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��e x Libras
B.E.& M.TH. DANIELSSON
�•' J
�ILES DU PACIFIQUE
PAR
H.
JOUAN
Capitaine de vaisseau en retraite.
AVEC
UNE
CARTE
PARIS
LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET C1»
108,
BOULEVARD SAINT-GERMAIN
Au coin do lu rue Hautefeaille.
Tou» droits réservés.
�LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET C"
B IB L IO T H È Q U E U T IL E
Volumes in-32 de 190 pages, br. 60 c., cart. 1 fr.
G é o g ra p h ie p h y siq u e , par Geikje, professeur îi l'L'niversité d'Edimbourg, traduit de l’anglais par H. Gra
vez, ingénieur (avec figures).
G éologie, par Geikie, traduit de l'anglais par IL Gravez,
avec 47 figures dans le texte.
L es île s (lu P a c ifiq u e , par II. J ouan, ancien capitaine
de vaisseau.
L e s m ig ra tio n s d e s a n im a u x , par Zaborowski.
L es p h é n o m è n e s c é le s te s , par Z urciier et M arGOLLÉ.
L e s c o lo n ie s b r ita n n iq u e s , par H. Bi-erzy, ancien
élève de l’Ecole polytechnique.
T o rre n ts , fleu v es e t c a n a u x d e la F r a n c e , par
IL Blerzy, ancien élève de l'Ecole polytechnique.
L es p h é n o m è n e s d e l'a tm o s p h è r e , p ar Zurcher,
ancien élève de l’Ecole polytechnique. i« édition.
H isto ire d e la t e r r e , pur Buotiuer. ü" édition.
N o tio n s d ’a s tro n o m ie , par L. Catalan, professeur à
l'Université de Liège. 3e édition.
L es p h é n o m è n e s d e la m e r , purE . Margollé. o 'é d i
tion.
L e s c o lo n ie s françaises, par Paul Gaffarel. 1 vol.
in-8, 3 fr.
L e s r é c if s d e c o ra il, leur structure, leur distribu
tion, par Cn.
D a r w ix .
1 vol. in-8, S fr.
L e s g la c ie rs , par J ohn T ïkdall. 1 vol. iu-S, avec
figures, cart, à l’anglaise, G fr.
I.e s v o lc a n s , par Fucus. 1 vol. in-8, avec figures,
cart, il l’anglaise, G fr.
�LES
ILES DU PACIFIQUE
INTRODUCTION
Ce petit livre a pour but de présenter avec
tous les développements que perm et le peu
d’espace dont Fauteur dispose, principalement
au point de vue de l'histoire naturelle, le ta
bleau des iles de l’Océan Pacifique dont l’en
semble compose F O c é a n i e , en très grande
partie d’après les observations qu’il a été à
même de faire dans ces parages lointains, où
l’ont plusieurs fois conduit les chances de la
vie maritime.
N o t a . — On s’est servi, pour écrire les noms
de lieux, de peuples, e tc ., de l’orthographe
adoptée par les missionnaires des différentes
�communions, devenue officielle dans certaines
îles aujourd’hui très avancées en civilisation.
Dans les mots poly nésiens et micronésiens, « se
prononce comme ou en français; e comme
notre è fermé ; au se prononce a-o ; eu, é-ou ;
ai comme notre interjection aïe; ei, oi, comme
e-ie. o-ie, très ouverts
Dans les mots néo-calédoniens, et en géné
ral dans tous les mots mélanésiens, on a suivi
l'orthographe française; l’e final, quand il ne
porte pas d’accent, est m uet; ou s’écrit comme
en français.
Les milles sont des milles marins de 1852
m ètres; les lieues, des lieues marines de 20
au degré.
On a rejeté un certain nombre de notes ii la
fin du volume.
�CHAPITRE PREMIER
GÉOGRAPHIE 1
Océan Pacifique. — Découvertes successives. — ltaces
humaines; type noir, Lype brun. — Divisions géogra
phiques de Dumont d'Urville, de D. de ltienzi, des
Anglais.
Le vaste espace de mer compris, d’une part
enlre les côtes occidentales des deux Amériques, et
les rivages orientaux de l’Australie et de l’Asie de
l’autre, est connu sous les noms de Grand Océan,
(l'Océan Pacifique et de Mer du Sud. La première
de ces dénominations est la seule vraiment conve
nable ; l’épithète de Pacifique, applicable tout au
plus à une petite portion de cette grande mer, de
vient une véritable ironie quand on l'étend à tout
l’espace limité à l’est et à l’ouest comme il vient
d’être dit, et au nord et au sud par les cercles
polaires, et dans lequel, non seulement les parties
situées en dehors des tropiques, mais encore la
zone comprise enlre ceux-ci, sont soumises à de
I . Voir, page 8, la carte îles Iles du Pacifique.
�grandes perturbations atmosphériques. Quant au
nom de Mer du Sud, on peut se demander pourquoi
ce nom donné à une mer qui s’étend autant au
nord qu’au sud de l’Équateur?
Le Pacifique est parsemé, surtout dans sa partie
centrale, d’un nombre considérable d’iles, en gé
néral à faible surface, quelquefois isolées à de
grandes distances les unes dos autres, mais le
plus souvent réunies en archipels. Les géographes
ont fait de l'ensemble de ces iles, en y joignant la
Nouvelle-Hollande, plus connue aujourd’hui sous
le nom d'Australie, et qui, par scs dimensions,
peut passer pour un continent, une cinquième
partie du monde, I’Océanie. Au premier coup
d’œil jeté sur une carte, on est porté à croire que
les positions de ces archipels les uns par rapport
aux autres ne sont pas indifférentes, mais qu’elles
semblent résulter d’une loi, qui devient, en effet,
évidente, quand on considère l’aspect, le relief, la
constitution géologique des différentes iles.
Les premières relations authentiques du vieux
monde avec la partie occidentale de l'Océanie (la
Malaisie) datent des découvertes des Portugais
dans l’Inde, mais ils avaient très probablement été
précédés dans ces parages par les navigateurs
arabes. Les Portugais avaient peut-être aussi, dès
1350, étendu leurs courses aventureuses jusque
vers les grandes terres situées dans le sud-est de
l’Asie, Nouvelle - Hollande, Nouvelle - Zélande :
c’est ce qui semble ressortir de vieux documents
portugais et espagnols. 11 -est au moins plus que
supposable qu’ils avaient entendu parler de la pre-
�— 7 -
miôrë d.: cos terres par les Malais qui poussaient,
jusqu'à sa partie nord-ouest, pour pêcher le tripang. Dans tous les cas, la partie orientale de
l’Océanie était inconnue, lorsque, le 25 septembre
1513, Vasco Nunez de Balboa, du haut d'une mon
tagne du Darien, découvrit la mer à l'ouest, et,
entrant dans l’eau jusqu’à la ceinture, l’épée nue
à la main, prit possession, au nom du roi des Espagnes, de cet océan qui couvre presque la moitié
du globe et baigne un monde étrange dont il ne
soupçonnait pas l’existence.
Quelques années après, Magellan, franchissant
l’extrémité sud de l’Amérique par le détroit auquel
on a donné sou nom, se lança, nouveau Colombians
cette vaste mer. Un hasard malheureux voulut qu’il
la traversât daus toute sa largeur sans rencontrer
de terres, sauf un ou deux îlots insignifiants.
Scs découvertes se bornèrent à l’archipel des'
Larrons, appelé plus lard archipel des lies Ma
riannes, et à celui des Philippines où il périt dans
un combat avec les naturels. De ses cinq navires,
partis de San-Lucar en 1519, un seul revint au
port au bout de plus de trois ans, prouvant ainsi,
pour la première fois d’une manière tangible, la
sphéricité de la terre.
En 1526, Alvarez do Saavedra, parti du Mexi
que, arrive aux Moluques, et, en essayant de re
tourner à son point de départ contre des vents
contraires, découvre une partie de l’archipel des
Carolines et visite, en 1528, la Nouvelle-Guinée,
dont un Portugais, Menesez, avait eu connaissance
l’année précédente.
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LES ILES
DU PACIFIQUE
Iles hautes = = = = = =
Iles hautesjavec ou sans
récifs" frangent*
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Récifs barrières -f- -f- -f +
Volcans octifs ou
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I. d e P âques
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— 10 —
Mendana, en 1387, visite les iles Salomon, ne
peut les retrouver en 1393, mais découvre alors le
groupe méridional des iles Marquises.
Quiros, ancien pilote de Mendana, part du Pérou
en 1300, découvre quelques-unes des iles Paumotu, puis Tahiti qu’il nomme Sagittaria, les iles
du Saint-Esprit, très probablement les mêmes que,
cent soixante ans plus tard, Bougainville et Cook
appelèrent Nouvelles-Ci/clades et Nouvelles-Hébrides.
Torrôs, qui faisait partie de l’expédition, se sépare
de Quiros et gagne les Moluques en passant par
le détroit qui porte son nom.
A peu près à la môme époque, des corsaires, des
aventuriers, Drake, Candish, Van Noort, etc., etc.,
parcouraient différentes parties du Pacifique, mais
sans ajouter grand’chose aux découvertes , leur
objectif étant beaucoup plus la poursuite des navires
espagnols, et le pillage des riches cités du Pérou
et du Mexique, que les intérêts de la géographie.
En 1616, Schouten et Lemaire, contournant la
pointe extrême de l’Amérique du Sud (le cap
Horn), font de nombreuses découvertes, recon
naissent les terres qu’on appela plus tard Nou
velle-Irlande, Nôuvcau-llauovre, etc. A la même
époque, des navigateurs hollandais visitent les
côtes occidentales de la Nouvelle-Hollande.
Abel Tasman, envoyé de Batavia pour faire des
découvertes dans les mers australes, trouve, en
I6i2, la Terre de Van Diémen, depuis appelée Tas
manie, puis la Nouvelle-Zélande, qu'un pilote espa
gnol,Juan Fernandez,parti du Chili, avait probable
ment vue dès 157-i; mais cela n’enlèverait rien à
�la gloire de 't .vnnan, qui ajouta à ces découvertes
les îles Tonga qu’il appela ilns des Amis (1) ’, les
Fidji ou Vüi, l’exploration du nord de la NouvelleHollande, etc., etc.
Dampier parcourt le Pacifique à la fin du
XVIIe siècle; s’il u’ajoute pas beaucoup aux décou
vertes déjà faites, on lui doit de très nombreuses
et de 1res intéressantes remarques, surtout à l’en
droit des terres mélanésiennes encore si peu con
nues de nos jours : on a rarement vu un observa
teur plus sagace et plus judicieux.
C’est vers la même époque que paraissent les
premiers marins français dans le Grand Océan, la
plupart des corsaires malouins, mais ils ne font
faire que très peu de progrès à la géographie.
L’amiral anglais Anson le traverse en 1741, à
la poursuite du galion de Manille, sans rencontrer
aucune terre nouvelle ; vingt ans plus tôt, le Hol
landais Hoggcwein n’avait trouvé que quelques îlots.
Jusqu’à l’époque où nous sommes arrivés, la
guerre, la course, — pour ne pas dire la piraterie,
— avaient été à peu près les seuls mobiles qui
conduisaient les navigateurs dans le Grand Océan,
et, le plus souvent, ceux qui avaient découverl
quelque terre nouvelle offrant des richesses à
exploiter, ou des abris sûrs dans lesquels auraient
pu se réfugier des ennemis, se gardaient bien de
faire connaître leurs découvertes ; les gouverne
ments étaient eux-mêmes guidés par cette politi
que mesquine et jalouse. A partir do la dernière1
1. Nous renvoyons le? note? à la fin du volume.
�moitié du xvui0 siècle, il n'en est plus ainsi : par
ordre des gouvernements, de grands voyages sont
entrepris uniquement au profit de la science.
Byron, Carteret, Wallis (1763-1768) ouvrent la
marche; le dernier retrouve Tahiti oubliée depuis
Quiros. Vers le même temps (1766-1769), Bougain
ville, un des plus grands navigateurs français,
sinon le plus grand, se signale par d’importantes
découvertes. Son voyage est un des plus féconds en
savantes explorations auxquelles contribua puis
samment le naturaliste Commerson. Tout le monde
a lu les récils enchanteurs de Bougainville sur
Tahiti, la Nouvelle-Cythére. On lui doit la décou
verte de la plus grande partie des iles Paumotu (2),
du bel archipel Samoa (ou Hamoa), qu'il appelle
archipel des Navigateurs, qualification exagérée,
car, quoique hardis marins, les Samoans n’appro
chent pas, sous ce rapport, d’autres insulaires, les
Carolius par exemple. Bougainville lit encore la
reconnaissance des iles Salomon, qui n’avaient pas
été revues depuis Mendana.
A Bougainville succède Cook qui n’a jamais été
dépassé. Dans le cours de ses trois voyages (17691779), l’illustre navigateur fouille le Grand Océan
depuis les glaces de la Mer Arctique, au delà du
détroit de Behring, jusqu’aux banquises du pôle
austral, ne laissant qu’à glaner à ceux qui viennent
après lui. Il fait une reconnaissance presque com
plète de la Nouvelle-Zélande oubliée depuis Tas
man, visite les Nouvelles-Hébrides, découvre les
iles Sandwich (3) où il péril sous les coups des sau
vages. Non seulement les voyages de Cook aug-
�i
*
i
menfôrcui considérablement les connaissances géo
graphiques, mais encore toutes les brandies des
sciences naturelles, grâce aux savants qui y pri
rent part, Banks, Solandcr, Sparmann, les deux
Forster, Anderson, etc.
Los navigateurs français Surville et Marion pa
raissent, à la môme époque, à la Nouvelle-Zélande
où le second est massacré par les naturels de la
baie des Iles, en 1772.
La Pérouse marchait sur les traces de Bougain
ville et de Cook, et son voyage eût été aussi fé
cond en résultats, lorsqu’il se perdit sur les écueils
inconnus de Vanikoro. On sait que, pendant qua
rante ans (1787-1827), on ignora le sort de nos
compatriotes, lorsque le capitaine anglais Dillon
trouva le théâtre de la catastrophe. En 1827, d’Ur
ville confirma la découverte de Dillon et rapporta
eu France des preuves irrécusables de ce dé
sastre.
En 1791, d’fintrecasleaux est envoyé à la re
cherche de La Pérouse. Par une inconcevable fa
talité, ses deux navires, la Recherche el l’Espérance,
passent, sans s’arrêter, en vue de Vanikoro où il
y avait peut-être encore des survivants du nau
frage de Astrolabe et de la Doussole. Surprise par
la guerre dans les colonies hollandaises de la Ma
laisie, cette expédition eut une fin malheureuse,
mais elle a néanmoins produit des résultats très
importants : les observations de Labillardière et
des travaux hydrographiques comme on n'en avait
encore jamais fait sous le rapport de la précision.
Les guerres maritimes causèrent nécessairement
�— 14 —
un temps d'arrêt dans ces sortes d’entreprises ;
cependant on enregistre encore des voyages inté
ressants : de 1790 à 1793 ceux de Vancouver, qui
donne des notions étendues sur les iles Sandwich,
celui de Baudin aux Terres Australes (l.SüO-180-i),
raconté par le naturaliste Pérou, celui de Flinders
à la même époque ; le Russe Krusenstern (18041803), l’Américain Porter (1813), fournissent des
détails nombreux sur l’archipel des Marquises.
A la paix générale, le gouvernement de la Res
tauration fait explorer l'Océanie, successivement
par trois expéditions qui enrichissent immensé
ment la science et nos collections nationales: celles
de VUraniei capitaine de Freycinet, de la Coquille,
capitaine Duperrey, de VAstrolabe, commandée par
Dumoul d’Urville, que la marine française peut har
diment mettre en parallèle avec Cook. Ce que les
sciences naturelles doivent aux médecius embar
qués sur ces navires, Quov, Gaimard, Garnot,
R. P. Lesson, A. Lesson, est prodigieux. Pendant
le même temps, des reconnaissances très impor
tantes étaient exécutées par Kotzebue accom
pagné du naturaliste Ghamisso, Billinghausen,
Beechey, Lutké, et d’autres encore que le manque
d’espace ne nous permet pas de citer, et parmi
lesquels se trouvent de simples capitaines de com
merce, des pêcheurs de baleines. De 1836 à 1840,
les frégates françaises la Vénus el VArtémise sillon
naient de nouveau le Pacilique; avec YAstrolabe
et la Zélée, d’Urville complétait les reconnaissances
entreprises dix ans auparavant avec l'Astrolabe et
poussait à deux reprises une pointe hardie dans
�la —
les glaces du polo Sud, où il découvrait la Terre
Louis-Philippe et la Terre Adélie; puis ce marin
plein d’audace et de sang-froid, qui avait survécu
à des dangers de toute sorte, vient périr misérable
ment dans un accident de chemin de 1er, aux portes
de Paris (4) !
Eu même temps que YAstrolabe et la Zélée, le
capitaine américain Wilkes parcourait l’Océanie
avec plusieurs navires (U. S. Exploring expedition),
et poussait aussi une pointe vers le pôle austral.
Les dernières grandes expéditions, entreprises
dans un but exclusivement scientifique, sont le
voyage de la frégate autrichienne la Novara (18i>7i 859) et celui du Challenger (1872-187(i) ; mais, de
puis une cinquantaine d’années, dos navires de
guerre de toutes les nations sillonnent le Pacifique
dans tous les sens, ajoutant de nouveaux docu
ments à ceux qu’on a déjà.
En réalité, les connaissances positives sur l’en
semble de l’Océanie ne datent que des grands voya
ges de la fin du xvin* siècle. C’est à partir de cette
époque que des Européens, commerçants ou mis
sionnaires des diverses communions chrétiennes,
sont venus s’établir sur certains points ; grâco à
eux, on a pu avoir sur les productions de ces
pays, sur les mœurs des habitants, leur langage,
leurs usages, etc., des renseignements plus sûrs
et plus complets que ceux que pouvaient recueillir
à la hâte des voyageurs ne faisant que passer.
On trouva presque toutes les terres océaniennes
habitées, et, eu ne tenant compte que du carac
tère le plus saillant, la couleur de la peau, on re-
�connut que l'humanité y était représentée par deux
grands types : le type noir et le type brun (couleur
de cannelle), le premier dans la partie occidentale
au sud de l’Équateur, le deuxième dans l'hémi
sphère nord, et dans la partie centrale de l’hémi
sphère sud.
La présence des hommes dans la partie sud-occi
dentale peut s’expliquer d’une manière assez plau
sible par une suite d ites très peu éloignées les
unes des autres, et touchant presque au continent
asiatique qui aurait été habité antérieurement par
des races noires dont on retrouve encore peut-être
quelques restes aujourd’hui, races qui, selon quel
ques auteurs, auraient formé une chaîne continue
depuis les cotes de l’Afrique orientale; mais il était
autrement difficile de se rendre compte de la ma
nière dont avaient été peuplés les archipels orien
taux et des iles isolées, éloignées quelquefois de
plus de 600 lieues des terres les plus voisines. En
outre, sur tous ces archipels, s’étendant sur un
espace de plus de 1200 lieues en latitude et de
1700 de l’est à l’ouest, ou trouva des populations
semblables d'aspect, ayant, à trôspeu de chose près,
les mêmes mœurs, les mêmes superstitions, et
parlant des dialectes d’une même langue différant,
moins entre eux que l’italien, l’espagnol ot le
portugais. Devant ces faits, l’idée d’un peuplement
par migrations vint à l’esprit; mais comment, eu
dépit des distances, s’étaient faites ces migra
tions? Quel avait été leur point de départ? Depuis
qu’on connait mieux la météorologie de ces para
ges, on commence à soulever en grande partie le
�voile qui euùvre ces questions. Le passé de l'Océa
nie ne date pour nous, à vrai dire, que d'un siècle;
les documents historiques faisaient défaut, et des
légendes, vagues et nuageuses, ne pouvaient en
tenir lieu que dans une certaine mesure; mais, de
puis quelques années, les traditions beaucoup plus
explicites de la Nouvelle-Zélande recueillies par
un des derniers gouverneurs anglais Sir G. Grey,
el VHistoire des iles Hawaii (îles Sandwich),
écrite par des indigènes et traduite par notre
compatriote M. Jules Rcmy, sont venues jeter
un grand jour sur ce sujet. Les autres moyens
■d’investigation sont les caractères zoologiques ,
c’est-à-dire les caractères, extérieurs, le faciès, les
caractères anatomiques, puis ceux qu’on tire de
la plus ou moins grande affinité du langage et des
coutumes. Dumont d'Urville, auquel nous sommes
redevables de tant de connaissances sur l'Océanie,
attribuait une très grande importance à ces der
niers. Malgré tout le respect dù aux opinions du
célèbre navigateur, nous croyons que, si la ressem
blance des langues est le plus souvent l’indice d’une
origine commune, ce n’est pas toujours vrai; on
voit fréquemment de grandes différences de lan
gage entre des populations dont la proche parenté
n’est pas douteuse; quant à la conformité des cou
tumes, elle n’indique très souvent, surtout chez
des peuples primitifs, qu’une manière innée, in
stinctive, de satisfaire à des besoins identiques chez
tous les hommes.
Les études philologiques et ethnographiques de
d’Urville l’avaient conduit à partager l’Océanie en
Jouan. — LXV.
2
�quatre grandes régions ; cette division tout artifi
cielle, basée sur la parité des idiomes et des affi
nités de mœurs, est généralement adoptée : il est
juste de dire qu’elle en vaut bien une autre. Ces
régions sont :
1“ La Mélanêsie, vers le sud-ouest du Pacifique,
habitée par des races noires, ressemblant plus ou
moins aux noirs africains; quelques-unes de ces po
pulations mâchent le bétel (usage emprunté à l’Asie) ;
la plupart ont pour armes des arcs et des llèches.
2° La Malaisie, composée des îles voisines du
continent asiatique, peuplées par des hommes au
teint brun, les Malais, et dans lesquelles on parle
généralement la langue malaise et ses dialectes.
La Malaisie n’est cependant pas habitée unique
ment par des Malais; on y trouve"d'autres popula
tions appelées Alfourous, Al fors, Harafors, etc., etc.,
mais ce nom ne désigne pas une race d’hommes
plutôt qu’une autre: il s’applique à des individus
qui occupaient les iies avant l’arrivée des Malais.
Pour ceux-ci, les Alfourous ne sont que des sau
vages « non malais, » et surtout non musulmans.
Un voyageur français, M. RalTray, a pu constater
récemment, dans File de Gilolo, qu’une partie des
Alfourous sont des râpons semblables à ceux de
la Nouvelle-Guinée, tandis que d’autres, par leur
teint couleur cannelle et la masse de leurs carac
tères zoologiques, se rattachent aux Layaks de
Bornéo et par suite sont très voisins des Polyné
siens (o).
3“ La Polynésie, dans la partie centrale et orien
tale du Pacifique.
�— <9 —
4* L;t Micronésie, dans la partie occidentale de
l'hémisphère nord.
Ces deux dernières régions sont habitées par des
hommes au teint brun, couleur de cannelle.
D'Urville a donné pour limites à la Polynésie
une ligne brisée qui part de l’ile de Pâques (latitude
sud 27°, longitude ouest lit"), fait le tour des ilos
Sandwich (latitude nord 24", longitude ouest 137°),
et, laissant les iles Gilbert dans le nord, vient
passer auprès de Pile Tikopia sa borne occidentale,
au nord des iles Fidji, entre ce groupe et celui
de Tonga, puis se dirige vers le sud-ouest, encla
vant l'archipel Néo-Zélandais, et revient à file de
Pâques. Des iles Sandwich à la Nouvelle-Zélande,
il y a 1580 lieues marines dans la direction nordest—sud-ouest, et de file de Pâques à Tikopia,
1730 est-sud-est—ouest-nord-ouest. En 1874,1e
capitaine Moresby a trouvé une population polyné
sienne à l’extrémité sud-est de la Nouvelle-Guinée,
ce qui reporterait les limites de la Polynésie à
400 lieues plus dans l’ouest. Les populations com
prises dans ce vaste espace diffèrent très peu
dans leur aspect et leurs coutumes, et parlent des
dialectes d’une même langue ainsi qu’il a été dit
plus haut ; toutes sont soumises à l'interdiction
religieuse du tabou (tabu, tapu, kapu) et boivent le
kava (dans la zone intertropicale où la plante
pousse, bien entendu), breuvage enivrant obtenu
en délayant dans de l’eau la racine mâchée du
Piper methysticim. L’arc et les flèches ne sont pas
en usage chez elles.
La Micronésie n’est guère composée que d’ilots
�coralligènes à peine élevés au-dessus du niveau
de la mer. Ici, l’unité de langage signalée dans la
Polynésie a disparu; le tapu n’exisle pas, sous le
même nom du moins ; l’usage du kava n’est pas
général ou est remplacé par la mastication du
bétel. C’est en grande partie à cause de cela que
d’Urville classe les Micronésicns à part; cependant
la civilisation est chez eux au même degré que
chez les Polynésiens, le genre de vie le môme. On
a reconnu, dans quelques-unes de leurs îles, des
institutions qui ne sont autres que le tabou. L’ha
bitude de teindre leurs personnes en jaune avec
une drogue tirée de la racine d'un curcuma, l’usage
des fours creusés en terre pour cuire leurs ali
ments, le tatouage, l'anthropophagie (6), les rappro
chent des Polynésiens, mais les caractères zoolo
giques les en rapprochent encore davantage. Pour
beaucoup de navigateurs, ce sont des Polynésiens
chez lesquels il se peut que l’inlluence d'un milieu
moins favorable, et, dans quelques iles, le croise
ment avec une race noire, aient causé une sorte
de dégénérescence; aussi quelques auteurs, Domeny de Rienzi 1 entre autres, les rattachent à la
Polynésie et réduisent la Micronésie à très peu de
chose, à quelques îles et à quelques rochers dé
serts, un peu au-dessous du tropique du Cancer, et
s'élevant jusques vers le 40e parallèle.
Pour toutes les terres peuplées par des races
noires, Rienzi adopte la division de d’Urville, la
Mélanésie, qu’il divise elle-même en Papouasie
I. Univers pittoresque, Océanie, t. I. 183t>.
�— 21 —
(Nouvelle,-Guinée el iles adjacentes, auxquelles il
adjoint les iles Salomon et les iles Fidji), et en
Endamènie, comprenant l'Australie, la Tasmanie,
les Nouvelles-Hébrides , la Nouvelle-Calédonie ,
mais il reconnait qu'il est souvent bien difficile de
tracer les limites de ces deux grandes sections.
Les marins et les auteurs anglais donnent le
nom d'Australasie à l'ensemble dont la NouvelleHollande fait comme le centre autour duquel
rayonnent : au sud la Tasmanie, au sud-est la
Nouvelle-Zélande, à l’est la Nouvelle-Calédonie, au
nord-est et au nord les iles Salomon, la NouvelleGuinée et ses annexes, Nouvelle-Bretagne, NouvelleIrlande, etc. Les terres qui avoisinent le continent
asiatique sont appelées Archipel Indien, Grand Archi
pel d’Asie, Archipel Malais. Le reste des iles, en allant
vers l’est jusqu’à l’Amérique, constitue la Polynésie
ou les iles du Pacifique, ou, plus généralement
encore, les iles de la mer du Sud (South sea Islands).
Quelle que soit la description géographique
qu’on adopte, on voit, en jetant les yeux sur une
carte, que la Micronésie et la Polynésie, à l'excep
tion do l'archipel néo-zélandais, ne contiennent
que des iles de très petite dimension quand on les
compare à la plupart des terres de la Malaisie, et
surtout de la Mélanésie, dont une, l’Australie, peut
être regardée comme un continent. Quelques iles de
la Malaisie et de la Mélanésie orientales, la Polynésie
et la Micronésie, constituent à proprement parler
l’Océanie des marins dont nous nous occuperons spé
cialement, laissant de coté la Malaisie et l’Australie,
qui à elles seules demanderaient des volumes. -
�CHAPITRE II
MÉTÉOROLOGIE
Vents. — Courants de la mer. — Climat.
On avail d'abord supposé, par analogie, que les
vents alizés soufflaient dans le Grand Océan avec
la même régularité que dans l’Atlantique, mais on
ne tarda pas à reconnaître que, dans l'hémisphère
sud, l’alizé du sud-est (plus ou moins variable
vers l’est ou vers le sud) n’est constant que dans
un espace s’étendant à partir de 200 à 230 lieues
au largo de la côte d’Amérique jusqu’aux iles de
la Société. Vers celte dernière limite, d’octobre
en avril le vent le plus ordinaire, est-sud-est, est
souvent remplacé par le vent d’est-nord-est, tour
nant vers le nord et même le dépassant du côté de
l'ouest, et alors le plus souvent il souffle eu tem
pête.
Dans l’hémisphère nord, l’alizé du nord-est a un
parcours plus étendu vers l'occident, mais sa régu
larité est très souvent interrompue, pendant les
mois d’hiver, par des vents du sud à l’ouest.
Il semble que les nombreux groupes d’iles situés
�23 —
dans las deux hemispheres, du côté de l’ouest, ont
pour effet de changer les vents alizés en vents va
riables dans la partie occidentale du grand Océan;
dans quelques parages, ces vents ont un caractère
périodique qui rappelle des moussons de l’Océan
Indien, observation 1res importante pour la solu
tion de la question du peuplement de la Polynésie.
La partie sud-ouestentre les tropiques est soumise
pendant les mois d’été (décembre, janvier, février)
à des ouragans, des cyclones d’une extrême vio
lence. Récemment (janvier 1880), un de ces désas
treux météores a ravagé la Nouvelle-Calédonie qui,
après tous ses malheurs, n’avait pas besoin de
celte nouvelle épreuve.
En dehors des tropiques les vents sont variables,
mais ceux du nord-ouest au sud-ouest dominent,
le plus souvent en tempête dans les latitudes éle
vées, soulevant des vagues monstrueuses qu’aucun
obstacle n’arrête. L’espace de mer compris entre
la Nouvelle-Calédonie, l’Australie et la NouvelleZélande est un des points du globe les plus exposés
aux perturbations atmosphériques. C’est avec rai
son que d'Urville a pu dire que, si les anciens
avaient connu la Nouvelle-Zélande, ils en auraient
fait le séjour favori d’Éole.
Les courants marins, sans compter leur impor
tance au point de vue de la navigation, jouent aussi
un role considérable en raison de leur direction, de
leur vitesse, de leur température; par eux s’ex
plique la présence de certaines espèces marines,
animales et végétales, dans certains parages plutôt
que dans d’autres; leur influence se fait plus ou
�moins sentir sur les migrations humaines qu’ils
peuvent faciliter ou entraver, sur la formation du
tapis végétal dans des iles éparses où ils apportent,
quelquefois de très loin, des graines conservant
leurs propriétés germinatives malgré un long sé
jour dans l’eau de mer.
