qu'il ne restera plus
aucun habitant à Maupiti. Réveille-toi, réveille les coqs de la
déesse de "Nuumeha", qu'ils chantent cette nuit pour arrêter Hi¬
ro dans son travail, en lui faisant honte, il abandonnera là son ba¬
teau et nous serons sauvés. » Le sorcier acquiesça à la demande et
se mit en demeure d'avertir ses coqs perchés dans les branches
des arbres* 11 leur dit : « Coqs de la déesse Nuumeha, si, pendant
la nuit, vous m'entendez vous appellor coqs de Nuumeha! dres¬
sez-vous et mettez-vous à chanter en criant « lâche, la che », Hi¬
homme de guerre, car son père
té les coutumes de son père. 11
ro
abandonnera son travail et nous serons sauvés. »
quitte sa demeure et part à la recherche
arrive à Vaitia, dans la vallée de Ataa,
au moment ou Hiro se dispose à lancer son bateau. Les cordes
sont déjà tendues et les dieux entourent Hiro, tandis que des voix
chantent « Dieux de Taonutea et de Taonuanu surveillez les coqs
de la déesse Nuumeha, empêchez-les de chanter car notre travail
Alors Uuru Tahutahu
de Hiro et de ses dieux. Il
serait perdu; prenez les cordes dieux de Hiro, hâlez le bateau
jusqu'à la mer. » L'opération commence; mais le sorcier est là
qui espionne tout ce remue ménage et il se met à crier : coqs de
Nuumeha, levez-vous, et les coqs se mettent à chanter « lâche,
lâche. » Hiro se sent pénétré de honte, car son projet est décou-
Société des
Études Océaniennes
�vert, les esprits
allait poindre,
eux-mêmes sont pris de panique parce.que le jour
ils quittèrent les lieux et se réfugièrent dans les
Marae.
Hiro abandonne aussitôt le
ses armes.
travail et se précipite pour chercher
Il tua les coqs de
Nuumcha, mais la population de
Maupiti fut sauvée. Il retourna à Tahaa, laissant à
traces de son passage et de son travail : le bateau de
encore
Maupiti les
Hiro se voit
dans la vallée d'Ataa.
eégexde de paitoa a reiiia.
Rehia était le fils de Taihia, ancien géant du temps de nos an¬
cêtres; ils adoraient plusieurs dieux, croyant que le soleil était
un grand feu allumé par les sorciers pêcheurs, pour taire cuire
leurs poissons. La croyance s'était établie que ce phénomène était
éternel. Son grand rival était un terrible esprit du nom de Taaroa,
jouissant d'une très grande autorité sur toutes choses.
Rehia était grand, robuste et fort. Un jour sa femme enceinte
voulu manger une igname; c'est en effet l'habitude des femmes
enceintes d'éprouver des envies de fruits, et leurs maris sont obli¬
gés d'aller les chercher.
Rehia partit donc dans la grande et profonde vallée où on cul¬
tivait l'igname sacrée du dieu Taaroa. Il se mit à creuser la terre
autour de l'igname. Mais au moment où il croyait toucher au but,
il fut aperçu par les deux sorcières qui avaient la gardé de l'igna¬
me du dieu Taaroa, qui crièrent: « Dieu Taaroa, sauve ton igna¬
me,
Rehia veut l'emporter, et tu en seras
toujours privé. » Le dieu
répondit: « Jetez-leur les pierres qui servent de clôture à mon
domaine, » Elles roulèrent ainsi les blocs de pierre qui écrasèrent
le malheureux Rehia au fond de l'excavation.
Pendant ce temps, Rehia était anxieusement attendu chez lui,
et il ne revenait toujours pas.
Peu de temps après, sa femme apprit par des chasseurs que
son époux était mort; alors elle s'enferma seule chez elle jus¬
qu'au jour de la naissance d'un fils, auquel elle donna le nom de
son mari, Paitoa a Rehia.
leur
Société des
Études
Océaniennes
�—
49
—
jeune Paitoa était devenu un adolescent, et avait l'habitude
promenades le long du rivage. Uu jour il apprit des
gens du bord de mer, qu'il était le fils de Rehia, ses traits rappe¬
lant ceux de son père. Mais il ignorait toutefois les circonstances
-dans lesquelles son père avait trouvé la mort. De retour à la mai¬
son, il alla trouver sa mère et lui dit: « Ma mère, dis-moi ou se
trouve mon père? et sa mère lui répondit: : Tu n'as pas de père
tu es né sans père ». Non, reprit le jeune homme, je viens d'ap¬
prendre par les gens du rivage, que mon père était Rehia a Tahia,
où est-il allé? « J'irai le chercher ». La mère se mit alors à pleu¬
rer et dit à son fils : « C'est bien pour cela que je ne voulais pas
te dire la vérité car je savais bien que dès que tu saurais, je devais
redouter que tu subisses le même sort que lui, en voulant le ven¬
ger. Je serai seule à la maison. Qui viendra me caresser aux jours
de ma vieillesse? Qui me soulagera dans ma détresse? L'âme de
ton pèie ne vient plus me redonner de la joie, et si tu suis sa rou¬
te, je suis sûre que, toi aussi, tu ne reviendras plus ». Alors Pai¬
toa calma les pleurs de sa mère, lui assurant qu'après trois jours
d'absence, il reviendrait avec l'igname du dieu Taaroa, ayant ven¬
gé son père.
