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Bulletin
DE
i
©
0
Société
la
des
L
©
18.-
N°
AVRIL 1 î)2"
Anthropologie
Histoire
—
des
—
Ethnologie
Institutions
et
—-
Philologie,
Antiquités
populations maories.
Littérature et Folklore.
Astronomie
—
1
Océanographie
—
Sciences naturelles
Tourisme.
IMPRIMERIE
A
DU
GOUVERNEMENT
PAPEETE
(TAHITI)
�BUREAU DE LA
Président
SOCIÉTÉ
Abbé Rougier
Vice-Président
M. Deflesselle
Conservatrice du Musée
Bibliothécaire.
........
Trésorier
Secrétaire-Archiviste..
Mme L. Goupil
MHo F. Brault
M. A. Woi.ff
.
Secrétaire de rédaction
N.
..
M. E. Ahnne
Pour être reçu Membre de la Société se faire présenter par
membre titulaire.
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Société des
Études
Océaniennes
�DE
SOCIÉTÉ
LA
D'ÉTUDES
(POLYNESIE
IV» 1».
—
OCÉANIENNES
ORIENTALE)
AVRIL
1021
SOZYLJYL AIBE
Pages
Folk-lore.
Légende de Vei. (Orsmond Walker)..
Histoire.
Le
Sceptre des Reines de
Huahine. (Ch. Pugeault).
Nécrologie.
Orsmond, Henry,
Teriitaumatatini, Walker
Société des
Études
Océaniennes
..
��La
Légende de Yei (1)
par
Orsmond
H. Walkkr.
A
Teahupoo, dans la presqu'île de Taiarapu, il existe une grot¬
appelée" Ana poiri " (grotte ténébreuse) ou
Vai poiri " (eau ténébreuse) à cause de la petite nappe d'eau
qui s'y trouve et de l'obscurité qui y règne.
Cette grotte, rendue célèbre par la légende qui s'y
rattache,
est située à flanc de montagne, à l'entrée de la vallée de Vai Au,
te très curieuse
"
sur
la rive droite de la rivière.
Pour la
cation
visiter,
on
remonte ordinairement la rivière
pirôgué jusqu'à
en
embar¬
point de la berge où croissent
d'immenses « mape » séculaires dont les grandes et belles ra¬
cines la protègent contre les grandes crues.
Là on met pied à terre, on suit un petit sentier qui gravit la
colline, et après quelques minutes de marche, on arrive à l'ou¬
verture de la grotte.
Au premier abord, elle paraît insignifiante et présente l'aspect
d'un petit tunnel incliné, d'une pente d'environ 45°
Le visiteur est alors surpris de voir ses guides se pourvoir de
bouts de bois (de préférence des « faniu », tiges de la feuille de
cocotier) avec lesquels ils frappent les parois de la grotte à fur et
à mesure qu'ils y pénètrent, en poussant des cris et faisant ainsi
ou en
un vacarme
un
assourdissant.
Arrivé à l'extrémité du
boyau, il se trouve en présence d'un
obscurité presque complète; et c'est à peine
si ses yeux peuvent discerner l'eau qui arrête ses pas.
Ses guides continuent leur vacarme et redoublent les coups
de bâtons contre les parois de cette chambre souterraine où re¬
tentissent d'étranges et lugubres échos.
On n'a jamais trouvé à Tahiti de traces de grands reptiles ophi¬
petit lac dans
diens
ou
Mais il
une
crocodiliens.
n'y
a
rien de surprenant que dans cette légende, nous
(1) Racontée à l'auteur il
Teahupoo.
y a
Société des
plus de vingt
Études
ans, par
Océaniennes
1> vieux Haurai de
�—
voyons
zards.
194
—
figurer une monstrueuse chenille et de gigantesques lé¬
Les traditions des Tahitiens, comme
de tous les Polynésiens,
leur pays d'origine était Havaii ou Hawaiki.
Or, la plupart des savants pensent que Havaiki, berceau de la
race maorie, était en Malaisie ou en Asie, pays où existent les
plus gros serpents et crocodiles.
Nos Tahitiens donc peuvent très bien avoir gardé quelques
vagues réminiscences de ces redoutables bêtes.
Peu à peu, comme dans la chambre noire du photographe,
ses yeux s'habituant à la quasi obscurité, il finit par
distinguer
nettement la nappe d'eau d'abord, puis la voûte et enfin le fond
disent que
de la grotte.
C'est alors
qu'émerveillé par le spectacle qu'il a devant lesyeux,
guides qui, d'un air convaincu, lui affirment que s'il
peut maintenant voir clairement devant lui, c'est que les ténè¬
bres se sont dissipées grâce au bruit qu'ils ont fait avec leurs bâ¬
il écoute
ses
tons, et ils lui racontent des faits et lui citent des
tel visiteur
cas où tel ou
blanc, ayant interdit de faire du bruit, n'a jamais pu
contempler les jolies petites vaguelettes qui viennent mourir sur
rive, ainsi que la brillante voûte et les curieu¬
ses parois aux rugosités
fantastiques de la célèbre grotte.
L'eau y est très froide et profonde et son niveau varie selon les
saisons. Pendant la saison des pluies le niveau atteint un certain
roc
qui n'est jamais dépassé à cause des fissures dans la paroi
de la grotte par où l'eau s'écoule.
Ordinairement, la surface de l'eau ne décèle l'existence d'au¬
cun courant, mais pendant les
grandes sécheresses, lorsque le
niveau est très bas, l'on peut parfaitement discerner un courant
allant de gauche à droite (de Nord à Sud).
Les guides racontent même qu'il arrive parfois que lorsque la
période de sécheresse se prolonge, le niveau de l'eau baisse jus¬
qu'à découvrir le principal orifice de déversement, et alors l'on
le sable fin de la
peut entendre distinctement
un bruit de cascade.
La tradition veut que si l'on jette
un objet dans le courant,
il ressortira quelques heures
après dans la mer par un trou d'où
jaillit de l'eau douce et qui se trouve non loin de l'embouchure
de la rivière de Vai au.
Les
objets fragiles en seront rejetés en miettes; mais s'il s'a¬
git d'un coco bu d'un maiore, le premier sortira tout décortiqué
et poli, tandis
que seuls le cœur et la tige du second sortiront ;
Société des
Études
Océaniennes
�—
195
—
les sinuosités et les
rugosités du parcours souterrain, ajoutées
pression de l'eau et la rapidité du courant, ont vite fait, diton, de broyer la bourre du coco ou la chair du maiore pendant le
trajet.
Tout visiteur est réputé n'avoir pas vu Anapoiri, s'il ne consent
à traverser à la nage, le petit lac et s'arrêter quelques instants,
sur une assez vaste terrasse de pierre qui fait vestibule à une se¬
conde chambre intérieure complètement obscure, et à laquelle
on peut accéder
à la nage par un petit tunnel de quelques mètres
à ia
de
longueur.
En temps normal, le nageur a juste la place entre la surface
de l'eau et la voûte du tunnel pour sa tête; mais lorsque le ni¬
veau de l'eau est plus élevé, il est obligé de faire le trajet en plon¬
geant, et cela dans l'obscurité la plus complète.
C'est là, la chambre de Vei, (i) le héros du récit qui va suivre.
*
*
*
Vei
(2) ne savait pas exactement qui était sa mère et ne savait
du tout qui était son père. Il se souvenait avoir toujours vé¬
cu chez Patea, puissant et illustre Chef
de Taiarapu, et dès qu'il
fut en âge de faire la guerre, il s'enrôla parmi les gardes du corps
pas
de
son
Chef et protecteur.
Patea avait
toujours eu pour lui beaucoup de bonté; dans son
entourage, tout le monde savait que tout enfant Vei avait été re¬
cueilli par des gens de Patea et sauvé d'une mort certaine par or¬
dre de ce dernier. On chuchotait de part et d'autre que c'était l'en¬
fant de quelque grande dame apparentée à Patea et affiliée à la
société secrète des Ariois, et que son père était un beau jeune
homme de la classe roturière qui avait payé de sa mort les fa¬
veurs
de l'illustre dame Arioi.
Vei, tout enfant, jouait avec les enfants de
Patea; adolescent, c'était lui qui cherchait et rapportait les plus
jolis cailloux ronds aux différentes teintes pour le jeu detimo(3)
des filles de Patea ; c'était lui aussi qui leur faisait leurs « titiraiDans tous les cas,
(1) Jusqu'à ce que le secret de Vei fut connu, jamais humain n'avaitosé pé¬
nétrer dans cette sombre grotte aux eaux si froides, et habitée par des mons¬
tres etdes mauvais
génies. Pas même les « Avae parai », (Àriois du septième
degré) qui ne pouvaient en croire leurs yeux lorsque Vei leur montra son refuge.
(2) Vei : signifie : Bien fait, fort, hardi.
(3) Correspond à notre jeu d'osselets.
�J 96
—
—
na » (i) ; c'était ég ilemcnt Vei qui faisait les « tea » (2)
pour les.
fils de Patea ainsi que leurs « rore » (s). Plus tard, Patea se l'at¬
tacha comme « teuteu » (4) et l'emmena avec lui dans ses vo¬
yages, expéditions de pêche ou
Vei avait appris le maniement
visites lointaines.
des armes et par son intrépidité,
son courage et sa dextérité, il ne tarda
pas à être admis ainsi
qu'il est dit plus haut, dans la garde personnelle de Patea.
Il était en contact journalier avec les filles de Patea et bientôt
devint follement amoureux de l'aînée appelée Vero.
11 résista autant qu'il put à ce qu'il croyait être un. amour sa¬
crilège, car lui, un roturier, oser lever les yeux sur la tille de son
seigneur et maître ! Non ! quelle insolence et quelle honte ! Ah !
si Vero pouvait seulement concevoir pour lui un amour sincère
qui la pousserait jusqu'à le lui avouer. Alors oui, il pourrait la
prendre comme femme, aux yeux de tous, sans qu'elle perde
pour cela ses titres de noblesse et les prérogatives de son rang !