Le défaut d’espace nous permet d’indiquer
seulement les grands mouvements des eaux dans
le Pacifique, sans nous arrêter aux cas particu
liers. Dans le sud, vers 60° de latitude, uu cou
rant froid vient de l'ouest buter contre la côte
occidentale de l'Amérique méridionale, prolonge
cette côte en tempérant le climat du Chili et du
Pérou, puis, s’infléchissant vers l’ouest, se perd
dans le grand courant équatorial qui traverse
toute la largeur du Pacifique, de l’est à l’ouest,
entre les tropiques. Dans l’hémisphère sud, aux
environs do la Nouvelle-Calédonie, ce dernier cou
rant se divise en deux branches, dont l’une tourne
vers le sud entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande;
l’autre se dirige au nord-ouest vers le détroit de
Torres. Au nord de la Nouvelle-Guiuée, sous l'in
fluence des moussons qui se fout sentir jusque
dans ces parages, le courant, suivant la saison,
suit alternativement des directions opposées, estsud-est, ouest-nord-ouest. Plus au nord, il s'in
fléchit au nord-ouest et va rejoindre le courant
du Japon, le Kouio-Siwo, sortant des mers chau
des de la Malaisie, analogue au Gulf-Stream de
l’Atlantique, et qui, pour compléter l’analogie avec
ce dernier, traverse la zone tempérée du PacifiqueNord, frappe les côtes de l'Amérique septentrionale,
�— 25 —
puis, s'infléchissant vers le sud et le sud-ouest,
vieul rejoindre le grand courant équatorial dans
les environs des iles Sandwich. C’est grâce à
ce mouvement des eaux que des fruits du Grand
Archipel d’Asie ont é.té recueillis sur les rivages
hawaiiens après avoir parcouru ce long circuit, et
que des jonques japonaises désemparées ont clé
rencontrées à la côte ouest de l’Amérique du Nord
et au voisinage de ces iles.
La partie du Grand Océan Austral, comprise
entre le courant équatorial et le courant froid ve
nant de l’ouest, a une physionomie particulière
qui lui fait donner à juste titre, par Maury, les
noms de mer désolée, mer déserte; à peine y ren
contre-t-on un poisson, un oiseau : la vie semble
avoir disparu dans cet espace.
Les nombreuses iles qui composent la Microné
sie et la Polynésie sont, âquelques exceptions près,
comprises entre les tropiques. Elles ne paraissent
que comme de simples points sur la carte; mais
quelques-unes, eu égard à leurs petites dimensions,
présentent un relief considérable ', tandis que d’au
tres ne sont guère que des récifs madréporiques
émergeant à peine de la mer. Toutes ont un cli
mat sensiblement pareil, un été perpétuel. Dans
quelques-unes, voisines de l’équateur, la chaleur
dépasse quelquefois 33° centigrades à l'ombre
pendant le jour, et ne tombe pas au-dessous de1
1. Nukuhiva (iles Marquises) a 1 260 urètres d’altitude
-sur 4 ou 5 lieues de long; Mont Orohena, à Tahiti,
3 227 ni.; Mauna Loa, à Hawaii, 4 136 m.
�260 pendant la nuit. Naturellement le climat pré
sente des différences quand on s’éloigne de l'équa
teur : ainsi, aux iles Sandwich situées sous le tro
pique du Cancer, la neige couvre les plus hauts
sommets pendant les mois d’hiver, tandis que, plus
près de la Ligne, la différence entre la température
du bord de la mer et celle des hauteurs est à peine
appréciable au thermomètre. A la Nouvelle-Zélande,
dans la zone tempérée australe, les hivers sont ri
goureux dans le sud ; la haute chaine de mon
tagnes, arête de l’archipel, a la plus grande partie
do ses sommets couverts de neiges éternelles. Dans
le nord le climat est plus doux ; mais, par suite
des vents tempétueux très fréquents, il est loin
d'être toujours agréable. Deux fois à l’époque de
Noël, par conséquent en plein été de l’hémisphère
sud, sauf qu’il ne faisait pas froid, nous avons
trouvé le temps aussi venteux , aussi mauvais
qu’il l'est, à pareille date, sur les rivages de la
Manche. Malgré cela, et peut-être à cause de cela,
le climat est très sain, vivifiant; on retrouve, chez
les jeunes Anglaises nées à la Nouvelle-Zélande,
les belles carnations de leurs sœurs d’Angleterre.
Dans la zone intertropicale, le baromèlrc oscille
entre O m. 758 et 0 m. 7Gü. Ses indications n’ont
pas beaucoup de valeur, si ce n’est dans les para
ges exposés aux ouragans où, au contraire, elles
acquièrent une grande importance. Elles sont très
utiles dans les zones tempérées au nord et au sud
de l’équateur.
Les iles interlropicales, au climat chaud et hu
mide, sont rafraîchies par les vents alizés, maison
�— 27 —
;i vu que ceux-ci ne sont pas toujours constants.
Dans les île» élevées, les sommets arrêtent les nua
ges : il pleut souventtrès abondamment dans le haut
des vallées alors qu’au bord de la mer il tombe à
peine quelques gouttes d’eau. Il y a néanmoins
une saison humide caractérisée par des pluies tor
rentielles, et une saison sèche, mais leurs alter
nances ne sont pas bien tranchées. Les époques
des pluies sont aussi celles des perturbations at
mosphériques, des vents variables, des rjmins, des
orages. Ces derniers sont moins communs qu’on
ne serait porté à le croire sur des terres montueuses et couvertes de végétation.
En somme, le climat de la Polynésie tropicale,
et de ce qu’on connaît de la Micronésie, est sain;
il est clair qu’à la longue les Européens s’y éner
vent, mais ils y sont à l’abri des affections terribles
à redouter dans beaucoup de pays chauds.
Dans l’ouest du Pacifique les conditions sanitai
res sont loin d’être aussi bonnes. Les terres de la
Malaisie, couvertes d'une végétation désordonnée,
soumises aux alternatives d’un soleil brûlant et de
pluies diluviennes, à des calmes, à des orages,
recèlent de nombreux foyers de pestilence, où la
lutte pour la vie est bien pénible à l’Européen. Ce
qu’on connaît jusqu’à présent de la Mélanésie
semble indiquer qu’en général elle n’est pas plus
favorisée. Les explorateurs qui, depuis quelque
temps, ont résolument attaqué la Nouvelle-Guinée,
ont tous eu à souffrir plus ou moins du climat.
D’Urville a relaté les effets pernicieux produits sur
l’équipage de YAstrotobe par un séjour de trois
�semaines à Vanikoro, « la terre qui tue », comme
l’appellent les habitants de l'ile voisine, Tikopia.
Les iles Salomon sont très suspectes; quelquesunes sont reconnues comme très malsaines, les
Nouvelles-Hébrides également: les indigènes euxmêmes redoutent la saison humide, toujours mar
quée par une grande mortalité. Les îles Fidji
passent pour avoir un climat salubre; cependant
nous avons vu des Européens en revenir avec des
fièvres, mais il est juste de dire que la plupart
étaient des individus à constitution ruinée par des
excès de tout genre.
Dans plusieurs iles, l’insalubrité naturelle a été
encore augmentée par l’invasion de la variole im
portée par des navires, et qui fait presque autant
de victimes que de malades, line forte grippe (l’influenza des médecins anglais) fait aussi quelquefois
irruption dans les différents archipels et y cause
de grands ravages.
Au moment de son occupation par la France, la
Nouvelle-Calédonie contrastait heureusement avec
la plupart des terres mélanésiennes, par une salu
brité exceptionnelle. L'Européen pouvait aller et
venir, travailler, passer la nuit en plein air, etc.,
avec la même impunité que dans les zones les plus
tempérées. Eu arrière des plages, aux embouchu
res des cours d'eau, s’étalent de vastes surfaces
marécageuses, couvertes de palétuviers et de mangliers, et, comme chacun sait, les fièvres palu
déennes soûl l'accompagnement ordinaire de cette
végétation ; tout le monde a pu faire la remarque
qu’en Calédonie il n’en est rien. Il y a vingt ans,
�— 29 —
nous avons
l’équipage de noire navire travail
ler impunément pendant une semaine entière, nuit
et jour, avec des alternatives de soleil et de pluies
‘ torrentielles, dans le delta marécageux de Kanala.
En I860, on constata bien quelques affections
ayant en quelque sorte un caractère [épidémique,
mais elles s’attaquaient uniquement à de jeunes
soldats, nouvellement débarqués après une tra
versée pénible, cl qui tombant tout A coup, au
sortir du froid de l’Océan Indien austral, dans un
pays tropical, à l’époque la plus chaude de l’année,
ingurgitaient en grande quantité, malgré toutes les
recommandations, l’eau fangeuse des mares for
mées par la pluie, la seule qu’on trouvât alors
auprès de Nouméa. En somme, cela avait été très
peu do chose, et la Nouvelle-Calédonie conservait,
à juste litre, sa réputation de salubrité.
Mais il paraît qu’aujourd’hui il y aurait beaucoup
à en rabattre, au moins pour les environs de Nou
méa. L’accumulation sur ce point des transportés
et des déportés de 1871, les travaux de terrassement
nécessités par l'installation de ce nombreux per
sonnel, les prédispositions morbides d’un certain
nombre de ceux qui en faisaient partie, l’insuffi
sance des logements, etc., auraient développé avec
acuité la plupart des affections des pays chauds,
dont jusqu’alors on n’avait constaté que de très
rares exemples, et encore d’un caractère béniu,
’sans gravité. Le tableau fait par le médecin en
■chef de la marine placé à la tête du service médi
cal de la colonie (IS76-I878) renverse de fond on
: comble les idées et les impressions des personnes
�ayant vécu à la Nouvelle-Calédonie pendant les
<|uinze premières années de l’occupation. 11 faut
dire que ce changement en mal parait ne devoir
être appliqué qu’à Nouméa et à son voisinage, et
il est à espérer que cet état de choses n'aura qu'un
temps, et que la Calédonie recouvrera son ancienne
salubrité.
�CHAPITRE III
GÉOLOGIE
.1. Dill'éreuccs dans la constitution géologique des iles
du Pacitique. — Nouvelle-Guinée et terres voisines.
— Nouvelle-Calédonie, îles Loyally. — NouvelleZélande. — B. Iles volcaniques; récifs frangeants, ré
cifs-barrières.— C. Iles basses madréporiques; hypo
thèses sur leur formation ; aires de soulèvement et
d’affaissement.
A. Les iles situées dans l’ouest sous l'équateur et
dans la partie sud-ouest du Pacifique (Australasie
des Anglais) diffèrent de celles qui sont situées da
vantage à l’est, non seulement comme ayant, pour
la plupart, de plus grandes dimensions, mais en' core par leur constitution géologique bien dis
tincte. On y retrouve les roches sédimenlaires et
les roches éruptives, plus ou moins anciennes,
4 semblables à celles qui font la base des continents,
tandis que les autres sont exclusivement volcani
ques ou coralligènes.
La Nouvelle-Guinée, les iles qui l’avoisinent,
Nouvelle-Irlande, Nouvelle-l>retagne, etc., et les
�îles Salomon, sont encore à peu près inconnues à la
géologie. Les visites des différents navigateurs au
port Doreï, au nord-ouest de la Nouvelle-Guinée,
ont fait connaître que la côte, dans cette partie, est
composée en entier de masses de coraux que re
couvre une épaisse couche de terreau servant de
support à une végétation plantureuse. En arrière de
la côte s’élèvent des montagnes hautes peut-être
de 3 à 1000 mètres, aux formes arrondies et ondu
lées, ce qui peut faire supposer que leur masse est
principalement composée de granit, d’autant plus
que les lits des ruisseaux sont encombrés de galets
de nature granitique. Le long de la côte nord de
celte grande ile, d’Urville a trouvé la mer, quoique
profonde, décolorée, boueuse, quelquefois à une
grande distance du rivage. Cette particularité, et
les débris de végétaux flottants, des arbres entiers
même, dénotent l’existence de rivières volumineu
ses ou de torrents rapides. L’extrémité orientale de
la côte nord montre une suite de sommets en forme
de cônes réguliers, évidemment de nature volcani
que, comme la plupart des iles qui bordent la grande
terre. Une d’elles a reçu le nom A’lie du Volcan, de
Dampicr à qui son panache de tlammes servit de
phare. En 1793, d’Entrecasteaux la vit encore cou
ronnée de fumée; mais, en 1827, son cratère parut
à d’Urville complètement éteint; il n’y avait pas
encore d’arbres, mais seulement une riche ver
dure herbacée. Dans la partie méridionale de la
Nouvelle-Guinée, visitée depuis quelques années
par des explorateurs partis des colonies anglaises
d’Australie, on trouve des plaines étendues parais-
�— 33 —
sant bien arrosées; une rivière a pu être remontée
assez haut par de petits steamers. Il est à supposer
qu’on rencontrera de grandes diversités de terrains
daus cette ile, dont la superficie égale presque celle
de la France et de l’Italie réunies.
La Nouvelle-Bretagne, la Nouvelle-Irlande, les
îles Salomon, montrent également de hautes mon
tagnes dans leur intérieur, iiienzi a rapporté des
Salomon le tibia fossile d’un grand mammifère (un
mammouth?) et une dent de mastodonte, et il as
sure que les ossements de cette sorte étaient très
communs sur une des îles du groupe (7). Les Sa
lomon contiennent aussi, dit-on, du cuivre natif
et de l’or.
Les ties de I’Amirauté (au nord de la NouvelleGuinée), le groupe de Santa-Cruz (Nitendi, Vanikoro), les Nouvelles-Hébrides, sont des terres élevées
de formation volcanique, dont quelques-unes su
bissent encore l’action des feux souterrains. Tinakoro est un volcan actif. Tanna, une des NouvellesHébrides, en a un très remarquable. Cet archipel
parait contenir d’immenses gisements de soufre; il
est soumis à de violents tremblements de terre qui
modifient le relief des iles, comme cela est arrivé à
Tanna en janvier, février et août 1878. A 30 lieues
dans le sud-est des Nouvelles-Hébrides, et dans
leur prolongement, se trouve, tout à fait isolé, le
volcan Mathew qui a tout au plus 2 milles de
tour.
Los rivages des iles mélanésiennes citées sont
plus ou moins frangés de récifs inadréporiques; le
plus souvent ces récifs sont simplement littoraux,
tou a n . — LXV.
3
�— 3i —
ne s’écartant pas beaucoup de la côte (NouvelleBretagne, Nouvelle-Irlande, Nouvelles-Hébrides,
partie nord de la Nouvelle-Guinée) ; au contraire,
d'immenses bancs de coraux, très étendus, relient
entre elles les terres de la Louisiade à l’extrémité
sud-est delà Nouvelle-Guinée; le détroit de Torrès,
qui sépare cette dernière de l’Australie, est un véri
table labyrinthe de récifs.
Depuis son occupation par les Français, s’il reste
encore bien des points de détail à étudier, on pos
sède déjà assez de notions sur la Nouvelle-Calédonie
pour se faire une idée nette de sa constitution géo
logique. Située entre 20 et 22° 1/2 de latitude sud,
cette ile s’étend du nord-ouest au sud-est, sur une
longueur de 270 kilomètres, avec une largeur
moyenne de 5o. Un immense récif madréporique
l'entoure, tantôt se rapprochant du rivage, tantôt
s’en écartant de plusieurs milles, et se prolongeant
dans le sens du grand axe de l'ile, dans le nordouest, à 60 lieues au large. Sa continuité est, de
place en place, interrompue par des coupures qui
donnent accès aux navires dans un chenal inté
rieur, et dans les poids naturels dont quelques-uns
sont très beaux. Il enveloppe dans ses replis une
certaine quantité d’ilots, quelques-uns assez grands
et assez élevés pour mériter le nom d’iles (Ile
des Pins, Ouen, Balabéo, Pam, etc.), tandis que d’au
tres ne sont que des bancs de sable ou de madré
pores.
La Nouvelle-Calédonie se présente comme une
grande crête montagneuse qui doit surtout son re
lief à une puissante formation serpentineuse, occu-
�— 35 —
pant en laideur toute sa partie méridionale, et se
montrant souvent sous la forme de gros massifs
arrondis. L’arête centrale de l'ilc est constituée
par des schistes, plus ou moins métamorphisés, où
perçcnl çà et là des ilôts de serpentine. Dans la
partie nord-est, on rencontre, en lits puissants, des
schistes ardoisiers bons à exploiter, des calcaires
cristallins qui se présentent en grandes masses au
bord de la mer, sous l’apparence de roches noires,
dentelées, caverneuses, remarquables par leurs
formes qui rappellent souvent des objets connus,
comme par exemple les deux gros rochers qu’on a
appelés les Tours de Notre-Dame, près du port de
Hienghène.
On trouve écrit que la Nouvelle-Calédonie est
une terre essentiellement volcanique et qu’il y
a des volcans actifs : c’est une grosse erreur. Les
roches plulouiennes y sont moins communes que
les roches sédimentaires et métamorphiques ; ce
qui domine, ce sont les schistes argileux, micaschis
tes cl stéaschistes, les calcaires, les grés et les poudingues. On n’y connaît ni le basalte ni le tra
chyte, mais la serpentine et le trapp, ce dernier ne
se montrant guère qu’en liions. Sur la cote ouest,
aux environs de Nouméa, on rencontre de grandes
masses d’une roche éruptive noirâtre (un mêlctr
phyrel), se présentant en boules ovoïdes grosses
comme les deux poings, formées de couches con
centriques se détachant facilement par le choc : on
dirait, à voir l’ensemble, des piles d’anciens boulets
ronds.
M. Filhol a découvert — probablement dans les
�terrains sédimentaires de l’ouest — un débris fos
sile d’un grand pachyderme, qui apporterait, en
quelque sorte, une preuve que, dans les âges re
culés, la Nouvelle-Calédonie était jointe à d’autres
terres.
On ne connail encore que deux nappes d’eau
douce, d’un kilomètre de diamètre au plus et peu
profondes, dans la partie sud-est de l’ile. Ce ne
sont que des réservoirs où se rendent les eaux
pluviales descendant des hauteurs. Un réservoir
semblable, mais beaucoup plus petit, se voit dans
les montagnes de Kanala, à la côte orientale.
Dans la Baie du Sud, à l’extrémité méridionale
de l’ile, il y a deux sources thermales dont la tem
pérature ne dépasse pas 35 ou 36°, l’une carbo
nique, l'autre légèrement sulfureuse, dernière ma
nifestation des phénomènes éruptifs qui ont donné
naissance à la formation serpenlineuse.
Les cours d’eau sont nombreux, mais, presque
toujours transversal par rapport au grand axe de
l’ile, leur parcours est peu étendu et leur débit
peu abondant. Le plus considérable est lq Diahot,
qui se jette au nord do l’ile après avoir arrosé une
grande vallée longitudinale. Des embarcations peu
vent le remonter sur une distance de 23 à 30milles:
aussi l'ulilise-l-on pour l’exploitation des mines
qu’on trouve dans celte partie.
La grande chaîne centrale, ses nombreux con
tre-forts et les chaînons qui s’y rattachent, for
ment un ensemble des plus tourmentés. La Nou
velle-Calédonie présente pour ainsi dire, dans
toute son étendue, un chaos de montagnes qui la
�— 37 —
coupent d û s tous les sens, ne laissant entre elles
que des vallées étroites et escarpées, excepté sur
quelques points du littoral oit ces vallées s’élar
gissent, principalement à la côte occidentale et
dans le nord. 11 faut bien avouer que le premier
aspect de notre colonie n’est guère engageant. Les
sommets, lavés par les pluies, sont en général
arides, ne montrant qu’une argile ferrugineuse,
rouge brique, et, çà et là, de grandes taches blan
ches dues à de puissantes masses quartzcuses qui
ont mieux résisté que les schistes aux efforts con
tinus de la dénudation. Les flancs et le haut des
collines, couverts de broussailles ou d’une herbe
dure qui se desséche vite au soleil, attristent le
regard (principalement au voisinage de Nouméa)
par des teintes grises ou couleur d’amadou. Plus
bas, les pentes plus douces retenant mieux les
eaux, le sol est moins ingrat, et même il est plan
tureux dans les gorges et les vallées où l’on voit
de belles forêts et d'excellents pâturages, princi
palement sur le terrain d’alluvion qui borde la
mer.
Jusqu’à un certain point, l’espoir conçu, sur les
analogies remarquées avec l’Autralie, que la Calédouie pouvait renfermer des richesses minérales
appréciables, n’a pas été déçu. Les matériaux do
construction sont abondants; les coraux peuvent
fournir de la chaux excellente eu quantité inépui
sable; on exploite les calcaires des environs de
Nouméa, et, ainsi que l'ont démontré plusieurs es
sais, on pourrait en faire autant des schistes ardoisiers du nord-est. Des brèches, composées de
�silex noirs et de calcaire, pouvant prendre un beau
poli, des marbres de teiules variées, paraissent
susceptibles d’un heureux emploi architectural. Les
terres à briques, les argiles ligulincs, abondent
dans toute l’ile; dans le sud, il y a du granit, auquel
sont joints des kaolins.
On marche littéralement sur le fer à divers états,
oxydé, oxydulé en grains, hydrogéné, chrômilere, etc. Malheureusement, dans l’état actuel du
pays, la richesse même de ces minerais ne compen
serait pas les dépenses à faire, soit pour les conver
tir sur place en fer ou en fonte, soit pour les trans
porter aux usines d'Europe; peut-être y aurait-il
une exception pour le fer chromé.
Les gisemeuts lmuillers existant dans l'ouest de
l’ile ne se prêteraient pas non plus à une exploita
tion offrant des chances de profit, tanl que les
études et les travaux de recherche ne seront pas
plus avancés qu’aujourd'hui ; on ue doit encore les
considérer que comme une réserve pour l’avenir.
En 1863, l’or fut signalé pour la première fois
dans le nord-est de file, mais ce ue fut qu’en 1870
qu’un riche affleurement lut trouvé d^uis la vallée
du Diahot, et qu'une exploitation régulière com
mença, même d’une manière assez brillante. En
trois ans, la mine de Fern-Hül avait traité 1200 lounes de quartz ayant produit 443 806 francs. Mal
heureusement, faute de capitaux et pour d’autres
motifs, les travaux de reconnaissance restèrent
circonscrits dans un petit rayon, et, à la lin de 1873,
la mine, si pleine de promesses au début, fut
abandonnée. 11 est cependant peu probable qu’un
�-
39 —
lilou auss- riche soit uu fait isolé, et tout porte à
croire que des recherches persistantes feraient
trouver de nouveaux gisements.
Eu 1872 des chercheurs d’or découvrirent, égale
ment dans la vallée du Diahot, des minerais de
cuivre, — quelques-uns argentifères, — qui furent
bientôt exploités avec des alternatives de succès
et de stagnation. Il en est de môme des minerais
de nickel très abondants au milieu des serpen
tines.
La formation scrpcntineuse se retrouve sur les
iles enclavées dans le.récif. M. Garnier 1 a décou
vert, à l'ile Ouen, un magnifique gisement de jade
ascien, avec lequel les naturels fabriquaient, avant
l’arrivée des Européens, des pendants d’oreilles,
des colliers, des haches, et que bien peu d’entre
eux sauraient faire aujourd’hui.
L’ile des Pins (Kounié), à 10 lieues dans le sudest de la Nouvelle-Calédonie, dont elle est séparée
par un dédale de récifs, est remarquable par son
pie troncouique, haut de 226 mètres, et qu'à la ré
gularité de sa forme on est tenté de prendre pour
un volcan, tandis qu’il n’en est rien; à l'exception
d'une bande de calcaire mailréporique au bord de
la mer, la charpente de l’ile est la même qu’à la
partie de la Calédonie la plus voisine.
A 13 lieues dans l’est, le petit archipel Loyalty,
composé de trois iles principales et de quelques
ilôts, s’étend du nord-ouest au sud-est, parallèle1. J. Garnier, Océanie, les lies des Pins, Loyally et
Thaiti. I87i.
�ment à la Nouvelle-Calédonie, mais il dilïère gran
dement de celle-ci par sa cpnstitution géologique.
Les iles Loyally cl File Walpole, à 30 lieues plus au
sud-est, ont la plus grande analogie avec les iles
coralligènes dont il sera question plus loin; de
même que cela a lieu pour ces dernières, on ne
saurait extraire de leur masse un seul fragment
qui n’ait vécu. Les Loyally ne sont que des atolls (8),
amenés à leur altitude actuelle de 60 à 80 mètres
par un soulèvement, ou plutôt par des soulèvements
successifs dont les marques soul bien visibles sur
quelques petites falaises : sur l’une d'elles, le
morne Ouasho, à File Lifou, on reconnaît parfaite
ment trois étages de soulèvements inégaux. Ces
mouvements d’exhaussement ont dit avoir lieu à
une époque peu reculée (géologiquement parlant),
car on trouve, empâtées dans la roche coralline,
des coquilles appartenant à des espèces vivant
encore dans la mer qui baigne les iles, et qui ont
même, en partie, conservé leurs couleurs. Les
Loyalty n’ont ni ruisseaux ni sources, mais, comme
il y pleut abondamment de janvier à mai, les eaux
pluviales s’infiltrent dans les crevasses du sol ro
cailleux et finissent par remplir des grottes souter
raines, véritables citernes fournissant de l’eau
excellente. Aux Loyalty, on constate souvent que
le terrain sonne creux sous les pas (9).
L’archipel néo-zélandais, situé à peu près à nos
antipodes, se compose de trois iles principales
placées bout à bout, et dont l’ensemble forme un
arc de Cercle dont la convexité est tournée vers
l’est. Les phénomènes volcaniques y ont joué un
�I grand rôle, principalement à lka-na-Maui, Vile du
Nord, où ils se produisent encore, mais sur une
échelle moindre qu’aulrefois. Le voyageur arrivant
à Auckland est frappé par la quantité de petits
cônes cratériformes, aujourd’hui éteints, qu’il voit
de tous côtés. Le fond de quelques-uns est occupé
par une nappe d'eau. De grandes dépressions de
terrain servent de lits à des lacs dont l'eau est
souvent à une température élevée. Sur toute la
surface del’ile du Nord, le grand nombre de solfa
tares, de fumarolles, de geysers, semble indiquer
que les forces plutoniennes n'ont pas dit leur derj* nier mot, et que les grands cônes volcaniques, tels
que le mont Egmotit et le Ruupehue, qui élèvent
leurs sommets éteints, le premier à 2180 mètres,
le second à 2760, pourraient bien un jour se ré
veiller. Le Tongariro, dans le voisinage de ce der
nier, est une menace perpétuelle avec son panache
de fumée, quelquefois éclairé par des flammes.
L’ile Stewart, au sud de l’archipel, n'est qu’un
amas, un chaos de montagnes. Te-Yai-Pocnamu,
Vile du Milieu, doit sou relief à une grande chaîne
qui la parcourt, du sud-ouest au nord-est, dans
toute sa longueur, élevant à 4000 mètres ses som
mets aigus, couverts de neige. Cette cordillère
(Southern Alps) se prolonge dans l’ile du Nord, mais
H elle y est moins accentuée. Elle est formée par des
« schistes très contournés, redressés presque verli•?>calcinent de chaque côté de la ligne de faite, et à
la base desquels ou trouve le granit avec les roches
cristallines qui l’accompagnent ordinairement. La
hauteur des montagnes et de leurs contreforts, le
�■>oii do largeur des vallées qui ne sont le plus sou
vent que des gorges, donnent à l'archipel pris en
niasse un aspect bouleversé, et, sous ce rapport,
rien n’approche de la partie sud-ouest de l’ile du
Milieu. Dans celle partie, les contreforts des mon
tagnes s'avancent jusqu’à la mer, enserrant entre
leurs murailles à pic, d'une hauteur prodigieuse,
des baies où l'eau est très profonde, étroites, si
nueuses, pénétrant très avant dans les terres, rap
pelant tout à fait les fjords de la Norvège. Sauf la
cèle occidentale de l’ile du Milieu, qui est eu ligne
droite, les rivages de l’archipel sont dentelés et se
creusent de manière à former quelquefois des ports
magnifiques.
Les richesses minérales de la Nouvelle-Zélande
sont importantes; la province d’Olago (ile du Mi
lieu) a fourni, depuis vingt ans, de l’or en grande
quantité; le cuivre est commun et exploité avec suc
cès, le charbon de terre également. L’ile du Milieu
doit son nom indigène au poè-namu, le beau jade
vert avec lequel les Maori', fabriquaient, et fabri
quent peut-être encore, des haches, des colliers et
le mérè, sorte de grand casse-tête en forme de poi
gnard, insigne de leurs chefs.
Des relations de position et des analogies de
constitution outre la Nouvelle-Calédonie et la Nou
velle-Zélande portent (10) à considérer ces deux
terres comme les restes d'une même chaine de
montagnes dont les parlies intermédiaires, sauf le
i. Maori est le nom que se donnent les indigènes de
ia Nouvelle-Zélande.
�— 43
petit groupe ê» Àorfolk et les petites iles des Troisllois à rcxirëiuiiâ nord-ouest de la Nouvelle-Zé
lande, auraient été submergées par un mouvement
d’affaissement. En tout cas, si ces deux contrées
ont été réunies, leur séparation, à moins de preuves
du contraire qui font encore défaut, doit remonter
à un temps bien éloigné. A la Nouvelle-Calédonie,
M. Filhol a découvert les débris fossiles d'un
grand pachyderme, et à la Nouvelle-Zélande on
n’a pas, jusqu’à présent, trouvé de restes de mam
mifères, mais seulement les débris de grands
oiseaux do l’ordre des Struthions (Dinormis, Palap. terix, Aptomis, Ilarpagornis), auxquels les indi
gènes donnent indistinctement le nom de Moa,
dont quelques-uns étaient gigantesques. Les Stru
thions ne sont plus représentés aujourd’hui dans
l’archipel que par trois, et peut-être quatre, espèces
&'Aptéryx, oiseaux étranges, sans ailes, de la gros
seur d’une poule, et qui semblent aussi être en voie
de s’éteindre rapidement.
De grandes controverses se sont élevées sur
l'époque de l’extinction des Moas; pour les uns,
ils auraient disparu dès les temps préhistoriques :
pour les autres, leur disparition serait beaucoup
plus récente et ne daterait que de l’arrivée des
Maoris à la Nouvelle-Zélande, il v a quatre ou cinq
I siècles, et enfin d’autres prétendent qu’il eu existe
;■encore. La première opinion est probablement la
vraie; cependant les partisans des deux autres
mettent eu avant de bonnes raisons pour appuyer
leur dire.
Les petites iles qui forment, dans l’est et le sud,
�un arc de cercle concentrique â la Nouvelle-Zé
lande, à une distance moyenne de 130 lieues, le
groupe Cliatam, Bounty, Antipode, Auckland, Camp
bell, Macquarie, sont encore peu connues. Elles
ont été signalées comme « volcaniques », ce qui
est du reste, sauf de très rares exceptions, le cas
des iles, autres que les iles madréporiques, per
dues dans l’immensité dos océans. L’ile Camp
bell, visitée par M. Filhol à l'occasion de l'obser
vation du passage de Vénus (1873-74), est une de
ces exceptions. Sa charpente est composée en quel
que sorte do calcaire; elle présente de grandes
analogies avec la Nouvelle-Zélande. Les sommets
sont formés par des roches trachytiques. Camp
bell aura fait partie d’un grand continent, puis,
effondrée, elle se sera relevée de nouveau. Dans
le petit groupe Auckland, on trouve de puissants
échantillons de roches volcaniques dans le magni
fique port Laurie. A Ghatam, le sol tourbeux de cerlaines parties, quelquefois d’une puissance de
13 mètres, est brûlant au-dessous de la surface
qui finit par être atleiule par l’incendie : ou voit
des amas de cendres de plus de 10 mètres d'épais
seur.
B. La constitution des autres iles répandues
dans le reste du Pacifique est beaucoup plus sim
ple; d’abord elles sont, pour le plus grand nombre,
de dimensions beaucoup plus petites, à telle ensei
gne que le simple point, qui indique leur position
sur la carte générale, est hors de proportion avec
leur grandeur réelle.