11 prit la lance des ancêtres, et s'enfonça dans la forêt où avait
pénétré son père. Arrivé au pied du rocher, à l'endroit où pous¬
sait l'ignamef il enfonça la pointe de sa lance dans le sol, et sou¬
leva la terre qui recouvrait l'igname, la nettoya, et se disposa à
rentrer chez lui. Mais à ce moment, il entendit des voix qui fin
terpellaient : « Hola, Taaroa ! Paitia a Rehia dérobe ton igname;
au secours, sinon tu en seras à jamais privé».
Taaroa aussitôt fit rouler les gros cailloux du mont Moreatamaiti, pour broyer Paitoa. Mais ce fut en vain, car Paitoa ai racha
un énorme tronc de burao, élevé par Taaroa, prit les deux sor¬
cières, les attacha aux branches et redescendit de la montagne.
Arrivé chez lui, il tua les deux sorcières et les brûla. L'igname fut
mangée par sa mère et il se servit du tronc de burao comme man¬
Le
de faire des
che de lance.
Société des
Études
Océaniennes
�—
in ST
50
61 it
i:
Autrefois, vivait à Tevaitoa, un
femme Nanuiteao ;
—
in': i r.
homme du nom de Ui, et sa-
ils demeuraient ensemble dans la
vallée de
Puhau.
fille, qu'elle appela
Hirohiti. La dèriYitré qui naquit fut appelée "Aroarii vahine maitai itetara" qui si¬
gnifie "Belle princesse". A rencontre de ses deux sœurs, elle
jour, sa femme lui donna une premiere
Nanuiteao, puis une deuxième qu'elle appela
Un
n'était pas encore
mariée.
jour, les esprits des ténèbres se promenant dans l'île, en
quête de provisions pour leur chef Tumuiva (tronc bien planté)
rencontrèrent Oi, s'en saisirent, et l'ayant mis dans un panier,
l'emportèrent pour le manger; le considérant comme un mets
délicat. Sur leur chemin de retour, ils traversèrent d'abord allè¬
grement un lieu-dit: "pieds légers", puis commencèrent à pei¬
ner en traversant un site connu sous l'appellation de " piedslourds", et c'est enfin à pas pesants qu'ils regagnèrent leur gîte,
dans la profondeur des ténèbres.
Durant cette pérégrination, le pauvre Ui, enfermé dans le pa¬
nier, songeait à sa dernière fille Aroariitetara ne cessant de répé¬
ter à tout instant « il n'y a plus qu'une seule belle femme ici-bas,
et c'est la princesse ma fille ».
En entendant ces .paroles prononcées par Ui, Tunuiva se pré¬
senta devant lui. « Que dis-tu questionna-t-il ? » Hélas ! répondit
Ui. je pensais à ma fille, la seule princesse bonne et belle à la fois.
Durant ces événements, les esprits étaient partis à la recherche
dé condiments, devant contribuer à rendre plus délectable à leur
palais Ui lui-même, servi comme plat de choix, pour le jour de
leur fête, qui était proche.
Le chef des esprits des ténèbres, demanda alors à Ui, si les seins
de la princesse étaient encore fermes et vierges? Sur la réponse
affirmative du malheureux père, il lui demanda purement et sim¬
plement, la jolie princesse en mariage. Ui la lui accorda, à la con¬
dition qu'il serait libre. Heureux de l'assentiment du vieux Ui. il
lui dit: <s Comment pourrai-je la circonvenir? » et Ui lui indiqua
le moyen. « De par ton pouvoir, lui dit-il. de métamorphose, tu
vas prendre mes traits et tu iras chez moi. Tu demanderas à ma
femme où est Aroariitetara. Si elle te répond qu'elle est dans ma
demeure, tu iras trouver la princesse, et lui ordonneras d'aller
Uu
Société des
Études
Océaniennes
�prendre un bain dans la rivière. Lorsque vous serez sur le point
d'entrer dans l'eau, tu lui diras de plonger la première, et au mo¬
ment où elle remontera à la surface, tu la saisiras et l'emporte¬
ras
dans tes bfas
».
Après avoir suivi les avis de Ui, et s'être emparé de la princes¬
se. Tumuia revint et accorda la liberté au vieux Ui qui retourna
le cliamp auprès des siens. Son absence prolongée avait se¬
l'inquiétude parmi eux.