Ainsi allaient les pensées de Vei, lorsqu'un jour, au moment
de partir à la guerre à la suite de Patea, il faisait ses adieux à Vero
et à sa sœur, il crut voir de la tristesse dans leurs
yeux, d'habi¬
tude si riants.
Cela était pour
lui
un
indice certain qu'il était aimé deQ'une
d'elles.
«
«
«
«
«
«
Qu'avcz-vous, leur dit-il,
vous avez
l'air triste toutes les deux,
croyez-vous que mon bras et ma lance,
sans parler du puissant
appui des dieux de votre père, ne pourront pas avoir raison de
nos ennemis? Le otatare
lorsqu'il a chanté ce matin, avait un
vol ascendant, et le
grand-prêtre a dit à votre père que c'était
là un signe certain que les dieux lui seraient favorables ! Qu'a-
« vez-vous
Les deux
mes
couler
donc à craindre ?
»
jeunes filles ne répondirent rien, mais Vei vit des lar¬
le long de leurs joues.
Qu'avcz-vous ? leur dit-il
encore une
fois.
(1) Titiraina : petit appareil fait de roseaux et de feuilles de pandanus et
se
comparer à uu minuscule hydravion. Les enfants le met¬
fort vent et l'appareil avance au gré du vent, tantôt flottant
sur l'eau, tantôt s'élevant en l'air
pour retomber sur l'eau et reprendre de
plus belle.
(2) Tea: Arc. Les Tahitiens ne se servaient de l'arc et des flèches que pour
leurs jeux.
(3) Rore : Echasses. Jeu très en vogue chez les anciens Tahitiens.
(4) Teuteu: Serviteur attache à la personne d'un prince.
de cocotier. Peut
tent sur l'eau par
Société des
Études
Océaniennes
�—
La'sôèur de Veto
répondit
197
: «
—
Moi je n'ai rien, mais je pleure
Vfero pleure ».
pourquoi' pléufe-t-ellé? demanda Vei.
<<' Parée qu'élle a-du chagrin » fut ht réponse:de la jeune fille.
Vei devina alorsque Vero l'aimait, et posa l'a question Suivant
te
A Et pourquoi a-t-elle du chagrin ? ».•
La sœur lui répondit: «Situ ne le sais pas. demande-le lui ».
A ce même moment Vero, les yeux remplis de pleurs, se tour¬
na vers Vei et, lui tendant un petit'objet en bambou, lui dit:
<% Va, prends cèci. que Oro te• soit favorable. J'ai obtenu que le
grand-prêtre mè; bénisse "ce talisman, et s'il dit vrai, tu me re¬
parce que
Et
viendras sain et sauf
».
Puis, comme si elle craignait d'avoir fait un trop grand aveu,
épforée rejoindre les jeunes femmes qui for¬
qui l'attendaient à quelque distance delà, scan¬
dalisées d'é tant d'attention qu'avait leur jeune maîtresse pour
un soldat d'origine si obscure, mais pour lequel cependant elles
avaient'une profonde estime et une grande admiration.
Vei partit plein d'ardeur,.il avait accroché à sa ceinture le petit
étui dé bambou finement garni de nàpe (r) et en avait retiré une
minuscule petite Statuette qu'il contempla avec recueillement
dans le creux de sa main. C'était la reproduction en miniature de
la miraculeuse statue de Oro qu'il avait si souvent vue de loin,
sur le Marae. aux jours de grandes cérémonies, lorsque Patea
elle s'enfuit toute
maient
sa
revenant
suite et
de la guerre, rendait publiquement
pour les victoires qu'il avait gagnées.
Effectivement, dans la bataille, Vei fut
grâces à
ses
dieux
particulièrement pro¬
tégé. par Oro ; non seulement il n'eut pas une seule égratignure,
mais il tua plus de vingt ennemis qu'il transperça de sa lance. Il
eut soin de leur enlever les oreilles (2) en guise de trophées, qu'il
accrocha en chapelet à sa ceinture près du talisman que lui avait
donné Vero;.
plus d'une fois sauvé la vie à Patea. en
propice, l'ennemi qui l'attaquait par der¬
Dans la mêlée, il avait
abattant
au
moment
rière.
A
son
retour. Patea le
combla de présents et
lui dit qu'il était
(1) Nape : Fil en fibre de bourre de coco.
(2) Chaque guerrier avait une iamo tranchante pour couper les oreilles des
ennemis tombés sur le champ de bataille. C'étaient d'habitude des couteau.v
faits de lames de bambou, quelquefois ces couteaux étaient fails de morceaux
de coquillage.
Société des
Études
Océaniennes
�—
198
—
désireux de le voir établi, et qu'il lui trouverait une compagne
de naissance noble afin qu'il puisse fonder une famille de Chefs.
Vei bondit de
joie et crut déjà que son union avec Vero était
répéter à cette dernière ce que son
père venait de lui dire.
Vero, toute joyeuse, alla de suite dire à son père que son choix
une
chose entendue, et alla
s'était fixé
sur
selon les rites
Vei, et lui demanda de faire
consacrer cette
union
d'usage.
Mais Patea accueillit fort mal sa fille et lui dit que jamais il ne
pourrait consentir à ce qu'elle soit la femme de Vei ; que du reste
ij désignerait à ce dernier celle qui serait sa 'femme, et que son
choix
se
ferait
en
dehors de
sa
famille.
Il n'en voulut pas à Vei, mais
ter sur sa fille ; que jamais il ne
il lui dit qu'il n'avait pas à comp¬
consentirait à cette union. Vei et
Vero étaient au désespoir. Pour ne pas attirer l'attention de Pa¬
tea et du personnel de sa maison, ils évitaient le
plus possible de
se parler.
Quelquefois même, lorsqu'il y avait réunion sur la place
pour écouter chanter les bardes, ou au spectacle des jeux de «taputo ». ( i ) ils agissaient nQji seulement comme s'ils ne se connais¬
saient pas, mais comme s'ils ne se voyaient pas, à un tel point
que Patea et toute sa cour crurent que l'amour de Vero pour Vei
n'avait été qu'un enfantillage.
Mais Vei et Vero avaient de secrets rendez-vous et il fut
nu
entre
hommes
conve¬
que lorsque Vei aurait trouvé une cachette où les
pourraient ou n'oseraient pas aller les relancer, ils
eux
ne
s'enfuieraient tous deux et seraient l'un à l'autre.
Vei se mit donc en quête d'un
refuge pour lui et sa bien-aimée.
Il pensa d'abord au « haapuraa
tapu », (2) mais il lui répugnait
d'être en compagnie de malfaiteurs et ne voulait
pas que Vero
vienne en contact avec eux.
Il
prétexta alors des chasses aux cochons sauvages, pour ex¬
plorer les plus hautes montagnes et les vallons les plus éloignés,
mais il ne trouva pas d'endroit où il
pouvait se sentir complète¬
ment en
sécurité.
Un
jour qu'il bavardait avec un de ses compagnons d'armes,
qui, sous peu, devait se faire initier aux mystères d€ss Ariois, ce¬
il) Taputo: Lu Lté à bras le corps.
(2) Refugium peccatorum, lieu où les bandits, les proscrits, les coupables de
tout ordre pouvaient rester sans crainte
d'être dérangés, à la condition toute¬
fois de ne jamais en sortir.
Société des
Études
Océaniennes
�—
lui-ci lui dit
: «
Si les dieux
199
—
permettent un jour d'arriver aii
grade de « Avaeparai », je célébrerai ma promotion par quelque
action d'éclat. Un avaeparai sait tout,
peut tout, ose tout. Et ce¬
pendant, il est un fait avéré que même un avaeparai n'a jamais
osé franchir le seuil de la grotte qui se trouve
près de la rivière
me
de Vaiau.
Eh bien !
moi qui serai le premier homme
qui entrera
mais pour cela, j'attendrai que je sois avae pa¬
ce sera
dans cette grotte,
rai.
Vei l'avait écouté
distraitement, une idée venait de naître dans
esprit : « Voilà mon refuge tout trouvé », se dit-il.
Il se précipita vers Vero et l'entraînant à leur rendez-vous ha¬
bituel, il lui dit le projet qu'il avait d'aller explorer la grotte mys¬
térieuse. Vero s'y opposa formellement; il ne fallait
pas narguer
les dieux. De temps immémorial, cette grotte
était réputée conte¬
nir des monstres, ennemis du genre humain,
quoique pouvant
prendre la forme de l'homme à leur convenance. De vagues ru¬
meurs couraient que quelques
intrépides mais imprudents jou¬
son
avaient été attirés là-dedans et n'en étaient jamais ressortis. Leurs crânes avaient été retrouvés privés de leurs cheveux,
dans la source qui bouillonne à marée basse, près de l'embou¬
venceaux
chure de la rivière Vaiau. Non, il fallait abandonner cette idée et
chercher une autre cachette.
Vei la laissa
parler jusqu'à ce qu'elle eut fini de citer les nom¬
exemples qui, croyait-elle, allaient l'ébranler dans son des¬
sein ; mais rien n'y fit.
Vei souleva un pan de son « maro » (i) et montra accroché à
sa ceinture le petit étui
que Vero lui avait donné.
« Ceci m'a bien
protège dans la sanglante bataille, dit-il, pour¬
quoi ne le serai-je pas encore, même si j'ai à combattre les dé¬
mons qui défendent l'entrée de cette
grotte ».
« Ah ! continua Vei, pourquoi ton père qui m'aime
pourtant,
me force-t-il, moi qui lui ai tant de fois sauvé la vie, à lutter contre
l'inconnu pour te posséder ».
Dans son cœur, (2) il y avait amour et haine, espoir et désesbreux
(1) Maro : Vêtement que portaient les Anciens et qui est aujourd'hui rem¬
placé par le pareu.