Elles se présentent sous deux, ou mieux sous trois
�aspects : les un«s, très hautes, s’élèvent brusque
ment par des falaises escarpées au pied desquelles
on voit quelquefois des empâtements madréporiques; assez fréquemment, quand les falaises s’écar
tent pour faire place à des grèves, à des pentes ar
rivant doucement à la mer, des bancs de coraux
tenant à ces plages (récifs frangeants de Darwin),
s’avancent plus ou moins au large. D’autres iles
montent en pentes, plus ou moins rapides, à partir
de quelque distance du rivage qui est bordé d’une
bande de terrain plat et fertile, formée ordinaire
ment par des coraux morts et des débris des hau
teurs entraînés par les pluies, et devant laquelle
I s’étend une ceinture de récifs madréporiques
l(récifs-barrières de Darwin), laissant entre elle et
l’ile un chenal, quelquefois large de plusieurs milles,
plus ou moins libre, plus ou moins obstrué, où les
navires trouvent des ancrages.
Contrastant avec les archipels formés d'iles
hautes, on voit, en nombre plus grand encore, des
iles éparses, des groupes d’iles à peine élevées audessus de l’eau, des réunions de petits îlots, entou
rant, en formant des replis capricieux, un grand
lagon intérieur.
Sauf de très rares exceptions (les iles Carolines
et les iles Mariannes, qui sont, les premières orien
tées sensiblement est-ouest, toutefois avec une
légère déviation vers le nord-ouest, et les secondes
nord-sud), les archipels du Pacifique, qu’ils soient
composés de terres hautes ou de terres basses, ont
leur grand axe dans une direction qui s’écarte peu,
d’un coté ou de l’autre, de la ligne nord-ouest —
�sud-est, et, très souvent,,les ditTérentes iles ont
leur arête principale dirigée dans cette orientation.
Le premier coup d'œil fait reconnaître l'origine I
plutonienne des iles hautes, qu’elles soient ou non
entourées de récifs madréporiques, et sur le plus
grand nombre, pour ue pas dire sur toutes, elle est
marquée de la manière la plus grandiose. 11 est
impossible de rencontrer un sol plus bouleversé
qu’à Tahiti, aux Marquises, aux Sandwich, aux
Navigateurs, aux Fidji, etc. : sur la plupart de ces
terres, on ne trouverait pas un kilomètre carré de
terrain plat. Les montagnes, aux flancs escarpés,
se terminent en crêtes aiguës comme le toit d’une
maison, eu pics, en aiguilles. Les phénomènes at
mosphériques, les pluies, les dillérents agents de
la dénudation, au lieu d’adoucir les pentes en ont
presque toujours augmenté la raideur; des dépôts
arénacés, des conglomérats, etc., se mêlent aux
roches de cristallisation; sur les sommets dénudés,
la teinte rouge du sol indique la présence d’un mi
nerai de for, mais il n’est ni assez riche ni assez
abondant pour qu’on puisse en tirer parti ; aucun
métal exploitable n'a, jusqu’à ce jour, été trouvé
dans ces iles.
Toutes portent les traces d’une ignition violente.
L’action volcanique, dans l’acception la plus large
de ces mots, c’est-à-dire l’expansion d’un feu sou
terrain, soulevant violemment ces masses au-des
sus de l’Océan, peut seule expliquer cette nature
tourmentée. On voit écrit sur le relief de quelquesunes de ces terres que cette action s’est manifestée
en plusieurs fois : des cataclysmes nouveaux ont
�— 47
succédé à cte» périodes de calme assez longues
pour que la vie animale et la vie végétale aient eu
le temps de se développer, comme le démontrent,
à Tahiti, des branches fossilisées et des empreintes
de coléoptères entre des coulées superposées de
basalte et de laves. Dans la plus grande partie des
iles, les feux souterrains semblent être éteints de
puis longtemps; les dernières manifestations des
forces qui les ont fait surgir se mollirent dans
quelques sources minérales gazeuses qui rappellent
l’eau de Soltz; mais, dans quelques iles, cos forces
travaillent encore avec énergie, dans l'archipel
Hawaii (iles Sandwich), par exemple, qui peut mon
trer, d’une manière tangible, comment ont du se
former les iles plutonienncs de l'Océanie. Tandis
que vers l’extrémité nord-ouest du groupe, la
raideur des pentes, les sommets déchiquetés, les
cratères comblés ou arasés, la puissance de la vé
gétation, indiquent que l’action volcanique ne se
fait plus sentir depuis longtemps, qu’il est palpable
qu’elle n’a cessé que plus récemment dans les iles
qu'on ronconlre en allant vers le sud-est de l'ar
chipel, l’ile principale, Hawaii, située à l’extrémité
de Taxe, est encore aujourd’hui en pleine forma
tion volcanique et montre plusieurs cratères qui
révèlent leur activité par de fréquentes éruptions,
|e t dont un, le Kilauea, est le plus grand qu’on con
naisse sur le globe. En outre, des sondages opérés
il y a quelques années, pour la pose d’un câble
télégraphique, par la corvette américaine Tuscarora,
ont fait voir qu’en continuant dans la direction
nord-ouest — sud-est on rencontre des montagnes
�— 48 —
sous-marines, de sorte qu’il n’y aurait rien de sur
prenant si, un jour, de nouvelles terres surgis
saient dans ces parages.
La composition de ces différentes iles est, en
somme, d’une grande simplicité, bien que les ro
ches ignées qui y entrent soient nombreuses, mais
le plus souvent elles ne différent entre elles que
par des détails de contexture, reconnaissables seu
lement à la suite d'un examen approfondi. Les
trachytes porphyroïdes, les basaniles, les basaltes
dominent; sur les hauteurs la téphrinc micacée
argiioïde fait un sol gras et glissant. L'aragonite
blanche en fdons remplit souvent les fentes des
tufs volcaniques ; on voit un de ces dykes d’ara
gonite à l’entrée du port de Taïo-Baë, à Nukuhiva
(iles Marquises), où il forme une grande croix
blanche tranchant sur la teinte sombre de la fa
laise. A Hawaii, la plus grande des iles Sandwich,
M. Brigham a ramassé, prés du cratère de Kilauea,
un nid d’oiseau fait de cheveux de Pélé entrelacés
avec beaucoup d’art, qui contenait deux œufs.
Ces cheveux de Hélé sont des matières filamenteu
ses, quelquefois d’une grande finesse, de couleur
verte ou jaune, à l’aspect vitreux, qui ont souvent
plus de I mètre do long, et que le vent emporte à
de grandes distances (11).
Sur ces iles, par suite de leurs dimensions res
treintes, il ne peut y avoir que de petits cours
d'eau, mais chaque vallée a le sien qui descend
des montagnes, quelquefois par de splendides
cascades, faible dans la saison sèche, torrent im
pétueux quand les pluies durent.
�< Les Hi - ôasses ù layon intérieur sont en très
grand nombre dans le Pacifique; leur ensemble
occupe une superficie de plus de -i 000 000 d’heclares, alors que la totalité des ilcs hautes n’en
occupe que 3 000 000. On les rencontre quelque
fois isolées, mais le plus souvent groupées et for
mant des archipels étendus, dont les principaux
sont les Paumotu, les Gilbert, les Marshall, les
Carolines.
Un atoll — on appelle ainsi ces iles dans l’Océan
Indien — se compose, quand il est complet, d’une
table de calcaire corallin portée à fleur d’eau sur
une muraille verticale d’une grande hauteur, sur
laquelle le choc des vagues a amoncelé des débris
de coraux et des sables, entourant un lagon inté
rieur d’eau salée. Quelquefois la table de calcaire
est sans solution de continuité, mais, beaucoup
plus fréquemment, elle présente des coupures par
lesquelles le flux et le reflux exercent leur action
dans l’intérieur du lagon qui parfois forme un bon
port naturel. Souvent, l’anneau extérieur n’est, sur
des segments plus ou moins étendus, qu'un bri
sant à (leur d’eau , mais presque toujours il est
surmonté, çà et là, de petites dunes ou d’ilots ver
doyants. Pour la plupart plantées de forêts de co
cotiers, apparaissant sur la mer bleue comme des
corbeilles de verdure, ces iles sont charmantes à
voir pendant le jour, mais pendant la nuit elles
sont à juste titre une cause d’inquiétude pour les
navigateurs, par suite de leur faible élévation qui
empêche de les reconnaître d’un peu loin, de la
profondeur incommensurable de l’eau dans les
J ovan. — LXV.
�— ÜO —
canaux qui les séparent, où ne peut jeter l’ancre
un navire à voiles surpris par le calme et devenu
le jouet de la houle et des courants qui peuvent
le jeter sur ces récifs où la mer déferle presque
toujours avec furie.
Les puits creusés dans l’ossature pierreuse des
iles basses ne donnent guère que de l'eau saumâ
tre ; les habitants sont réduits à l’eau de pluie et
au lait de coco.
L’ensemble des récifs qui constituent l’anneau
a quelquefois un développement considérable, 40,
30, 100 milles et môme davantage, quelquefois pré
sentant un contour régulier, arrondi ou elliptique,
mais le plus souvent se contournant capricieuse
ment en sens divers. Très fréquemment aussi, on
remarque sur le récif annulaire de gros rochers
calcaires culminant de 7 à 8 mètres, cl sur lesquels
on a beaucoup discuté. Ces blocs sont-ils les poin
tes extrêmes d’un soulèvement calcaire formant le
noyau de l'ile, ou bien, arrachés à la base du
récif, ont-ils été jetés là par de violentes secousses
de la mer ? il faut sans doute plutôt voir dans la
présence de ces blocs,dépassant le niveau général,
des effets do dislocation dans la masse, de pres
sions latérales causées par des tremblements de
terre.
Plusieurs hypothèses ont été émises pour expli
quer la formation de ces iles dont l’aspect étrange
ne pouvait manquer de provoquer les recherches
sur leur origine. D’après G. Forster, elles ont été
créées par des polypes élevant peu à peu, d’une
profondeur considérable, leur habitation au-dessus
�d’une ba^e imperceptible, s’étendant de plus en
plus en largeur à mesure que la construction
s’élève davantage. Quand elle approche de la sur
face, des coquillages, des algues, des morceaux de
coraux brisés, s’amoncellent peu à peu sur les con
tours extérieurs exposés les premiers au choc de
la mer. Avec le temps,.cette partie devient plus
élevée que le centre qui reste déprimé et sert de
lit à un lagon. Avec pareille hypothèse, rien d’ex
traordinaire à ce que toute l'étendue du Pacifique
fût un jour entièrement obstruée par les travaux
des lithophytes.
Pour d'autres auteurs, un grand tronc de corail
partirait du fond de la mer, lauçaut dans tous les
sens des branches qui se relèveraient de manière
à former une coupe, une corbeille. Les branches
les plus longues, arrivant les premières à la sur
face, font une ceinture de petits ilôts qui augmen
tent eu nombre à mesure que de nouvelles brau1 clics arrivent à (leur d’eau. La végétation coral
lienne se développe alors horizontalement; les ilôts
finissent par se souder et faire une ile annulaire,
c’est-à-dire dans un état parfait.
Des observations qui firent reconnaître que les
coraux constructeurs de récifs étaient obligés de
se fixer sur une base rocheuse et solide, et ne pou
vaient pas vivre plus bas qu’une certaine profon
deur, même très restreinte quand ou la compare
aux abîmes de l’Océan, renversèrent ces théories
dont la deuxième est, il faut en convenir, quelque
peu bizarre. En présence de ces conditions impé
rieuses, l’idée vint tout naturellement que les po-
�— o2 —
lypiers avaient choisi, pour bâtir leurs demeures,
lès rebords do cratères sous-marins qui, dans leurs
éruptions, se seraient arrêtés à une distance de
la surface convenable pour ces animaux, mais
diverses raisons ont fait rejeter cette idée. Les
contours des atolls, en général, s’écartent complè
tement de l’apparence ordinaire des bouches ignivoraés, et par leurs formes allongées, contournées,
et par leurs grandes proportions. Le récif qui
entoure la Nouvelle-Calédonie se projette à plus
de tiü lieues au large; ceux de la côte nord-est
d’Australie ont encore plus de développement.
En outre, aucun produit volcanique n’a été trouvé
dans ces iles; leur charpente est essentiellement
calcaire. Il faudrait aussi supposer, pour former
des archipels aussi étendus que les Paumotu par
exemple, un nombre considérable de cratèros
agglomérés les uns à côté des autres et s’étant
lous arrêtés à peu près au môme niveau. 11 peut
cependant se faire que quelques iles basses doi
vent leur existence à ce mode de formation, mais
le nombre en est sans doute bien restreint.
Les conditions énoncées plus liant ont inspiré à
Darwin une théorie qui, jusqu’à présent, paraît
seule capable d’expliquer la formation des récifs
inadréporiques de toute espèce, récifs frangeants,
récifs-barrières et atolls.
Des polypes entraînés au gré des courants se
fixent sur les contours d’une île haute dont les
pentes ne plougeut pas dans la mer sous un angle
par trop aigu, croissent, et voilà un récif frangeant
■qui se forme : là, aucune difficulté. On remarque
�-
Ü3 -
qu'à sa partie extérieure les coraux croissent plus
vite et plus haut, et, comme cette partie reçoit
plus directement le choc îles vagues, c’est sur elle
qu’arrivent d’abord de nouveaux polypes et que
s’accumulent les apports de toute sorte, de ma
nière qu’elle devient plus élevée que la partie in
térieure. Que par suite d’un de ces mouvements
d’oscillation de la croûte terrestre remarqués sur
plusieurs points du globe, mouvements très lents,
mais appréciables dans la suite des temps, l’ile
vienne à s'affaisser : en même temps qu’elle s’en
fonce sous les eaux, les coraux qui la bordent
[ croissent en hauteur pour se maintenir à la sur
face, élevant des étages nouveaux sur les débris
solides des générations précédentes plongées, par
suite de l'affaissement, à des profondeurs où elles
ne peuvent plus vivre. Au bout d’un certain temps
la partie extérieure, plus haute, paraîtra seule audessus de la mer, laissant entre elle et la terre ferme,
une dépression, un fossé où la croissance des coraux
sera empêchée par les sédiments provenant de
l’ile Centrale sur lesquels ils ne peuvent se fixer,
do sorte qu’à la longue ce fossé peut devenir très
profond là où les obstacles au développement des
coraux sont plus puissants : on aura ainsi au large
de file un récif barrière. Que le mouvement d’af
faissement se continue jusqu’à ce que file eutiére,
le noyau central, disparaisse sous les eaux, alors
on aura un atoll avec son anneau extérieur et sou
lagon intérieur.
Voilà en quelques mots l’hypothèse de Darwin.
Il est évident que, dans la -pratique, les choses
�ne se passent pas aussi simplement que dans la
théorie; ou remarque des faits qui semblent, sinon
la contredire, du moins n’êtro pas en concordance
avec elle : ainsi M. Semper (de VVurtzbourg) a
reconnu des traces évidentes d'exhaussement, à
côté d'atolls et de barrières, dans deux archipels
(Philippines, iles Peliou) qui d'après l’hypothèse
de Darwin auraient du s’affaisser, mais ces ano
malies ne peuvent-elles pas s’expliquer par des
oscillations locales, des alternances d’affaissement
et d'exhaussement n’infirmant pas les lois géné
rales de la théorie qui seule peut expliquer la for
mation des trois catégories de récifs madréporiques?
Uuo objection très sérieuse, c’est qu’on a trouvé
dos coraux vivant à des profondeurs beaucoup plus
considérables (pie celle sur laquelle celte théorie
s’appuie, ce qui tendrait à la renverser de fond en
comble. Le Challenger a ramené des coraux du
genre Fungia, dans le Pacifique-Nord et dans le
Pacifique-Sud, de profondeurs variant entre 50 et
5220 mètres.; ces espèces sont-elles les mêmes
que celles qui bâtissent les récifs? M. Pourtalès,
entre la Floride et Cuba, avait déjà trouvé par
915 mètres de fond et sous loo atmosphères de pres
sion, des Echinides, des Astéries, des Ophiuridos,
des Coraux, des Crustacés, des Annélides et des
Mollusques. Eu suivant une direction normale à la
côte, il a reconnu trois zones successives dont la1
1. Nous avons constaté des effets pareils dnns l'archi
pel de? Comores (Océan Indien).
�faune est très distincte ; la première est assez sté
rile; la deuxième, commençant à la profondeur de
100 mètres et descendanl jusqu’à a40, présente
un plateau de calcaire de formation actuelle, sans
cesse épaissi par l’accumulation et la consolidation
des coraux qui sont très nombreux, des Echinodermes et des Mollusques. M. Pourtalés considère
ce plateau comme la base d'un futur récif qui, lors
que sa surface sera au niveau de la mer, se mon
trera recouvert d’une puissante végétation madréporique et constituera un récif-barrière au large
de la côte : ainsi l'ancienne hypothèse de Forster
pourrait être vraie, au moins dans certains cas.
M. Semper est d’avis que les atolls sont le résultat
de soulèvements. Ou le voit, la question de la for
mation des îles et des récifs de corail, quoique
ayant été étudiée par les naturalistes les plus émi
nents, n’est pas encore résolue.
Un coup d’œil jeté sur la carte du Pacifique fait
voir, ainsi qu’il a été déjà dit, que les différents
archipels, sauf de très rares exceptions, sont orien
tés entre les directions est-sud-est—ouest-nordouest, sud-est—nord-ouest, et que les positions
respectives des îles hautes et des iles basses ne
sont pas indifférentes (12).’
Les observations faites sur les iles de différente
nature montrent dans les iles hautes bordées de
récifs frangeants, ou sans récifs (iles Sandwich,
iles Marquises), ayant des volcans actifs ou récem
ment éteints, et ça et là, dans quelques iles d’ori
gine madréporique (iles Loyally, Tonga, Maatca),
des marques évidentes d’exhaussement, tandis que
�— yo' —
—
«•es traces ne se retrouvent pas dans les atolls et
dans les iles hautes escortées de récifs-barrières.
Pour Darwin, les atolls et les barrières provien
nent de l'affaissement de terres primitivement bor
dées de récifs frangeants. La simple vue du pla
nisphère colorié, qui accompagne son livre, montre
que ces affaissements se sont produits sur des
étendues considérables et dans le sens de l’orien
tation générale des archipels; ainsi, une de ces
lignes d’affaissement partirait de l’extrémité sudest de l'archipel Paumolu et s’étendrait jusqu’à
l’extrémité ouest des Carolines, c'est-à-dire sur un
espace de plus de 1800 lieues. D’autres aires de
dépression, moins considérables, il est vrai, mais
encore très vastes, comprennent les iles Fidji, la
Nouvelle-Calédonie, la Louisiade, la cote nord-est
de l'Australie. F.ntre ces aires d’affaissement et
parallèlement à elles, on reconnaît les aires de
soulèvement des iles Marquises, des iles Sandwich,
de l’archipel Tonga et de l’archipel des Naviga
teurs , des Nouvelles - Hébrides, des iles Salo
mon, etc. La croûte terrestre, dans le vaste espace
occupé par le grand Océan, aurait donc été sou
mise à d’énormes plissements s’opérant autour
d’axes dirigés moyennement sud-est—nord-ouest.
A la vue de celle immense quantité d’iles, une
des premières idées venues à l’esprit, c'est qu’on
avait devant soi les débris d’un continent effondré,
les épaves d’une autre Atlantide dont les points
culminants seraient restés émergés, servant de re
fuge aux végétaux, aux animaux et môme aux
hommes échappés au naufrage. Les sommets rc-
�couverts seulement par une faible quantité d’eau,
auraient servi d'assises aux madrépores pour
élever leurs constructions.
Celte opinion se comprend très bien pour ce qui
est des grandes terres qui occupent l’ouest et le
sud-ouest du Pacifique, dans la charpente des
quelles on trouve les formations et les éléments
minéralogiques des continents, mais, pour ce qui
est des petites iles du Pacifique central, le cas pa
rait bien différent. La constitution des iles hautes
est des plus simples; on n’y trouve que des roches
pyroxéniques, et tout indique d’une manière évi
dente qu’elles ont surgi de la mer à la suite de
poussées énergiques de bas en haut. Eu outre, un
continent qui aurait occupé tout cet immense es
pace, n'eût-il pas possédé une masse de produc
tions, animales et végétales, qui auraient laissé
plus de traces que nous n’en trouverons dans les
iles du Pacifique central?
D’éminents géologues pensent que, vers la fin
de l’époque tertiaire, un grand continent océanien
s’est effondré, dont les terres occidentales, Austra
lie, Nouvelle-Guinée et ses annexes, Nouvelle-Ca
lédonie, Nouvelle-Zélande, et probablement les ilôts
au sud de celle dernière, seraient les vestiges en
core apparents, tandis que le reste de l’emplace
ment du Pacifique aurait été occupé par un im
mense désert d’eau, dans lequel, plus tard, des
volcans se seraient fait jour dans des directions
parallèles, faisant surgir toutes les terres dont on
voit aujourd’hui les reliefs altérés par la dénuda
tion. Plus tard encore, ces terres auraient subi
�plissements, les mouvements d'exhaussement et
d'affaissement signalés par Darwin, qui donnent à
l'Océanie son relief actuel.
Par ailleurs, si les iles hautes sont sorties brû
lantes du sein de la mer comme tout l'indique
dans leur contexture, les germes des corps orga
nisés qu’on \ rencontre ont dû y être apportés de
dehors par les courants marins et les courants
aériens, et, dans une certaine mesure, par les
hommes. A première vue, il n’est pas facile de se
rendre compte de la manière dont ces différents
transports soumis à tant de chances, tant de ha
sards, ont pu s'effectuer, mais il ne faut pas né
gliger un facteur important, le temps. Si l’on admet,
ce qui ne peut faire de doute, qu’un nombre con
sidérable d’années, de siècles peut-être, s’est écoulé
depuis l’apparition des iles volcaniques, les diffi
cultés de l’explication paraissent moins grandes.
�CHAPITRE IV
BOTANIQUE
Wore océanienne. — Aspect uniforme. — Changements
apportés par les Européens. — Polynésie et Micro
nésie. — Terres des Papous. — Nouvelle-Calédonie.
— Nouvelle-Zélande.
Quand on parcourt le Grand Océan, entre les tro
piques, depuis les îles de la Malaisie jusqu’à celles
qui sont le plus rapprochées de l'Amérique, on est
frappé de l'aspect uniforme de la végétation sur
les terres répandues dans cet immense espace :
lous les naturalistes et lotis les navigateurs ont fait
cette remarque.
Les premiers sont d'accord sur ce point que la
végétation de l’Océanie tropicale, se compose d’es
pèces identiques ou analogues à celles de l’Inde
équatoriale ou du Grand Archipel d’Asie. D’après
M. Gaudichaud (Voyage de I' « Uranie », Botanique),
les terres des Papous formeraient le centre géo
graphique d’une végélatiou particulière à laquelle
il propose de donner le nom de littorale océanienne ;
de ce centre, les plantes qui la composent se se-
�—
« 0
—
.eut répandues dans le reste de l’Océanie tropi
cale. Le règne végétal, si pompeux dans les iles du
sud-est de l’Asie, perd successivement de sa ri
chesse à mesure qu’on s’avance vers l’est : ce fait
ressort des relations de tous les voyageurs.
Comment s'est faite cette distribution des végé
taux? Si les iles de l'Océanie tropicale ne sont,
comme quelques-uns le pensent, que les débris
d’un continent, rien d’élonnanl de trouver des es
pèces identiques surdos terres présentant très sen
siblement les mêmes conditions de sol et de climat;
mais on a vu plus haut que la constitution de
l'Océanie actuelle ne permettait guère d'admettre
celte hypothèse d’un continent submergé. On s’est
alors demandé comment avait pu se former le tapis
végétal dans toutes ces iles éparses, et la question
n’est pas résolue, tant s’en faut. Cependant, depuis
que la météorologie de ccsparages est mieux connue,
des transports de graines et de somences par les
vents et les courants, qui paraissaient impossibles,
peuvent jusqu’à un certain point s'expliquer. Les
migrations humaines ont aussi contribué au peu
plement de l’Océanie en végétaux, mais, jusqu'à
présent, les recherches sur les différents agents de
transport, — coujranls marins, courants aériens,
hommes, — sauf pour un petit nombre d’espèces
dont la provenance peut être retrouvée par l’obser
vation directe et par les récits très explicites des
chants néo-zélandais, ne sortent guère du champ
vague et immense des conjectures.
L’Océanie tropicale a des végétaux qui lui sont
propres, mais une grande partie de ses arbres et de
�ses piaules se rencontrent dans presque toute
l’étendue de la zone intertropicale autour du globe,
tels que : Hibiscus tiliaceus, Urena lobata, Galophyllum inophyllum, Abrus pfecatonus, Guilandina bonduc, Cocos nucifera, Ipomœct pes capræ, plusieurs
Terminaliu, Cordia, Barringtonia, etc., etc., en géné
ral tellement semblables d’aspect qu’il faut l’œil
exercé d'un botaniste pour dislinguer les espèces, et
encore est-on bien srtr de la valeur des différences
spécifiques? Les végétaux que nous venons de citer
ont des graines qui flottent sur l'eau et conser
vent 1res longtemps la faculté de germer.
Quelques plantes de l’Océanie ont une origine
américaine, d’autres une origine africaine, mais
elles sont en petit nombre comparées à celles de
provenance asiatique.
L’envahissement de plus en plus grand de celte
partie du monde par la race européenne, qui y in
troduit des cultures nouvelles, modifie quelquefois
profondément l’aspect de la végétation. Ce ne sont
pas seulement les plantes uliles importées volon
tairement qui viennent se mêler aux plantes indi
gènes : des graines d’espèces sauvages, de mau
vaises herbes, se trouvent mélangées accidentelle
ment à des graines de planles utiles, participent
aux soins donnés à ces dernières, réussissent sou
vent mieux que dans leur patrie d’origine et finis
sent par se substituer à la végétation indigène.
Dans quelques îles de l’Océanie tropicale, elle est
étouffée par les goyaviers imprudemment intro
duits. En dehors des tropiques, à la Nouvelle-Zé
lande, son caractère a disparu au voisinage des
�— 62 —
établissements européens. Des baies d'aubépine,
de troène, d’ajoncs et de genêts, entourent des
champs de blé, des herbages où s’étalent des pâ
querettes et des renoncules. « Dans la plaine de
Christchurch, dit M. Filhol, on a beau chercher, on
no trouve plus une plante polynésienne : l’on peut
se croire en pleine Beauce. » Il nous arrivait sou
vent, aux environs de la ville d’Auckland, de croire
que nous avions sous les yeux un paysage triste
du Finistère ou du Morbihan.
La llore des îles tropicales (Polynésie et Micro
nésie) situées dans le centre du grand Océan est
eu harmonie avec leurs petites dimensions : à peine
compte-t-on dans la Polynésie cinq cent cinquante
plantes phanérogames, mais si l’on ne regarde qu’à
l’éclat, on y trouve, en général, une végétation
pleine de vigueur et de profusion. La physionomie
végétale de ces terres est caractérisée par l’Arbre à
pain, providence des habitants, le Cocotier, YHibis
cus liliaceus, des Pandanus, des Bananiers, de
grands Ficus qui rappellent tout à fait les Arbres
des Banyans de l'Inde, le Mot-indu citrifolia, l’Inocarpjus edulis, VAleurites triboba, le Cusuurinu ctjuisetifoliu, plusieurs Légumineuses, etc., etc. LeTaro
(Caladium csculentum), la Patate douce, le Ti (Cordyline australis), le Mûrier à papier, etc., etc., sont
cultivés presque partout, les deux premiers quel
quefois sur une très grande échelle, (tour servir à
l’alimentation et pour divers usages industriels. Lo
Sandal, autrefois assez commun, a à peu près disparu
à la suite des demandes des Européens. La Canne
à sucre a été trouvée à Tahiti, et dans quelques
�autres des, i-ar les navigateurs du siècle dernier.
Il est bien évident que ces végétaux ne se ren
contrent pas tous sur les iles basses; cependant la
Flore de ces dernières est plus riche qu’on ne serait
tenté de le croire au premier abord, et beaucoup
sont plantées de cocotiers (13) sans lesquels leurs
habitants ne pourraient pas vivre. 11 est clair aussi
que la végétation change avec les conditions d’al
titude, de chaleur, d’humidité. L’ile de Pâques ne
montrait qu’une vingtaine de plantes phanérogames
sur son sol pierreux et privé d'eau, avant qu’un
Français entreprenant, Dutrou-Boruier ‘,l’eût dotée
Ë de cultures étrangères. Celui qui n’aurait vu que
5 les cocotiers malingres et les arbres à pain, le plus
souvent rabougris, de certaines localités aux iles
Sandwich, n'aurait aucune idée du développement
que prennent ces arbres sous des iniluences plus
favorables.
Certaines espèces des iles plus voisines de l’équa
teur , même de grands arbres , manquent dans
cet archipel ; mais si les bords de la mer n’y mon
trent qu’une végétation assez pauvre, par contre,
enLre 1000 et 1200 mètres d’élévation, il y a une
zone forestière caractérisée par des Metrosideros et
des Acacia, dont l’aspect change d’une manière
étrange suivant l’altitude. On remarque aussi, dans
ces iles, des exemples de disjonctions d’cspëces,
entre autres dans une plante de nos marais tour
beux, la Drosera longifolia, récoltée aux iles Sand
wich à 2400 mètres de hauteur.
t. Mort ii l’ile de l’àques eu août 1S7G.
�Les plantes acolydélones sont bien représentées
dans l’Océanie tropicale, surtout les Liclieus et les
Champignons, mais moins pourtant qu’on ne devrait
s’y attendre sous un climat chaud et humide. Les
Algues sonl loin de présenter la richesse qu’elles
montrent dans les mers plus voisines des pôles.
Daus l’ouest du Pacifique, sur les terres des Pa
pous, grâce à une chaleur excessive et à une hu
midité surabondante , le régne végétal déploie
une puissance merveilleuse, désordonnée. Les
plantes et les arbres des îles polynésiennes s’y mon
trent avec des proportions gigantesques, et, en
outre, une grande quantité d’espèces inconnues
dans les archipels orientaux les accompagne. Le
caractère de la végétation est celui de forêts pous
sant en haute futaie, aux arbres serrés les uns
contre les autres. Dans celles qui avoisinent
le port Doreï, à la Nouvelle-Cuiuée, ces arbres
énormes forment souvent deux étages de verdure ;
on y voit des sujets élevant à plus de trente métrés
leurs liges nues, couronnées par des cimes aussi
hautes. De leurs branches pendent des racines advenlives qui ressemblent à dos câbles autour des
quels des lianes s’attachent et s’enchevêtrent. Au
second rang croissent des arbres moins élevés ,
mais encore hauts de 20 à 2!i mètres. De maigres
arbrisseaux viennent péniblement sous celle double
voûte, où le soleil ne pénètre pas, et où l’on 11e
trouve que rarement des plantes herbacées. Cer
taines localités de la Nouvelle-Irlande et de la Nou
velle-Bretagne montrent une végétation peut-être
encore plus exubérante.
�— 63 —
Au fond des anses, là où les indigènes ont leurs
demeures, on rencontre de nombreux cocotiers,
des palmiers à sagou, des arbres à pain, l'Eugenià
Jambos, le Tacca pinnatifida, des bananiers, des
aréquiers, le bétel, dont la plupart des habitants du
Pacifique occidental font usage, des cotonniers, le
taro, la patate douce, plusieurs espèces d’igna
mes, etc.
La mer elle-même est, pour ainsi dire, impuis
sante à imposer une barrière à la végétation : les
Bruguicra, les Rhizophora, les Bavringtonia, les Calophyllum,ele., ont non seulement leurs racines et une
partiè de leurs troncs plongés dans l'eau, mais il
arrive très souvent, à la marée liante, que l'extré
mité de leurs rameaux inclinés est inondée, ce qui
n’empêche pas ces arbres, les deux dernières espèces
surtout, de devenir énormes. On s’explique très
bien, en voyant leur habitat, comment il se fait
qu’on rencontre sans cesse leurs fruits flottant dans
les mers avoisinantes.