Âroariifétara fut mariée par les esprits à leur chef. Après la cé¬
lébration du mariage, ils revinrent tous deux à la vie, et demeu¬
rèrent jusqu'à' la: fin de leur vie chez Ui.
sur
mé
Traduit par Namata q Ternit lia,
fi/s du pàstèur de Maupiti, qïn tient ces
légèndes de
Recueilli et
communiqué
Société des
Études
son
par
grand père.
André ROPITEAtl.
Océaniennes
�TOraxsun:
En
Le
pirogue
temps est lourd,
au
Pari de Tautira.
angoissant. Les nuages courent vite et très
l'horizon barré d'encre, et la côte se perd au loin dans le
brouillard. Incertains, nous interrogeons le chef Raiarii. qui doit
bas,
sur
conduire par mer au
nous
Pari.
nom qui désigne les falaises,
qui forment la pointe extrême de la presqu'île.
Le chef décide pour nous, et bien vite, sans perdre de temps,
car il nous est précieux, nous arrimons les bagages à Lavant de
la pirogue qui doit nous transporter.
C'est la première fois que j'en vois une si grande. Elle mesure
approximativement cinq mètres de longueur, quatre-vingt a qua¬
tre-vingt-dix centimètres de largeur et un mètre de profondeur.
On peut y mettre jusqu'à deux tonnes et demie de coprah,
mais pour cette fois, le coprah sera remplacé par des passagers.
Pour manœuvrer un tel monstre, il aurait fallut trop de rameurs.
Aussi le chef y a-t-il fait fixer une moto-godille, économisant ain¬
si du temps et de la place. Nous terminons hâtivement nos pré¬
paratifs de départ et embarquons nous-mêmes à cinq heures cinq.
Le
Pari,
comme on
le sait, est le
Bien que nous soyons onze personnes, avec
de nombreux ba¬
la pirogue ne semble pas encore très chargée.
La mer est mauvaise, très mauvaise même: en effet la pointe
de Tuara dépassée, nous nous mettons à danser terriblement.
La mer se creuse, le vent souffle du Sud-Est en rafales violen¬
tes. Par instants, nous ne voyons plus devant nous, que des
montagnes d'eau deux fois plus hautes que notre esquif, qui sem¬
ble bien frêle sur une mer pareillement démontée. Puis subite¬
ment la pirogue se cabre, vibre, et d'un bond, franchit ces rem¬
parts mouvants, pour retomber lourdement sur l'avant dans le
gages,
intermédiaire des deux vagues.
Parfois, comme nous suivons les récifs pour
creux
rechercher
un peu
les lames par le travers. C'est alors une
glissade vertigineuse d'une lame à l'autre, sur le côté. Cela don¬
ne une impression bizarre à analyser.
Il semble que l'air manque aux poumons, et la sensation est
étrange et indéfinissable.
de calme, nous prenons
Société des
Études
Océaniennes
�Nous
sommes
ballotés
comme un
bouchon
sur
l'océan. De
heurtent, et l'eau em¬
barque. Il faut la vider avec une seule et unique vieille boîte d:
conserve; c'est le seul récipient à bord, qui puisse servir à cet
temps à autre des vagues plus fortes nous
usage.
Nous
sommes
trempés de la tête aux pieds, bien que nous es¬
sayions de nous garantir avec de vieilles toiles. Nos chapeaux
font autant de petites gouttières qui nous coulent dans le dos.
Personne ne parle. Malgré le froid qui me glace, malgré l'eau de
mer qui rougit et brûle mes yeux, j'admire ce paysage grandiose
qui se déroule devant nous.
Les montagnes très hautes et escarpées, se détachent sur le ciel
gris-mauve du soir; la mer déferle et brise en grondant sur les ré¬
cifs qu'elle couvre d'écume. Les cocotiers se tordent désespéré¬
ment sous le vent qui siffle et tourbillonne. Nous avançons à
grand'peine en luttant contre les vagues et le vent.
La lumière baisse. Marehurchu! Instant qui vient entre le jour
et la nuit. Crépuscule. Soir.
La prière des anciens Tahitiens me revient à l'esprit: « Sauvezmoi, sauvez-moi, c'est le soir, c'est le soir des dieux. Veillez au¬
près de moi ô mon Dieu ! Près de moi. ô mon Seigneur! Gardez
moi des enchantements de la mort subite, de la mauvaise con¬
duite, de souhaiter le mal ou d'être maudit, des secrètes menées
et des querelles pour les limites de terres. Que la paix règne,
loin autour de nous ô mon Dieu! Gardez moi contre le guerrier
furieux, de celui qui erre furieux, se plaît à effrayer, dont les
cheveux sont toujours hérissés. Que moi et mon esprit reposent
en paix cette nuit, ô mon Dieu! »
Nous passons Auaue, Tuete, Apihao, Vaionifa, la rivière Vaitoto, Afatauri, noms de terres ou de petites agglomérations de
pêcheurs, plantées là, en face du grand large.