(2) Littéralement : « Aau » entrailles pour cœur ; « Aroha » compassion
pour aucun « Riri », fureur pour haine; « Anaanalae », ardeur pour espoir,
Fenefenea », abattement pour désespoir, « opua », projet pour foi, « Ataataa », indécision pour
doute; « Fàtoa », bravoure pour courage.
«
été des Etudes
�—
200
—
poir, foi et doute, mais au-dessus de tout, il y avait son courage.
Vero essaya encore de supplier pour qu'il renonce à son pro¬
jet. Elle lui dit toute la peur qu'elle éprouvait pour lui. Mais Vei,
lui faisant signe de se taire, lui répondit: « Vero, si vraiment tu
m'aimes, ne me parle plus jamais de peur. Je préférerais ne pas
revenir de la grotte, que de rester ici et te voir jour après jour
sans espoir de t'avoir à moi ».
Ils restèrent tous deux silencieux, puis, Vei arrachant brus¬
quement sa lance qu'il avait plantée en terre, dit : « Je vais à la
grotte et j'en reviendrai ».
»
11 se dirigea séance tenante vers Vaiau.
Vero le suivit du regard et le vit disparaître non sans un senbment de crainte mélangé d'orgueil et d'admiration.
Il lui fallut faire un véritable effort sur elle-même pour répri¬
mer le désir qu'elle avait de courir après lui pour l'accompagner
dans sa périlleuse entreprise.
Elle rentra enfin chez elle et après avoir dit plusieurs prières
pour la réussite de Vei, elle fit appeler auprès d'elle ses plus vieux
serviteurs qui, pour la distraire dans ses moments d'ennui, lui
racontaient les histoires du vieux temps ou lui disaient la bonne
aventure.
Elle écouta
quelques vieux récits dont les principaux person¬
de ses ancêtres; puis, étant « fiu » (i)d'histoires,
qu'on lui dise son avenir.
Un vieillard lut dans ses beaux yeux noirs si doux, qu'avant
d'atteindre le bonheur, elle était prédestinée à vivre pour quel¬
que temps dans une profonde obscurité.
Une vieille regarda sesdents et lui dit qu'elle les avait si blan¬
ches qu'elle aura beau se nourrir de fei (2) pendant tout le temps
qu'elle sera dans l'obscurité, que leur blancheur n'en perdrait pas
nages étaient
elle demanda
son
éclat.
Un autre vieux lui dit
voix si. douce, qu'un «
rait pour lui donner le
qu'elle avaif un corps si beau et une
Aito » (3) surgirait bientôt et l'emmène¬
bonheur qu'elle désirait.
(1). Fiu est un mot qui s'emploie pour exprimer un sentiment de fatigue
n'importe quel point de vue, que ce soit d'un mets, d'une personne, d'une
chose, d'un lieu, d'un amusement ou d'un travail. Le mot des tranchées « en
à
avoir
mare »
traduit
assez
bien l'idée.
(2) Fei : Musa fei. Les indigènes prétendent que le fei jaunit les dents lors¬
qu'on en mange tous les jours.
(3). Aito : Héros. Se dit surtout d'un guerrier.
Société des
Études
Océaniennes
�—
201
—
Enfin,
une dernière vieille lui dit : « L'homme qui te convoite
possédera bientôt, cartes membres tremblent comme les ailes
de l'oiseau qu'emporte le dénicheur et tes narines se dilatent
comme celles d'un enfant qui attend sa mère.
Tu es l'oiseau qui sera déniché et cependant tu es comme l'en¬
fant qui attend sa mère. »
Si Vero ne comprit pas très bien à quoi se rapportaient toutes
ces allusions, elle trouva le temps moins long et prit patience.
Un peu avant la tombée de la nuit, au moment où une lance
plantée en terre projette sur le sol, une ombre, trois fois sa lon¬
gueur, Vei apparut avec une mine réjouie.
11 ne tarda pas à trouver une occasion pour causer seul avec
Vero, et il raconta à celle-ci que la plus grande difficulté qu'il
avait eu à surmonter de toute la journée, avait été de dépister
ceux qui lui demandaient où il allait : « Car, dit-il à Vero, tu sais
combien il est fatigant d'avoir à répondre à tous ceux que l'on
rencontre et qui, en guise de salutation, vous disenttous : « Haete
re oe
hia
»
? Où vas-tu ?
lui demanda Vero.
à chacun que j'allais pré¬
venir le Chef de l'équipe de pêche de ton père, qu'il fallait que la
pirogue à 30 pagayes soit prête pour demain matin.
Mais comme j'approchais du lieu où campent les pêcheurs de
ton père, je devins plus prudent., car mes paroles risquaient d'ê¬
tre contrôlées ; alors fatigué des questions qui m'étaient posées,
je répondais brièvement. A l'un, je dis : « 1 0 ae rara » (là-bas,
pas loin), à un autre je dis: « Aita, te ori noa nei » (nulle part,
je me promène), et ainsi de suite.
Mais ne voilà-t-il pas que je rencontrais des amis qui voulurent
se joindre à moi, et je dus passer une bonne partie de la matinée
à leur raconter d'interminables histoires pour leur expliquer mon
absence prolongée de chez ton père.
A la Qn, je prétextai que ton père avait besoin de mou (1) pour
la distribution des poissons à ses pêcheurs le lendemain. J'allais
donc en cueillir dans le marais au pied de la colline où se trouve
la grotte, et j'ai pu m'esquiver ainsi.
J'arrivai donc à l'entrée de la grotte sans être vu de qui que ce
soit et j'y plongeai un premier regard qui me fit frémir plutôt
«
«
Alors que leur as-tu répondu »?
Au commencement je répondais
: Cyperus pennalus. Les indigènes, encore do nos
lige de la fleur, sur laquelle ils enfilent les poissons.
(1) Mou
la
Société des
Études Océaniennes
jours, prennent
�—
d'orgueil
que
202
—
de peur, en pensant à toi. Je n'hésitai pas à y péné¬
j'avançais avec précaution, tendant l'oreille, il me
trer et comme
sembla entendre
comme
le bruit d'un cours d'eau. Enfin, je ne
à arriver au bord d'une rivière qui coulait assez fort.
Là, je me recueillis un instant, je sortis l'étui que tu m'avais
donné et découvris l'image de Oro, puis je le remis en place.
Je m'avançai dans l'eau et perdis bientôt pied, le courant m'en¬
traînait vers la droite; j'eus peur et je revins. Et cependant, il
fallait aller jusqu'au bout. Je regardai autour de moi et je distin¬
tardais pas
guai à droite du boyau par où j'étais descendu d'immenses blocs
pierres qui semblaient prêts à rouler dans l'eau; l'idée me
vint de les faire tomber en travers de l'orifice béant vers lequel
de
allait le courant.
Avec
ma
lance, j'eus vite fait, en grattant la terre autour d'elles,
pierres l'une après l'autre, et elles allèrent
partie le trou par où s'écoulait l'eau.
Le niveau ne tarda pas à monter et le courant devint moins
fort, je me remis alors à nager et à mon grand étonnement, je
voyais clair devant moi. Les pierres en roulant, avaient fait un
bruit de tonnerre qui dissipa les ténèbres (i).
Je nageai pendant un bon moment sans que mes pieds ne tou¬
chent le fond ; enfin, je sentis de nouveau le roc sous moi et j'atter¬
rissais au fond de la grotte, sur une plate-forme de pierre qui
émergeait de l'eau et sur laquelle il y avait comme un lit pour
de faire tomber les
obstruer
en
deux, taillé dans le roc.
gauche, et bas sur l'eau, une ouverture se présentait à moi.
Je quittai la plate-forme et m'engageai dans ce trou à la nage;
j'arrivai dans une salle spacieuse mais très obscure, j'en fis le
tour complet* et me rendis compte que nous pourrions y demeu¬
rer confortablement sur une grande terrasse bien au sec, sans
crainte d'être découverts par les hommes.
Enfin, me voilà revenu, tout content, pour te dire le résultat
A
de
mon exploration ».
Pendant tout le temps que dura le récit de Vei, Vero, qui s'é¬
tait assise, ne cessait de lui caresser (2) les jambes, des genoux
doute l'idée, qui subsiste encore de nos jours, de faire du
poiri pour chasser les ténèbres.
(2) Les femmes, lorsque leurs maris reviennent d'une expédition périlleuse
ou fatigante, aiment à s'asseoir devant eux, et tandis qu'ils racontent leurs
exploits, elles leur massent les pieds, et les jambes, tant pour les délasser que
pour leur témoigner la joie qu'elles ont de les revoir.
(1) De là
sans
bruit à Ana
Société des
Études
Océaniennes
�—
aux
203
—
pieds, toute heureuse du retour de son courageux préten¬
dant.
Elle frémissait à la
monstres terribles
pensée qu'il aurait pu être dévoré par les
qui, disait-on, habitaient la grotte, et remar-
ciait le ciel d'avoir rendu la tâche de Vei si facile.
*
*
M lis Vei s'était bien
*
gardé de tout lui raconter et avait arrangé
récit à sa façon, car il craignait que Vero ait encore quelque
crainte s'il lui révélait les difficultés formidables qu'il avait eues
son
précisément
monstres.
plus tard pour lui raconter comment, en arri¬
vant au bord du lac souterrain, il fut comme pétrifie à la vue de
deux immenses lézards aux yeux brillants et à l'haleine bruyante
et puante qui barraient'son passage.
11 eut en les voyant une envie folle de rebrousser chemin, mais
il se souvint à temps qu'il avait dit à Vero qu'il préférait ne ja¬
mais ressortir de la grotte que de vivre sans pouvoir la posséder.
Il prit donc sa lance des deux mains et asséna un coup vigou¬
reux sur le museau du lézard le plus proche qui lui paraissait le
plus menaçant et le tua net. Le second lézardqui jusqu'alors n'a¬
vait pas bougé jeta un cri rauque qui fit trembler Vei de peur.