Placée à la limite des tropiques, la NouvelleCalédonie a une végétation qui participe de celle des
régions équatoriales, et un peu de celles des zones
tempérées; mais, au premier coup d’œil,elle est loin
d’offrir la vigueur de la première. Sur les bords de
la mer, on ne voit que trop d'espaces dénudés, cou
verts seulement d'une herbe dure, qui, après quel
que temps de sécheresse, donne au pays un aspect
des plus tristes; les collines et les montagnes voi
sines de Nouméa, quand elles ont été brûlées par
le soleil, prennent une couleur d'amadou qui n’a
rien d’engageant. Dans la plaine, on no voit guère,
J ouais’. — LXV.
3
�en fail d’arbres, que des Xiaoulis [Melaleuca viridifoüa), le plus souvent clair-seinès, et ces arbres au
tronc blanchâtre, à l’écorce déchiquetée, au feuil
lage lente et rare, sont loin, malgré leur utilité
incontestable comme bois do charpente, de donner
l'idée d’une coulrée plantureuse. C’est dans les
ravins, au fond des vallées, qu'il faut aller pour
voir la végétation calédonienne dans tout son éclat.
Ou y retrouve presque toutes les espèces, ou au
moins les genres de l'Océanie centrale, et, dans les
montagnes, celles qui impriment à la llore son
cachet et constituent une richesse forestière très
appréciable, de beaux arbres propres à la grosse
charpente et des Fougères de dix mètres de hauteur.
Ce qui donne à certains points de File un aspect
particulier et différent de celui des contrées tro
picales, ce sont les grands Conifères, qu’on ne com
mence à voir que dans les archipels du Pacifique sudouest, les Pins coloimaires {Araucaria Cookii), plu
sieurs espèces de Dammam, de Podocarpus et de
Dacrydium.
Le nombre des plantes cataloguées jusqu’à pré
sent est de 1700. La llore néo-calédonienne a
beaucoup moins de rapports avec celle de l'Aus
tralie que ne le ferait supposer le voisinage de
celle dernière. On a remarqué quelques relations,
très faibles il est vrai, avec la flore du Cap de
Bonne-Espérance. .
Les Ignames, base de la nourriture des naturels,
et le Taro, sont cultivés, le dernier surtout, avec
une habileté qui ferait honneur à un pays civilisé.
La Canne à sucre était également cultivée avant
�l’arrivée (les Européens. Les naturels font peu de
cas de la Palate douce, introduite par les mission
naires. L’Arbre à pain est très rare, et ne donne
que de petits fruits avec des semences. En réalité;
la Nouvelle-Calédonie ne.produit spontanément
aucun végétal pouvant servir à l’alimentation de
l'homme; il faut que celui-ci achète sa nourriture
par son labeur.
Elle a des plantes vénéneuses que les sorciers
du pays connaissent trop bien, entre autres le
Mus atra, l’Arbre aveuglant (Excœcariu agallocha),
une Euphorbe au suc très corrosif, et, par compen
sation, un certain nombre de plantes médicinales
et d’autres végétaux, plantes et arbres, qui peu
vent être employés dans la teinture, Coleus Blumei,
Mot-indu citrifolw, Ficus Undoria, etc., dans la char
pente, comme textiles, etc. L'Andropogon austrocaledonicum forme des pâturages abondants ; c’est
un excellent fourrage, mais seulement quand il
est jeune; aussi faut-il le faucher souvent.
Le Sandal, distinct des espèces de Polynésie, et
de qualité supérieure, a à peu près disparu, mais
il serait facile de le replanter et d’ouvrir ainsi de
nouveau une source de richesses imprudemment
gaspillées. L’ile des Pins seule, exploitée par des
sandaliers anglais, fournissait, il y a trente-cinq
ans, pour plus de deux millions de francs de san
dal sur les marchés de la Chine.
On a essayé, avec plus ou moins de succès, d'in
troduire la plupart de nos légumes et quelques-uns
de nos arbres fruitiers; la vigne promettait dans lés
terrains calcaires de file des Pins. Le coton et la
�canne à sucre ont été plantés sur une grande échelle,
des usines à sucre montées, etc.
Le petit archipel Loyally montre, surtout dans Pile
Lifou, un bol exemple de la puissance de la végétât ion
sous les influences réunies de lachaleuret de l’humi
dité. La terre végétale fait presque entièrement
défaut sur ces ilôts d'origine madréporique ; elles
manquent de sources, mais les pluies y sont fré
quentes. Non seulement on y voit les cocotiers et
les Pandanus qui poussent sur les sols les plus
ingrats, les Pins colonnaires, de grands Banyans,
YHibiscus tiliaceus, mais encore des arbres au bois
dur et coloré, pareils à ceux des forêts calédo
niennes, enfonçant leurs racines dans les fissures
des roches ; à Lifou, on peut parcourir file presque
tout entière, abrité sous leur ombrage.
A la Nouvelle-Zélande, située presque à nos an
tipodes, on rencontre encore dans la partie nord,
plus rapprochée du tropique, des espèces des ré
gions chaudes, telles que : un palmier (Nikau,
Areca sapida), quelques Paudanées, Cordyline aus
tralis, Guilandina bonduc, Broussonnetia papyrifera,
le taro, la patate douce, mais la majeure partie des
plantes pharénogames rappellent, au premier coup
d’œil, celles des zones tempérées. Cependant « la
tlore de la Nouvelle-Zélande, dit Dumont d’Urville
(Voyage de l’Astrolabe, tome II), a cela de commun
avec celle des terres équatoriales que les plantes
annuelles y sont rares et peu nombreuses ; les es
pèces vivaces sont plus fréquentes ; enfin les végé
taux ligneux, et même arborescents, occupent le
rôle le plus important. »
�D’après ce que l’on sait de la flore néo-zélan
daise par les recherches successives de Diellenbach,
Allan Cuningham, sir William J. Hooker, J. Dallon
Hooker, et de plusieurs naturalistes et navigateurs
français, d’Urville, A.Lesson, Raoul, etc., le rapport
des végétaux cryptogames aux phanérogames se
rait comme 1,6 est à 1 ; mais il est à supposer que
de nouvelles recherches dans le sud augmenteraient
encore la proportion des premiers : le nombre total
des espèces atteindrait peut-être 4000.
Sur 63:2 plantes récoltées par le Révérend Taylor,
89 se retrouvent dans la partie méridionale de
l'Amérique distante de 1600 lieues; 77 sont com
munes ci l’Australie, à l’Amérique du Sud et en
partie à l’Europe; 60 sont européennes, et le reste
particulier à la contrée. On peut dire que l'époque
actuelle est, pour la Nouvelle-Zélande, celle des
Fougères, puisque les neuf dixiémes de sa surface
en sont couverts et que peu de contrées eu mon
trent autant d’espèces.
La flore marine est aussi très riche ; on com
mence à voir les grandes espèces de Varechs flot
tants, le Kelp des marins anglais.
Ce qui frappa surtout les premiers explorateurs,
ce fut de rencontrer, dans cot archipel séparé de
nous par le diamètre jlu globe, des plantes très
voisines d’espèces européennes etmême des espèces
identiques : Convolvulus septum, Sonchus oleraceus,
Apium oraveolens, Triticum rcpcns, Scùpus maritimus, etc.
Il a été parlé précédemment de l'aspect europëende lacampagneau voisinage des établissements
�coloniaux, et aussi de la tristesse de certains pay
sages. A l’exception d’un assez grand arbre (Afetrosidcros tomentosa), qui so plait dans les anfrac
tuosités des rochers et sur les falaises, les terrains
voisins de la mer n’offrent au regard qu’une végé
tation monotone, aux formes pauvres, des fougères
(Ptcris esculenta) et deux Myrtes (Lrptospcrmum...)
qui,le plus souvent, ne dépassent pas la taille d'une
grande bruyère. Pour se faire une idée de la dore
néo-zélandaise, il faut aller dans les lieux où les sett
lers n’ont pas encore pénétré. C’est là, dans les
vallées abritées et sur les versants de quelques
montagnes, surtout dans l’ile du Nord, qu’on trouve
des forêts composées en grande partie de gigan
tesques conifères (qui ne le cèdent, pour la taille
qu’aux Séquoia de Californie) des genres Bammara,
Podocarpas, Phyllocladus ; Bacrydium, la plupart
fournissant des bois excellents. Il n'y a pas encore
bien longtemps, on rencontrait ces grands arbres
dans le voisinage de la mer, mais on en a tant
coupé pour les travaux de la colonisation, ot pour
l'exportation, qu’il faut aller les chercher plus loin
aujourd’hui.
Au nombre des plantes herbacées les plus re
marquables figurent les grandes Liliacées du genre
Phormium, de l'une desquelles (Ph. tenax) (14) on
lire une filasse très résistante, ayant le moelleux
et le brillant de la soie, avec laquelle les Maoris
fabriquaient les nattes et les manteaux qui faisaient
l'admiration des navigateurs du dernier siècle.
En 17fit), Cook trouva le taro et la patate douce
cultivés à la Nouvelle-Zélande. 11 fil don aux na-
�lurels de Quelques pommes do terre qui furent
plantées avec soiu ; aujourd'hui, les pommes de
terre sont le fond de l’alimentation des Maoris qui,
auparavant, étaient souvent réduits à la racine de
la Pteris esculenta, aliment tout à fait insipide. A la
Baie des lies, l'ail vient partout à l’étal sauvage ;
les Anglais accusent le provençal Marion de l’avoir
importé (1772). Les pêchers, provenant des noyaux
jetés par les premiers missionnaires anglais, formentd’épais buissons; les pêches sont si abondantes
qu’on les donne aux porcs.
La même (lore se retrouve, plus ou moins com
plètement, à file Chatam et sur les ilôts situés au
sud et au sud-est, perdant naturellement de sa
puissance à mesure que la latitude augmente. Plus
au nord, sur la petite île Norfolk, le pin de ce nom
(Araucaria cxcelsa) est un des plus beaux arbres
connus.
�ZOOLOGIE
Faune océanienne. — Pénurie des mammifères terresires ; mammifères marins. — Oiseaux, reptiles. —
Grande province marine, poissons, mollusques. —
Animaux articulés. — Rayonnés. — Pauvreté de la
création dans une grande partie de l’Océanie.
Les mêmes questions que pour les végétaux se
posent au sujet de la présence des animaux sur les
iles éparses dans le Grand Océan, et les réponses
sont aussi peu certaines.
Eu fait de Mammifères, les navigateurs du der
nier siècle no trouvèrent dans la Polynésie tropicale que des Porcs, des Chiens et une petite es
pèce de Rat, et encore les deux premiers u’existaient
pas partout. Les porcs sont presque tous de cou
leur noire; leur chair est beaucoup plus savoureuse
que chez nous cl de digestion beaucoup plus facile,
ce qui provient évidemment de ce qu’ils sont
presque exclusivement nourris de vieilles noix de
coco et de goyaves qu’ils trouvent dans les huiliers,
où la plupart errent à l’état de demi-sauvagerie. La
�— 73 —
Nouvelic-u;iédonie n’eu avail pas, la Nouvelle-Zélaude non plus.
Les chiens servaient à l’alimentation aux iles de la
Société et aux iles Sandwich ; c’étaient des animaux
paresseux, à la vue et à l’odorat très faibles, ressem
blant aux clnens-pariahs de l'Inde; aujourd'hui, les
croisements ont peuplé la plupart des iles de roquets
maigres et sales, plus laids les uns que les autres.
Le petit rat indigène, qui se trouvait aussi à la
Nouvelle-Zélande, a presque complètement disparu
devant le gros rat (Mus rattus), répandu partout
par les navires.
En allant vers l’ouest, on commence à rencon
trer de grandes Roussettes frugivores aux iles
Tonga, Samoa, Fidji. La Nouvelle-Calédonie en a
deux espèces; on y trouve aussi deux petits Rhiuolophes. La Nouvelle-Zélande a deux espèces de
Chauves-souris.
Ou le voit, les mammifères ne sont pas nom
breux, fait assez étonnant à la Nouvelle-Zélande,
qui a plus de 300 lieues de long sur 10 de large,
avec un climat tempère eltoules les altitudes jusqu'à
plus de 1000 mètres.
Les Terres des Papous sont plus favorisées;
la Nouvelle-Guinée a des Kangourous ; les Phalangers y sont représentés ainsi que dans les iles
du délroit de Torres, aux Salomon. Le Babiroussa
se rencontre aux Moluques, à la Nouvelle-Irlande,
et dans les grandes iles.
Les Européens ont importé dans quelques archi
pels les chevaux et les bœufs qui ont bien réussi.
Les premiers sont très communs à la Nouvelle-Zé-
�lande et aux îles Sandwich. Les bœufs sont deve
nus assez nombreux dans les solitudes de Hawaii
pour que leurs peaux soient l’objet d'un commerce
important. Les chèvres, passées à l’étal sauvage,
se sont multipliées dans certains endroits au point
d’être un danger sérieux comme principaux agents
de déboisement. Les moutons sont en général dif
ficiles à élever sur les iles tropicales.
La mer est, ou plutôt était, car la destruction y
a marché rapidement, plus riche que la terre. De
nombreux troupeaux de Phoques et d’Otaries,
d’espèces diverses, se pressaient sur les ilôts du
Pacifique austral, à la Nouvelle-Zélande, sur file
Stewart, dans le détroit de Cook, etc.
Sur les côtes nord de la Nouvelle-Calédonie, on
pêche quelquefois le Dugong (Halicare Indicus).
Pendant les quarante premières années du siè
cle, le Pacifique a été le théâtre d'une pêche fruc
tueuse de grands Cétacés, baleines franches et
cachalots. Ceux-ci appartenant à l'espèce, probable
ment unique et cosmopolite, Physétcr macroccphalus; les autres à trois espèces distinctes, la première
{Balæna antipodum) habitant l'hémisphère sud entre
la Nouvelle-Zélande et la Côte d’Amérique; la
deuxième (Balæna Almttcnsis), au sud du détroit
de Behring, dans le Pacifique-Nord tempéré; la
troisième (Balxna mysiicctus), dans la mer Arctique
au delà de ce détroit. Poursuivis à outrance, ces
grands cétacés sont devenus rares aujourd’hui. Un
a récemment constaté la présence d’une baleine
franche naine (Ncobalæna imrginala) dans les eaux
de la Nouvelle-Zélande.
�D’autrrci jaut aussi grands, mais que la difficulté
de leur chasse, et leur faible rendement en huile,
ont fait jusqu’à présent négliger par les pêcheurs,
se rencontrent aussi dans le Pacifique; les natura
listes les ont classés en deux grandes coupes, les
Baleiiioptères et les Mégaptéres, et les baleiniers
pareillement en Finbacks et en Humpbacks. Les
différentes espèces sont peut-être cosmopolites.
Le Rhachiancctes glaucus des côtes de Californie
(Devilfish, Scrag Whale des pécheurs) tient à la fois
des baleines franches, des baleinoplères et des
mégaptéres. Objet d’une poursuite active, il ue
tardera sans doute pas à disparaître.
A ces géants du règne animal, il faut ajouter de
grands Delphinidës, Dlackfishes (Globiocephalus...),
Grampus (Orcà...), Dauphins, etc.
Les premiers visiteurs de la Polynésie tropicale
signalaient les oiseaux comme très communs; au
jourd'hui, ils sont devenus rares, sans doute du fait
des rats qui mangent les œufs dans les nids; dans
certaines iles, principalement celles qui sont situées
le plus vers l’est, ils sont peu variés comme espèces.
La faune ornithologique, tout en montrant un
certain nombre de ces dernières identiques sur la
vaste étendue occupée par l’Océanie, présente
cependant des caractères particuliers, locaux, sui
vant les archipels. D’un autre côté, en y regardant
d’un peu près, n’y a-t-il pas lieu de reconnaîtreque les prétendues espèces « doivent être seule
ment des races locales, ou même des variétés indi
viduelles *? » C’est probablement le cas de la jolie
1. Alph. Milnc-Edwàrds, Faune des Régiojis australes.
�i'ûlomic Kwukuni, trouvée dans la plupart des lies
de la Polynesie et de la Malaisie, et « rjui, écrivait
il y a déjà longtemps R. P. Lesson (Voyage de la
« Coquille », Zool., t. 1), semblable en tous lieux
par l'ensemble de ses formes et de son plumage,
oiïre partout de nombreuses variétés qui ont déjà
cent fois torturé les naturalistes systématiques, aux
descriptions précises desquels elles semblent vou
loir échapper. » On peut en dire autant des Mar
tins-pêcheurs (Halcyon sanctus) qu’on rencontre
dans toutes les iles du Pacilique-Sud-Ouest, qui
passent à des colorations insensibles, quelquefois
dans la même ile.
Les iles situées vers l'est sont très pauvres en
oiseaux. A Tahiti et aux des Marquises, même en
comptant les oiseaux de mer et de rivage, Sternes,
Fous, Frégates, Phaetons, Noddies, Hérons, etc.,
on n'arrive qu’à vingt-deux espèces. Pas d’oiseaux
de proie; un Coucou qu’on retrouve à de grandes
distances, une petite Salangane, quelques Gobemouches dont un, Talare taïtensis, est un délicieux
chanteur, un charmant petit Perroquet (Gpnphilus
dryas) de couleur bleue, à peine plus gros qu’un
moineau, la Colombe Kurukwu, un gros Pigeon
(Seircsius galeatus), etc.
La faune ornithologique des iles Sandwich, tout
en monlrant des espèces des iles plus voisines de
l’Équateur, est cependant différente et plus riche.
On a catalogué une cinquantaine d’oiseaux, parmi
lesquels : trois Rapaces (I diurne et 2 nocturnes),
un Corbeau, une Oie vivant dans les montagnes,
deux Italics, trois Échassiers à peu près cosmopo-
�lites (Sir'p.'Uus interpret,, Charadrius fulvus, Cluira■ drius hiaticula), la Poule d'eau d'Europe, deux
‘ Canards (Anns clypeata, commua dans tout l'hémisplière uord, Anns superciliosa, que nous retrou
verons dans l’autre hémisphère, sur les Terres des
Papous, à la Nouvelle-Zélande et à la NouvelleCalédonie), peut-être aussi notre canard sauvage
[Anas boschas). Par contre, on ne voit dans ces iles
ni pigeons ni perroquets ; un Passereau (Psittifostra psittacea) a tout à fait l’apparence de ces
derniers. Le trait caractéristique de l’avifaune
hawaiienne consiste dans des Ilémignathes variés
.et dans plusieurs Méliphagidés, quelques-uns re
marquables par leurs belles couleurs, entre autres
ÏHerotaïre (Ccrthia vestiaria) dont les plumes rouges
servaient à confectionner des bonnets et des man
teaux, et le Moho niger, espèce qui a fourni les
matériaux du Mmno, ou manteau royal dos sou
verains hawaiiens. Ce manteau est du plus res
plendissant jaune d’or, et, comme il fallait aller
chercher les Moho dans des endroits presque inac
cessibles, et que chaque oiseau n’a que deux
plumes de cette couleur, on peut se demander si
beaucoup do monarques ont dans leurs trésors des
Objets aussi précieux et aussi coûteux.
A mesure qu’on s’avance vers l’ouest, l'avifaune
devient plus riche ; on commence à rencontrer de
nouveaux genres. Les Fidji ont fourni quatre-vingtonze espèces d’oiseaux. L’ornithologie aux Tonga et
aux Samoa participe de celle des Fidji. Dans le se
cond de ces archipels, ou remarque un singulier pi. geon (üidunculus strigirostris) dont le liée, crochu
�au bout comme celui d'un oiseau de proie, porte
des dentelures à la mandibule inférieure. Cet oiseau
est probablement un intermédiaire entre les pigeons
et le Dronte éteint aujourd’hui, et qui habitait en
core a u commencement du x v i i i c siècle les iles
Mascareignes.
Le nombre des espèces connues aujourd'hui à la
Nouvelle-Calédonie est do 106,savoir: Rapaces, 9;
Passereaux, U; Perroquets, 6; Coucous, 3; Pi
geons, 6; Gallinacés, 2; Échassiers, 19; Palmi
pèdes, 19; Piunatipèdes, 1. Un certain nombre
d’espèces propres à Pile donnent à son avifaune un
caractère particulier; par d’autres, elle se lient à
égale distance des archipels océaniens et de l’Aus
tralie orientale; quelques oiseaux calédoniens se
trouvent aussi à la Nouvelle-Zélande, et d'autres
rappellent des types des latitudes plus voisines du
pôle.
Les espèces les plus remarquables, paraissant
tout à fait propres à Pile, sont : un Corvidé (Gazzola
typica), plusieurs perroquets ornés des plus belles
couleurs, le Carpophaga Goliath, géant des Colombidés, le Kagou (Rhynochelos jubatus), oiseau très
bizarre, le Gallirallus La Fresnayi qui, de même
que le précédent, lient des échassiers et des galli
nacés.
L'ornithologie dos Nouvelles-Hébrides moutre
des rapports étroits avec celle de la Nouvelle-Calé
donie, cl, d’un autre côté, par un Mégapode, ces
iles se rapprochent des iles Salomon et des Terres
•des Papous.
Ces dernières sont riches en oiseaux au brillant
�'■ plumage, i,oui le monde sait que la Nouvelle-Gui
née est la pairie des Oiseaux de paradis, des Manucodes, des Atrapies, tous plus remarquables les uns
que les autres. Sur ees terres, on retrouve aussi la
plupart des espèces des archipels plus orientaux,
mais on reconnaît la tendance de leur avifaunc à
se rapprocher du Grand Archipel d’Asie.
La Nouvelle-Bretagne a un curieux Casoar (Casuarius Bennettii), appelé Moureiik par les indigènes
et dont nous avons rapporté la première peau et
le squelette au Muséum, en 1863.
Le voyageur qui ne ferait que parcourir les
environs de la Baie des lies en rapporterait l'im
pression que la Nouvelle-Zélande manque à peu
près d’oiseaux, d’oiseaux terrestres du moins, car
ceux qui fréquentent le rivage et la mer sont
nombreux. Trente ans avant nous, Darwin avait
déjà fait la même remarque. Les abords des
forêts, aux environs de la ville d'Auckland, nous
ont paru plus animés; les gracieux Phüédons à
cravate, caractéristiques du pays, voltigeaient au
tour des touffes de phormium; divers gobe-mou
ches, sylvains, etc., gazouillaient dans les buissons;
cependant le nombre des oiseaux était, en somme,
assez petit. 11 n'en a pas toujours été ainsi à eu"
croire les premiers voyageurs, et même, d’après
des explorations récentes, les oiseaux seraient
encore nombreux là où la colonisation u’a pas pé
nétré et où il n’y a que peu d’indigènes ; dans ces
localités on rencontre des types qui ont disparu
des cantons habités par les Européens.
Les espèces néo-zélandaises se retrouvent, plus
�ou moins, sur les petiles îles voisines, Chatam,
Aucklaud, Norfolk.
On rencontre quelques formes de la zone inter
tropicale. Un Faucon, très commun aux iles Malouines selon Darwin, et sur toutes les terres aus
trales suivant d’autres voyageurs, deux espèces
de Manchots, plusieurs Cormorans, trois Albatros,
un Stercoraire, un Grèbe, annoncent une latitude
plus rapprochée du pèle. Par ailleurs quelques
espèces, telles qu’un magnifique Colombidé, plu
sieurs Perroquets, sembleraient beaucoup plus
faites pour un climat chaud que pour un pays
auquel l'épithète de tempéré est tout juste appli
cable en hiver.
Parmi les perroquets, le Nestor meridiomlis (et
ses variétés) et une espèce nocturne, Slrigops lutbroptilus, ressemblant à un hibou, semblent tout
près de disparaître : il en est de môme d’un grand
Halle (Notornis Mantelli), d’une Caille et surtout des
Apteryx, successeurs réduits des grands Slruthions
qu’on ne retrouve plus que plus ou moins fossilisés.
On remarque une tendance prononcée au méla
nisme dans plusieurs espèces néo-zélandaises.
Sur l'examen détaillé de la faune ornithologique
océanienne, on peut constater les faits suivants :
Riche et variée sur les terres occidentales si
tuées entre les tropiques, elle perd de sa richesse
et de sa variété jusqu’à devenir très pauvre dans
les iles situées à l'extrémité orientale de la Polynésie.
Les différents archipels ont chacun une rnifame
qui, à première vue, parait locale, particulière;
mais, en y regardant de plus près, on reconnaît des
�espèces communes aux divers groupes d'iles, ou
bien ne présentant que des différences tellement
minimes qu’il est permis de voir là des variations
locales, quelquefois individuelles, plutôt que des
différences spécifiques.
Certains genres, et même certaines espèces, se
retrouvent dans la plupart des iles, quelquefois à
des distances considérables,’ par exemple à la Nou
velle-Zélande et aux iles Sandwich, éloignées de
1500 lieues.
Ce dernier archipel a une faune ornithologique
présentant, il est vrai, des traits communs avec
celle des groupes plus rapprochés de l’Équateur,
mais ayant un caractère bien particulier. On y
trouve des espèces voisines de types européens,
sinon les mêmes.
Nos oiseaux de basse-cour ont été introduits là
où il y a des Européens; la poule commune avait
été trouvée domestiquée dans quelques archipels.
Quelques Tortues marines, quelques petits Scinques, un ou deux petits Geckos, composent toute
l’erpétologie polynésienne; il n’y a, en Polynésie,
aucun de ces redoutables reptiles, communs dans
la plupart des contrées tropicales.
Les Terres des Papous fournissent de l’écaille
véritable, celle de la Tortue Caret, qu’on trouve
également, mais peu répandue, à la NouvelleCalédonie. Celte ile possède deux geckos, un tout
petit et un autre long de 0 m. 40, d’un aspect
hideux, que les naturels mangent dans quelques
endroits. Il n’v a pas en Calédonie de Serpents
terrestres, ce qui établit une grande différence entre
J o o an . — LXV.
6
�elle el l’Australie où pullulent les Ophidiens, dont
les quatre cinquièmes sont venimeux; mais on y
voit trois serpents marins très élégants, qui pas
sent à tort pour tels. Leurs morsures sont dou
loureuses, mais sans danger, malgré les crochets
dont leur gueule est armée. Les naturels les re
doutent bien moins que les murènes. Ces Hydrophis partagent la mauvaise réputation, très juste
ment méritée, de leurs congénères des mers de
l'Inde el de la Malaisie; l'un d’eux serait iden
tique au Platurus fasciatus de ces dernières ré
gions où il est très redouté, ses morsures étant le
plus souvent mortelles.
Les iles Fidji ont un Ophidien et un Batracien.
Les Serpents et les Crocodiles (Crocodihts bipoiratus) pullulent aux ilos Salomon, à la Nouvelle-Bre
tagne, à la Nouvelle-Irlande, aux iles de l’Amirauté.
D’après M. Raffray, qui a tout récemment exploré
le nord de la Nouvelle-Guinée, il n’y a pas de
pays où l’on voie plus de serpents. Les plus re
marquables sont une Vipère (Acantopliis cerastinus)
très dangereuse, et une sorte de Python (Chondropython publier) qui est orné des plus belles
couleurs, variant, suivant l’âge, du rouge brique
au jaune et au bleu.
La faune erpétologique de la Nouvelle-Zélande
est d’une grande pauvreté ; à l’exception du Jtuatara (Tiliqua Zclandica), qui est long de 0 m. 30, et
que les naturels redoutent, bien qu’il soit tout à
fait inolTeusif, il n’y a guère que quelques petits
Geckos, quelques petits Scinques et une Gre
nouille, et encore ces reptiles sont très rares dans
�les endroits colonisés. Les Maoris racontèrent à
Cook, lors de son troisième voyage» qu’il y
avait dans leur pays de grands serpents et des
lézards, longs de près de 3 mètres, qui dévoraient
les hommes; un aventurier anglais aurait même
autrefois vu un de ces derniers dans l'ile du
Milieu, mais depuis longtemps on n’a plus en
tendu parler de ces grands reptiles, qui n’ont sans
doute jamais existé que dans la mythologie néozélandaise et dans l'imagination ardente de quel
ques individus.
L'Océanie occupe la moitié d’une grande province
marine qui comprend une partie étendue du globe,
depuis les iles les plus orientales de la Polynésie
jusqu’aux rivages de l’Asie et même de l’Afrique,
et dans laquelle on rencontre, sinon les mêmes
espèces d’animaux marins de toutes les classes,
du moins des espèces très voisines. En ce qui con
cerne les Poissons, les formes de taille moyenne,
souvent de couleurs brillantes, dominent princi
palement chez les nombreux individus des genres
Uolocentre, Serran, Diacope. Plectropome, Prislipome, Labre, Scare, etc., etc. On rencontre en
core des Scombres, des Caranx, des Theuties, des
Sphyrènes, des Spares, de nombreux Squammipennes à la brillante parure, des Dalistes, des
Tétrodous, des Murènes, des Squales, des Exo
cets. Les poissons plats (Pleuronectes) sont très
rares.
Le poisson entre pour beaucoup dans la nour
riture des Océaniens qui très souvent le mangent
cru, ou le font pourrir quand il s’agit de grandes
�espèces, telles que les requins ou une énorme raie
(Cephaloptera...)
La faune ichlhyologique néo-calédonienne est
encore plus riche et plus variée ;que celle de la
Polynésie; malheureusement plusieurs espèces ont
des propriétés nuisibles; la chair de quelquesunes, entre autres une espèce de sardine très com
mune (Melctta venenosa), est un poison mortel; nos
marins et nos soldats en ont fait la triste expé
rience dans les premiers temps de notre occupalion. Les pbissons appelés Mambo, Ndjou, par les
naturels, les bécunes, les lélrodons, doivent être
tenus en suspicion.
Nous avons retrouvé beaucoup d'espèces calé
doniennes en Chine, à Hong-Kong, à plus de
1200 lieues de distance, dans un autre hémisphère.
Il existe aussi des rapports étroits entre la faune
ichlhyologique néo-calédonienne et celle de la
Nouvelle-Guinée; en outre, les Siluridés seraient
grandement représentés sur les cotes vaseuses de
celte dernière. Des Labridés aux brillantes couleurs
abondent au milieu des récifs de sa partie méri
dionale. Les squales et les raies sont peut-être les
poissons les pluscommuusdans le détroit deTorrès.
Les cotes de la Nouvelle-Zélande sont très pois
sonneuses; certaines espèces rappellent les mers
tropicales, d'autres les zones tempérées; un caranx
serait même tout à fait pareil au Caranx trachurus
de l’Europe ; les Snappers des Anglais (Pagrus guttulatus) ressemblent aux brèmes de mer de la
Manche. On voit assez souvent d’énormes re
quins ; nous avons été témoin d'un horrible acci
�dent arrivé, du fait d’un dé cès monstres, à un habi
tant d’Auckland qui se baignait à loucher le rivage.
Dans toute l’Océanie, les cours d’eau douce
nourrissent de belles anguilles.
La plupart des Mollusques de l'Océanie appartien
nent à la faune indo-chinoise. Dans la Polynésie
les espèces nues sont peu nombreuses; les co
quilles univalves y sont beaucoup plus communes
que les bivalves. Les iles basses ont presque toutes
des Huîtres perlières, qu’on a malheureusement gas
pillées. La pêche de la nacre et des perles a été
pendant quelques années une grande source de
profits dans les iles Paumotu, les iles Gambier et
dans quelques iles de l’ouest. Somme toute, celle
faune, si elle offre de beaux échantillons comme
ormes et comme coloris, est peu riche et peu va
riée (120 ou 125 espèces)-; les mollusques terres
tres n'y sont pas communs; il faut cependant faire
une exception pour les iles Sandwich où l’on
trouve en grande quantité des Achatinelles présen
tant des espèces et des variétés très curieuses, çl
par leurs formes, et par la manière dont elles sont
cantonnées dans certaines localités.