L'oreille européenne est frappée par la consonnance, dure et
gutturale de ces noms, et pourtant ils prennent une intonation
si chantante lorsqu'ils sont dits par des enfants du pays.
Baies ou caps, récifs et brisants, nous les laissons derrière nous
ne songeant plus qu'à lutter pour arriver avant la nuit.
Mais un incident imprévu nous oblige à attérrir sur le sable de
la petite anse de Mataorio.
Le moteur a des ratés, la panne menace. L'eau de mer a tout
envahi, et il nous faut l'assécher si nous voulons continuer.
Cela ne demande fort heureusement que peu de temps et nous
Société des Études Océaniennes
�repartons à six heures un quart, vent debout. La nuit tombe de
plus en plus. Il faut les yeux de lynx de notre jeune piloie, un
gamin de douze ans, qui arbore fièrement, avec un gilet de fla¬
nelle, une casquette d'officier de marine à double galon d'or, ô
ironie! pour pouvoir signaler dans la demi-obscurité
qui règne
déjà, tous les rochers à fleur d'eau, que la mer dissimule sous
l'écume.
Il est
perché à l'avant et gesticule
en
hurlant,
sans pour
cela,
perdre
son équilibre le moins du monde.
Nous laissons l'anse de Paofai derrière
nous
et doublons la
pointe d'Ovauaraa. Le vent a encore augmenté d'intensité. Nous
commençons à ne plus nous sentir en sûreté sur cette pirogue
qui roule et tangue effroyablement, en craquant de toutes parts.
Un vol d'oiseaux de mer, raye le ciel livide, en poussant des
cris
plaintifs. Le vent les repousse du large, et ils viennent chercher
refuge dans les anfractuosités des falaises. L'ombre lutte avec la
lumière. Soir mélancolique et triste. Soir
lugubre.
Le chef qui fait fonction de capitaine, ne laisse
cependant pa¬
raître aucune inquiétude. Ces
indigènes ont une telle habitude
de la mer, que les pires gros temps ne les effraient
plus. Cepen¬
dant le plus dur nous reste à faire.
11 s'agit de s'éloigner très loin du
rivage, pour éviter les coraux
et de longer les récifs du large. Cela fait, nous devrons traverser
la passed'Aiurua. C'est la grande question, et le clou du
voyage.
Je me-cramponne à mon banc, m'attendant à tout instant à
être projetté à l'eau.
Frisson d'épouvante. Plaisir violent que l'on éprouve à la sen¬
sation d'un danger proche. Je crois bien que les autres
passagers
font de même.
Le
pilote, immuable sur son avant, plonge avec la pirogue,
la moindre frayeur. Trempé jusqu'aux os,
grelottant de
froid, il siffle, siffle éperdument, lançant à la mer le défi de l'oi¬
seau à l'air. Pauvre atome devant
l'immensité, il se sent pour¬
sans
tant le roi de la situation.
La traversée de la passe s'effectue en trois minutes, ces minu¬
me semblent des heures. Nous
apercevons maintenant, dans
tes
le lointain, l'îlot Fenuaino qui nous marque le terme de notre
voyage.
Nous dépassons la petite pointe de Farauo, et entrons dans une
zone relativement
calme, par rapport à celle que nous venons
de traverser.
Société des
Études
Océaniennes
�Soulagement. On respire.
La nuit est devenue d'un noir d'encre. Notre
pilote lui-même
n'y plus très bien voir. De fait, en voulant incliner vers
la plage, nous montons surle récif. Jurons du capitaine. Essai de
justification du pilote. Les passagers descendent.
Notre pirogue est heureusement solide. Après dix minutes de
travail dans l'eau jusqu'à la ceinture, nous pouvons reprendre
notre route, vers la petite lumière tremblotante qu'on aperçoit ladeclare
bas,
au
milieu des cocotiers. Nous effectuons le reste du chemin
incidents, et c'est à sept heures moins le quart, sous un vent
glacial, et dans une nuit noire que nous débarquons, transis et
grelottants.
Froid, tupapau. Chien qui hurle à la mort.
Courir se changer, et boire un gobelet de whisky, cela nous
sans
demande deux minutes. Nous
nous
réchauffons
Tiédeur, calme et repos, alors qu'au dehors le vent souffle
en tempête.
11 était temps que nous arrivions. Nous avons mis une heure
trois quarts pour accomplir notre trajet.
Dîner. Liqueurs. Café. Cigares. A cent kilomètres de la ville,
perdus en pleine brousse, nous n'abandonnons pas les raffine¬
maintenant
ments de la
civilisation.