Sa frayeur augmenta encore en entendant de semblables cris
sortir de l'orifice par où s'écoulait l'eau.
avec ces
11 remit donc à
Le monstre, en poussant son cri, s'était avancé vers Vei. 11 leva
la queue et l'abattit avec une telle violence que le sol trembla
ainsi que les grosses pierres près de l'orifice.
Vei, tenant
sa
lance devant lui, prêta frapper, alla à reculons
jusqu'à
une des grosses pierres contre
Le lézard le suivait tout doucement,
laquelle il s'adossa.
Vei l'attira jusque dans le
petit couloir formé par l'espace entre la pierre et la paroi même
de la grotte. Le corps du lézard, trois fois la taille d'un homme,
frôlait déjà la pierre et se courbait pour la contourner ; mais Vei
qui avait vu la pierre trembler, lorsque le lézard avait frappé le
sol de sa queue, donna un grand coup d'épaule et la pierre bas¬
cula, écrasant le corps du lézard et séparant ainsi la tête de la
queue.
Quoique tout ce qui précède eut lieu en moins de temps qu'il
faut pour le raconter, déjà les cris que Vei avait entendus ve¬
nir de l'orifice se rapprochaient rapidement.
ne
Société des
Études
Océaniennes
�—
204
—
pierre qu'il venait de faire tomber, dont une extré¬
baignait dans l'eau, obstruait en partie le trou déversoir;
La grosse
mité
l'idée lui vint
comme un
éclair d'en faire tomber
une
autre tout à
côté du trou pour
ne
le boucher complètement, tout au moins pour
lézards qui remontaient le courant,.
la fit basculer et elle tomba avec
de tonnerre en travers de l'orifice, juste au moment où
monstres faisaient voir leurs hideuses têtes, mais trop
pas laisser passer les autres
Avec son « omore » (i), il
un
bruit
d'autres
tard pour passer.
11 s'assit alors sur la queue du
lui qu'il avait tué avec sa lance,
lézard écrasé et contemplait ce¬
lorsqu'un bruit de clapotis vint
le déranger de sa rêverie. Au fond de la grotte, une immense
masse longue, lisse et reluisante, semblait flotter sur l'eau en fai¬
sant mille zigzags. Le bruit de la roche, en tombant, avait ré¬
veillé une immense « he », chenille qui maintenant venait pour
avaler les cadavres des deux lézards dont l'odeur était arrivée
jusqu'à elle.
Vei fut saisi d'une
grande frayeur, et son premier mouvement
fuir; mais à la pensée de Vero, son courage lui revint.
Il enfonça sa lance dans la queue du lézard sur laquelle il était
assis, et en arracha un morceau qu'il tendit à la monstrueuse
chenille. En faisant ainsi, il se rendrait bien vite compte, se di¬
sait-il, des intentions du monstre. Avait-il faim et venait il sim¬
plement pour manger les lézards? Ou était-ce un mauvais génie
qui venait pour attaquer l'homme qui avait osé franchir le seuil
de la grotte mystérieuse ?
Vei eut une lueur de joie, la chenille avait happé le morceau
de lézard qu'il lui avait tendu au bout de sa lance et s'était arrê¬
tée comme pour le savourer.
était de
Vei tira alors la lance
vers
lui, mais la chenille
prise. Il
essaya en vain de retirer la
bon et fit de menaçants mouvements
ne
lâcha pas
lance, mais la chenille tint
de gonflement et de dégon¬
flement, et avançait de nouveau vers la berge.
Vei eut de nouveau très peur, mais une id ce lui vint à d'esprit :
pour gagner du temps, il lancerait les débris du lézard écrasé,
à l'eau, pour voir si la chenille lâcherait la lance pour les saisir.
Vei mit de suite son projet à exécution. La chenille lâcha douce¬
ment la lance et se mit à saisir, l'un après l'autre, les morceaux
de lézard que Vei avait disséminés à la surface de l'eau, obligeant
(1) Omorc
:
Lance.
Société des
Études
Océaniennes
�—
205
—
ainsi le monstre à évoluer et faire mille contorsions pour
teindre.
11
les at¬
profita de ce que la chenille était maintenant bien occupée,
de bois à l'entrée de la grotte
pour monter chercher un morceau
où croissaient des arbres.
Il revint bientôt avec une grosse
branche de « ti » (i) et de
(2) dont il tressa une corde.
Le premier lézard gisait inerte au bord de l'eau ; Vei, après des
efforts surhumains, parvint à le mettre parallèle à la berge.
Puis, lui desserrant la mâchoire, il y introduisit la branche de
ti, debout, de façon à maintenir l'immense gueule grande ouverte.
11 attacha à un bout de la lance la corde qu'il venait de tresser.
A l'autre bout, il fixa, comme à un hameçon, un morceau de lé¬
zard, et lança le tout vers la chenille, gardant en mains l'extré¬
mité de la corde qu'il fit passer dans la gueule du lézard entre les
l'écorce de « purau v>
mâchoires.
11 attendit
un
moment; la chenille continuait à barbotter
dans
avaler le morceau avec la lance.
Vei attendit encore un moment, puis il tira doucement sur la
corde, mais dès qu'il sentait une résistance, il relâchait un peu.
Petit à petit. Vei l'attira doucement vers lui, la corde glissant
l'eau et finit par
entre les
A
mâchoires du lézard.
mesure
que
la chenille approchait, Vei reculait en remontant
le couloir vers l'entrée de
la grotte.
Lorsque la chenille fut arrivée à toucher le lézard, elle résista
moment, mais une forte secousse de la part de Vei lui fit faire
un
un
petit saut en avant et sa tête se trouve dans la gueule du lé¬
zard.
Une seconde
secousse
de Vei la fit avancer encore un peu.
Alors, sentant les dents du lézard lui pénétrer dans le ventre,
elle s'arcbouta et se débattit si violemment qu'elle fit tomber le
qui maintenait la mâchoire ouverte, et celle-ci se referma
sur la malheureuse chenille qui s'applatit comme une
vessii qui crève, son sang jaune et vert giclant de partout.
A la grande stupéfaction de Vei, il entendit distinctement la
chenille moribonde lui dire : « Vei, tu as eu le dessus avec les
lézards, et tu n'es qu'un homme ; cependant, tu es digne d'être
un dieu, et maintenant tu as raison de moi.
bâton
lourdement
(1) Ti : Cordyline Australis.
(2) Purau : Paritium Tiliaceum.
Société des
Études Océaniennes
�—
206
—
Depuis que l'homme est homme, personne n'a jamais bravé
lieux-ci; mais toi, tu es venu nous imposer ta loi. La chenille
qui, tant de fois, a surpris les lézards dans leur sommeil et qui
les a mangés après les avoir étouffés, a eu pour dernier
repas
ces
des lézards tués de ta main ; et pour comble d'humiliation, c'est
un lézard crevé qui m'aura
mangée, et cela par ta volonté !
Va, quelque puissant dieu
a changé la destination de ces lieux,
s'accomplisse ; puissc-t-il recueillir mon esprit et
je mérite bien de la pitié.
Pourquoi ai-je perdu mon temps à ramasser les débris de chair
de lézard que tu me jetais et à te faire croire que
j'étais un vorace
glouton, au lieu de venir droit sur toi pour té broyer dans mes
anneaux et te donner en pâture aux nombreuxlézards
qui, à leur
que sa volonté
s'en servir, car
tour, m'auraient servi de nourriture?
J'aurais ainsi accompli mon devoir qui, depuis des siècles, est
ce que nu! humain ne
profane ces lieux.
La chenille ne t'en veut pas, elle meurt, te laissant maître de
de veiller à
ces
lieux.
Traverse
ce
tu cherches :
mis le
pied
lac à la nage et
un
de l'autre côté, tu trouveras
refuge confortable où l'homme n'a jamais
ce que
encore
».
Vei vit alors l'horrible bête faire d'affreux
clignements d'yeux,
puis les fermer pour ne plus les rouvrir et, d'une voix presque
imperceptible, elle articula ces derniers mots: « Ua mate au »,
je suis morte.
Vei fut pris d'un frisson. Un souffle d'air glacial passa à côté de
lui, et il entendit comme le bruissement des « aeho » (i) au vent
du soir, c'était l'esprit de la chenille qui s'en allait par
l'ouverture
de la grotte.
Quant aux lézards, ils n'avaient pas d'esprit; servir d'aliment
pour la chenille était leur raison d'être.
Débarrassé de ces monstres. Vei put, ainsi qu'il l'avait raconté
à Vero, traverser le lac et
rendre compte
des lieux.
qu'ils étaient
Vero lorsqu'elle viendrait avec lui.
se
Il laissa les cadavres du lézard et de la chenille tels
afin de les montrer à
(1) Aeho
:
Enantlnis floridulus. Petit
roseau
très
commun sur
collines de Tahiti.
Société des
Études Océaniennes
toutes les
�—
207
—
Vero était maintenant bien décidée à
quitter la maison pater¬
suivre Vei, et il fut convenu que ce dernier demande¬
rait à Patea la permission de s'absenter pendant trois jours.
Deux jours lui seraient nécessaires pour aménager la grotte et
préparer des vivres en prévision d'un séjour assez prolongé, et
le troisième jour, Vero viendrait le rejoindre.
Il demanda et obtint sans peine la permission désirée, et ra¬
conta à ses amis qu'il allait à Papeari pêcher le thon.
nelle pour
Au lieu
de cela, il alla à Vaiau et ramassa des feuilles de
(i) qu'il transporta dans la grotte. Il fît des provisions
de fruits, de poissons et de bois à brûler. Le troisième jour, tout
était prêt pour l'arrivée de Vero.
Elle se fit conduire en pirogue jusqu'au campement des pê¬
cheurs de son père, et là, elle donna l'ordre à ses serviteurs de
la laisser seule, elle désirait leur donner un peu de liberté et en
avoir aussi elle-même. Elle prit un « here » (2) et se dirigea vers
la rivière du côté opposé à Vaiau.