A mesure qu’on s’avance vers l'ouest, la faune
malacologique devient plus riche. A la NouvelleCalédonie, elle comporte peut-être 700 espèces
dont au moins 135 terrestres el lluvio-lacustres.
Le genre Bulime eu compte 17, depuis le Btilimus
Souvillei, qui a 12 centimètres de long, jusqu’au
Bulimus Souverbianus qui ne mesure que 7 milli
mètres. Les bivalves deviennent plus nombreuses,
représentées dans les genres Iluilrë, Peigne,
�tjpontl yle, Marteau, Madré, Vénus, Cardium, elc.
Sur les rochers de la Baie du Sud, on trouve des
huîtres excellentes.
M. Gray fait remarquer que les coquilles do la
Nouvelle-Zélande sont plus grandes et plus bril
lantes que les espèces des mêmes genres habitant
les latitudes correspondantes dans l’hémisphère
nord, surtout pour ce qui concerne les coquilles
terrestres. Quelques-unes appartiennent à des gen
res qu'on ne rencontre que dans les régions les
plus chaudes de l'hémisphère boréal. Les formes
tropicales, Scalaire, Trochus, Triton, Volute, etc.,
11e sont pas rares à la Nouvelle-Zélande ; les co
quilles bivalves sont assez communes, Térébratules,
Huîtres, Peignes, Pétoncles, quatre ou cinq espèces
de Moules dont une de très grande taille, un grand
.lambonneau, des Unie, six ou sept Vénus, etc.
Les Araignéos dans la Polynésie n'ont rien qui
les fasse remarquer. A la Nouvelle-Calédonie, les
naturels mangent YEpeira edulis. Un remarque dans
celte ile une Gastiracanthe très curieuse, une es
pèce de Micrommate qui passe pour dangereuse,
de grandes araignées teudeuses dont les toiles
sont formées de lils jauues résistants.
Les Scorpions sont très communs sur les Terres
des Papous.
La Nouvelle-Zélande a plusieurs espèces d’arai
gnées, quelques-unes de grande taille; une seule
espèce, Katcpo des Maoris, est considérée par eux
comme très dangereuse.
La Polynésie intertropicale n'est pas riche eu
Insectes, cl bien qu’on y trouve réunies les condi-
�— 87 —
lions les plus favorables à ces êtres, de la chaleur,
de l'humidité, une végétation puissante, à peine y
voit-on quelques petits Coléoptères et cjuelques
Papillons peu brillants. Cependant on trouve qu’il
y a encore trop d'insectes, vu qu’ils sont presque
tous nuisibles. Les Fourmis, les Cancrelas foison
nent ; on est tourmenté par les Moustiques, et sur
tout par une petite Tipule, Sand fly, « mouche de
sable » des Anglais, qui fait comprendre la quatrième
plaie d’Egypte. Celte peste, ou une espèce très voi
sine, se retrouve à la Nouvelle-Zélande dans les
fiords du sud-ouest de Pile du Milieu, par une lati
tude déjà élevée (46°), où elle fut un obstacle très
sérieux pour les individus chargés par le gouver
nement anglais, il y a une trentaine d'années, de
lever les plans de cette partie de Pile.
Un Lépidoptère d’Europe, Vanessa cardni, se renconlre à la fois à la Nouvelle-Zélande et aux iles
Sandwich.
Au contraire de la Polynésie, les Terres des
Papous abondent en insectes, Papillons aux teintes
les plus riches, Phasmes, Cicindèles dont l'une a
l’odeur de la rose, Buprestes dorés, Fourmis énor
mes, Termites, etc., etc.
L’entomologie de la Nouvelle-Calédonie est pa
reillement d'une grande richesse (300 espèces au
moins), caractérisée par les Rhvncophores, les Longicornes, le grand genre C-mex représenté par une
quantité d’espèces et de variétés de toutes cou
leurs. Malheureusement, les insectes nuisibles sont
nombreux. Les naturels sont couverts de poux, el
ceux de la tête diffèrent de ceux qu’ils ont aux cils,
�— 88 —
très nombreux quelquefois et leur causant de vives
douleurs. Les puces étaient inconnues avant la
venue des Européens ; du reste, il eu était de
môme, parait-il, dans la plupart des iles océa
niennes. De grosses mouches bleues, se jetant en
grand nombre sur les moulons, les font périr en
quelques heures. Un fléau peut-être encore plus
redoutable, ce sont les criquets, qui s’abattent par
nuées et détruisent tout : au dire des naturels,
leur apparition ne daterait que de l’arrivée des Eu
ropéens; ils auront été importés par des navires
venant d’Australie.
La faune entomologique néo-zélandaise u’est pas
très riche. Les Coléoptères ne.sont pas nombreux.
Les insectes caractéristiques du pays sont princi
palement des Cicindélidées, des Garabidées, des
Curculionidées et des Longicorues. On remarque
un grand Cerf-volant vivant dans les dunes de
sable, la Blatte américaine introduite par les na
vires, un autre caucrelas propre au pays, une
grande Punaise qui vit dans les bois et les habita
tions en roseaux des Maoris, et dont l’odeur est
insupportable, un papillon de nuit qui mesure
quelquefois 15 centimètres d'une extrémité A l'au
tre des ailes, deux Sphinx, la Vanessa cardui d'Eu
rope. 11 y a peut-être une vingtaine d'espèces de
papillons, mais le nombre des individus est si peu
considérable qu'on n’en voit que rarement.
Dans toutes les iles au climat chaud et humide,
on rencontre des Scolopendres et des Iules, mais
les accidents causés par les morsures de ces hideux
animaux paraissent être bien rares. Dans les iles
�mm
orientales, les espèces sont ordinairement de petite
taille.
Les Crustacés marins sont bien représentés dans
l'Océanie tropicale, surtout à la Nouvelle-Calé
donie ; les principaux genres sont les genres
Grapse, Calappe, Trapézie, Partliénope, Matute,
luachus, Gélasime, Scyllare, etc. Une Langouste
(.Palinurus munjinutus) se rencontre dans toute
l’Océanie, môme en dehors des tropiques.
A la Nouvelle-Zélande, on est frappé de la res
semblance de plusieurs crabes avec des crabes de
nos mers. Cet archipel a une espèce du genre
Muia qui n’est pas représentée ailleurs hors de l’Eu
rope. Le Grapse peint, commun entre les tropiques,
s’y trouve également.
Le Birgits latro se rencontre à Tahiti, dans les
iles Paumotu, aux des Loyalty, mais pas, que nous
sachions, à la Nouvelle-Calédonie.
Un gros crabe, de forme carrée, de couleur
fauve, habile, dans la plupart des iles, les terrains
sablonneux et marécageux des bords de la mer,
qu’il crible de trous innombrables.
Des Palémons excellents à manger, des Talilrés,
des Gammams, se trouvent dans tous les cours
d’eau.
Les récifs de corail abritent de nombreuses Auuélides que des observateurs superficiels ont sou
vent prises pour des serpents.
La classe des Rayonnés est celle qui compte le
plus de représentants, puisque des iles entières
sont formées par des animaux de celle classe. Ce
que ces récifs abritent dTlolothuries,. d’Oursins,
�— 90 —
cl’Actinies, d'Astéries, cl’Alcyons, etc., dans quel
ques localités de la Papouasie, est prodigieux ; le
manque d’espace ne nous permet pas d'en donner
une liste môme très abrégée ; nous rappellerons
seulement que certaines espèces d’holothuries, sé
chées à la fumée, fournissent le Tripang ou Biche
ck mer ', que ses propriétés aphrodisiaques sup
posées ou vraies, beaucoup plus supposées que
vraies, ont placé de tout temps en haute estime
chez les populations polygames et débauchées de
l'extrême Orient auxquelles le vendent les Malais
et les Iîouguis qui, de toute antiquité, vont le
pêcher à la côte nord-ouest de l’Australie et il la
Nouvelle-Guinée. Les gains considérables, faits sur
la vente de ce produit en Chine, engagèrent de
bonne heure les Européens à prendre part à cette
industrie.
Par l’exposé qui précède et que nous avons
essayé de rendre aussi clair que possible, tout en
l'abrégeant, on peut voir, en faisant abstraction des
productions marines, èl de ce qui a lieu dans les
grandes iles de l’ouest voisines de l'Équateur,
combien peu les formes de la création sont variées
dans une partie considérable de l’Océanie, par
comparaison avec d’autres parties du globe, pour
ce qui regarde les espèces terrestres, animales et
végétales, et combien les grandes espèces animales
sont rares sur toute son étendue.1
1. Tripang est le nom malais de l’espèce type, Ilolothuria edulis. Biche de mer, du mot portugais bkho,
ver.
«
�CHAPITRE VI
ANTHROPOLOGIE. — ETHNOGRAPHIE
Section prem ière.
Polynésiens cl Mieronésiens ; fausse application du mol
■Canaque. — Caractères zoologiques. — Tabou. — Iles
Marquises. — lies Sandwich. — Iles Paumotu. — Iles
de la Société. — Iles Tonga, Samoa. — NouvelleZélande. — Tatouage; vêtements; aliments; naviga
tion; industrie; sciences et arts; maladies; habitude
■lu flair; funérailles: naissance; mariage; condition
des femmes; religion; gouvernement; guerres; an
thropophagie. — Caractères moraux des Polynésiens
et des Mieronésiens. — Fêtes. — Langage. — Peu
plement des îles par migration. — Décroissance de
la population.
Les navigateurs de la lin du xvirt0 siècle trou
vèrent, comme il a été dit déjà, la plupart des
terres océaniennes habitées, les unes par des
races noires, les autres par des hommes au teint
brun (roux cannelle). Aujourd'hui, les marins, les
Français surtout, confondent toutes ces popula
tions, malgré leurs différences d’aspect, sous le nom
de Canaques. Ecrit de celle manière, ce nom est
môme devenu l’appellation officielle des naturels
�de la Nouvelle-Calédonie; elle en vaut bien une
autre, mais ethnologiquement elle est vicieuse,
irrationnelle; tout au plus devrait-elle être appli
quée aux populations des iles dont l’ensemble
constitue la Polynésie. Kanaka, aux iles Sandwich,
veut dire homme du paya, autochtone; par suite
de transformations qu’on ne saisit pas de prime
abord, mais qui n’ont rien d'étrange pour les per
sonnes familières avec les dialectes polynésiens,
Kanaka devient taata à Tahiti, ta-ngata dans plu
sieurs des iles Paumotu, à Tonga, à la NouvelleZélande; kenuta, kenana, enana, dans l’archipel des
Marquises suivant les iles: anata, temata, ailleurs.
Les mots Maori, Maoï, Mahoï, Maoti, ont la même
signification; les Néo-Zélandais emploient toujours
le premier pour se désigner. Les individus étran
gers à la race polynésienne, blancs, noirs, métis
de blancs et de noirs, sont désignés par les mots
luioré, haoé, luioli, etc.
Les Polynésiens, qu’on rencontre depuis les iles
Sandwich jusqu’à la Nouvelle-Zélande (t580 lieues
nord-est—sud-ouest), et de l’ile de Pâques à
Tikopia (1730 lieues est-sud-est—ouest-nord-ouest),
présentent, on masse, les caractères suivants:
Le teint basané, d’un jaune lavé de bistre, plus
ou moins foncé, très clair chez quelques individus,
brun, couleur de cannelle chez d'autres. Les che
veux sont noirs, gros et lisses, rarement frisés.
Les yeux sont noirs, ordinairement plus fendus
qu’ouverts, nullement obliques. Le nez est droit,
quelquefois bosselé; les narines, larges et ouver
tes, le font souvent paraître épaté, surtout chez
,
r;
j
v
�les fenuurï ci. les enfants. Les lèvres un peu
grosses, renversées, légèrement proéminentes ; les
dents très belles, les pommettes un peu larges,
mais non saillantes; le visage plus long que large,
le menton avançant. La capacité du crâne est en
moyenne de 1488 centimètres cubes *. En somme,
la ligure est souvent belle, toujours expressive.
Eu général, les hommes sont mieux que les
femmes, bien que celles-ci aient été considéra
blement vantées ; mais il faut tenir compte des
mœurs plus que faciles des Polynésiennes, des
Tahitiennes entre autres, qui avaient valu à leur
île, de la part de Bougainville, le nom de NomelleCythère, et ne pas oublier que les découvreurs
étaient des marins ardents, aiguillonnés par des
privations dont les navigateurs de nos jours
n’ont plus l’idée . Le système pileux est peu
développé; les hommes ont peu de barbe, sur
tout aux joues. On en voit d’une taille her
culéenne ; les jeunes gens serviraient de mo
dèles à la statuaire ; cependant l’habitude do
marcher dans des sentiers, où il faut, de toute
nécessité, mettre les deux pieds successivement
sur la même ligne, fait arquer leurs jambes, la
convexité en dehors, ce qui leur donne une
démarche un peu singulière. Hommes et femmes
sont remarquablement aptes à tous les exercices
du corps; ils nagent et plongent comme des pois
sons; dans les iles basses, les Paumotu par1
1. Chez les Européens, le volume du crâne est moyen
nement de l.'j07 centimètres cubes.
�exemple, ce sont de véritables amphibies, ils
montent sur les arbres comme des singes, sans
les embrasser avec les genoux et les bras ; en
grimpant de cette façon, nus comme ils le sont
ordinairement, ils se blesseraient aux rugosités do
l’écorce. Leur vue est perçante comme celle d’un
oiseau de proie. On rencontre des individus des
deux sexes qui paraissent être très vieux, mais
ils sont rares, et il est difficile de savoir exacte
ment le nombre de leurs années, à cause de leur
manière imparfaite de compter par lunes.
11 est bien évident que les caractères énoncés
plus liant ne se rencontrent pas partout, tranchés
d'une façon rigoureuse, — il n’y a pas un groupe
humain actuel pur, c’est-à-dire homogène, —
mais, en faisant abstraction de certaines modes,
port de la chevelure, tatouages, etc., etc., eu tenant
conqite du genre de vie, de la nourriture, de l'ha
bitation, en un mot de l’intlucnce du milieu, on
reconnaît vite que les différences sont plus appa
rentes que réelles.
Toutes ces populations, avons-nous dit, parlent
des dialectes d’une langue commune, dont on
retrouve des termes assez nombreux dans la
Malaisie et môme quelques-uns à Madagascar l.
Elles boivent le Kavu, breuvage stupéfiant, eni
vrant, obtenu en délayant dans de l’eau la racine
mâchée du Piper mcthysticum, et sont soumises à
l’interdiction religieuse connue, suivant les dif-1
1. L'élément m alais a contribué au peuplement de
cette grande île.
�férentes des. sous les noms de tabu, tapu, kapu.
Quelques auteurs out émis l’opinion qu’on a
douné beaucoup trop d’importance au tabou, qu'il
ne faut pas y chercher une institution plus que
dans les défenses qu’on voit affichées dans nos
villes, sur nos chemins, dans la consigne d’une
sentinelle qui vous crie: On ne passe lias! Le
tabou est en effet cela, mais c’est aussi quelque
chose de plus sérieux. Cette interdiction, dont les
chefs, le plus souvent des despotes, et les prêtres,
leurs complices, usaient au gré de leur fantaisie,
sans aucun frein, était un moyen de gouverne
ment et de domination absolue. Le tapu (nous
avons vu la chose encore en pleine vigueur aux
des Marquises) intervient dans presque tous les
actes de la vie, et, si quelquefois ses prohibitions
sont utiles en sauvegardant des intérêts généraux,
la conservation des plantations, des récoltes, des
animaux domestiques, trop souvent son interven
tion dans les actes les plus insignifiants, pour des
choses tout à fait puériles, entretient les malheu
reux qui y sont soumis dans un état perpétuel
de gêne et de crainte. Dans beaucoup d’endroits,
l’individu qui avait violé un tabou était mis à
mort, mais, le plus souvent, l’imagination du cou
pable, en proie, à mille terreurs superstitieuses,
amenait toute seule ce résultat.
L'unité de langage, signalée dans les limites
assignées à la Polynésie, ne se retrouve pas dans
la Micronésie, c’est-à-dire dans les îles qui occu
pent la partie occidentale du Pacifique-Nord, du
tropique à l’équateur; les idiomes diffèrent entre
�— 96 —
eux et ne rappellent que de très loin la langue
polynésienne. L’usage du kava existe dans plu
sieurs iles, mais il n’est pas général. Il y a aussi,
sous d’autres noms, des institutions qui rappellent
le tabou; nous l’avons déjà dit, si ces différences
ont induit quelques auteurs, d’Urville entre autres,
à classer les Micronésiens à part des Polynésiens,
les caractères zoologiques les en rapprochent, et,
pour d’autres auteurs, ils ne sont que des Polyné
siens ayant subi l’influence d'un milieu moins
favorable et, dans quelques iles, des croisements
avec des hommes de race noire semblables à
ceux qu’on voit encore, rebelles à la civilisation,
dans l'intérieur des iles Philippines, et qui auraient
habité la Micronésie avant les hommes de race
brune, ou bien avec des Mélanésiens venus des
terres voisines de l’Équateur, Nouvelle-Guinée,
Nouvelle-Irlande, iles Salomon, etc., etc. On trouve
encore aux confins de la Micronésie et de la Po
lynésie, sur les archipels Marshall et Gilbert, à
coté d’individus ayant les caractères physiques et
moraux des Polynésiens, des populations compo
sées d’individus presque noirs, aux membres
grêles, stupides.
Les plus beaux des Polynésiens sont peut-être
les indigènes des iles Marquises (archipel Nuhuhiva ', du nom de l'ile principale). Dans cet ar1. Ce sont les Européens qui ont appelé l’archipel,
archipel Noukahiva ; les naturels n'ont pas de nom uni
que pour désigner l'ensemble des iles, il peine s'il y
avait un nom propre, concret, pour désigner chacune
de celles-ci. Il en étail de même dans toute l'Océanie.
�cliipel, le» femmes sont plus jolies que belles ; leur
physionomie est expressive, et il n’y pas jusqu’aux
légers tatouages qu’elles se font aux lèvres qui ue
contribuent à en rendre le jeu plus mobile en leur
donnant l’air de faire une petite moue. Pour la
beauté, l’élégance et, eu môme temps, la richesse
des formes, les jeunes filles ne trouveraient nulle
pari de rivales. Malheureusement, en dépit de
bains très répétés, la propreté n’est pas le fort des
Nukuhiviens, hommes et femmes; il en est, du reste,
partout de même dans l’Océanie, là où le contact
et l'exemple des Européens no l’ont pas apprise. La
propreté exquise des Tahitiennes actuelles a beau
coup milité en leur faveur, mais, comparées aux
femmes des Marquises, elles paraissent lourdes,
massives, disgracieuses dans leur démarche. Les
hommes sont aussi inférieurs aux Nukuhiviens.
Les habitants des ilcs Paumolu ont quelque peu
subi l’inlluence du milieu moins favorable où ils
vivent, — des iles basses, n’offrant que très peu de
ressources alimentaires ; mais ils sont loin do
mériter la réputation de Béotiens que leur font
leurs parents de Tahiti, — c’est une émigration
tahitieune qui a peuplé l'archipel. Là où nous
avons apporte un peu de civilisation, ils protestent
victorieusement contre celle accusation d’infério
rité, et prouvent que, s’ils sont plus propres que
les Tahitiens aux travaux qui demandent de la
vigueur, — ce que ceux-ci ne contestent pas, — ils
les valent bien pour l’aptitude aux travaux de
l’esprit. Le petit groupe de Mangareva (iles Gambier), au sud-est des îles Paumolu, est aujourJocan. — LXV.
7
�98
l'hui un des points les plus civilisés de l’Océanie.
Les Kanaks des ilcs Sandwich sontmoius beaux
que ceux des Marquises et de Tahiti, ruais on s’ac
corde pour reconnaître qu'ils sont plus intelligents.
Les Hawaiiennes sont, eu général, de grande
taille; elles ont les traits plus délicats que les hom
ines, mais les deux sexes se ressemblent peut-être
plus dans ces des que partout ailleurs dans la
Mer du Sud. Ou remarquait — et on remarque
encore — des différences très gaudes entre les clas
ses supérieures et les classes inférieures ; nous
avons connu, à Honolulu, des individus apparte
nant aux premières, qui étaient de vrais géants.
Ces différences existaient aussi aux iles de la
Société, provenant évidemment de ce que les chefs,
les grands personnages, avaient une vie plus facile,
moins laborieuse et, en même temps, plus plantu
reuse. 11 eu est de môme aux iles Tonga et aux
les Samoa; les populations de ces deux archipels
se ressemblent extraordinairement; le tatouage, que
portent les hommes des hanches aux genoux, est
exactement le même, à ce point qu'en mettant en
présence un Tongan et un Samoan, nus lotis les
deux, il est difficile de les distinguer l’un de l’autre.
Les habitants des petits archipels Cbok, Harvey,
des iles isolées comme Tile de Pâques, Tile Niai!
ou Savage, etc., etc., présentent bien les caractères
généraux de la race, mais avec des modifications
plus OU moins sensibles, dues au milieu.
Les Néo-Zélandais sont les représentants de la
race polynésienne les plus éloignés de l’équateur :
leur pays est presque à nos antipodes. D’après
�— 99 —
leurs traditions, beaucoup plus explicites que celles
qu’on a recueillies dans les autres iles, il y a tout
lieu de croire qu'ils n'abordèrent à la Nouvelle-Zé
lande (pie vers le xv® siècle de notre ère, et qu'ils
y trouvèrent, niais sur un seul point, des hommes
d’une race différente de la leur, peut-être des Tasmauiens ou des Papous, jetés là par quelque ac
cident de mer, ou bien des individus semblables à
ceux que le capitaine Broughton vit sur Pile Chatam (14 bis), quaud il la découvrit en 1791, et qui
furent presque tous dévorés, il y a prés de cin
quante ans, par une tribu zélaudaise que la guerre
avait chassée de ses foyers.
Toujours est-il que, dans la population actuelle
de la Nouvelle-Zélande, on a cru trouver des traces
de métissage, et, entre des individus, des diffé
rences assez accentuées pour faire croire qu'on a
devant soi deux races différentes, l’une grande,
du plus beau type polynésien, au teint clair, aux
traits réguliers et aquilins, aux yeux grands et
bien fendus, à laquelle appartiennent les nobles ou
Rangatira, l'autre, beaucoup plus petite de taille,
au teint plus foncé, trapue, aux membres gros et
vigoureux. Quoi qu’il en soit, tous parlent le même
dialecte polynésien et vivent de la même manière.
Le tatouage était en grand honneur-chez les
Maori; mais on commence, sous l'inllueuce de la
civilisation, à délaisser cette modo dont on ne voit
plus guère d’échantillons que sur des individus déjà
âgés. Il différait complètement du tatouage très en
honneur également dans la plus grande partie de
la Polynésie et de la Micronésie ; à la Nouvelle-Zé-
�lamie l'opération devait être encore plus doulou
reuse. Le moko (tatouage) maori, au lieu d'uuc
suite de piqûres n’entamant que la peau, consiste
eu sillons profonds creusés avec uue coquille ser
vant de ciseau, contournés en ligues courbes au
tour du menton, de la bouche, sur les ailes du
nez, les joues, le front, différentes parties du corps.
Pour les Polynésiens, le tatouage était ce qu’était
la robe prétexte pour les jeunes Romains. Aux iles
Marquises, où il est toujours en vogue, il fait pour
ainsi dire un vêlement aux hommes : on dirait qu’ils
sont couverts d'une armure. Leur figure disparait
sous ccs stigmates. Il était moins complet autre
fois, ainsi qu’on peut le voir sur quelques rares
vieillards très âgés. Les femmes sont eu général
peu tatouées; la plupart, aujourd’hui, ne le sont
plus du tout. Les coquettes ont sur les pieds et les
mains, les jambes et les avant-bras, des dessins si
délicats qu’on dirait des bas et des gants à jour.
Là où la civilisation a détrôné les vieilles cou
tumes (iles de la Société, îles Sandwich, etc., etc. .
le tatouage n’est plus pratiqué par la génération
actuelle.
Lors des grands vovagcs du dernier siècle, les
usages, les croyances, se ressemblaient beaucoup
d'un archipel à l’autre, mais on remarquait cepen
dant des différences dans l'état social. Certains
groupes avaient déjà uue sorte de civilisation, des
gouvernements établis sur des règles fixes : c’était
ie cas des iles de la Société, des iles Tonga, des
iles Sandwich; d’autres archipels étaient beaucoup
moins avancés, quelques-uns plongés dans la plus
�—
104
—
complèle sauvagerie. Les premiers ont continué à
marcher en avant : comparées aux autres iles,
Tahiti, Tonga, les Samoa, les Sandwich, doivent
être considérées comme des pays civilisés. À Tahiti
tout le monde sait lire et écrire, ce qui n'a pas lieu
partout dans le vieux monde ; les Sandwich for
ment un petit royaume constitutionnel qui parfois
pourrait donner des leçons de sagesse à de grands
empires..Nous considérerions les Hawaiiens comme
les plus civilisés des Océaniens par ce fait seul qu'ils
portent des souliers, celte habitude étant une des
plus ■difficiles à contracter par les peuples primitifs.
D’autres archipels sont restés à peu près station
naires : c’est le cas des iles Marquises, quoiqu’elles
aient été fréquentées depuis longtemps par les Euro
péens, ayant eu de bonne heure des missionnaires
de diverses communions chrétiennes, une occupa
tion militaire, etc.; c’est également le cas d’une par
tie des Pauraotu et des ilôts bas de la Micronésie.
Là où la civilisation est encore peu intervenue,
on s’habille avec la tapa (kapa aux îles Sandwich),
étoffe fabriquée par le procédé du rouissage et du
battage avec l’écorce du mûrier à papier, celle de
quelques Ficus quand ils sont jeunes, le liber de
l’arbre à pain. Pour les hommes, le vêtement ne
consiste le plus souvent que dans le hami [maro
dans quelques iles), ceinture qui fait le tour des
reins, passe entre les jambes et se termine par
derrière, quelquefois (iles Marquises) en une queue
pendante, avec des nœuds. Le costume des fem
mes est plus complet, consistant en deux pièces
d’étoffe, l’une servant de jupon, l’autre couvrant le
�—
102
—
orps comme un manteau, souvent laissant libre le
jou d’un des bras. Aux tics Marquises, dans les gran
des fêtes (koika), le costume des bommes ne manque
pas d’originalité et a même quelque chose d’im
posant. La tête est surmontée d'une coiffure for
mant un grand éventail en plumes de coq, derrière
lequel se dressent deux aigrettes faites avec les
longues rectrices des paille-en-queue. Les oreilles
sont surchargées de volumineux ornements en
ivoire de dents de cachalot; une grande valve
d’huitrc perlière pend au cou, accompagnant un
collier fait avec des défenses de porc. Le buste est
couvert d’une grande pièce de lapa blanche. Sou
vent un éventail en plumes de coq, semblable à
celui qui orne la tête, embrasse la taille et se pro
jette horizontalement par derrière. Les chevilles
des (lieds sont garnies de grosses touffes de che
veux.'On joint à ces ornements des colliers, des
bracelets en dents de porc ou de marsouin. Sou
vent on voit des individus qui portent à la ceinture
les crânes d’ennemis tués à la guerre. La barbe
blanche est très recherchée pour faire des orne
ments de diverse sorte; nous avons connu, à file
Ua-Pou, un vieil Européen qui était hébergé par
un chef en échange de sa barbe mise eu coupe
réglée.
La coiiïure la plus généralement en vogue, dans
la Polynésie et la Micronésie, consiste, pour les
hommes, à retrousser leurs cheveux en les main
tenant avec une bandelette d'étoffe de manière à
former une touffe, une sorte de petite corne, de
chaque cété de la lèle. Los femmes portent ordi-
�— 403 —
nairemeiu
cheveux tombant naturellement sur
le dos et les épaules.
A Tahiti et aux iles Sandwich, le ■vêtement dif
férait peu pour les deux sexes et consistait en
une pièce d'étoffe tournée autour des reins et
tombant à mi-jambe ; le buste était couvert d'une
on plusieurs pièces d’étoffe, avec un trou pour
passer la tête, comme dans le poncho du Pérou et
du Chili. Les chefs hawaiiens avaient des bonnets
et de très beaux manteaux eu plumes d’oiseaux.
Les naturels de l’ile de Pâques faisaient des
perruques avec celles des oiseaux de mer; leurs
femmes se coiffaient d’un grand chapeau en natte,
pointu eu avant. Les Néo-Zélandais s’abritaient des
rigueurs de leur climat avec des manteaux, quel
quefois travaillés très linement, dont les fibres du
phormium fournissaient la matière première. y
Dans les îles situées entre les tropiques, l'habi
tude de se teindre la ligure et le corps en jaune,
avec irai) drogue dont les principaux ingrédients
sont l'huile de coco et la racine de Curcuma Imga,
est générale, surtout pour les femmes. Ce bar
bouillage, qui a pour but de blanchir la peau, ne
s’en va que difficilement après des lavages répétés,
en laissant une odeur affadissante.
Dans quelques archipels, le fruit à pain grillé
sur des charbons, mais plus ordinairement grillé
et battu dans de l’eau de manière à faire une pâte
aigrelette, mangée fraîche, ou fermentée dans des
silos où elle se conserve pendant de longues an
nées, constitue la base de l'alimentation. Sur d'au
tres iles peu riches en arbres à pain, la nourriture
�consiste principalement en taros, ignames, patates
douces, en bananes fehi qui croissent spontané
ment dans les montagnes (îles de la Société). Les
Néo-Zélandais ont aujourd’hui remplacé avantageu
sement la racine de fougère par la pomme de terre.
Sur les îles basses, la nourriture végétale consiste
prosqueuniquemcnUlans l’amandedes noixdecoco.
Le poisson, cuit ou cru, joue un grand rôle dans
l'alimentation. On mange peu de viande, si ce n’est
dans les fêtes, où l’on fait un véritable massacre de
porcs.
La boisson ordinaire est l'eau. Nous avons parlé
du kava, qui est pris à jeun. L’extase qu’on se
procure avec ce breuvage est stupide et lourde ;
les grands buveurs de kava ont l'air hébété des
fumeurs d’opium; on les reconnaît au tremblement
de leurs membres, à leurs yeux injectés, à leur
peau farineuse, pour ainsi dire couverte d'écailles.
Si ce n’est dans quelques îles, qui jusqu'à pré
sent n’ont été que très peu fréquentées, on s’est
mis partout à fumer la pipe à l’exemple des Euro
péens, et même, dans quelques localités, on cul
tive et on prépare un peu de tabac, mais le plus
ordinairement on achète aux navires du tabac
américain en tablettes, et ce tabac, très fort, près
duquel notre caporal n’a pas de goût, doit être
nuisible à des gens mal nourris, qui le plus souvent
en abusent.
Les Océaniens ont, sauf de très rares exceptions,
une passion effrénée pour les boissons alcooliques.
A Hiva-Oa (iles Marquises), nous avons vu un
alambic très ingénieusement construit avec une
�— 105 —
marmite, un tronc d’arbre creusé et un serpentin
en bambou, qui fonctionnait sans cesse pour ex
traire de l’alcool de l’enveloppe florale des coco
tiers. C'était un vagabond, déserteur d’un balei
nier, qui avait enseigné aux naturels ce procédé
grâce auquel ils étaient constamment ivres; sans
compter ce qu’ils faisaient périr de cocotiers en
coupant les choux pour en retirer de l’eau-de-vie.