A huit heures et
Nous
nous
demie, le vent baisse et diminue de violence.
équipons pour la pêche aux chevrettes.
Amusement
qui
ne
coûte
pas
cher; la pèche
aux
chevrettes la
nuit, est très attrayante.
Pour tout
équipement, il suffit d'avoir une forte lampe électri¬
de poche, et un petit harpon, dont les branches sont faites
de vieilles baleines de parapluie, préalablement aiguisées.
Nous remontons les petits ruisseaux qui sillonnent les plages
que
avoisinant le Pari.
Dans
chaque petite vasque, que forme le ruisseau en descen¬
je braque ma lumière.
Tranquilles, ne se doutant de rien, leurs yeux mettant des
points d'or dans l'ombre qui les entoure, les chevrettes rampent
doucement tout au long des pierres.
dant à la mer,
D'un coup sec
je plonge le harpon, qui d'une façon précise
Société des
Études
Océaniennes
�—
50
—
transperce de ses dents aiguës, leur fragile carapace. 11 suffit seu¬
lement d'un peu d'adresse et d'habitude pour devenir expert à
cette pèche.
Nous rentrons à minuit
avec une
touque à demi-pleine de che¬
vrettes.
Nous
séchons et, reposés, repartons pour
nous
jouir du spec¬
pêche aux flambeaux.
J'engage vivement tous ceux qui aiment l'art, aussi bien dans
les mouvements que dans les jeux de lumière, à surveiller une
pêche aux flambeaux. Ici elle est encore rehaussée par un temps
tacle de la
menaçant.
où traine une lueur livide; la mer hou¬
leuse, les brisants couverts d'écume, le ciel sombre où courent
des nuages de plomb. L'océan tourmenté, apporte à ce tableau,
la voix grave de son ressac sur les rochers.
Une légère pirogue se balance lentement, au gré de la houle.
Un enfant rame à prouve ment s lents et réguliers, assis à l'arrière.
A l'avant, debout vUns une attitude superbe, qui tenterait un
statuaire, un indigène tient, d'ur.e main, uu flambeau fait de feuih
les sèches de cocotiers, et de l'autre, un harpon, aux branches
garnies de crocs redoutables. Figé dans une pose qui étonne et
ravit, il guette la proie qui s'ébat dans l'ombre.
11 a les reins ceints du pareu, et la lumière se joue sur le bron¬
Comme cadre, l'horizon
ze
de sa peau.
Beauté des lignes.
Eurythmie des formes.
qui souffle, vivante ré¬
des dieux disparus, ses yeux scrutent l'ombre au creux
Le bras tendu, immobile dans le vent
surrection
des vagues.
Sans que son corps
ait bougé d'une ligne, son bras s'est déten¬
du, d'un geste brusque, et le harpon est parti, rapide, inflexible
engin de mort, allant frapper sous l'eau, un de ces bizarres pois¬
sons dont le Pacifique est si prodigue.
saisir le harpon qui
quelques mètres sur l'eau noire. C'est une proie palpi¬
tante qu'il ramène, proie qui frétille et qu'agitent les derniers
sursauts de l'agonie. La pêche continue.
La pirogue va, vient, se lovant au creux des vagues, et y tiainant le reflet rouge de la torche embrasée. Spectacle unique.
Jouissance des yeux.
Les poissons s'entassent : perroquets aux becs crochus et à la
Le
rameur
accélère le mouvement, pour
flotte à
belle couleur
bleu-roy, carangues argentées, aiguillettes dange-
Société des
Études Océaniennes
�par leur bec immense et effilé, poissons cornus et hérissés
piquants empoisonnés becs-rose saumonés, c'est toute une
profusion de formes inattendues et de couleurs renversantes.
Verts, jaunes, roses, rouges ou bleus de toutes nuances, mal'euscs
de
lient leurs teintes chaudes dans un
Il
va
être trois heures du
arc-en-ciel magifique.
matin, et je ne me lasse pas de con¬
templer ce tableau. Il me reste pourtant encore à voir une autre
pêche, celle de la langouste.
Cette pêche se pratique tout au long des récifs qui bordent la
plage. II faut avoir une lampe à la main. On marche sur les ro¬
chers en scrutant attentivement les excavations. Les yeux des
langoustes brillent et
décèlent leur présence; sans ce
passerait sans les voir.
harponne, ou, comme font
certaine manière par le dos.
On les
d'une
11 faut pour
A la lumière,
détail, on
les indigènes, on les saisit
cela y être très habitué, afin d'éviter les blessures.
les crabes sortent de leurs trous, et nous faisons
ample récolte de ceux dont la chair est comestible.
pêche est fructueuse: une trentaine de langoustes
près autant de crabes.
une
La
et à peu
11 est quatre heures et demie. Une lueur blafarde à l'horizon,
indique la prochaine venue de l'aurore. Brisés de fatigue, nous
tentions nous changer et prendre un peu de repos.