Les serviteurs se dirent qu'elle allait s'amuser à pêcher des cre¬
vettes et ne la suivirent pas. Elle avait dans un sac des « vi »,
(pomme-cythère) qu'elle grignotait, laissant tomber les pelures
tout le long de son chemin. Arrivée à la rivière, elle la traversa
opuhi
«
»
et continua
à marcher dans la direction de la demeure de
son
père.laissanttoujours tomberdes peluresde« vi » derrière ellePuis elle revint sur ses pas et entra dans la rivière qu'elle re¬
monta jusqu'à un bois de « mape » où l'attendait Vei.
Celui-ci connaissait les moindres chemins de la forêt et
en
peu
de
temps, ils arrivaient tous deux, par un sentier longeant le pied
de la montagne, jusqu'à la grotte tant redoutée.
Vei tenait Vero par la main et l'aidait à descendre les marches
glissantes dans le boyau menant au souterrain.
Vero avait peur
et-avait du chagrin. Elle pensàit à sa sœur, à
qui elle n'avait pas fait part de sa décision. Le bruit de l'eau lui
paraissait lugubre, et à la pensée de son père, elle eut comme des
remords.
Ils
avançaient toujours, puis dans la pénombre,
au
bord dé
(1) Opuhi : Amomum cevuga. La feuille, lorsqu'elle est fanée, est très par¬
les.indigènes s'en servent pour faire leurs lits lorsqu'ils campent
fumée et
dans les
montagnes.
(2) Here : Petit appareil de pêche consistant en une longue baguette flexi¬
ble, au bout de laquelle se trouve un nœud coulant en fibre de coco.
�—
208
—
distingua l'horrible lézard qui tenait encore dans sa
gueule les restes de la chenille.
Elle poussa un cri et dit à Vei que les dieux les avaient trahis,
Vei, les mauvais génies se sont cachés, dit-elle, lorsque tu es
venu seul ; ils ne t'ont pas fait de mal pour que tu puisses retour¬
ner me chercher. Et maintenant, que je suis là, ils se présentent
sous la forme de ce monstre pour nous tuer tous deux et me pu¬
nir d'avoir désobéi à mon père. Retournons, il est peut-être temps
encore de fuir", et elle fit le mouvement comme pour rebrousser
l'eau, elle
"
chemin.
Vei,
avec
sérénité, la retint doucement mais fermement. " Ne
crains rien Vero, " ta'u here iti " ma
est mort et ne fera aucun mal ".
petite bién-aimée, ce monstre
Vero ne pouvait en croire ses oreilles et, se rapprochant de Vei,
commençait à comprendre, et son admiration grandissante pour
Vei n'avait d'égal que son amour.
Toute tremblante Vero se blottit contre Vei qui la souleva dans
ses bras et la porta jusqu'au bord de l'eau,
Vero frémissait à la vue desJiorribles monstres inertes, mais
la presence de Vei lui enlevait toute peur,
Vei, qui avait tout prévu, poussa dans l'eau un petit radeau for¬
mé de trois troncs de fei jumelés ensemble sur lequel il fit monter
Vero. Tout en nageant, il poussait le radeau devant lui, et bien¬
tôt ils arrivèrent de l'autre côté sur la plate-forme de pierre.
Là, tout était prêt pour la recevoir, de grands chapelets detutui
(i) attendaient qu'on veuille bien les allumer ; des fruits mûris
à point, attendaient qu'on veuille bien les manger.
Ils passèrent ainsi toute la journée dans le plus parfait bon¬
heur, Vei racontant son combat avec les monstres, et Vero fai¬
sant des plans pour l'avenir.
11 fut décidé que Vero resterait seule et, qu'avant la tombée de
la nuit, il fallait que Vei soit de retour auprès de Patea pour as¬
sister à ce qui allait se passer lorsque la disparition de Vero serait
remarquée, et écarter ainsi tout soupçon de complicité de sa part.
11 arriva donc chez Patea tout frais et guilleret comme s'il venait
de Papeari.
11 affecta de ne pas remarquer l'absence de Vero et raconta avec
force détails ses exploits de pêche à Papeari.
(1) Talui, appelé aussi tiairi : Aleurites Mollucana. Les indigènes autrefois
prenaient les noix de tutui (noix do bancoule) ; et les enfilaient sur des tiges
de « niau » (feuille de cocotier) qu'ils allumaient en guise de chandelles.
lei
unes
�209
—
qui, à part la guerre, aimait la pêche au-dessus de tout,
avec plaisir les récits de Vei.
La nuit était tombée depuis un moment lorsque toute la suite
de Vero arriva. La première suivante demanda furtivement au¬
tour d'elle si Vero était rentrée, mais personne de la maison ne
l'avait vue de toute la journée.
Parahi, la mère de Vero commençait à s'inquiéter, tant parce
qu'elle était anxieuse pour sa tille, que par crainte de lacolènede
Patea lorsqu'il apprendrait son absence.
Patea ne passait jamais après le coucher du soleil dans la case
de ses tilles. Celles-ci, avant de se coucher, venaient chez lui, et
assistaient à la prière du soir avec toute la famille et tout le per¬
sonnel de la maison du Chef: le père, les fils et leurs serviteurs
selon leurs rangs en avant, puis la mère, les filles et leurs ser¬
vantes selon leurs rangs en arrière et enfin les gens d'armes el la
valetaille. La prière était ordinairement dite par un vieillard, mais
Patea
écoutait
cette fois Patea la dit lui-même.
Or,
soir-là, toute la maison était présente à l'exception de
prière terminée tout le monde se retira, sauf Parahi que
Patea retint : " Quelle nuit (i) de la lune sommes-nous? Vero est
elle indisposée ?.
ce
Vero. La
Parahi, toute tremblante, dit le
Vero n'était pas malade, mais
Patea fronça des sourcils.
nom
de la nuit et
qu'elle n'était
pas
avoua que
rentrée.
Parahi lui raconta alors que
le matin, Vero avait été pour pas¬
des pêcheurs, et qu'arrivée là-bas, elle
avait prié ses serviteurs de la laisser se promener seule. Ceux-ci,
voyant que le jour arrivait à son déclin sans la voir revenir au
camp, se mirent à sa recherche. Elle raconta comment ils avaient
trouvé ses traces en suivant les pelures de pommes cythère jus¬
qu'à la rivière qu'ils traversèrent et qu'un peu après, ne trouvant
plus de pelures de pommes cythère, ils crurent que sa provision
étant épuisée, elle n'en avait plus laisser tomber, mais qu'elle
avait néanmoins continué sa marche jusqu'ici. Elle lui raconta
qu'en arrivant ici. et ne la voyant pas. ils eurent de terribles ap¬
préhensions et comment la première suivante de Vero vint la met¬
ser
la
tre
au
journée
au camp
courant.
Patea était
rempli de tristesse et de colère, mais laissa parler
(i) Les Tahitiens avaient des
noms pour
les nuits comme pour les jours.
�—
Parahi
lui dit
sans
l'interrompre
210
une
—
seule fois. Quand elle eut fini, il
:
"Ce
itatae (i) était perché sur une branche de co¬
à côté du itatae. Le oio
perdis tous deux de vue.
Le itatae c'est Vero, à nous deux maintenant de'trouver le
matin,
un
cotier; survint
un oio (2) qui se posa
s'envola et le itatae le suivit, et je les
le oio
Parahi qui avait une profonde admiration pour son mari, fut
frappée de la sagacité de ses paroles, et elle ajouta: "Oui, notre
fille était chez elle, quelqu'un est venu, quelqu'un est parti et
elle l'a suivi
"
Où est Roo,
reprit Patea, est-il toujours ici ?.
Oui, dit Parahi, tu sais bien qu'il était présenta la prière entre
nos deux fils, ses amis. Demain, ils partent tous les trois tendre
des pièges pour les perruches à plumes rouges que tu dois en¬
voyer au Ariinui; ce n'est donc pas lui le oio, il n'aurait aucun
intérêt à enlever notre fille de la sorte : son rang et sa naissance
lui permettraient de nous demander la main de Vero, sans crainte
"
d'un refus de notre
part".
prévalut un moment, puis Parahi reprit : " Si cet
ambitieux de Vei n'étai.t pas rentré ce soir de Papeari, j'aurais cru
à quelque ruse de sa part".
Mais il est évidemment innocent, continua-t-elle, puisque l'es
trois jours qu'il t'a demandés, ont expirés ce soir, il les a passés
à Papeari, et d'ailleurs Vero ne lui témoignait plus aucun intérêt
depuis que tu lui as fait comprendre qu'elle ne pouvait pas comp¬
Un silence
"
ter
sur
ton consentement".
Les deux
quand
époux
se
livraient à toutes sortes de conjectures,
fit entendre,
une voix d'homme claire et mélodieuse se
chantant au bord de la mer.
Ils tendirent tous deux l'oreille et Patea dit : " Celui-là n'est
sûrement pas de ma maison, car s'il l'était, il ne se réjouirait pas
tandis que ses maîtres sont dans la peine".
La voix
se
fit entendre
encore
plus clairement comme si le chan¬
et Patea, tendant l'oreille recon¬
teur avait tourné le dos à la mer,
nut une complainte :
(1) Itatae: Petit oiseau de mer tout blanc.
(2) Oio : Petit oiseau de mer tout noir.
Société des
Études
Océaniennes
�—
"je
gens,
La
214
—
me suis trompé dit-il à Parahi, c'est bien quelqu'un de nos
écoute, il chante sa douleur et son désespoir
tempête s'est abattu
le grand gardénia,
frémi,
Le vent a meurtri ses fleurs et ses boutons,
Mais la fleur la plus belle entre toutes,
La plus parfumée et incomparablement suave,
A été arrachée par le vent, qui l'emporte dans l'espace,
Ah! quelle détresse!.