Au bout de peu de temps, on avait installé des
alambics pareils sur vingt points de l’archipel. Aux
iles de la Société, où l’oranger importé par Cook
s'est prodigieusement multiplié, on se grise horri
blement avec une liqueur extraite des oranges. Aux
iles Sandwich, on faisait une boisson enivrante,
très agréable au goût du reste, avec la racine du
là (Cordyline australis) (15).
La cuisine ne se fait jamais dans l’intérieur des
habitations, mais en plein air ou sous un petit
hangar voisin; les aliments sont cuits dans une
sorte de four (umu), un trou creusé en terre, dont
le fond est garni de cailloux qu’on fait rougir; les
mets à cuire sont posés dessus, enveloppés dans
des feuilles et recouverts d’autres cailloux chauds
et de terre sur laquelle on jette d’abord de l’eau,
puis ou allume un feu clair; la viande cuite par
ce procédé, au bout de deux ou trois heures, est
très savoureuse. Les Polynésiens et les Micronésiens ne connaissaient pas la poterie; c’était en
jetant dedans des cailloux rougis qu’ils faisaient
chauffer l’eau.
Les habitations diffèrent suivant les archipels.
Aux iles Marquises, les cases à toit à deux eaux,
�1res aigu, en feuilles de coeotier, sont posées sur
une plaie-forme (pat'-paè), véritable construction
eyclopéenne sur laquelle on monte, comme par une
échelle, au moyen d'un tronc d’arbre dans lequel
on a pratiqué des coches. Les maisons des Tahi
tiens oui été comparées assez justement à de
grandes volières. Aux îles Tonga et Samoa, les
grands hangars servant d’abri pour les pirogues de
guerre, pour les réunions publiques, ont de tout
temps fait l’admiration des voyageurs. Les Néo-Zé
landais, peuple essentiellement belliqueux, avaient
des villages fortifiés (pu) perchés sur des hauteurs,
renfermant des armes, des provisions, tout ce qu'il
fallait pour soutenir un siège. Lors de l’insurrec
tion des Maoris, il y a vingt ans, la prise de quel
ques-uns de ces pa a coûté de grands efforts aux
troupes anglaises.
La vie insulaire des Océaniens a chi les familia
riser de lionne heure avec la mer; cependant ils
ne sont pas tous également marins. Aujourd’hui,
l'art nautique est en décadence dans beaucoup
d’archipels. Ainsi on ne voit plus que de très rares
échantillons de ces grandes pirogues portant plus
de t.'îO individus, comme il y en avait à Tonga, et
comme celles qui, au nombre de 160. longues de
14 à 16 mètres, composaient l’élément militaire
d’une flotte de 336 pirogues que Cook vit réunies
à Tahiti en vue d'une expédition contre Tile voi
sine, Moorea. Cependant il y a encore d’intrépides
navigateurs, les habitants des îles Carolines entre
autres, peut-être les plus hardis marins du inonde
entier; sur leurs pmu volants, qui ne sont, en
�somme, quo des embarcations légères, non pon
tées, sans autres guides que le soleil et les étoiles
dont les tempêtes leur dérobent souvent la vue,
ils se lancent en pleine mer et vont jusqu’aux iies
Mariannes avec lesquelles ils ont .des relations
suivies.
Dans quelques archipels (iles de la Société, iles
Marquises) où il n'y a pour ainsi dire qu’à étendre
la main pour trouver sa nourriture sur les arbres
à pain, l’agriculture est à peu près nulle; à Tahiti,
on voit pourtant de belles plantations de taro,
mais pas aussi étendues qu’aux iles Sandwich et
sur d’autres terres moins favorisées. A la culture
du taro, on ajoute celle des ignames et, quelque
peu, des patates douces.
L'industrie était à peu près la même partout et
consistait principalement dans la fabrication de la
tapa, la confection des filets de pêche avec la
bourre de coco, et les fibres extraites des jeunes
écorces de l'Hibiscus titiaceus entre les tropiques, et
du Phormium tcnax à la Nouvelle-Zélande, la fabri
cation de quelques ustensiles, tels que des sébiles
et des plats en bois, des hameçons en nacre, de
grands tambours faits avec un tronc d’arbre creusé
et de la peau de requin, des pagayes, des casselète, etc. Ces derniers, de même que les pagayes,
étaient, dans quelques iles, en bois de Toa (Casuarina equisetifolia) très dur, et malgré cela sculptés
et ciselés très délicatement, surtout si l’on considère
que les ouvriers n’avaient à leur disposition que
des outils de pierre ou des coquilles tranchantes;
aujourd’hui que les outils de fer ont remplacé les
�— 108 —
outils de pierre, on ne fait plus aussi bien, ou,
pour mieux dire, on ne fait plus rien dans ce
genre. La construction des grandes pirogues est à
peu près abandonnée. On trouve plus simple
d’acheter des embarcations aux baleiniers et aux
autres navires de passageHans quelques iles, on trouve des monuments
étranges, ouvrages de générations disparues et
sur l’origine desquels les habitants actuels ne peu
vent donner aucun renseignement : tels sont les
canaux à berges empierrées, les murs cyelopéens,
composés de blocs pesant de sept à huit tonnes,
et surélevés de terre, qu’on voit à l'alan (iles Ca
rolines), et les grands piliers quadrangulaires,
rangés parallèlement deux par deux, de Tinian
(iles Mariannes). Si ces piliers avaient été érigés
par les ancêtres des Mariannais que Magellan vil
en 1521, ces derniers auraient bien dégénéré de
leurs aïeux, car l’état do leur industrie ne compor
tait pas de pareils travaux : ils auraient même
ignoré l'usage du feu qui ne leur aurait été révélé
que par l'incendie d’un do leurs villages brillé par
les Espagnols. Malgré les assertions positives de
Pigafetla, l'historien du voyage do Magellan, nous
ne pouvons croire qu’au xvi° siècle le feu fût in
connu des Mariannais. Ces hardis navigateurs
avaient certainement des relations avec d’autres
terres; il y a, en outre, dans l’archipel des volcans
en activité qui leur auraient fait connaître les effets
du feu, à moins (peut-être?) que ces volcans n’eus
sent été en repos, avant l’apparition de l’homme
sur ces terres, jusqu’à une époque voisine de nous.
�— 109 —
Les statues gigantesques (le file de Pâques sont
encore plus étranges. On a beaucoup discuté sur
sur ces grossières idoles dont on compte près de
quatre cents, sur leur origine, leur construction, la
manière dont ces monolithes, dont quelques-uns,
reposant sur le sol, ont plus de 20 mètres de lon
gueur, ont pu être érigés. Quand elles sonl debout,
ces statues sont ordinairement enterrées jusqu’au
buste, saillant de terre de 6 à 7 mètres. M. Pinarl
(Tour du Monde, 12 octobre 1878), sur l’examen de
quelques-unes de ces statues restées inachevées,
nous parait avoir résolu les deux dernières ques
tions de la manière à la fois la plus simple et la
plus logique. Quant à leur origine, la petite popu
lation polynésienne, qui habile aujourd’hui l’ile de
Pâques, n’en sait rien.
La science des Polynésiens se réduit à bien peu
de chose, mais, comme à tous les sauvages, l’ins
tinct leur a appris des procédés qui étonnent les
civilisés. Leurs connaissances géographiques sont,
en général, vagues comme l’Océan, dont ils contem
plent l’immensité du haut de leurs montagnes.
Cependant il y en a, et même en assez grand
nombre, qui ont l’idée d’autres terres que les pe
tites iles qu'ils habitent, dont les noms leur sont
familiers, et même ils ne se trompent guère sur
les positions respectives de ces terres. La carte de
la Polynésie, dessinée pour Cook par le Tahitien
Tupaia, était bien supérieure aux travaux analogues
dus cartographes du moyen âge. On trouve dans
tous les dialectes polynésiens, pour désigner les
points cardinaux, des expressions adverbiales
�identiques : vers Fintérieur des terres ou vers les
montagnes, vers ta mer, au vent, sous le cent. On sup
pute le temps par nuits et non par jours, par mois
lunaires dont dix font une année; mais, le plus
souvent, quand il s’agit d'un certain nombre d’an
nées, on ne compte plus, on se couteule de dire
qu’tï g a longtemps, très longtemps. Nous avons
pourtant remarqué, aux iles Marquises, que les
naturels ne se trompaient jamais pour la fixation
des jours de fêtes, qui devaient avoir lieu à l'épo
que d’une phase de la lune désignée quelquefois
1res longtemps — deux ans et plus — à l’avance.
Le jour (de 24 heures) se divise en dix ou douze
parties qui ont des noms. Le système de numé
ration n’est pas tout à fait le nôtre. Le môme mot
signifie main et cinq; de dix à vingt on compte
comme nous; après vingt, on compte par vingtaines
ou par quarantaines suivant les différentes iles; mais
de même que pour les années, quand on arrive à
un chiffre un peu élevé on ne compte plus, on se
contente de dire : « beaucoup, beaucoup ».
La nécessité, par suite de leur long isolement,
de chercher sur le sol de leurs iles de quoi vivre,
se vêtir et se guérir, a attiré l’attention des Océa
niens sur les plantes, et l'on est tout étonné de
trouver chez quelques-uns (iles Marquises) de
véritables notions de botanique, quelque chose
qui ressemble de très près aux classifications des
naturalistes.
Les instruments de musique, en usage partout,
sont les tambours, une conque faite avec une grosse
coquille (Triton variegatum), et la flûte en bambou
�dans laqiicüa on souffle avec une des narines. Un
petit instrument qui a eu énormément de succès,
c’est notre vulgaire guimbarde. Mais tous les insu
laires ne sont pas organisés de la même façon
pour la musique. Les Tahitiens aiment le chant
avec passion et chantent juste et agréablement; les
missionnaires méthodistes ont profité de cette
heureuse disposition pour les attirer au temple
au moyeu des psaumes et des hymnes traduits
dans leur langue douce et harmonieuse. Les Ha
waiiens sont beaucoup moins musiciens ; quant
aux indigènes des Marquises, il est impossible de
trouver des gens, plus mal doués pour la musique;
les airs les plus simples, en passant par leur go
sier, devieunnent tout à fait méconnaissables.
On emploie les fruits et les feuilles macérées de
certaines plantes pour faciliter la pêche en eni
vrant le poisson, d’autres pour faire des orne
ments, — les Tahitiens sont toujours couronnés de
Heurs, — d'autres pour guérir les maladies. Les prê
tres (fawn) font l’office de médecins; ils connais
sent bien quelques recettes efficaces contre les
plaies et les blessures ; ils usent beaucoup des
frictions; mais, dans les cas graves, les remèdes
les plus usités sont les sortilèges, les conjura
tions, pour faire sortir Yétua (le dieu) logé dans le
corps du patient et cause de la maladie dont il est
rare qu'il échappe : tout s’explique : il aura en
freint quelque labon! Nous avons vu, sur tous les
points de l'Océanie que nous avons visités, des
individus des deux sexes, plutôt des hommes,
dans toute la force de l'Age, en apparence bien
�— M2 —
solides, être atteints d'uu petit rhume : au bout
de très peu de temps la toux augmentait, puis le
malade arrivait très vite à avoir un asthme des
mieux caractérisés. Il trainait encore pendant quel
ques mois, puis semblait se décider à mourir,
faute d'énergie pour vivre, parfaitement résigné à
son sort; doit-on voir, dans cette résignation, le stoï
cisme d’un esprit fortement trempé, ou tout sim
plement l’insensibilité inconsciente de la brute?
A N’ukuhiva (Marquises), pendant que nous >
résidions, les malades allaient ordinairement se
confiner dans des grottes, d’où ils revenaient bien
rarement en vie. 11 y a peut-être un argument en
faveur du darwinisme dans cette tendance à l’iso
lement qu’on retrouve chez les animaux malades.
Ne serait-il pas aussi eu droit d’invoquer l’habibitude du flair qu’on trouve d’un bout à l’autre do
l’Océanie? Quand nous demandions à un Nukuliivien le nom d’une plante, s’il ne la reconnaissait pas
tout d’abord, il la flairait avec soin dans toutes ses
parties avant de se prononcer. Les Polynésiens,
les Papous pareillement, quand ils se rencontrent,
se frottent réciproquement le nez; cet acte n’est
pas un simple salut : « ce sont deux êtres qui se
Haïrent; ils ne se sont pas vus depuis longtemps,
ou bien ils sont tout à fait étrangers l’un à l’autre,
et ils se sentent comme feraient deux singes1 » (16),
Aux maladies que les Océaniens avaient déjà,
la fréquentation des navigateurs en a ajouté d’au
tres. La syphilis est répandue presque partout,
1. Jules Garnier, Océanie, 1871.
�— 113 —
sinon partout,, présentant souvent l'aspect sous
lequel elle est apparue au xvi° siècle, et dont Fracastor a fait l’elTrayant tableau.
Les rites funéraires n’étaient pas partout les
mêmes. Aux iles de la Société, le cadavre était
placé, dans une bière faite de deux petites pirogues
renversées l'une sur l'autre, sur un échafaudage
recouvert d’un toit en feuilles, jusqu’à la décom
position des chairs ; alors .les os, lavés et ralissés,
étaient enfouis dans un monument funéraire, le
marné (moral), eu môme temps consacré à la
prière et aux sacrifices. Aux iles Marquises, on
pose aussi le tupapao (cadavre) sur un échalTaudage; mais le plus souvent, surtout dans le groupe
nord-ouest de l’archipel, on le momifie en le
frottant constamment avec les mains trempées
dans de l'huile de coco; les intestins sortent par
l’anus à mesure qu’ils se décomposent. Il faut
avoir vu faire cette dessiccation (hakapahaa) pour
se faire une juste idée de ce qu’elle a de hideux,
d’horrible. Au bout d’un mois ordinairement, le
corps est desséché et n’exhale plus de mauvaise
odeur; on le couche alors dans.le cercueil com
posé de deux troncs d’arbres creusés, qu’on en
toure d’étoffes et de bandelettes ; on le suspend au
faite de la maison, ou on le porte dans quelque
cavité de rochers.
A la Nouvelle-Zélande, avant l'introduction du
christianisme, les morts étaient inhumés seule
ment trois jours après le décès, bien frottés d’huile ;
ils n’étaient pas mis eu terre couchés tout de leur
long, mais assis, les membres inférieurs repliés
J ouan. — LXV.
8
�coutre le ventre. On disposait sur la tombe des
vivres, quand il s’agissait d’un personnage impor
tant-, pour la nourriture de son waidiua (l’âme)
pendant son voyago jusqu’à Reinga, le cap Nord
de l’ile lka-a-Maui, où se réunissent les chefs
morts ; quant aux gens des classes inférieures, ils
meurent tout entiers. Au bout du temps néces
saire pour la décomposition, on déterrait le corps,
et les os étaient portés dans quelque Gavernc, sé
pulture de la tribu ou de la famille.
Partout los funérailles sont accompagnées de
pleurs, du cris, de hurlements, commençant, lu
plus souvent plusieurs jours avant le trépas du
moribond dont tout ce tapage hâte certainement
la (in. Les femmes se tailladent la ligure avec des
coquilles, des éclats de bambou ; le sang coule
abondamment do ces plaies; elles pleurent de véri
tables larmes et rient aux éclats une minute
après! Quelquefois, quand le défunt était un per
sonnage marquant, on immolait quelques victimes
humaines; c'était do règle aux iles Sandwich, et
quand nous étions aux ilos Marquises, chaque fois
quion entendait dire quo quelque chef ou quelque
prêtre do haut rang venait de mourir; partout où
ne s’étendait pas directement notre autorité, tout
le monde était aux aguets, surtout les individus
appartenant à de petites tribus faibles, à cause dos
individus à la recherche de victimes pour apaiser
les mânes dui défunt. La tribu de ce dernier était
ordinairement soumise à un long tabou, plein do
restrictions très;gènante&i
L'habitude de préparer, de dessécher au, moyen
�— Hü —
de la fumée les télés des ennemis pour en faire
des trophées, et quelquefois celles de leurs parents
en souvenir d’eux, semble avoir été particulière
aux Néo-Zélandais.
La naissance des enfants no donne lieu, en gé
néral, à aucune cérémonie. Dans la plupart des
archipels, ils ne sont pas élevés par le père et la
mère, mais par des parents d'adoption ; à peine
une femme est-elle enceinte que c’est à qui retien
dra l’enfant à naître. Ces adoptions, motivées sans
doute par le désir de se procurer des alliances
avec d’autres tribus, produisent dans les parentés
une eonfusiou difficile à débrouiller. Il y a, en
outre, des adoptions entre gens de tout âge; rien
de plus commun que de voir un enfant se dire le
père ou le grand’père d’un vieillard.
Une coutume, qui tient des parentés d’adoption,
consiste à changer de nom avec un ami, ce qui
crée une amitié beaucoup plus étroite et des de
voirs, des obligations réciproques.
Le mariage n’est, en général, qu’une simple con
vention : on se quitte avec la même facilité qu’on
s’est engagé. La polygamie est rare; quelques chefs
seuls se permettent io luxe de plusieurs femmes,
mais il est assez commun de voir une femme
ayant plusieurs maris vivant en bonne intelligence.
La condition des femmes, chez les Polynésiens
e( les Micronésiens, est ordinairement meilleure
que chez la plupart des peuples sauvages; sans
ôlre lout à fait les égales des hommes, il n’y a pas
entre elles et eux la distance qu’on voit ailleurs,
chez les noirs océaniens par exemple. Quelques-
�—
n e
—
au temps de Wallis, la fameuse Pomarê, Vaekéhu à
Nukuhiva, la grande prêtresse Mataheva dans la
même ilc, etc.}. Il y aurait pourtant une exception
à faire pour la Nouvelle-Zélande où la condition
de la femme était misérable.
Presque partout, avant le mariage les filles dis
posent de leurs personnes comme elles l’enten
dent et ne s’eu font pas faute, dès l’âge de onze ou
douze ans, mais, une fois mariées, il faut l'ordre ou
l'autorisation du mari, que celui-ci donne tou
jours, quand cela lui rapporte, bien entendu.
Les nouveau-nés ne manquent pas de soin ; ce
pendant l'infanticide était très commun chez la
plupart des Polynésiens et des Micronésiens, et
dans beaucoup d'endroits on le pratique encore
sans scrupule. Avec cette coutume criminelle, les
parentés d’adoption, le peu de consistance du ma
riage, on ne doit pas s’étonner si, dans ces socié
tés, les liens de famille étaient très relâchés.
Les Polynésiens ont une nombreuse hiérarchie
de dieux (Etna, Alun), dont on voit les grossières
images sculptées en pierre ou en bois ; quelquesunes de ces idoles en pierre dure ont dû coûter
beaucoup de travail avec les outils primitifs d’au
trefois. A la fin du dernier siècle, on trouvait des
prêtres, des chefs, qui gardaient le dépôt des tradi
tions et des croyances; mais depuis lors, les prédi
cations des missionnaires, la fréquentation des na
vigateurs, l’envahissement des étrangers, les pro
grès plus ou moins marqués de la civilisation,
�— H7 —
tendent à faire disparaître rapidement les traditions
des anciens âges ; à peine trouve-t-on aujourd’hui
un petit nombre de vieillards et de prêtres capables
de donner sur leur mythologie compliquée quel
ques détails incohérents qu’on a beaucoup de
peine à leur arracher, beaucoup plus parce qu’ils
sont eux-mêmes très ignorants sur tout cela que
par tout autre motif. Le reste du peuple l’est en
core bien davantage, et môme, dans certains en
droits, les jeunes gens, devenus sceptiques au con
tact des étrangers, se défendeul de rien entendre
à tous ces radotages. Les premiers missionnaires
protestants ont aussi beaucoup contribué à faire
oublier les traditions religieuses en proscrivant
comme des péchés, presque des crimes, tout ce
qui pouvait en rappeler le souvenir.
Les divers' éléments constituant le monde ont
été créés par des dieux différents qui changent
quelquefois de nom suivant les iles, mais leur his
toire est la même. Maui a fait sortir les terres des
eaux ; Atea, le dieu des pierres, en pêchant à la
ligne, a retiré de la mer un énorme rocher qui a
approvisionné le monde en cailloux; Toètia préside
au tonnerre ; Hanau a créé les poissons ; Tiki est le
dieu et l’inventeur du tatouage ; aux iles Marqui
ses, c’est le dieu le plus en faveur; son image,
un homme monstrueux, avec un nez épaté très
large, de grands yeux, une bouche énorme, un
gros ventre, les jambes fléchies, les bras collés au
corps, les mains se joignant sur l’abdomen, se voit
partout. Dans le même archipel, Tupa est sans
doute le père des autres dieux, el Hina, sa femme,
�— 118 —
leur mère. Aux iles Sandwich, Pélé, la déesse des
feux souterrains, habite le cratère de lvilauea. Le
principal des dieux tahitiens était Oro, le dieu de
la guerre; Tangalou était en grande favour à la
Nouvollo-Zélaude. Les Néo-Zélandais avaient un
chant religieux et patriotique, le Pihé, commun à
•toutes les tribus de l’ile du Nord ; mais déjà, au
temps de d’Urville (1827), il n’était que très im
parfaitement compris par ceux qui le cbantaienl.
Dans toutes les iles, chaque vallée, chaque localité
a son dieu particulier, en sorte que le nombre
total des divinités est incalculable. Ces divinités
ont, en général, la forme humaine; los indigènes
de Hawaii prirent Cook pour Lono. un de leurs
premiers souverains, exilé volontaire de son pays,
déifié ensuite, et qui avait promis à ses sujets de
revenir un jour visiter leurs descendants; aussi
n'hésitèreul-ils pas à décerner à Cook les 'honneurs
divins que ce dernier, il faut le dire, accepta avec
une certaine complaisance, et sa mort violente, du
fait de ses adorateurs, n’eut pas pour clfet de les
désabuser. Outre cos dieux à forme humaine, dans
quelques iles on adorait des animaux, los requins,
par exemple, aux iles Tonga. Ailleurs, on adressait
dos prières à des fétiches, des plumes, des mor
ceaux de bois, de petites idoles, etc.
S’il faut en croire le capitaine ErSkine, aux iles
Samoa, au lieu de faire créer la terre ferme par
un dieu pêchant à la ligne, on raconte quo les
iles et les rochers sont tombés du ciel.
Los prêtres des divinités son! de doux sortes ;
les tami ou grands-prêtres et grandes-prêtresses,
�et les luhuka (lultuna, tuhumja), de rang inférieur,
très peu importants en comparaison des autres.
Les premiers cumulent les fonctions de médecins et
d'interprètes de la divinité, y joignant souvent la
rpialitê do chef, et disposant du tupu, ce qui suffit
pour les faire craindre. Dans les circonstances or
dinaires, les Polynésiens — surtout aujourd’hui —
sont peu respectueux à l'endroit de leurs dieux et
de leurs prêtres; ils vont même jusqu’à considérer
ces derniers à peu près comme des imposteurs
dont ils devinent les jongleries, — la ventriloquie
est un des principaux moyens employés pour
faire entendre la parole de ïetua à la foule ;— mais
telle est la force de l’éducation et des préjugés
qu’ils observent aveuglément tout ce que ces im
posteurs leur commandent, jusqu'à se laisser
mourir si ces derniers leur persuadent qu'ils ont
enfreint quelque tabou.
11 existence croyance à une autre vie, mais cette
croyance revêt une forme poq consolante; ainsi .les
chefs, les puissants, les heureux de ce monde, au
ront encore la richesse et la puissance dans l’autre,
tandis que les pauvres diables meurent tout en
tiers, ou vont tout au plus dans une sorte d’enfer
où ils n’ont pas plus de jouissances que dans ce
monde-ci. C’est de cet enfer [hamii, liavaihi) que
sortent les revenants qui viennent tourmenter les
vivants. Pour tous les Polynésiens, l'homme a,
connue chez les anciens, un esprit, une âme
(kuhane aux iles Marquises, toividua à la Nou
velle-Zélande) résidant dans le souffle. C’est pour
celte raison que fou presse fortement, avec tes
�mains, la bouche el les narines des mourants, afin
d’empêcher leur «âme do s’échapper, procédé qui
hâte très souvent leur fin. Dans quelques iles, l’es
prit séjourne dans le ventre; mais, le plus ordinai
rement, c’est dans l’œil gauche qu’il se trouve.
Après la mort, il reste pendant plusieurs jours aux
environs du cadavre; à la Nouvelle-Zélande, c’est
au bout du troisième jour que le waiilm se rend
au cap Reinga.
Aux iles Marquises, par suite de son isolement,
de la difficulté de communiquer avec les vallées
voisines, chaque vallée forme ordinairement une
unité politique, un centre habité par une tribu re
connaissant un chef (hakaiki). Quelquefois il y a
autant de tribus cl de chefs que de groupes de
maisons. La loi salique n'existe pas : la femme ou
la fille peuvent hériter de la dignité du mari ou du
père. Dans les circonstances ordinaires de la vie, la
plus parfaite égalité règne entre les chefs et leurs
sujets dont rien ne les distingue. 11 n’y a que dans
les cas graves, tels que la guerre et la préparation
des fêles, qu’ils exercent une autorité réelle. Au
trefois, le pouvoir des luikaiki était considérable,
sans contrôle, accepté sans contestation, mais au
jourd’hui ils ne sont plus que les patrons, les
maîtres faciles de domestiques plus ou moins
nombreux qui vivent sur leurs terres comme fer
miers ou comme serviteurs. 11 y a aux Marquises
une véritable aristocratie de naissance qui possède
la terre et a pour clients le reste de la population ;
ailleurs on trouve la communauté des biens par
tribu, ou par famille, el la propriété individuelle.
�L'organisation sociale et politique des Néo-Zé
landais rappelait beaucoup les anciens clans
d’Ecosse. Dans l’archipel des Sandwich, jusqu’au
jour où Karaehameha le soumit tout entier à son
autorité, chaque ile obéissait à des chefs différents,
mais il y avait pourtant une sorte de féodalité.
11 en était de môme aux ilos de la Société. Cha
que ile avait un souverain distinct (arii-rahi), et
môme chacune des deux péninsules dont l’ensemble
constitue Tahiti avait le sien. \! arii-rahi avait pour
vassaux des arii qui, dans les circonstanscs ordi
naires, étaient tout à fait maîtres dans leurs districts ;
mais, dans les grandes circonstances, la guerre par
exemple, il commandait tous les contingents qu'ils
étaient tenus de lui fournir. Au-dessous des arii,
une sorte de classe noble occupait les terres qu’elle
tenait d’eux ; puis venaient des prolétaires auxquels
étaient dévolus les travaux manuels. Dès que
Yarii-rahi ou un arii avait un enfant, le pouvoir
appartenait à ce dernier dès le moment de sa nais
sance; son père n’était plus qu’un régent, qui ne
s’approchait plus de son enfant qu’en lui donnant
les marques extérieures de respect dues aux per
sonnes de haut rang, et dont une consistait à ne se
présenter devant elles que le haut du corps décou
vert jusqu’à la ceinture.
L’archipel doit son nom européen, iles de la So
ciété, aux Arioï, qui formaient une corporation,
une confrérie ayant ses initiations, ses mystères,
sa hiérarchie, ses statuts. Les femmes y étaient en
commun ; l’avortement et l’infanticide étaient les
règles fondamentales de l’association. On a cru
�,oir da us les arioi une institution économique
par laquelle dos législateurs prévoyants, de vérilables Malthusiens, se seraient proposé d'arrêter
l'aceroiseinenl exagéré de la population sur des
terres où les ressources alimentaires étaient forcé
ment restreintes. Telle était peut-être l’idée pre
mière de l'institution, mais celle*ci n’avait pas
tardé à dégénérer, ot elle ne servait plus qu’à fa
voriser la débauche la plus illimitée et à épargner
aux femmes les soucis ot les embarras de la ma
ternité. Les arioi ont disparu devant la prédica
tion du christianisme.
Dans les plus anciens récits sur l’archipel Tonga,
on le voit tout entier sous l’autorité d’un chef
unique, d’origine divine, de Tui-Tonga, qui cumu
lait le pouvoir spirituel avec le pouvoir temporel ;
dans la suite dos temps, ce dernier pouvoir arrive
peu à peu à l'emporter sur l’autre; l’autorité se
fractionne entre plusieurs chefs, lorsque, dans le
commencement de ce siècle, deux hommes remar
quables, Tiuauje père, puis Finau de (ils, prépa
rent, par leurs luttes et leur persévérance, le retour
de l'autorité entre les mains d’un seul individu
qui commande à des vassaux hiérarchisés, les épi,
les matabulé, deux classes nobles, les mua, intermé
diaires entre la noblesse et le polit peuple, tua.
Gomme.oelaa presque toujours— sinon toujours
— lieu chez les peuples primitifs, Tétai de guerre
était à peu prés permanent dans la Polynésie et
dans la Micronésie, et c’est encore le cas au
jourd'hui dans beaucoup d’iles. Les armes étaient
dos easse-téte, des lances armées de pointes de
�— 123 —
pierre ou il oâ, des sagayes jetées à la main, des
frondes:; l’arc et les flèches n’étaient pas en
usage (17). Les guerres ne consistent le plus sou
vent qu’eu embuscades, en surprises; aujourd’hui,
elles soûl peu meurtrières, depuis Xintroduction
des armes à feu dans presque toutes les iles du Pa
cifique, parce que, au lieu de se joindre corps à
corps comme autrefois, on se contente d’escarmoueher, souvent à des distances incroyables.
Quelques coups tirés au hasard, avec de mauvais
fusils, constituent une bataille dans laquelle il n’y
a pas toujours mort d'homme, mais malheur à
ceux qui se laissent surprendre! Ils sont, presque
toujours impitoyablement massacrés, el la plupart
du temps leurs cadavres sont dévorés par les
vainqueurs.
L’anthropophagie:a été trouvée en vigueur pres
que partout dans l’Océanie, chez les races noires
comme chez les races brunes; elle est pratiquée
encore aujourd’hui dans beaucoup d'archipels dont
les habitants ont pourtant, depuis de longues an
nées, des relations très fréquentes avec les Euro
péens. Les belliqueux Néo-Zélandais ne faisaient
pour ainsi dire la guerre que pour avoir l’occasion
de faire de copieux repas de chair humaine. Aux
Marquises, le cannibalisme existe encore, mais
sur une échelle bien moindre; on mange peut-être
encore de l’homme dans une partie des Paumotu,
à coup sur dans la plupart des iles microuésiennes.
Presque partout les sacrifices humains accompa
gnent l’anthropophagie.
Elle n’existait pas à Tahiti lors de la découverte
�m —
par Wallis, mais on y sacrifiait des hommes aux
dieux, et, dans les sacrifices, il y avait une céré
monie qui était certainement une réminiscence du
temps où le cannibalisme aurait été en vogue : le
prêtre arrachait avec le petit doigt l’œil gauche de
la victime (séjour de l’âme) et le présentait au
chef qui faisait semblant de l'avaler. C'était un
des privilèges des grands chefs; avant d’avoir pris
le nom de sa dynastie, la reine Pomaré s’appelait
Ai-mata, et ce nom, auquel on a voulu trouver
une signification poétique, veut tout simplement
dire Manr/e-l'œil.
En 1778, les Hawaiiens témoignèrent à Cook une
horreur profonde du cannibalisme; il parait cepen
dant que ce sentiment n’était pas général et qu’un
chef aurait dit au navigateur anglais que rien n’était
savoureux comme la chair humaine : on mangeait
aussi quelquefois les cadavres des princes pour
qu’ils ne fussent pas profanés. On a sacrifié des
hommes aux dieux dans l’archipel hawaiien jus
que vers 1820.