Le petit jour me retrouve debout. Très amateur de levers de
soleil, je ne veux pas manquer celui-ci, d'autant que beaucoup
de personnes m'ont affirmé que les levers de soleil du pari sont
magnifiques.
Je m'installe confortablement sur la plage, adossé à une énor¬
me bille de tamanu ; face à moi, le ciel se colore peu à peu.
C'est d'abord un jaune très pâle, plutôt un vieil ivoire; puis de
minute en minute, le coloris change, fonce, revêt mille teintes
diverses. C'est du rose pâle, puis vif, qui tourne au saumon.
L'indigo met sa note gaie dans ce mélange, où très vite le rouge
domine.
jaillit tout d'un coup de la mer, énorme disque
sanglant. Vraiment on ne m'avait pas trompé. C'est
première fois que je vois cette teinte superbe.
Il est impossible d'enfermer en la teinte grise des mots,
Le soleil
rouge
la
Société des
Études
Océaniennes
d'un
bien
celle
�si vive de h vision. Lentement le soleil monte, monte, et com¬
mence son éternelle course dans le vide.
Le ciel s'embrase de pourpre, puis tout disparait.
Un nuage noir s'est interposé entre le soleil et moi. Mais vain¬
queurs, d'immenses rayons d'or paraissent, et se lancent à l'as¬
saut du zénith. Cascade de lumière. Débauche de tons.
Spectacle divin,devant lequel
on
s'efface,
on se
diminue,
on
s'oublie. Devant tant de beauté, on se sent petit, vil, méprisable.
Cela me rappelle un mot de Gustave Flaubert: « Quand on se
compare à ce qui vous entoure, comme on s'admire, mais quand
on lève les yeux plus haut vers l'infini, comme on se
méprise ».
Je reste encore quelques instants à regarder cette féérie, cet
étalage de couleurs, palette immense, qui enchante et réjouit la
vue.
Amoureux de la
solitude, je pars en promenade, du côté du
plaisir intense à aller ainsi à la découverte.
Tant de choses m'intéressent: les coquillages de la plage pour
ma collection, les jolis sites pour mon album de souvenirs, les
plages ombreuses pour me reposer en ne pensant à rien.
Pari.
J'éprouve
un
Le soleil inonde maintenant toute la côte.
11 ruisselle
accroche
ses
la mer qui moutonne, s'insinue
paillettes d'or au flanc des falaises.
sur
sous
les arbres,
Bruit. Lumière. Vie. Fraîcheur.
On oublie la civilisation. La nature est sauvage.
Je rencontre beaucoup de tombes abandonnées, et qui doivent
pierres plantées à l'entour en montrent
l'emplacement. Au milieu d'elles, des pierres blanches dessinent
un tout petit carré d'herbe. Là sans doute un enfant fut enterré.
Serait-il un vieillard aujourd'hui?
Destinée mystérieuse du monde. Néant. Infini,
Dormir son dernier sommeil dans un tel cadre, il me semble
que cela doit être merveilleux.
Des barrières en pierres sèches, attestent encore que cette pattic de la presqu'île fut jadis très habitée. Aujourd'hui c'est un
désert, visité seulement de temps à autre par les indigènes qui
viennent recueillir leurs cocos. La nature est redevenue libre,
sauvage, exubérante, indisciplinée. Des bois de mape, forment
de véritables voûtes de cathédrale, qui entretiennent une ombre
délicieuse sur des plages de sable blanc.
C'est là que l'on retrouve le vieux Tahiti, boisé, touflu, feuillu,
être très anciennes. Des
Société des
Études Océaniennes
�-
à la
89
—
végétation arborescente et folle. André Theuriet, l'amou¬
des bois et des forêts, nous
dit que:
plus profond des bois, la Patrie a son cœur,
Un peuple sans forêts est un peuple qui meurt. »
Le jour ou Tahiti, déboisé et nu, n'offrira plus à notre œil que
des sommets de pierre lisse, sa race aura disparue pour toujours.
reux
«
Au
Je suis attiré par un bruit insolite. Mais que vois je?
Je suis nez à nez, c'est le cas de le dire, avec deux porcs à de¬
mi sauvages qui ne m'inspirent pas confiance du tout.
Je n'ai pour tout instrument de défense qu'une petite badine
à la main. Voilà donc mon excursion interrompue. Je juge pru¬
dent de mettre de la distance entre
nous.
je rebrousse chemin en longeant le rivage, afin de pouvoir
marcher plus vite. Mais mes poursuivants m'ont devancé en me
tournant, et je me retrouve devant eux au moment ou je croyais
bien les avoir dépistés. Je commence à me demander ce qui va
m'arriver. Ils sont là, me regardant d'un mauvais œil, avançant
à petits pas en reniflant la terre.