Et toutes
sur
branches ont
ses
Cependant le grand arbre pleure,
plainte,
Les fleurs et les boutons pleurent,
Les feuilles pleurent,
Les branches et les rameaux gémissênt,
Qui donc retrouvera ma petite fleur ?
Je pars, la chercher. (1).
Les racines chuchotent leur
Patea et Parahi, émus
jusqu'aux larmes, attendaient
que la complainte reprenne.
Ils décidèrent de ne rien faire avant le
en
vain
lendemain, espérant tou¬
jours que Vero, ayant peut-être perdu son chemin, et surprise
par la nuit, se serait simplement arrêtée dans une maison du
peuple pour demander l'hospitalité jusqu'au jour.
La voix qui avait chanté la complainte était celle de Vci qui à
peine avait-il fini la dernière strophe, alla en toute hâte rejoindre
Vero dans la grotte.
(1) Ua roohia te tiare nui i te Vero.
Ua rurutaina
na amaa
Ua natu hia i te matai
Alia ra,
Te tiare
atoa,
i»a
tiare
uaa e
te umoa.
te tiare unauna mau ra,
o
tel hau te
noanoa e
Ua ato hia ia i te matai
te nehenche
e ua rere
i te
hope
ore,
reva,
Aue te'fareorai e,
Te oto nci
ra
te tumu
nui,
nei te tumama,
Te oto nei na tiare uaa e te umoa,
Te
omumu
Te oto nei te
Te
au
ta nei
Navai
ra e
anaihere,
na
tutava e na auru,
imi la'u tiare
Te tii tii nei
ili,
au e.
Société des
Études
Océaniennes
�212
—
Il lui apporta
ensemble ; à
chez Patea.
N'ayant
son
était
des couronnes de fleurs et ils passèrent la nuit
l'aube, Vei la quitta pour être présent à son service
eu aucun
émoi et
en
signe de Vero pendant la nuit, toute la mai¬
attendait les ordres que Patea voulut bien
on
donner.
Tout le monde fut réuni, et Patea leur déclara officiellement
fille avait découché. La raison, il ne la connaissait pas,
espérait que ce n'était qu'une fausse alerte et que Vero
serait retrouvée chez quelque voisin ou homme du peuple sans
qu'il lui soit arrivé de mal.
Ordre fut donné à tous débattre lacampa'gne pour la retrouver,
de fouiller les forêts et les vallées, au cas où quelques vagabonds
que sa
mais il
l'aient emmenée de force.
Vei
s'arrangea pour faire partie de la suite des deux fils de Pa¬
ami Roo qui avaient pour secteur précisément la
vallée et la rivière.où Vero était censée avoir été à la pêche.
Il n'eut aucune peine à amener toute la bande au point où la
veille, il avait attendu Vero, et affectant la surprise, il attira l'at¬
tea et de leur
maîtres
empreintes qu'avaient laissées ses
pieds et ceux de sa compagne dans la terre humide du sentier.
Voyez-vous, leur dit-il, ils étaient deux personnes de tailles
tention de
ses
sur
les
"
différentes.
Probablement
un
une femme. C'est peut-être les
quelque malfaiteur. Suivons ce sen¬
homme et
pieds de Vero emmenée
par
tier".
Ils le suivirent donc tout en devisant sur l'étrangeté de la dis¬
parition de Vero et ne se rendirent pas compte qu'ils arrivaient
tous près de la vallée Vaiau où se trouvait la fameuse grotte.
Ils n'en étaient plus qu'à une faible distance, quand Vei qui ou¬
vrait la marche
"
se
retournant et
se
mettant de côté dit à
sa
suite
:
Regardez où aboutit ce sentier".
Un cri s'échappa de toutes les poitrines et les visages devinrent
livides.
"
Mais c'est la grotte
maudite dit Roo. Il n'y a rien à faire, il
nous avançons ce ne seraxd'aucune uti¬
lité, nous ne risquons qu'une chose, c'est que les monstres qui
l'habitent nous entraînent sous terre et nous dévorent; et nos
crânes sans cheveux, et nos os sans chair sortiront par la source
près de l'embouchure de la Vaiau. Voilà ce que nous risquons.
Retournons rendre compte à Patea de ce que nous avons vu.
faut rebrousser chemin. Si
�—
2l3
—
Qu'en dites-vous Toa et Tere, dit-il,
en
s'adressant
aux
deux fils
de Patea
Les deux
opinèrent du bonnet et il fut décidé de rebrousser che¬
min.
Vei, cependant, dit que l'on pourrait peut-être se hasarder jus¬
qu'au seuil de la grotte, mais Toa (i) lui ordonna de se taire et
lui dit qu'il n'avait pas à prendre part à la discussion.
Ils rentrèrent donc chez Patea qui avait déjà reçu divers groupes
rentrés
sans
nouvelles deVero.
Les trois amis racontèrent à Patea leurs terribles soupçons, et
ce dernier poussa des cris de douleur, s'arrachant les vêtements
et les
mit
en
lambeaux. Serrant le plus possible sa
poussa des cris de détresse et prit
rien fait pour mériter pareil sort.
ceinture, il
le ciel à témoin qu'il n'avait
Sa fille dans la grotte aux monstres! Quel malheur! Plutôt la
mains que de la savoir la proie de monstres surna¬
tuer de ses
turels!
(Tuputupua).
Ah ! par quel mauvais esprit fut-elle possédée pour
béremment dans le piège qui lui était tendu?
Il aurait mieux aimé lavoir enlevé par
de subir
ce
aller si déli-
quelque vil manant que
sort.
Vei
qui,.en qualité de "teuteu " particulier, était tout près de
ces dernières paroles furent a ses oreilles ce qu'est la
rosée du matin aux fleurs jaunes du " pua" (2), et il entrevit la
possibilité d'être un jour agréé comme gendre.
Patea commençait déjà à donner des ordres pour qu'un grand
deuil soit observé, et pour que le grand-prêtre conjure tous les
autres malheurs qui pourraient fondre sur sa maison.
La nuit tomba et Parahi vint rejoindre Patea sur sa couche.
Ils parlèrent de Vero, et Patea, très affecté de cette disparition
dit à Parahi : " Le oio est dans la maison, car ce soir j'en ai vu un
se poser exactement sur la même branche où j'avais vu celui
Patea, et
d'hier matin
"
le itatac".
Parahi, c'est cela, il a emmené notre Vero et il est re¬
cependant, s'il l'a emmenée à la grotte, il n'aurait pas pu
faire impunément et n'en serait pas revenu lui-même. Je crois
venu.
le
avec
Ah! dit
Et
(1) Toa signifie orgueilleux, fier.
(2) Pua : Fragrea Bertcriana. Arbrisseau qui donne une fleur très parfu¬
mée. Au bout d'un jour, la fleur jaunit et devient encore plus parfumée. Les
indigènes disent que la rosée du matin lui donna un renouveau de parfum.
�—
214
—
les dieux ont fait venir cet oio pour te mystifier. 11 n'y a plus
d'espoir, nous n'avons qu'à en faire notre deuil
Elle eut à peine fini de pdrlcr qu'ils entendirent, comme la
veille, une voix chanter la complainte suivante :
que
Los monstres féroces de la
sant
Et
sa
grotte maudite ont servi les ennemis du puis¬
Patea,
fille Vero est leur
proie,
Ah! que ne suis-je de noble naissance,
J'irais affronter le courroux des dieux,
Je la ramènerais à
ses
parents,
Et ils mêla donneraient
comme épouse,
quelle détresse!.
Ah! que ne suis-je son frère,
Je la sauverais par amour fraternel,
Ah! que ne suis-je le noble Roo,
J'irai la chercher et la prendrai pour femme,
Mais je ne suis qu'un pauvre obscur,
Et si je la cherchais et la prenais pour épouse,
Ses parents la renieraient et n'en voudraient plus.
Ah!
Ah! le triste sort de
Je
cours
C'était
la
Yero,
rejoindre (1).
Vei
qui, dès qu'il eut fini de chanter, alla re¬
qui il resta jusqu'à l'aube.
De bonne heure, le matin, il fut à son poste, et déjà les prépa¬
ratifs de la cérémonie du deuil commençaient.
Alors Vei, n'en pouvant plus, dit à Patea: " Maître et bienfai¬
teur, si je te ramenais ta fille, que me ferais-tu?
encore
joindre Vero
avec
(1)
hiti tiahau i te
Ua faarii
o
Riro atura i
Ahiri
au e
re
ana
ino i te opuaraa o puhi airoto ia Patea nui,
te tamahine ra o Vero
opuarii
purotu,
e,
E
aro tia vau i te nuu atua,
A faa fariu mai i te metua,
4
Te pupu mai i vahine taratane,
Aue te fereorai e !
Ahiri au e e opuhoe e,
E tauteà ia
Ahiri
vau ma
au e o
Roo
te here
taeae,
faahiahia,
e tii roa i vahine mau na'u e,
Teie ra vau te ureure iti mohimohi,
A imi au, a ite au, a noaa i vahine na'u,
Na'u
Aore
ra na
metua
e au
faaliou mai,
Aue te ati o Vero e,
E tara vau e tapapa.
\
Société des
Études
Océaniennes
�—
215
—
"Tais-toi, lui dit Patea, ne plaisante pas en ce moment, tes pa¬
déplacées et désagréables à mon oreille".
Vei reprit : " Cependant Maître, si je te disais qu'hier soir,
j'ai
entendu une complainte où il était dit à la finale : Ah! le triste
sort de Vero, je cours la rejoindre".
Patea tendit cette fois une oreille plus attentive et dit : " As-tu
entendu toute la complainte?.
Non répondit Vei, je n'ai entendu que la fin, en
passant, com¬
me avant hier soir, j'ai entendu la même voix
qui disait: Qui
donc retrouvera cette fleur, je vais la chercher".