Les naturels de Tonga, d’après Mariner (18), au
raient dù l'anthropophagie aux rapports très fré
quents qu’ils avaient avec les Fidjiens, mais, au
lien d’en faire, comme ceux-ci, une habitude de
tous les jours, ils ne s’y livraient que par accident;
par ailleurs, on sacrifiait aux dieux des femmes et
des enfants. Eu signe de deuil, on se coupait une
ou plusieurs phalanges des doigts des mains; au
jourd'hui, on rencontre encore beaucoup d’indivi
dus ainsi mutilés. Il paraîtrait que le cannibalisme
n’aurait été qu’accidentel aux iles Samoa.
i
�Le manque 't'espace ne nous permet pas de rechercher les causes de l’anthropophagie, de dis
cuter la question de savoir si elle a procédé ou
suivi les sacrifices humains. Nous craignons bien
que toutes les sociétés, à leur berceau, n’aient
commencé par être anthropophages, poussées par
le besoin d’une alimentation plus substantielle et
plus assurée que celle que pouvaient procurer des
végétaux poussant spontanément, la pèche ou la
chasse, quand on n’avait à sa disposition que les
instruments primitifs de la pré-histoire; sous ce
rapport, nos ancêtres ne valaient ni plus ni moins
que les cannibales de la Mer du Sud; mais, plus
tard ce ne fut plus le besoin seul qui poussa les
hommes à manger leurs semblables. Sans sortir
du Pacifique, nous trouvons des populations très
bien douées, ayant des mœurs et des institutions
qui paraissent incompatibles avec cette barbarie ;
elles y furent incitées par des motifs plus élevés,
des causes morales, s’il est permis d’employer ces
mots en pareil cas, la gloriole, la vengeance satis
faite, etc. Un vieux chef des Marquises, autrefois
grand mangeur d'hommes, nous a souvent dit
qu’en réalité la chair humaine était bien moins
savoureuse que la viande de porc, et que l'anthro
pophagie était beaucoup plus une affaire de gloriole
qu’autre chose; cependant il convenait qu’il y
avait une certaine satisfaction, qui avait bien son
prix, à faire un repas plus succulent que le repas
habituel de popoi (pâle de fruit à pain). A l’appui
des causes morales dont nous parlions tout à l’heure,
on peut invoquer ce qui s’est passé à la Nouvelle-
�— 126 —
Zélande pendant la guerre que les Maoris faisaient
aux Anglais, il y a vingt ans. Nous avons été té
moin do l’émotion causée à Auckland; en 1861,
quand on y apprit qu’à lai suilo d’un combat, los
Maoris vainqueurs avaient arraché le cœur et les
yeux des soldats anglais tués et les avaient dévo
rés, ospérant, conformément à l’antique croyance,
hériter par là do la bravoure de leurs adversaires,
qu’ils ne contestaient nullement;: et pourtant ces
Maoris étaient dos chrétiens, des protestants fer
vents, qui avaient, quelque temps auparavant,
reproché amèrement aux Anglais de les avoir
attaqués un dimanche, à l’heure de l’office divin!
Sur des récits de cannibalisme et sur des actes
de violence Gommis par eux, ou a accusé la plu
part des Océaniens de perfidie, de cruautés atroces ;
nous ne prétendons pas les excuser toujours : ainsi
on no tarda pas à reconnaître que le nom d'lies
îles Amis donné aux iles Tonga, parce qu’on n'avait
pas vu d’armes entre les mains des habitants, était
une ironie, les relations de ces derniers avec les
navigateurs ayant presque toujours été, jusqu’à
une date très rapprochée de nous, signalées par
dos actes d’hostilité. En 1787, ceux des-iles Samoa,
sans aucune provocation, massacrèrent le second
de La Pérouse, de hanglè, el onze marins de l’ex
pédition : aujourd’hui, tout le monde s’accorde pour
vanter leur caractère, la douceur de leurs mœurs.
Tous los insulaires de la Mer du Sud, disent les
navigateurs du dernier siècle, étaient d’etfrontés
voleurs : d’accord, mais ne faut-il pas faire la part
de la curiosité et des tentations irrésistibles, à la
�— 127 —
vue d'objets fioul ces hommes intelligents avaient
toul de suite compris l'usage et l’utilitê? Les étran
gers niétaienl-ils pas queltjuefcis bien sévères dans
la répression de larcins souvent insignifiants et
que, dans tous les cas, ils auraient pu éviter avec
un peu de surveillance?
Quand le Pacifique commença à ôtro sillonné
parles navires de commerce, baloiuiors, sandaliers,
troqueurs, etc., ce fut bien pis: de toutes parts
s’éleva un concert de plaintes sur la cruauté, la
perfidie dos insulaires; on n’entendit plus que de
lugubres histoires d’équipages entiers tués et
mangés; cela arrivait et arrive encore assez fré
quemment, il est vrai ; mais, en allant au fond des
choses, il faut reconnaître que les premiers torts
ne viennent pas toujours (les sauvages, que ceuxci n’agissent souvent que par représailles à l'égard
d'étrangers peu scrupuleux qui se croieul tout per
mis, môme dos actes qui, en pays civilisé, seraioul
punis comme des crimes. Nous pourrions citer,
malheureusement on grand nombre, des faits igno
minieux dont nous avons été témoin, — et triste à
dire — très souvent les naturels sont excités à la
violence par des vagabonds dont on trouve des
échantillons dans toutes les ilos, déserteurs do
navires, échappés des bagnes de l’Amérique occi
dentale et de l’Australie, qui donnent au monde le
Iriste spectacle de l’homme civilisé redevenu sau
vage. Combien de Kanaks n’ont-ils pas été enlevés
par des baleiniers ayant besoin de compléter leurs
équipages, puis jetés à terre loin de leur pays, sans
rémunération, quand on n’avait plus besoin de
�—
128
—
leurs services? Il n’y a que quelques années, — et
peut-être cela se pratique-t-il encore, — que des na
vires parcouraient le Pacifique par ce qu'on appelait
par euphémisme le labour trade, c’est-à-dire l’enga
gement volontaire des travailleurs, et qui n’était, on
réalité, que le rapt, le vol à main armée de mal
heureux insulaires qu’on allait ordinairement ven
dre aux exploiteurs, du guano des iles Chinchas.
Les Polynésiens et les Micronésieus ont, comme
tous les sauvages, tous les peuples primitifs, une
somme de bonnes qualités et de mauvaises; chez
les uns, un caractère plus expansif, dil peut-être
à une plus grande facilité d’existence, met les pre
mières en relief : c’était le cas des Tahitiens, qui ne
semblaient être créés que pour le plaisir, qui néan
moins égorgeaient dos victimes humaines et se li
vraient à des cruautés envers les vaincus dans
leurs guerres presque continuelles, en même temps
qu’ils répondaient aux procédés de répression
sommaire et brutale des étrangers par de doux
reproches : •< Vous vous dites nos amis et vous nous
tuez » (voyage de Bougainville), et continuaient à
leur donner l’hospitalité la plus large. C’étaient
avant tout des gens gais, à impressions mobiles et
passagères ; leurs joies et leurs chagrins étaient ceux
des enfants. Tels qu’ils étaient, tels ils sont restés,
malgré tous les progrès qu’ils ont pu faire en civi
lisation. Si les navigateurs d'il y a cent ans reve
naient, ils trouveraient encore dans les Tahitiennes
les vierges folles d’autrefois, avec.' cette différence
pourtant que ce qu’on faisait alors avec la plus
parfaite inconscience, par bonté d'âme, on ne le
�-
129 -
fait plus maintenant <|uc par calcul. 11 en est, du
reste, de mémo dans les autres archipels polyné
siens, sauf de rares exceptions, par exemple les
îles Gambier et les îles Wallis, où les missionnaires
ont réussi à réformer la licence d’autrefois.
Les Tahitiens sont toujours bruyants et causeurs,
aussi le gouvernement parlementaire, dont les
missionnaires anglais les avaient dotés, leur con
venait-il tout à fait, en leur procurant l’occasion de
donner cours à leur éloquence. Ils aiment aussi les
procès, non par esprit querelleur, mais parce que
c’est une occasion de discourir; on voit les parties
adverses se rendre au tribunal, riant et causant
ensemble le long de la roule, et s’en retourner de
même, « amis comme devant ».
A ces bonnes qualités il faut joindre lo courage
personnel ; pendant les luttes auxquelles a donné
lieu rétablissement du Protectorat, nous aurions
pu nous trouver en face d’adversaires plus disci
plinés, plus habiles, mais non plus braves. Ajoutons
qu’à Tahiti tout le monde sait lire et écrire.
Comparés aux Tahitiens, les Hawaiiens sont
taciturnes ; les naturels des Marquises le sont en
core bien davantage. Leurs tatouages, qui leur
donnent un air plus sombre, la formidable voix de
basse-taille avec laquelle ils scandent profondé
ment les syllabes de leur âpre langage, le canni
balisme existant encore dans leurs iles, leur ont fait
du tort; mais nous pouvons affirmer, pour les
avoir fréquentés pendant des années que, sous le
rapport des qualités morales, ils ne différent guère
des Tahitiens.
Jouan. — LXV.
9
�— 130 —
Ces derniers ont été appelés les Sybarites de la
Potnéysie, et les Tongans, les Spartiates. Ce nom
conviendrait peut-être mieux aux Néo-Zélandais,
endurcis par un climat plus rude. Les Maoris onl
été peints sous les plus sombres couleurs par les
navigateurs du dernier siècle et des trente-cinq
premières années du siècle présent : il est de fait
que peu do navires passaient à la Nouvelle-Zélande
sans avoir quelques individus de leurs équipages
tués et dévorés; mais, ici encore, tous les torts ne
venaient pas toujours des sauvages. Malheureu
sement ceux-ci, englobant tous les étrangers dans
une solidarité étroite, faisaient souvent payer des
innocents pour des coupables ; ainsi, il est bien
possible que Marion ait été massacré eu repré
sailles d’actes commis par Surville, avant son
passage. En outre, au lieu de gagner, ils n’avaient
fait que perdre au contact des blancs, des équi
pages de baleiniers , souvent recrutés dans
l’écume des ports de mer, et des évadés des péni
tenciers australiens. Ce n’était pas sans raison
qu’on les dépeignait comme des sauvages vindica
tifs, hypocrites, perlidcs, envieux, dépourvus de
toute dignité, prostituant leurs femmes et leurs
filles, voleurs, ivrognes, mendiants importuns ,
d'tme saleté révoltante ; mais peu à peu, grâce à
leur intelligence native, il y a eu des changements
heureux, et maintenant, parmi les Maoris, on trouve
des individus très civilisés. A l’exception peut-être
de quelques petites tribus de l’ile du Milieu, peu
plée seulement sur une faible partie de sa surface,
ils sont aujourd’hui chrétiens (protestants ctcalho-
�__
liques); au moins de nom, et n’ont aucune répu
gnance à fréquenter les écoles. Grâce à leur persé' vérance, ils sont admis à présent à se prononcer
dans les affaires du pays, non seulement comme
électeurs, mais encore comme éligibles dans le
Parlement colonial, où quelques-uns étonnent par
leur bon sens, leur esprit pratique, et en même
temps par leur langage imagé.
Toutes les populations dont nous venons de par
ler, surtout celles des îles tropicales, ont un défaut
| capital à notre époque utilitaire : la paresse. En
dehors de ce qui est indispensable pour satisfaire
è les besoins corporels, — et souvent de la manière
la plus restreinte, — il est impossible de tirer
d’elles le moindre travail et surtout de les as
treindre à un travail régulier. Cela se comprend
sur ces terres où le plus souvent, avons-nous déjà
dit, il n’y a qu’à allonger le bras pour cueillir sa
nourriture sur les arbres, mais on le conçoit moins
sous un climat tout juste tempéré, comme celui
de la Nouvelle-Zélande, et pourtant, — instinct de
race , — les Maoris ne sont, pas plus laborieux
«pie les autres. Il n’y a qu’à l'occasion des fêles
publiques que les Polynésiens sortent de leur in
dolence ; personne alors n’est avare de sa peine. Ces
fêtes ont un cachet différent suivant les iles où elles
se passent; ainsi dans les koika des Marquises,
dont les préparatifs durent quelquefois pendant
des mois et môme pendant des années, on retrouve
l’aspect sombre, le caractère taciturne des indi
gènes. Aujourd’hui, ces fôtes ne sont plus guère
que des occasions de consommer énormément des
�victuailles. Nous les avons vues encore dans leur
splendeur, il y a vingt-cinq ans; la première fois
qu’on y assistait, il était dilTirile de ne pas être im
pressionné;! la vue de ces anthropophages, montrant
leurs dents blanches en poussant des hurlements
affreux, grisés par le bruit, quelques-uns portant
à leurs ceintures des crânes humains, à moitié
remplis de petits cailloux qui faisaient une horrible
musique quand ils gesticulaient.'
Les danses des Maoris ont aussi un caractère fa
rouche. 11 en est tout autrement dans les Upa-upa
. de Tahiti où tout respire le plaisir. Ces Upa-upa
ne sont plus maintenant que la pâle copie de celles
dont parlent les vieux voyageurs ; cependant le
déillé des habitants des différents districts avec
leurs bannières, vêtus uniformément de costumes
de tapa fabriques exprès pour la circonstance, ne
laisse pas que d'ôtre curieux et intéressant. Il en
est de même des danses, ou plutôt des espèces de
ballets, où le jeu des acteurs étonne par l’ensemble
et la précision de leurs mouvements. Ces fûtes
durent quelquefois trois ou quatre jours, mais à la
fin.... tirons un voile : le Tahiti d’autrefois renaît
là tout entier.
Nous avons, à diverses reprises, signalé l’unité
de langage remarquée dans la Polynésie, l’affinité
étroite de dialectes qu’on y parle. Aujourd'hui,
grâce aux missionnaires et aux résidents euro
péens, on a des grammaires de presque tous ces
dialectes, cl des vocabulaires qui donnent une
surabondance de mots : avec ces moyens d’étude,
il semble qu’il devrait être facile d’arriver â se
�— 133 —
faire comprendre des indigènes ou à les compren
dre : il n'en est rien. La construction des phrases,
l’emploi et le nombre de particules, plus pressées
que celles qu’on remarque dans le grec, déroutent
complètement le débutant. D'où cela vient-il? De
ce que les grammaires polynésiennes out été cal
quées sur nos grammaires ; on a appliqué au dis
cours les mômes divisions, les mêmes parties que
dans nos langues d'Europe, sans s’inquiéter si ces
divisions pouvaient s’appliquer aux idiomes de
la Polynésie ; de là ont surgi des difficultés qui
paraissent insurmontables et qu'on eût évitées, ou
au moins Icouvées toutes simples, si l’on avaitprocédé plus logiquement. En étudiant les moeurs, le
degré d’avancement social des peuples, en cher
chant comment ils pensent, on eût vu comment ils
doivent parler.
Celte étude a été faite de main de maître, il y a
déjà longtemps (19), par M. Gaussin. Nous ne pou
vons pas le suivre dans tous les développements
dans lesquels il entre; nous essayerons cependant
de faire comprendre le mécanisme de la langue
polynésienne qui, loin d’être compliqué, comme il
parait l’être au premier abord, est au contraire
très simple, montrant que la langue est restée dans
un étal de jeunesse relative, en harmonie avec
l'état social des populations. Elle a dépassé, il est
vrai, la forme monosyllabique pour prendre la forme
agglutinante; mais la répétition d'une ou plusieurs
syllabes, très usitée dans la formation des mots,
la fréquence des onomatopées , les nombreux
exemples d’harmonie imitative, le grand nombre
�-
134 —
de mots à sons concret, comparé à celui des mots à
sens distrait, très rares, sont un indice certain du
peu de développement du langage.
Dans l'ensemble des idiomes de la Polynésie, on
reconnaît cinq voyelles et seize consonnes 1; mais
ces dernières ne paraissent pas dans tous les
dialectes; elles se remplacent les unes par les
autres, suivant des règles propres à chaque dia
lecte, ou seul élidées; presque toujours, dans ce
dernier cas, une petite aspiration gutturale eu rap
pelle le souvenir. Les mots sont toujours terminés
par une voyelle; jamais deux consonnes ne se
suivent, tandis que très souvent plusieurs voyelles
sont placées bout à bout, faisant chacune une
syllabe distincte. Il n’y a pas de diphtongues.
Comme dans toutes les langues peu avancées,
les mots représentant souvent des images, on doit
en trouver plusieurs pour particulariser des idées
très voisines : ainsi, par exemple, le mol manger a
beaucoup de traductions, suivant ce qu'on mange,
la manière dont on mange, etc., etc. Aux iles Mar
quises, poca exprime la beauté chez l'homme;
1. Les cinq voyelles sont a, e (prou, é), i, o, u (prou,
oit); les seize consonnes sont b, d, f, g (dur), h, k, I,
m, n, 7ig, p, r, s, t, v, w. Dans les iles de l'ouest, on
trouve souvent teh ou dj il la place de k. — ng est une
véritable consonne nasale tenant le milieu entre n et g,
remplaçant aussi fréquemment le /<; le son nasal ne
doit jamais porter sur la syllabe qui précède : ainsi
tangata (homme), même valeur que taata, kanaka,
kenana, etc., dans d’autres dialectes, doit se prononcer
ta-ngata. — h et w sont toujours aspirées; h, dans
quelques dialectes, a un peu le son de s/i eu anglais.
�— 133
celle beauté ne produit pas sur le spectateur la
même sensation que la beauté de la femme, aussi,
pour exprimer celle-ci, etnploie-t-on un autre mot;
de même pour la vieillesse chez la femme ou chez
l’homme : un autre mol s’applique à une vieille
chose; la tête d’un homme, celle d’un animal ter
restre, celle d’un poisson, sont désignées différem
ment, etc., etc.
Nous remarquons des mots polysyllabiques et
des mots monosyllabiques. La plupart de ces der
niers sont des particules qui, comme nons le
verrons, jouent un rôle considérable dans le dis
cours. Los autres mots sont des uoms de deux
sortes, uoms propres et noms communs, les pre
miers servant à désigner un être, un lieu, un objet
déterminé, représentant une idée concrète. Les
pronoms personnels sont dans le même cas; aussi
doit-on les considérer comme des noms propres.
Les noms communs polynésiens correspondent
à nos substantifs, à nos adjectifs, à nos adverbes.
Nos langues avancées o n t, pour indiquer les
diverses manières d’être d'une idée première, des
mots de forme différente; prenons, par exemple,
notre mot chaud, créé pour exprimer la sensation
que fait percevoir un état particulier d’un objet :
l’esprit, en généralisant, en décomposant, en ana
lysant, etc., etc., arrive aux idées de chaleur, de
chauffer, d'être chaudement etc., etc.; en polynésien,
ces diverses opérations de l’esprit ne sont pas
encore traduites dans le langage, et le même
mol, chaud, est employé pour exprimer les divers
états énoncés plus haut.
�—
— 136 —
Les mois devenant, selon la nature des idées,
des adjectifs, on les emploie alors comme qualifi
catifs en les plaçant après le nom à qualifier. Au
moyen de la qualification, on exprime le genre du
nom quand cela est nécessaire, par exemple pour
désigner le sexe chez les animaux. Par le mémo
procédé, la qualification, on exprime les dilTérents
degrés d'intensité correspondant à nos comparatifs
et à nos superlatifs, en ajoutant au nom des mots
exprimant, suivant le cas, une idée du grandeur
ou de diminution. Quelquefois aussi, le procédé,
très simple et très primitif, du redoublement d'un
mot, est employé pour rendre les degrés d'inten
sité. Pour exprimer un jugement, une comparai
son entre deux objets, on se servira de deux pro
positions. Exemple : « Pierre est plus grand que
Paul ; » on dira : Paul grand, Pierre plus grand; ou
bien encore : Paul petit, Pierre grand.
Le nombre, dans les noms polynésiens, se rend
par un collectif ajouté au nom : te tekao, la parole;
te tau tekao, les paroles. De môme, pour indiquer les
variations dans la quantité, on emploie des partitifs.
La numération est décimale ; le môme mol
signifie cinq et main. La racine du nombre 10 est,
dans les différents dialectes, huru, qui signifie
« poils, cheveux. » Aux iles Saudwidh, 10 se rend
par hami, qui veut dire « barbe »; dans leur en
fance , pour exprimer un nombre aussi élevé ,
que 10, ces peuples ne trouvèrent à le comparer
qu’au nombre des cheveux ou des poils de la
barbe. L’emploi de rau (« feuille ») pour dire
100 ou 200, suivant les dialectes, a évidemment
�— 137 —
uue origine analogue. On compte ordinairement
par vingtaines ou par quarantaines.
Pour préciser les idées , selon qu'on veut
exprimer l’état de repos ou l’état de mouvement
de haut en bas, de bas en haut, en avant, en
arrière, les Polynésiens emploient des déterminatifs
qu’on énonce après les mots. Ou comprend quelle
est l’importance de leur juste emploi, sous peine
de faire des contre-sens. — Des déterminatifs ana
logues servent à préciser le sens des variations de
la durée, dans le passé, le présent et l’avenir. La
langue anglaise nous offre des exemples de pareils
déterminatifs dans l’emploi de prépositions venant
immédiatement après des verbes dont elles modi
fient complètement le sens : to go, « aller »; go up,
« monter; » go down, « descendre », etc., etc.
Les pronoms personnels présentent eu Polynésie
des particularités qu’on trouve dans la langue
malaise et à Madagascar. Ils ont trois nombres, le
singulier, le duel et le pluriel. Quelques dialectes
ont au singulier, dans chaque personne, deux
formes un peu différentes; mais ce qui est surtout
remarquable, c’est une double forme de duel et
de pluriel à la première personne, suivant qu’on
fait exclusion ou non de ceux auxquels ou
s'adresse : ainsi, « Nous », « nous deux », c'est-àdire « nous tous », « nous deux » du même côté, se
diront tatou, taua. « Nous », « nous deux », c'està-dire « nous et vous » d’un autre coté que
« nous », « moi et toi » d'un autre côté que
« moi », se rendront par matou, maita. On voit
qu’ici il esl encore très important do ne pas se
�— 138 —
tromper, sous peine de contre-sens inintelligible.
Nos pronoms relatifs u'existent pas.
Mais pour constituer une langue , pour lui
donner le mouvement, pour traduire les diverses
évolutions de la pensée, il faut de toute nécessité
le verbe, que les Sémites ont appelé avec tant de
raison l'agent par excellence. Dans les idiomes
polynésiens, le verbe n’existe pas, du moins comme
1entendent nos grammaires, avec ses conjugaisons
diverses, ses modes et ses temps, ou, pour dire
plus vrai, eu polynésien il n'y a qu'un verbe, le
verbe être, dont les différents temps sont expri
més par de simples particules, c, i, a, u, uu, etc.
Ces particules, placées devant le mot, le nom qui
représente une idée, un état, constituent des
énonciations verbales qui remplacent nos verbes,
et dont voici quelques exemples :
E kuhane te etna (des Marquises), mol à mot :
Etre esprit le dieu, « Dieu est un esprit », e signe
de l’énonciation verbale pure et simple. — E am?
Etre quoi ? « Quoi ?» — E Ida, Etre combien, « Com
bien? » — Aoe i tihe Katufa, Pas avoir été arriver
Kulufa, « Katufa n’est pas arrivé », i particule
énonciative indiquant le passé, etc., etc.
ün trouve fréquemment employée une particule
énonciative qui a donné lieu à des confusions géo
graphiques, ko ou o suivant los dialectes, et qui
signifie : c’est. Uu la rencontre souvent jointe aux
noms de lieu dans les récits des voyageurs qui,
ignorant'la langue, transcrivaient les réponses des
naturels interrogés sur le nom de leur pays : 0Tahiti, O-Niihau, « C’est Tahiti, C’est Niiliau. » Elle
�— 130 —
rraer le pronom interrogatif o ai,
« c’est qui » qui? et le pronom indéfini o mea, « un
tel », mot à mot : c’est chose, expression vulgaire
qu'on retrouve chez nous.
Des prefixes et dos suffixes accolés aux noms
permettent encore d'accroître la nomenclature des
idées. Selon leur forme, les suffixes indiquent,
pour les mots qu’ils suivent, un étal actif ou un
état passif. Un suffixe passif ajouté à une ënondation verbale active la transforme en voix passive.
Un des préfixes les plus usités est faa (faim, hua,
Ihaka, etc., suivant, les dialectes), qu’on peut traiduire par « faire », « rendre », et qui sert à donner
aux énonciations, soit substantives, soit verbales,
une forme causative : ua, deux ; hakaua, faire deux,
«de nouveau »;—pao, lin ; hakapuo, «accomplir. » Ou
voit du premier coup la grande utilité de ce préfixe.
L’adjonction simultanée des suffixes et du pré
fixe faa à une énonciation verbale lui donne une
forme causative passive.
Un exemple montrera comment, au moyen des
particules indiquant le présent, le passé et le fu
tur, du suffixe ia indiquant l’étal passif, et du pré
fixe causalif faa, les Polynésiens expriment les
modifications correspondant aux voix de nos ver
bes. Prenons le moi, hinaaro (Tahiti), qui rappelle
l’idée d’amour :
1° L’énonciation verbale simple est : E hinaaro,
« être l’action d’aimer, » « aimer. » — E hinaaro au,
« j’aime », voix active (au, pron. pers. je ou moi).'
2° E hinaaro ia, « être Paction d'être aimé ». —
E hinaaro ia au, « je suis aimé », voix passive.
�— ÜO —
3“ Avec le préfixe faa : E faa hirnaro, » faire
aimer ». — E faa hirnaro au, « je fais aimer », voie
causative active.
1° Avec le prélixe faa el le suffixe passif ta : E
faa hirnaro ût, « être fait être aimé ». — E faa liinauvo ia au, « je suis fait, je suis causé, être aimé »,
« on me fait être aimé, » voix causative passive.
Par des procédés analogues, on arrive à faire
des verbes pronominaux et des verbes imperson
nels. Los auteurs qui ont réuni en corps de gram
maire les règles des dialectes polynésiens oui
présenté le tableau de toutes ces conjugaisons (on
peut remarquer l’identité des deux dernières expo- j
sées plus haut avec les conjugaisons hiphil et hô
pital de l’hébreu) ; mais on ne tarde pas à voir
combien l'étude du polynésien avec ces gram
maires, dans n'importe-quel dialecte, est compli
quée, hérissée de difficultés, qui disparaissent dès
qu’on a saisi le mécanisme des particules éuonciatives verbales, des préfixes, des suffixes, etc.
D’autres particules traduisent nos prépositions el
nos conjonctions ; le plus souvent, ces dernières ne
sont pas rendues; les tournures de phrases qui
pourraient les amener sont généralement évitées.
Au premier aspect, les adjectifs possessifs sem
blent être des mots particuliers, mais, à l’examen,
on recommit qu’ils sont composés de l’article U
(<* le, la, les »), d’une prëposilion indiquant la pos
session et d’un pronom personnel.
Ce qui a été dit des « déterminatifs, des qualifi
catifs et des énonciations » doit tout de suite faire
entrevoir ce que sont les adverbes en polynésien i.
�141
—
aires, raid, « grand » ou
« beaucoup » ; mca iti, « peu », de mea, chose, iti,
petit, etc.
L’affirmation se traduit le plus ordinairement
par l’énonciation verbale substantive é. La néga
tion prend plusieurs formes, mais c’est toujours
une particule énonciative avec un mot exprimant
une idée de négation.
Nous ne pousserons pas plus loin ces remarques
sur la langue polynésienne, pensant qu’elles doi
vent suffire pour en faire comprendre le méca
nisme très primitif. On doit en conclure que la
langue mère, de laquelle sont dérivés les différents
dialectes, était dans un état de grande jeunesse,
ou harmonie avec la civilisation ébauchée de ceux
qui la parlaient, et qu’elle n’a fait pour ainsi dire
aucun progrès.
La dispersion des Polynésiens, de laquelle il sera
question tout à l’heure, a causé des altérations
dans le système phonique, mais la grammaire est
restée la même ; les divers dialectes montrent une
grande homogénéité, surtout dans la Polynésie
orientale.
Celui des îles Marquises est rude, hérissé de
consonnes dures; les /; y abondent, les r y sont
rares, les / font défaut. La consonne ng ne se ren
contre (pie dans une seule vallée de file Nukuhiva. Le parler est lent; on scande les syllabes
d’une façon marquée. Le dialecte des îles Sand
wich diffère peu de celui des Marquises, mais la
. prononciation est plus douce. Aux iles de la Soyciélé, dans une partie des Paumotu, toutes les
�— 142 —
consonues gutturales et dures ont disparu. La
prononciation est brève, la langue très douce.
Dans le reste des Paumotu, la langue est restée
plus près de sa forme primitive; ng et k s’y ren
contrent fréquemment.
A mesure qu’on s’avance vers l’ouest, on trouve
une plus grande quantité de consonnes ; dans l’ar
chipel Tonga, on remarque môme les sons feh, dj,
empruntés à l'idiome des Fidji. Les dialectes des
Samoa, d’Uvea (iles Wallis), de Roluina,de Futuna,
de Tikopia, se rapprochent tous de celui de Tonga
et forment avec lui une famille à part : les voca
bulaires s’éloignent de ceux des iles orientales.
D’un autre côté, le dialecte néo-zélandais (sudouest du Pacifique) a plus de rapports avec ceux
des archipels orientaux qu’avec ceux des iles
situées dans l’ouest. C’est, de tous, celui qui parait
avoir gardé le plus de traces de la langue mère.
Nous l’avons dit plusieurs fois, dans la partie
occidentale du Pacifique-Nord l’unité de langage
a disparu, et, en outre, la plupart des idiomes ne
rappellent que de loin le polynésien. Ou y voit
des exemples très répétés de consonnes se sui
vant, ce qui est inconnu en Polynésie, des mots
terminés par les finales nasales, an, in, nng et les
consonnes k, f, p, ce qui indiquerait un contact
avec d’autres peuples que les Polynésiens.’
Quelques auteurs considérant les iles de la Po
lynésie comme les vestiges d’un continent effondré,
s’autorisant de l’unité du langage, des coutumes,
des productions naturelles, ne pouvant rattacher
les habitants des différentes iles à l’Amérique, et
�— 143 —
ne les croyant pas capables d’être venus, dans des
pirogues, de l’Asie ou des iles qui l'avoisinent, con
tre le cours habituel des vents alisës, veulent voir
dans les Polynésiens ce qui reste des habitants de
ce continent; mais, aujourd’hui que ces régions et
ces peuples sont mieux connus, il est hors de doute
que ce n’est pas la race, qui occupe maintenant les
difTérents archipels, qui en aurait été maîtresse
lors de l’effondrement supposé ; aucune de ces po
pulations n’a gardé le souvenir d'un continent
habité par ses ancêtres; des termes significatifs
communs à tous les dialectes, toutes les traditions,
tous les chants, se rapportent à une vie insulaire,
même à une ile située dans le parcours des vents
alizés : d’où viennent ces populations?
Horatio Haies, qui accompagnait le commodore
américain Wilkes (1836-1841), avait déjà jeté un
grand jour sur cette question : M. de Quatrefages
nous parait l’avoir complètement résolue L
Plusieurs hypothèses avaient été mises en avant.
Laissant de coté celle qui fait des Océaniens les
restes de la population d’un continent submergé,
hypothèse qui nous parait inadmissible, nous ne
nous arrêterons pas non plus sur l’opinion émise
par quelques partisans à outrance des récits bibli
ques, qui, à la vue des profils aquilins de quelques
Polynésiens, de la manière dont leur barbe est
plantée, et frappés de l’analogie de quelques cou
tumes et de quelques formes de langage (entre
I. Les Polynésiens et leurs migrations. Discours pro
noncé « la séance publique de la Société d’acclimatation,
le 4 ruai 1877.