Je vois que cela va se gâter. Il ne me reste qu'un moyen de
continuer ma route. Délibérément je m'engage dans la mer, et
rejoins les rochers qui courent à quelques mètres, parallèlement
au
rivage. Me voila désormais tranquille. Je marche doucement
pour éviter de glisser.
Je m'arrête de temps en temps, prenant plaisir à contempler
les gracieuses évolutions des poissons sous l'eau.
Etranges et merveilleux poissons des tropiques, qui dira ja¬
mais vos formes imprévues, vos couleurs inimaginables, vos
moyens de défense si bien imaginés eux. Qui dira votre vie, vos
demeures de coraux multicolores, aux branches de dentelle, vrais
palais sous-marins.
Tenté, je détache de mon chapeau un des hameçons qui à la
campagne ne me quittent jamais, le fixe à une ficelle, attache cel¬
le-ci a ma badine, et une chevrette prise au ruisseau voisin me
sert d'appât. Je passe ainsi un excellent moment et fais une bon¬
ne pêche.
Le soleil, haut dans le ciel, me dit qu'il doit être temps de ren¬
trer pour le déjeuner. Je ne me suis guère trompé; il est onze
heures.et demie.
Société des
Études
Océanienne
�—
Nous montons en
60
—
pirogue pour l'îlot Fcnuaino. Cinq
minutes
de traversée et nous abordons.
touffus. Fourrés impénétrables.
surprise en sortir des sauvages. Ce n'est heureu¬
pas le cas. Une case rustique a été dressée sur la plage.
Vraie île de Robinson. Bois
On verrait
sement
sans
C'est là que nous nous asseyons
à terre, à la mode indigène,
pour faire un repas essentiellement tahitien. Nous le devons à la
gracieuse amabilité du chef Raiarii, qui nous l'a préparé avec soin.
Chevrettes et langoustes crues et cuites, poissons variés acompagnés de miti haari, cochons de lait et poulets au four indigène,
sauces de toutes espèces, poe succulent.
Les mets se succèdent sans interruption ; déjeuner pantagrué¬
lique dont Gargantua s'effrayerait.
Nous buvons des cocos.
Des couronnes de tiares, harmonieusement mariés à de la fou¬
gère odorante, nous sont distribuées. Nous devons vraiment
avoir l'air comiques, ainsi couronnés.
Les figures s'éclairent. Chants. Rires. La gaîté règne. Les his¬
toires circulent. Nous nous levons avec peine car nos jambes sont
engourdies. Le kodak qui est de toutes les fêtes va nous grouper
pour l'éternelle photo-souvenir.
Les indigènes sont si heureux
m'exécute de bon cœur. Ma
Déclics. Changement de poses.
de se faire photographier que je
bobine entière y passe et je pense
qu'elle sera réussie. Le chef sera tout fier de s'y reconnaître, en¬
touré de sa famille et de ses invités. L'heure avance.
Les meilleures choses finissent hélas ! plus vite encore scmblet-il que les mauvaises. 11 va falloir songer au retour.
Après une si belle journée, on voudrait ne plus partir, rester
encore. Mais on ne peut faire toujours ce que l'on veut. Les oc¬
cupations journalières vous demandent, nécessitant votre pré¬
sence.
gré mal gré, le Pari si hospitalier.
bagages, et embarquons à trois heures
et demie. La mer quoique beaucoup plus calme qu'hier, est ce¬
pendant encore assez agitée, et la traversée des deux passes, en¬
tre autre, est assez dure. Néanmoins nous rions, nous sommes
heureux de revoir les endroits dépassés hier à la nuit.
Il
nous
faut abandonner bon
Nous rassemblons nos
Aujourd'hui, avec le soleil qui baigne toute la côte, nous pou¬
jouir du paysage.
Tout au long des plages, sous les ati et les tamanu au feuilla¬
ge vert, des marae en ruines mettent leur note pittoresque. Té-
vons
Société des
Études
Océaniennes
�passés, ils nous sont une preuve cer¬
Tautira fut un des principaux centres religieux de l'île.
Marae, évocateurs des dieux disparus, autels où l'on adorait
Taaroa. le créateur, Fatou, le génie de la terre, Hina, celui de la
lune, ou l'on sacrifiait à Oro, à Hiro, à Rii qui sépara la terre des
deux, à Mahoui qui retira la terre des eaux, à Rou dieu des vents
qui fit mousser les eaux, et brisa l'ancienne terre pour laisser les
îles actuelles
vos pierres ont-elles rougi du sang d'êtres hu¬
moins attardes des temps
taine que
...
mains ?.
Avez-vous
connu
les sacrifices sanglants, offerts aux
divini¬
les apaiser, ou obtenir leur protection?.