Patea le fixa un instant, puis il lui dit : " Vei, tu sais
quelque
chose, dis-moi la vérité et je te donnerai tout ce que tu voudras,
roles sont
"
fût-ce Vero elle-même".
Vei se redressa, et lui dit : " Patea, ta fille n'est
pas morte, elle
n'est pas perdue, elle est tout simplement dans la grotte mau¬
dite où le chanteur de complainte l'a rejointe déjà deux nuits de
suite".
"Par
conséquent, dit Patea,
une
fois
sa
complainte terminée,
le chanteur allait à Vero".
"Oui, répondit Vei".
"Et quel est ce chanteur? demanda Patea.
"C'est moi, répondit Vei hardiment ".
Patea le fixa de nouveau un bon moment, puis il lui dit : "Com¬
ment as-tu su qu'elle était dans la grotte?.
Vei, tout hésitant, répondit : " Parce que j'ai reconnu les traces
de ses pas, lorsque j'ai accompagné vos fils dans leurs recher¬
ches
"Tu mens, dit Patea, tu viens de me dire que
le chanteur l'avait
rejointe, et cependant il n'y
deux nuits déjà,
qu'une nuit
a eu
depuis que tu as vu ses traces hier".
Vei, au comble de la confusion, bafouilla : " Tu as raison, Maî¬
tre, j'ai menti. Je sais qu'elle est à la grotte pour l'y avoir conduite
moi-même, et si tes fils et leur ami Roo avaient eu hier un peu
plus de flair, ils auraient pu facilement comparer l'empreinte de
mes pas avec celles que
nous suivions dans le sentier, et auraient
les reconnaître comme miennes.
Je ne te demanderai plus rien, tu feras de moi ce que tu vou¬
dras, seulement pour aujourd'hui, laisse-moi aller rejoindre Vero
qui m'attend ce soir dans la grotte".
Patea se méfiait de Vei et ne pouvait croire qu'il avait vraiment
pénétré dans la grotte ; il craignait que ses affirmations étaient
pu
�—
une ruse
par
216
—
laquelle fee dernier espérait lui arracher quelque pro¬
concernant Verov
messe
pouvait cependant s'empêcher d'admirer le courage du
jeune h'omme et le congédiant, lui dit: " C'est bien; ce soir,
chante encore une fois au lieu habituel, puis vient me voir et, se¬
'11
ne
dit dans ta complainte, jè verrai si je pourrai
je te dirai mon intention. En attendant, je
veux bien surseoira la prise du deuil ; mais si tu' m'as trompé,
je te ferai jeter dans la fameuse grotte en pâture aux monstres qui
lon
ce
que tu auras
te croire ou non et
l'habitent".
'
journée parut interminable à Vei, mais sûr de son succès,
prit patience.
'
!
La nuit vint enfin, et Vei se tint sur la plage et commença sa
complainte:
"'Grand est le courroux de Patea et cependant je ne lui veux
que du bien, (i)
Patea et Parahi qui attendaient impatiemment le chanteur sur¬
La
il
sautèrent à cette voix.
"
11
n'y a pas à dire, c'est la même voix que
tons ce
les autres fois, écou¬
qu'elle dit ".
La voix continua
:
Vero est seule dans la
grotte,
Les monstres sont exterminés,
Je n'ai
aucun
Puisqu'il n'y
,
mérite d'aller la chercher,
a aucun
-
danger,
Qui donc ira te chercher. ?.
Ah! si Patea consentait à notre union,
J'irai la chercher de
,
suite,
Mais je ne le puis,.
J'ai
promis de me présenter â Patea,
me retiendra,
Mais je l'a rejoindrai quand même ;
Oh ! la joie de la petite Vero !. (2).
Et il
(1) tjmùu'mu nui, te ri ri ia o Patea, te auraro noa nei ra vau e.
grand courroux est là colère de Patea, cependant je lui suis
Littéraleniént : l oi
encore dévoué.
tii terara iho,
o Vero iti e,
Ua mate te hiti tiahau,
Aore e ulua ia tii,
Na'u ia
Aore toa
E mautori hia hoi
(2) Te, i le ani
ra e
Aore
Ua
ino,
O'vai ra te tii ia oe iti e,
A faatiamai ra o Patea e
Société des
fia,
tapu au c aro au ia Patea, c,
Area
apitia,
e
ra e
ra
e
Aue te fanao e, o
Études
au e.
tae.
Océaniennes
Vero iti e.
�—
La voix
cessa
et ce doit être
qu'il
me
disait
217
—
et Patea dit à Parahi
Vei,
car
C'est bien la même: voix,
: «
les paroles sont bien
en
accord
avec ce
».
Vei n'avait pas plutôt fini de chanter
disant : « J'ai tenu ma promesse, et
m'attend ».
eux
qu'il se présentait devant'
je vais rejoindre Vero qui
Il avait les manières d'un grand chef lorsqu'il
prononça ces pa¬
roles, et Parahi avait craint un instant que Patea en ait pris
ombrage.
Mais Patea, tenant à la main un de ses plus beaux « tahiri »
( i ) lui tint le langage suivant: « Vei. va rejoindre Vero. A l'au¬
rore, je serai avec mes fils et tous mes hommes dans la plaine
de Vaiau. Parais à l'ouverture de la grotte avec Vero, et dès
que
tu me verras lever ma lance, tu
agiteras le tahiri que voici. Si je
te vois, tu conserveras le tahiri et les honneurs et
prérogatives
qu'il comporte, mais si je ne te vois pas, ne te présente plus
jamais devant moi. »
Vei, au comble du bonheur, prit le précieux emblème et après
l'avoir soigneusement enveloppé, partit rejoindre Vero à
qui il
raconta les paroles de Patea.
Vero fut toute joyeuse et, pour la première fois, la nuit lui
pa¬
rut longue, car elle avait hâte d'assister à la
joie de son père et à
la déconfiture de ceux qui avaient
méprisé son bien-aimé Vei.
*
*
Patea
se retira pour se coucher, et dans son
regard brillait une
d'espoir : «C'est bien cela ; marmota-t-il, ce sera lui le grand
Chef après moi ».
Le lendemain matin, grand émoi ; Patea et tous ses hommes
partent pour la vallée de Vaiau. Le grand-prêtre lui-même et les
Ariois ont tenu à l'accompagner et tous se massèrent dans la
plaine, les yeux tournés vers la grotte.
Vei et Vero. dès l'aube, étaient sur le seuil de la grotte et atten¬
lueur
daient l'arrivée de Patea.
Aussi, dès qu'ils le virent s'avancer en avant et brandir salance,
balançant en l'air cria : « Montez voir l'ha-
Vei leva le tahiri et le
(1) Tahiri : littéralement éventail, c'était plutôt
rité, orné de plumes aux couleurs voyantes.,
Société d.es
Études
un
sceptre, insigne de l'auto¬
Océaniennes
�—
bitation des hommes
génies
218
—
qui longtemps fut l'habitation des mauvais
».
Patea poussa un cri de joie et de triomphe : « Voici votre Chef
après moi, dit-il à tous ses gens, montrant Vei du doigt, et vous
mes fils, vous lui ferez hommage ».
Tout le groupe monta, non sans appréhension, jusqu'à la
grotte et après les premières effusions de Patea et de Vero, tous
descendirent les marches du couloir.
lézard et la chenille
tués.
absolument émerveillés de la bravoure
de Vei, et Vero raconta avec orgueil comment il avait procédé
pour arriver à bout des terribles monstres.
Vei, avec beaucoup de bonhomie, rappela alors à son ami,
candidat Arioi, que pour faire une action d'éclat, il lui faudrait
Quelle fut leur consternation de voir le
que tout seul, Vei avait
Les Avaeparai étaient
désormais chercher autre chose. Cet ami
n'était autre que Roo.
Après une visite complète des lieux, Patea donna le signal du
départ, et toute la troupe rentra chez le Chef où attendaient avec
anxiété les femmes.
Au lieu de célébrer un
fut
A
en
deuil,
ce
fut un mariage et tout le monde
liesse.
partir de ce jour, Anapoiri fut fréquenté par les
Société des
Études
Océaniennes
humains.
�—
219
—
nis^©iiœ
Le
Sceptre des Seines de Huahine.
Au mois d'août de l'année 1917, les héritiers de la reine
Tehaapapa II, ont fait don au Musée des Etudes Océaniennes du
sceptre des Reines de Huahine. ( Musée n° 286).
S'il est un sceptre original, c'est bien cette longue lance de plus
de trois mètres, (peut-être record de longeur des sceptres). D'une
seule pièce et sans ornements ce sceptre lance fut extrait du cœur
d'un arbre de fer, (aito) bois remarquable par sa dureté et son imputrescibilité.
L'arbre choisi pour sa fabrication, fut coupé, dit la légende, au
sommet de la montagne sacrée, le Moua Tabu, qu'à une époque
perdue dans le lointain des âges, le dieu Hiro, avait, de sa dextre,
négligemment jetée au seuil du district de Maeva.
Nul ne connaît la reine qui, pour la première fois, le brandit
dans sa main pour affirmer ses volontés. Le nom même de l'ar¬
tiste qui fouilla le cœur de l'aito, pour en retirer le long cylindre
d'ébène n'a pas été retenu.
Il paraît probable que son origine remonte au début du dix-hui¬
tième siècle, période où l'unité de gouvernement; fut réalisée à
Huahine.
Antérieurement à cette date, l'île entière est divisée en une mul¬
titude de clans batailleurs et affamés, qui, sous la conduite de
leurs chefs, se disputent les riches vallées ou les bords de mer
poissonneux. A
son
gré le clan vainqueur interdisait la
la montagne au clan vaincu.
Au début du dix-huitième
mer ou
siècle, le puissant clan de Maeva,
après de nombreux combats livrés dans les vallées de Faie et de
Pahiti et surtout après de meurtrières batailles navales sur le lac
Fahuna rahi, tout près du lieu nommé Puaoa, l'emporte sur les
autres clans de l'île et impose sa domination.