Vous représentez aujourd'hui à nos yeux, une époque, où,
heureux, les Tahitiens se gouvernaient par eux-mêmes. Ne con¬
naissant pas la civilisation européenne, ils avaient leur civilisa¬
tés pour
tion à
eux.
autels, leurs réunions guerrières.
large et saine, ne sachant que rire et chan¬
ter. Puis les blancs sont venus, apportant à leur suite, le progrès
et ses raffinements, la civilisation et ses douloureux tributs. Les
Ils avaient leurs dieux, leurs
Ils vivaient d'une vie
autels ont été abandonnés, les coutumes
oubliées, les mœurs
changées, et la race a dépéri. La population a été décimée par les
maladies et les épidémies. Cela explique pourquoi les côtes du
pari, sont maintenant désertes.
Tahiti, Tahiti, tu te meurs d'avoir attiré l'envie des hommes.
Tes enfants se sont laissé submerger par les étrangers, dépouil¬
ler de leurs terres, de leurs biens.
Secoue-toi, fais tomber de ton échine où ils se cramponnent,
ces asiatiques qui t'envahissent.
Que tes enfants se reprennent, qu'à nouveau ils cultivent cette
terre si fertile qui est la leur. Tu éviteras peut-être ainsi de ne de¬
venir qu'une île commerciale, pour rester la terre bénie, la patrie
d'adoption de ceux que la vie a blessés.
Tu resteras ce que l'on t'a faite, une île de bonheur et de joie,
de calme et de tranquillité. Mais n'est-il pas trop tard pour rede¬
venir tout cela ?.
gauche, Mataorio, notre halte d'hier.
apparaît sous les arbres. Nous marchons à bon¬
ne allure. Tautira sort de la brume, joyau serti d'eau.
Je comprends maintenant pourquoi Stevenson avait choisi ce
petit village pour y écrire son livre des rpers du sud. Il avait éfé
Nous laissons loin à notre
La rivière Vaitoto
�comme
tant d'autres séduit par
le charme de ce coin perdu du
vaste monde.
Loti a dit quelque part: « Il y a des heures exquises que plus
tard, dans la tristesse angoissée des réveils, on se rappelle avec
un
regret à la fois déchirant et charmé. »
N'est-ce pas de notre île que parle Loti? Si Rarahu ne fut
qu'une passagère idylle, Tahiti ne fut-il pas le grand amour de
Loti ?
Nous arrivons et la
pirogue échoue doucement sur le sable. Il
cinq heures. Cette promenade nous restera un souvenir inou¬
bliable: pourquoi faut-il qu'elle soit si courte?.
Une dernière photo nous réunit sur la plage avant de nous sé¬
parer, et nous remercions chaleureusement le Chef Raiarii et sa
femme, de la si cordiale hospitalité que nous avons trouvée chez
est
eux.
Poignées de mains. Souhaits de retour, tandis que le soleil
une apothéose de gloire.
Nous partons à regret. La route blanche s'allonge, indéfinie,
sombre dans
l'auto file...
Trépidations. Cahots. Nous nous enfonçons dans
qui descend....
Poussière.
la nuit
Partir
Taulira, 28
Yves
-
29 septembre 1929,
MALARDÉ.
Secrétaire archiviste de la S.
Société des
Études Océaniennes
E, O.
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Océaniennes
^
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Membi Ifcle la Société se faire
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a
le
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Dublin Core
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Title
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Bulletin de la Société des Études Océaniennes (BSEO)
Description
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La Société des Études Océaniennes (SEO) est la plus ancienne société savante du Pays. Depuis 1917, elle publie plusieurs fois par an un bulletin "s’intéressant à l’étude de toutes les questions se rattachant à l’anthropologie, l’ethnographie, la philosophie, les sciences naturelles, l’archéologie, l’histoire, aux institutions, mœurs, coutumes et traditions de la Polynésie, en particulier du Pacifique Oriental" (article 1 des statuts de la SEO). La version numérique du BSEO dispose de son ISSN : 2605-8375.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
2605-8375
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Établissement
Université de la Polynésie Française
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 36
Description
An account of the resource
Ethnologie - L'arc chez les Polynésiens, par M. Ed. Ahnne 39
Folklore - Légendes de Maupiti :
- Le bateau de Hiro 47
- Paitoa a Rehia 48
- Histoire de Ui 50
(communiquées par A. Ropiteau).
Tourisme - En pirogue au Pari de Tautira, par M. Yves Malardé 52
Avis - Ouvrages et périodiques reçus 63
Source
A related resource from which the described resource is derived
Société des Études Océaniennes (SEO)
Publisher
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Société des Études Océaniennes (SEO)
Date
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1930
Date de numérisation : 2017
Relation
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fre
Type
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Imprimé
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
PFP 3 (Fonds polynésien)