II semble donc très plausible, d'accord en cela avec la légende,
d'attribuer l'idée du sceptre en bois de fer à la célèbre et belle
reine Maeva, souche de la première dynastie.
Quoi qu'il en soit de ces suppositions, un fait est bien établi :
le sceptre des reines de Huahine ne fut pas un simple ornement
de palais ou même un objet utile comme une lance ou un har-
�—
220
—
sceptres, emblème de l'autorité
dans les grandes assemblées et
sanctionnait de sa présence les décisions royales.
Deux fois par an, les premier janvier et premier mai, le sceptre
en bois d'aito était porté par un membre de la famille royale, du
Palais de la Reine à celui du Gouvernement. A cette époque (il
s'agit du dix-neuvième siècle) le long quadrilatère compris entre
le petit pont de Fare et le wharf de pierres attribué au Capitaine
pon, mais que, comme tous les
et de la puissance, il paraissait
Cook, était couvert de nombreuses et somptueuses construc¬
en bois du pays, aux toits de pandanus.
La reine, le front ceint d'un diadème de coquillages et vêtue
d'une longue robe d'indienne à traîne, se rendait au Palais du
tions
Gouvernement, suivie de tous les fonctionnaires de son royaume.
Le cortège était long et imposant car les auxiliaires du pouvoir
royal étaient nombreux. Qu'on en juge par la liste suivante da¬
tant de 1875. Il y avait alors, dix chefs de districts, vingt mutoï,
vingt juges de première instance, vingt juges toohitu, deux mes¬
sagers, deux orateurs officiels, un douanier, dix tambours, un
hisse pavillon, deux secrétaires, deux inspecteurs des travaux,
deux surveillants de route, soit en tout, une centaine de fonction¬
naires, auquels il convient d'ajouter la garde royale, composée
d'une vingtaine d'hommes.
Tout ce monde prenait place à l'intérieur du Palais du Gouveinement tandis que la garde armée faisait haie devant les dix dis¬
tricts assemblés.
Après une prière et des chants, la Reine, sceptre en main, pre¬
parole.
L'Assemblée-Sceptre du premier de l'an, prélude de réjouis¬
sances, de festins et d'himenés dont les derniers échos se fai¬
saient encore entendre le dix janvier, avait ceci de particulier que
tout ce qui touchait au bien-être général de l'île y était étudié. La
reine y donnait ses directives pour ies travaux à entreprendre pen¬
dant le cours de l'année : travaux de route, entretien des pêche¬
ries et surtout répartition et intensification des cultures vivrières.
Ce dernier point mérite d'être souligné.
Tous les pouvoirs qui sesontsuccédésdanscetteîle depuis que
nait la
son
unité fut réalisée ont deviné le caractère éminemment "
raîcher" de Huahine et
bon
ma¬
esprit de suite re¬
marquables ils se sont appliqués à le mettre en valeur.
Les anciennes lois de Huahine, ayant trait à la culture sont les
plus nombreuses, les plus claires et les plus détaillées. 11 y à celles
avec un
Société des
Études
sens
et
un
Océaniennes
�qui obligent-chaque sujet à cultiver une superficie de terre déter¬
minée et de pratiquer telle ou telle autre culture suivant la na¬
ture des terrains. Il y a les lois de protection des cultures si nom¬
breuses qu'elles n'occupent pas moins de Vingt pages.
La grande période de prospérité, à mon avis inégalée, qui s'é¬
tend de 1820 à 1890, prolongée en vertu de la vitesse acquise, jus¬
qu'aux premières années du vingtième siècle, est la preuve que
la perspicacité des reines de Huahine avait reçu sa récompense.
On reste étonné en parcourant cette île, de rencontrer, perdus
dans le fonds des vallées ou
accrochés à flancs de coteaux de
emplacements de hameaux aujourd'hui noyés dans la vé¬
gétation et peut-être pour toujours abandonnés et l'on se de¬
mande pourquoi le pouvoir qui a succédé aux reines, n'a pas cher¬
ché à connaître leur secret de faire travailler une race que l'on-dit
vastes
insouciante et paresseuse.
Au milieu du dix-neuvième siècle, Huahine
possédait une population double de celle de nos jours. Sans gêner sa propre.con¬
sommation, elle pouvait donner le surplus de sa production à plus
de dix grands bateaux baleiniers qui, tous les ans, venaient pas¬
ser dans ses eaux la morte saison, du mois de mai au mois de sep¬
tembre. Lorsqu'ils quittaient Huahine pour le Pôle Sud les ba¬
leiniers étaient abondamment ravitaillés en sucre, porc salé, igna¬
mes, patates douces etc. En échange les indigènes avaient reçu
des étoffes, de l'outillage, des fusils, de la poudre et même des
canons (1).
Quatre sucreries très florissantes existaient dans les baies de
Faie, de Maroe et d'Haapu. Outre son sucre, Huahine exportait
aux Etats-Unis et en Australie, des oranges et des salaisons et des
bateaux des îles Sandwich venaient y faire des chargements de
bois de fer.
jours les indigènes de Huahine ont abandonné ces cul¬
qui pendant plusieurs siècles assuraient
leur subsistance et leur luxe : ils ne font plus que de la mono¬
culture et leur sort est pendu aux gousses de vanille.
La deuxième séance plénière, celle du premier mai, était en
tout semblable, pour le cérémonial, à celle du premier janvier ;
De
tures
nos
vivrières variées
(1) Le troc était le moyen d'échange entre indigènes et baleiniers. Voici le
d'échange des armes. Il fallait 20 cochons de 50 kil. pour lin canon, dix
du môme poids pour une espingole, deux pour une canardièrc et un pour 1
tarif
fusil à
capsule.
iciété des Etudes Océaniennes
�—
les
reines,
aux
ce jour
222
—
là, venaient présider aux versements de la dime
pasteurs.
Vers i8iodes missionnaires
anglais des Eglises Evangéliques
évangéliser Huahine. Le christianisme n'eut pas de peine
à supplanter les croyances fétichistes de ses habitants.
Le 19 septembre 1819 est une date mémorable dans l'histoire
de la conquête chrétienne de cette île. Un grand guerrier, du nom
de Mahine, à son retour d'une expédition qu'il fit à Moorea, pour
soutenir Pomare, reçu le baptême avec 14 notables de l'île. En
moins de dix années Huahine accepte le christianisme sans dif¬
ficulté et, fait à noter, sans effusion de sang. Le protestantisme
devint religion d'état et chaque premier mai les reines venaient
fêter l'unité religieuse de leurs sujets.
Telle est la simple histoire du modeste sceptre de bois de fer
vinrent
des Reines de Huahine. Pendant tout le dix-neuvième siècle, il
présida au bien-être matériel et au développement moral d'un peti t
peuple. J'ai pensé qu'il fallait le dire aux visiteurs du Musée des
Etudes Océaniennes.
Charles PUGEAULT.
�—
223
sJa es m cl>
—
<x> csa- o sa
ORSMOND, HENRY, TERIITAUMATATINI, WALKER,
Secrétaire de la Société d'Etudes Océaniennes.
profonde douleur de porter
perte irréparable
qu'elle vient de taire dans la personne de son secrétaire, Mon¬
Le Bureau de notre Société
à la
connaissance de tous
a
ses
la
Membres, la
sieur O. H. T. WALKER.
ont dit ailleurs, en termes aussi émus qu'élogieux,
qu'était Orsmond Walker, non seulement pour sa famille}
pour laCie des Phosphates, pour la Ville de Papeete, mais aussi
pour la Colonie toute entière. C'était l'homme bon, droit, actif
et capable.
Ici, nous ne voulons retenir que ses grandes qualités de dé¬
vouement inépuisable et d'ardent patriotisme tahitien.
Nul n'était plus assidu que lui à toutes nos séances, nul n'é¬
tait plus dévoué que lui à tous les travaux et à toutes les attri¬
butions qui lui étaient confiées.
dui de nous ne se rappelle notre dernière fête du Folklore,
dont il fut le grand organisateur?
11 y avait mis tout son grand cœur, car pour lui, c'était la fête
D'autres
ce
de
son
pays.
Orsmond Walker aimait
passionnément sa petite patrie. Rien
étranger. Il en avait gravi tous les pics et
exploré toutes les grottes. Il avait même pénétré dans le laby¬
rinthe des généalogies tahitien nés. C'était un Maître en langage
indigène et un ethnologiste erudit.
Sa mémoire prodigieuse s'était ornée de mille et une légendes.,
11 excellait dans l'art de les conter et de les écrire, et par une
de Tahiti
ne
lui était
ce même Bulletin vous apporte sa dernière,
auquelles il tenait le plus.
Notre Bulletin pleure son meilleur collaborateur.
Notre Musée perd un de ses plus généreux et avisés bienfai¬
étrange coincidence,
une
de celles
teurs.
Aussi, notre Société, partage t-elle sincèrement, l'immense
douleur que cette mort prématurée, à 44 ans, a causé à tous les
siens et à tous ses amis.
Le Président.
��
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Bulletin de la Société des Études Océaniennes (BSEO)
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La Société des Études Océaniennes (SEO) est la plus ancienne société savante du Pays. Depuis 1917, elle publie plusieurs fois par an un bulletin "s’intéressant à l’étude de toutes les questions se rattachant à l’anthropologie, l’ethnographie, la philosophie, les sciences naturelles, l’archéologie, l’histoire, aux institutions, mœurs, coutumes et traditions de la Polynésie, en particulier du Pacifique Oriental" (article 1 des statuts de la SEO). La version numérique du BSEO dispose de son ISSN : 2605-8375.
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2605-8375
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Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 18
Description
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Folk-lore - Légende de Vei (Orsmond Walker) 193
Histoire - Le Sceptre des Reines de Huahine (Ch. Pugeault) 219
Nécrologie - Orsmond, Henry, Teriitaumatatini, Walker 223
Source
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Date de numérisation : 2017
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