�autres l’emploi des préfixes et des suffices, la forme
causative des verbes, etc.), n’ont pas hésité à voir
dans les Océaniens des restes des tribus d’Israël
qui ne revinrent pas de la captivité de Babylone.
Certains auteurs veulent que chaque ile ait été
un centre de création pour les hommes comme
pour les animaux et les plantes : il serait au moins
étonnant qu’ils eussent été jetés tous dans le môme
moule. C’est sans doute pour cette raison que
d’autres, moins absolus, leur donnent pour ber
ceau un des archipels d’où ils se seraient répandus
d'ile en ile. Si on s'arrête à celte supposition, il
semble logique d’admettre que la race est apparue
d’abord dans un grand archipel, car son dévelop
pement aurait été difficile sur une petite ile ; on a
alors pensé à la Nouvelle-Zélande ; mais, en lais
sant de coté les obstacles opposés par un climat
rigoureux, il ressort des traditions, beaucoup mieux
conservées qu’ailleurs, qu’elle a été peuplée la der
nière par la race brune qui occupe aujourd’hui le
Pacifique. Une hypothèse plus sérieuse est celle
qui fait venir les Polynésiens de l'Amérique, en
suivant le cours des vents alizés et les courants
équatoriaux; de plus, depuis les temps historiques,
cl d’après les traces laissées par les peuples qui
vivaient avant l’histoire, tous les grands mou
vements humains, les grandes migrations, ont
eu lieu de l'est à l’ouest dans le vieux monde ;
n’en a-t-il pas été de môme dans le Pacifique?
Malheureusement, si les caractères zoologiques de
certaines races américaines s’accordent, dans quel
ques cas, avec ceux des Polynésiens, il n’en est
�143 —
pas de môme du langage et des coutumes, sauf
pour quelques mots qu’on retrouve, plus ou moins
altérés, dans toutes les langues, et quelques usages
très simples et très primitifs répondant à des be
soins communs à tous les hommes, de sorte que
celte opinion parait devoir être rejetée, peut-être
pas pourtant d'une manière absolue ; il pourrait se
faire que l’Amérique eût fourni un contingent quel
conque à la Polynésie orientale.
Depuis qu’on connaît mieux le cours des vents,
les phénomènes atmosphériques, et la direction
des courants marins dans le Grand Océan, et que
des exemples fréquents de bateaux japonais dé
semparés, jetés sur les des Sandwich et les cotes
d’Amérique, et de pirogues entraînées par des
vents d’ouest, ont fait reconnaître la possibilité de
migrations de l’ouest à l’est, on est, en général,
d’accord pour admettre que le premier point de
départ des Polynésiens était une des des situées
au sud-est du contiuent asiatique. D’Urville les fait
partir de Colébes, Horatio Haies et de Quatrefages
de Bourou, ce dernier à une époque encore indé
terminée, mais qui ne peut être de beaucoup an
térieure ou postérieure à Père chrétienne.
L’aptitude de la race malaise aux expéditions
maritimes est connue; une de ces expéditions aura
gagné un archipel du Pacifique qui sera devenu, à
son tour, un nouveau point de départ. Tout s’ac
corde pour faire triompher cette hypothèse, phé
nomènes atmosphériques, langage, traditions, cou
tumes, caractères zoologiques.
Chez les Polynésiens, tout rappelle le souvenir
Jouan. — LXV.
10
�d'une ère insulaire. D’après toutes les traditions,
Serai tou Suwuü), une des iles de l’archipel Samoa,
aurait été celte deuxième métropole. De là des
vents traversiez permettent d’aller aux Tonga et
d'en revenir. De Tonga, la colonisation se sera por
tée, grâce sans doute à d'heureux hasards, dans les
petits archipels du centre, puis à Tahiti, aux iles
Marquises, aux iles Sandwich. Plus tard, ainsi
que le disent avec précision les traditions néozélandaises, une émigration partie de Pile Rarontonga aborda à la Nouvelle-Zélande, et même il y
eut pendant quelque temps un intercourse entre les
deux pays. Malgré l’énormité des distances eu cer
tains cas, de pareils voyages étaient possibles avec
les grandes pirogues doubles, pouvant porter plus
de cent cinquante hommes, que les navigateurs
du dernier siècle ont encore vues en grand nombre.
Telle a dû être la marche générale des migra
tions; mais il est à croire que les choses n’ont pas
toujours eu lieu aussi simplement, que souvent
des accidents de mer auront dérangé ces hardis
marins de leur route, et, si quelques-uns ont été
assez heureux pour échapper à la mort en abor
dant à d’autres terres que celles qu'ils cherchaient,
il est probable qu’un plus grand nombre auront
dû périr avant de trouver une nouvelle patrie. De
nos jours, il y a encore des exemples de migra
tions; pendant notre séjour aux Marquises, une
tribu vaincue et dépouillée par ses ennemis s’était
jetée dans des pirogues, et, sur la foi d’un oracle,
s’en était allée à la recherche d’une ile où elle pût
trouver le repos : y est-elle jamais arrivée (20)?
�Co qu’il y a de certain, c’est que quand les Eu
ropéens vinrent, il y a cent ans, dans l’Océanie
orientale, les différents archipels et leurs gisements
respectifs n’étaient pas inconnus aux indigènes,
comme le démontre la carte dont nous avons parlé,
dessinée pour Cook par le Tahitien Tupaïa.
Il est à supposer que, sauf de rares exceptions,
les terres ainsi colonisées étaient inhabitées, sur
tout dans la partie orientale : la pureté de la langue
semble le prouver. Sur un point de la NouvelleZélande, les arrivants trouvèrent des individus (de
race noire?), probablement des Papous jetés là par
quelque accident de mer. La découverte récente
de quelques crânes ferait aussi supposer que la
même cause avait amené des Micronésiens, au teint
foncé, aux îles Sandwich et dans le nord de l’ar
chipel Paumotu.
Les traditions, la supputation des générations,
établissent d’une manière presque certaine la date
des migrations diverses; les plus anciennes ne doi
vent par remonter plus loin que du ior au viu« siècle
de notre ère ; la Nouvelle-Zélande n’aurait reçu les
aucétros de sa population actuelle qu’au commenment du xv°.
Des migrations du même genre auront contribué
au peuplement de la Micronésie; mais ici, surtout
dans la partie occidentale, l’influence du continent
asiatique, et de l’archipel japonais, paraît s’être
profondément fait sentir. Le défaut d’unité de lan
gage est, sans doute, un indice que les mouvements
d’hommes, les croisements de races, ont dû être
plus nombreux que dans les archipels orientaux.
�Dans tous les cas, quelle que soit la provenance
des races brunes de l’Océanie, elles ne paraissent
pas être appelées à jouir pendant longtemps de
leur nouveau domaine. Si la loi fatale, qui semble
vouloir que certaines races se fondonl au con
tact de races plus civilisées, reçoit quelque part
son application dans toute sa rigueur, c'est sur
tout en Polynésie. Sans aucun doute, les pre
miers navigateurs avaient exagéré le nombre des
habitants, mais depuis qu’il est possible d'avoir
des chiffres plus précis, on est bien obligé de cons
tater un déchet incroyable. D’après un recensement
fait en 1878, la Nouvelle-Zélande ne compte que
que -42819 indigènes, au lieu de 109 000 que lui at
tribuait, en 1819, une statistique officielle. L'Alma
nach du gouvernement hawaiien, pour 1880, donne à
l’archipel des Sandwich 44088 individus,alors qu'on
eu comptait 09 800 en 1801, et 130313 en 1832. En
1838, nous estimions la population des des Mar
quises à 11 900 individus; en 1872, un recensement
fait dans de bonnes conditions n’eu donnait que
0043. Tahiti, si peuplée au temps de Bougainville
et de Cook, n'a [dus -que de 6 à 7 000 habitants.
Aux des Gambier (Mungarcva), les 42 centièmes de
là population ont disparu en trente et un ans.
Les deux archipels Tonga et Samoa semble
raient faire exception à celle triste règle : la po
pulation y resterait stationnaire. En 1810, Wilkes
donnait 18 300 habitants au premier; Erskine,.en
1819, 37 000 au second. Ces chiffres, pour lesquels
les moyens de contrôle nous manquent, uous pa
raissent « priori bien élevés.
�—
149
-
L'cffràyaüie dépopulation que nous venons de
signaler est attribuée à diverses causes, tant mo
rales que matérielles : l’influence dépressive de la
race blanche (21), le changemeut trop radical de
coutumes apporté par la civilisation, l'action des
boissons alcooliques, la variole venue à la suite
des Européens avec d’autres affections terribles qui
empoisonnent les sources de la vie, la débauche
prématurée des femmes, etc., mais ces diverses
causes ne peuvent pas être invoquées partout.
Avant la venue des Européens, les mœurs étaient
tout aussi relâchées qu’aujourd’hui : dans quelques
îles, elles sont devenues très sévères (îles Gambicr, iles Wallis) ; ailleurs, où des guerres meur
trières étaient l’état permanent, règne depuis long
temps la paix la plus profonde, et cependant, par
tout on constate les mêmes résultats désastreux.
Depuis que des médecins européens ont été
mieux à même de connaître ces populations, on a
reconnu que la phthisie pulmonaire faisait chez
elles d’affreux ravages ; nous avons déjà parlé
d’individus dans la force de l’âge, pris comme d’un
sentiment d’abandon d’eux-mêmes, succombant
très vite à des affections qui, au début, ne présen
taient aucune gravité, comme s’ils n’avaient pas le
courage de vivre 1 El c’est non seulement la morta
lité qui éclaircit les rangs des Polynésiens, mais le
nombre des naissances diminue de plus eu plus ;
aussi, quelles qu’en soient les causes, cette race,
que les navigateurs du dernier siècle avaient trouvée
si belle, si vigoureuse, si sympathique, semble ap
pelée à disparaître dans un avenir très prochain.
�Section deuxième.
Mélanésie. — Hace australienne, race mélanieiini. —
Disparition des Tusimmieus. — Caractères physiques
des Mélanicus. — Nouvelle-Guinée; îles de l’Ami
rauté; archipel Salomon. — Nouvelles-Iléhrides, Vanikoro, Santa-Cruz. — lies Fidji; cannibalisme. — Nou
velle-Calédonie. — Langues de la Mélanésie.
La Mélanésie do Dumont d'Urville comprend la
Nouvelle-Hollande ou Australie, la Tasmanie (Terre
de Van Diémen), la Nouvelle-Calédonie, les Nou
velles-Hébrides, les iles Fidji (ou Viti), les iles Sa
lomon, la Nouvelle-Guinée et les iles voisines, Nou
velle-Bretagne, Nouvelle-Irlande, Louisiade, etc.;
les quatre dernières et les iles limitrophes for
ment l’ensemble que nous avons déjà désigné
plus particulièrement sous le nom de Terres des
Papous. Ces terres sont encore très peu connues ;
l’insalubrité de la plupart d’entre elles, le carac;
1ère peu hospitalier des habitants, ont jusqu’à pré
sent empêché de pénétrer dans l’intérieur des plus
grandes ; néanmoins, depuis quelques années,
elles commencent à être entamées par d’intrépides
explorateurs.
A l'exception de quelques petites peuplades vi
vant dans les iles situées le plus à l’est, que leur
teiut plus clair, leur faciès, dans quelques cas leur
langage, font reconnaître pour des colonies poly
nésiennes, l’ensemble des Mélanésiens présente eu
gros les caractères assignés à la race nègre, mais —
comme partout ailleurs sur le globe — il existe une
foule de nuances dans la taille, les traits, la colo
ration de la peau, la chevelure, etc., et, en outre,
�dans le degré de civilisation ; aussi rien n’est plus
embrouillé que la classification à laquelle on a es
sayé de les soumettre.
Un des naturalistes de la dernière expédition de
d'Urville, M. .lacquinot, partisan de la pluralité
des espèces humaines, classe l'espcce noire de
l'Océanie en deux races : la race australienne, ha
bitant la Nouvelle-Hollande, et la race mélanienne
(syn. espèce nègre océanienne, espèce papoue, Des
moulins ; espèce mélanienne, Bory de Saint-Vin
cent), qui occupe l'ensemble des Terres des Pa
pous. Les peuplades négroïdes, qu'on trouve
encore dans l'intérieur de quelques grandes des
de la Malaisie (Negritos d'ci Monte aux Philippines,
Endamènés dans les Moluquos, etc.), et, dit-on,
dans les montagnes de la presqu’île de Malacca,
dans l'intérieur de l'ile l’ormose, sur quelques ilôts
de l'archipel des Carolines, paraissent appartenir à
la race mélanienne. On a tout lieu de croire qu elle
habitait originairement la partie sud-est du conti
nent asiatique d’où elle se serait répandue sur
les archipels voisins : on a même cru reconnaître
ses traces à la Nouvelle-Zélande et aux des Ha
waii. D’un autre coté, ou remarque, sur le littoral
oriental de l'Afrique, des nègres qui ressemblent
aux noirs océaniens. Selon quelques auteurs, tou
tes ces populations auraient originairement formé
une chaîne continue depuis la côte de Mozambique
jusqu’en Asie et en Océanie 1 ; le tatouage par
1. A. Maury, La terre et l’homme. — A. .lacolis, Les
Européens dans l'Océanie (Revue des Deux-Mondes,
1“ janvier 1850).
�— 132 —
ideation, l'usage de s'arracher une ou deux
incisives à la mâchoire supérieure, la multiplicité
des idiomes, différents dans des localités peu dis
tantes, sont des caractères africains qu’on retrouve
plus ou moins chez les noirs océaniens. Pour nous,
celte multiplicité des idiomes ne nous parait pas
devoir être invoquée comme une preuve à l’appui
de la thèse qui fait venir les Mélaniens d'Afrique :
elle doit très probablement provenir de l'état d'iso
lement dans lequel les populations auront vécu
pendant longtemps, et vivent souvent encore, les
unes à l’égard des autres, et cela à de liés pelites
distances (22).
Nous laisserons de côté les Australiens qui,
avec les Pécherais de la Terre de Feu, paraissent
être au plus bas échelon de l'humanité, et qui ten
dent à disparaître devant la colonisation anglaise.
11 est, du reste, difficile dé savoir le nombre des
indigènes aujourd’hui épars sur le continent aus
tralien, tellement les opinions sout disparates à
cet endroit : les uns disent 240 000, d'autres 130 000
seulement, chiffres déjà faibles étant donnée l’éten
due de la Nouvelle-Hollande ; mais que dire du
chiffre do 10 000 qui nous a été fourni, en 1800,
par le gouverneur de la Nouvelle-Galles du Sud,
et à plus forte raison de celui de 3 000 qu’on
trouve dans quelques auteurs?
Quant à leurs voisins les Tasmaniens, leur dis
parition est accomplie; la vieille Tniganina, plus
connue des colons anglais sous le nom de LallahRook, qui était le dernier représentant de celle race
malheureuse, est morte à llobarl-Town en 1876. On
�a représenté les ïasmanieus comme aussi abrutis
que les Australiens, et, par-dessus le marché, très
féroces; mais le portrait n'a-t-il pas été chargé à
dessein comme circonstance atténuante des pro
cédés employés par les settlers, qui ne se faisaient
pas faute de les exterminer sans pitié, sans re
mords, comme des bûtes malfaisantes. On a peu
connu leurs mœurs; leur existence était aussi mi
sérable que celle des Australiens ; l’examen de
leurs débris osseux qu’on possède en Europe — très
peu nombreux ; une trentaine de crânes dans les
musées de France, d’Angleterre et de Uollande, et
seulement quatre squelettes complets — semble in
diquer qu’ils étaient d'une autre race que les Aus
traliens. et supérieurs en intelligence.
Les Mélaniens montrent, en général, de grands
rapports avec les nègres d’Afrique (un indigène
des îles Carteret que, pendant trois ans, nous avons
eu l’occasion de voir à la ÏS'ouvcIle-Calëdonie, ne
différait en rien d’un nègre, dans son aspect géné
ral), seulement ils ont des traits moins exagérés;
les lèvres, quoique grosses, sont moins proémi
nentes; le nez, ordinairement court, large, épaté,
est quelquefois étroit, même aquilin. Le crâne,
moins déprimé, est plus volumineux; la peau, d’un
noir fuligineux, quelquefois très intense. Les che
veux sont laineux comme ceux des nègres, mais
les boucles en sont plus grandes, et ils deviennent
beaucoup plus longs. 11 n’est, pas, du reste, toujours
facile de les observer daus leur étal naturel, à cause
de la coiffure généralement adoptée; auxilesFidji,
par exemple, la chevelure, crépée, saupoudrée de
�chaux, est rassemblé^ en une masse arrondie qui
a l'apparence d’un grand turban.
Les iMélaniens ne soul pas tous misérables et
abrutis comme les Australiens; il y en a qui ne le
cèdenl en rien aux Polynésiens comme industrie,
et qui môme les dépassent quelquefois. On ren
contre parmi eux des marins habiles. A la Nou
velle-Guinée, leurs relations avec les Malais, qui
la fréquentent de temps immémorial pour pécher
le tripang, ont fait naître quelques mélanges; aux
iles Fidji et à la Nouvelle-Calédonie, on reconnaît
des traces d'union avec les Polynésiens; dans cette
dernière ile, les mélanges sont récents et provien
nent de naturels d’Uvéa (iles Wallis) qui ont abordé
à une des iles Loyalty, il y a peut-être une centaine
d'annéés Les femmes mélanicnnes sont le plus
souvent très laides, et. dans certaines iles, loin de
se livrer comme les Polynésiennes, elles sont sé
vèrement tenues par des hommes jaloux. L'anthro
pophagie semble bien exister partout chez les di
verses populations inélanienncs, et il a été constaté,
par des exemples trop répétés, que chez quelquesunes elle se pratique sur une très grande échelle.
Beaucoup de Mélaniens mâchent le bétel. La
plupart ont pour armes des arcs et des flèches; on
a souvent dit que ces flèches étaient empoison
nées, mais ce dire aurait besoin de confirmation.
Uue description détaillée de tous les noirs Océa
niens ne pouvant trouver place ici, nous indique
rons ceque présentent de plus saillant les habitants
des principaux archipels, pour arriver à la Nou
velle-Calédonie qui nous intéresse davantage.
�—
l o D ----
Les pÿrçjab!- visiteurs de la Nouvelle-Guinée y
avaient trouvé des hommes noirs, leur rappelant
les noirs de l’Afrique : de là le nom donné à l’ile.
Depuis, les navigateurs avaient rapporté que les
Papous, comme ou les appelle ordinairement, sont
partout les mêmes sur toute son étendue, ayant la
peau plus ou moins noire, le visage des nègres,
une chevelure laineuse formant de grosses touf
fes, en un mot tous les caractères assignés par
M. II. Jacquinot à la race mélauienne. Depuis
quelques années, outre une colonie polynésienne
dans le sud-est de l’ile, et des métis uégro-malais
dans sa partie uord-ouesl, dans les environs du
Port-Doreï, point qui a été le plus visité par les
Européens, on a reconnu deux populations d’as
pect différent : au bord de la mer, des Papous, aux
formes grêles, élancées, mous et paresseux; dans
les montagnes de l'intérieur, des Arfahi, plus
petits, mais plus trapus, plus vigoureux, plus ac
tifs cl très redoutés de la population du littoral.
Dans la partie sud de File, le Révérend Mac Farlane, en remontant la rivière Fhj, a eu affaire, il
n’y a pas longtemps, à une population belliqueuse,
agressive, tandis que les habitants des bords de
la rivière Iule avaient le caractère doux et inof
fensif des riverains du golfe de Papouasie.
Les habitants de Lombo (côte ouest de la Nou
velle-Guinée), vus par d’Urville, avaient l’aspect
des Papous de Doreï, tandis qu’à l’ile Toud (détroit
de Torres) ou rencontra des individus grands et
robustes, d’un noir assez foncé. « Leurs traits
n’étaient pas désagréables. Quelques-uns avaient
�— lo6 —
le visage allougé, le nez aquiliu, les lèvres médio
crement grosses, et le front assez développé. On
remarquait chez la plupart un aplatissement assez
considérable do la partie postérieure de la tète.
Leurs cheveux, très laineux, loin d’ôtre divisés et
de former d’énormes coiffures, comme chez les
autres Papous, étaient au contraire réunis en petits
cylindres, et pendant de tous côtés comme autant
de bouts de corde. » (11. Jacquinot, Yoy. au pôle
sud et dans l’Océanie, Zoologie.) Ces Papous, com
plètement nus, avaient un tatouage en relief, des
sinant sur leurs épaules des bourrelets charnus,
disposés comme les franges d’une épaulette. Leurs
pirogues étaient bien faites, ornées de sculptures,
d'iucruslalions de coquilles nacrées, de touffes de
plumes, etc.
Un voyageur français, M. Raffray, signale plu
sieurs sortes de coiffures, mais la plus répandue
est la chevelure en vadrouille. Il a aussi remarqué
sur plusieurs points des perruques faites avec des
cheveux ou avec des plumes de casoar. Un orne
ment singulier, qui doit être assez incommode,
consiste en une paire de défenses de porc, jointes
par la base de manière à former un croissant qui
est passé dans la cloison du nez et dont les pointes
remontent sur les joues jusqu’aux yeux; quelques
individus tournent les pointes en bas.
Les armes sont de grands arcs et des flèches
longues d'un mètre et demi qui ne sont pas emplu
mées. Les premiers voyageurs avaient signalé
l’emploi d’une arme qui les intriguait beaucoup.
Elle consistait en un tube de bambou duquel soi'-
�tail de la fumee se dissipant tout de suite, sans
qu'on entendit de bruit et qu'on vit de feu. Il a été
reconnu dernièrement que cette artillerie des
Papous consiste dans un mélange de poussière, de
chaux et de cendre, qu’on souille à la figure de
son adversaire pour l’aveugler.
Les villages sont construits comme les anciens
villages lacustres : les cases sont élevées sur des
pilotis et communiquent entre elles par des ponts.
Au milieu du village, ordinairement composé de
deux rangées de maisons, il y en a une plus
grande qui sert de temple, mais on ignore encore
quels rites y sont célébrés.
Pour cuire les aliments, on ne creuse pas de
fours en terre comme font les Polynésiens; on les
grille sur des charbons, ou bien on les cuit sur un
treillage élevé à une certaine hauteur au-dessus
du foyer. Dans le nord de file, où fou a des
relations avec les Malais, on mâche le bétel.
Les iles de l'Amirauté, au nord-est de la Nou
velle-Guinée, ont été visités en 1873 par le Chal
lenger; les relations furent amicales avec les
habitants qui n'ont pas encore vu beaucoup d’Eu
ropéens (23). Ils sont grêles comme les Papous ;
leur peau, d’un noir brun, est plus foncée. Che
veux en vadrouille. La plupart rasent leurs sourcils
avec des racloirs en obsidienne fournis par les mon
tagnes volcaniques du pays. Ils sont peu velus. La
cloison du nez est percée d'un trou qu'élargit en
core le poids des ornements qui y sont pendus.
D’après M. Moseley, sur quinze ou vingt naturels,
on en trouve un avec un long nez juif. Le lobe
�i n f é r i e u r d e l ’o r e il l e e s t é g a l e m e n t p e r c é e t t r è s
a ll o n g é ; c e l t e d is p o s ilio n e s t, d u r e s t e , c o m m u n e
à p r e s q u e t o u s les M é la n ie n s .
Los femmes s'habillent avec deux touffes d'herbe,
l'une par devant, l'autre par derrière. Les hommes
se contqptent ordinairement d'une coquille do por
celaine blanche pour masquer leur nudité; ils se
barbouillent avec de l’argile rouge et pratiquent
le tatouage par scarification, beaucoup plus com
pliqué chez les femmes que chez les hommes. La
mastication du bétel est presque générale; lors du
passage du Challenger (mars 1875), le kava ei. le
tabac étaient inconnus. Les cases ressemblent à
des ruches qui seraient allongées (de 7 à 8 mè
tres sur i ou a mètres de hauteur), construites sur
le sol, mais quelquefois aussi sur pilotis. On voit
des villages fortifiés, entourés de palissades. Les
pirogues, à balancier, longues de 10 à 15 mètres,
naviguent bien à la voile. Les naturels fabriquent
nue poterie grossière, de grands filets, des hame
çons et des hachettes avec des coquilles, des ha
ches plus grandes, des couteaux et des pointes de
lances, avec des fragments d'obsidienne; ils n'ont,
ni arcs ni frondes. Leur talent comme sculpteurs
et ciseleurs est remarquable.
L a p o ly g a m ie e s t e n v i g u e u r . O n lu e le s v i e i l
l a r d s p o u r s e d é b a r r a s s e r d e b o u c h e s in u ti l e s .
L 'e x p é d it i o n d u Challenger n ’a r i e n v u q u i p u is s e
p r o u v e r s a n s ré p liq u e q u e c es s a u v a g e s so n t c a n
n i b a l e s , m a is , à n o t r e a v is , c’e s t p l u s q u e p r o b a b le .
L e s m o r t s s o n t d é p o s é s d a n s la t e r r e . D e s c a s e s
o r n é e s d ’u n e m a n i è r e p a r t i c u l i è r e , a v e c d e g ro s -
�— 139 —
sières àtôw.s, Je grands tambours, des crânes de
dugongs et de marsouins, des crânes humains, etc.,
servent de temples, mais on n’en a pas encore pé
nétré les mystères.
L’archipel Salomon est un des plus importants
de ceux qui sont habités par des Mélanieus en ma
jorité, car on trouve des mélanges dans la popula
tion. En général, les habitants de race noire sont
laids, vivant le plus souvent dans un état complet
de nudité ; ils passent avec raison pour les moins
sociables des insulaires du PaciÛque occidental.
Beaucoup d’Européens inoffensifs ont été victimes
de leur férocité, entre autres, en 1843, Mgr Epalle,
missionnaire français, tué presque au moment où
il débarquait à file San-Jorge, et un Anglais,
M. Boyd, qui visitait l’archipel avec son yacht le
Wanderer, assassiné à Guadalcanal’ en 1831. La
plupart des Salomoniens sont de bons marins ; leurs
pirogues sont très bien faites; ils ont pour armes
des arcs et des sagayes. A I’ile Ysabel on voit de
curieuses maisons perchées dans les arbres, quel
quefois à plus de 20 mètres au-dessus du sol, dans
lesquelles les habitants défiants se réfugient pen
dant la nuit, tirant après eux l’échelle de bambou
qui leur a servi pour monter.
Les baleiniers fréquentaient les iles de la Tréso
rerie, mais ils y ont renoncé, à cause de la mé
chanceté des indigènes. En 1861, ces derniers mas
sacrèrent l’équipage du baleinier américain Supe
rior; nous avons eu l’occasion de rencontrer à la
Nouvelle-Calédonie, en 1862, un des rares survi
vants de ce drame.
�En )839, un navire français, le Saint-Paul, por
tant des coolies chinois, fit naufrage surl’ile Rossel,
au sud-est de la Nouvelle-Guinée. L’équipage par
tit dans les canots pour aller chercher du secours
dans les colonies anglaises d'Australie, laissant les
317 Chinois passagers sur uii ilôt. Après toutes
sortes de péripéties, dans lesquelles une partie de
l’équipage succomba, les survivants furent rencon
trés par un navire qui les amena à la NouvelleCalédonie. L'autorité dépécha un bâtiment de
guerre, le Sh/x, à l'ile Rossel, où il ne trouva plus
vivant qu'un enfant, un petit Chinois qui avait été
épargné; ses 316 compagnons avaient été tués et
dévorés par les habitants. Ces derniers, d’après
les rapports du Styx, étaient des gens de race
noire, des Papous; ils paraissaient ignorer complè
tement l’usage du tabac.
Les nombreux indigènes des Nouvelles-Hébrides,
que nous avons eu l’occasion de voir, étaient d'uu
noir très foncé, luisant; parmi eux, il y en avait
avec des cheveux presque lisses. Ces insulaires
ont presque toujours débuté par se montrer hos
tiles aux étrangers ; il est juste de dire que ceux
auxquels ils ont eu affaire depuis vingt-cinq ou
trente ans, des sandaliers et des recruteurs de tra
vailleurs, gens le plus ordinairement dénués de
toute espèce de scrupules, n’étaient guère faits
pour adoucir leurs mœurs et les rendre confiants et
hospitaliers. Comme c’est presque toujours le cas
avec les sauvages, des individus inolfensifs et hon
nêtes ont souvent- payé pour les coupables. En
1801, un missionnaire anglais, le Révérend Gor-
�— 161 —
don, était massacré avec sa famille, parce qu'on
leur attribuait l'invasion d’une épidémie qui faisait
beaucoup de ravages; depuis, ou a enregistré le
meurtre de l’évêque Pattcson et du commodore
Goodcnough, tués, l’un aux Nouvelles-Hébrides,
l’autre dans le groupe voisin, Sauta-Cruz, où les
mœurs sont aussi rudes. Aux Nouvelles-Hébrides,
quand un homme meurt, on étrangle sa femme et
ses enfants (21). Cependant la fréquentation des
blancs, lorsque ceux-ci se conduisent honnête
ment, commence à produire de bons effets ; toute
fois, comme ces insulaires marchent presque tou
jours armés de fusils, de casse-tête, de sagayes,
il faut être sur ses gardes. Depuis quelques an
nées, un assez grand nombre s’engagent comme
travailleurs à la. Nouvelle-Calédonie ou comme
matelots sur des navires australiens.
Les habitants de Vauikoro — de 1200 à 1500 épar
pillés dans dix ou douze villages — sont noirs,
très laids, petits et grêles ; les femmes sont hideu
ses. Ils mâchent le bétel ; au temps de d’Urville
(1827), ils ne connaissaient pas le tabac.
Ceux de Santa-Cruz sont, au contraire, une belle
et forte race. Ils ont des arcs longs de deux mè
tres et des flèches empoisonnées (?). Leurs piro
gues doubles, avec lesquelles iis accomplissent de
.longs trajets, leurs villages entourés de défonses,
annoncent de l’intelligence. Malgré leur apparence
de gaieté et d’un bon naturel, il.ne faut pas se fier
à eux. Nous croyons qu’ils ont du sang polynésien,
de même que ceux de file voisine, buff, avec les
quels le Basilisk eut de bons rapports eu 1ST2. Ces
J ouan. — LXV.
H
�derniers étaient au nombre de 330, de grande taille,
mais excessivement maigres et laids, armés d'arcs •
et de flèches ; ils avaient de grandes pirogues de j
guerre.
Les Fidjiens sont, en général, grands et bien j
faits, mais moins robustes que leurs voisins, les I
Polynésiens de Tonga; les femmes sont inférieures
aux hommes, leur- visage est plus élargi, leurs Iraits
sont plus écrasés.
Les cheveux des Fidjiens sont laineux, mais I
moins contournés que ceux des nègres et beau
coup plus longs ; ils en font une grosse boule
arrondie qui de loin ressemble à un turban, d’au
tant mieux qu elle est toujours teinte avec de la
chaux, soit pour détruire la vermine, soit tout
simplement affaire de mode.
En industrie, ils dépassent les Polynésiens.
Leurs cases sont réunies eu villages entourés de
murailles de pierre. Ils fabriquent de la poterie, de
grandes jarres pour contenir l’eau, faire cuire les
aliments, etc. Leurs armes sont, outre les fusils
très répandus aujourd'hui, des lauces souvent très
longues et très fortes, quelquefois à quatre bran
ches, des arcs et des flèches, des casse-tête variant
en forme et en grandeur; toutes ces armes, en
bois dur, sont remarquablement ciselées. Il y en a
une très commune aujourd’hui dans tes musées et r
les cabinets de curiosités, (pie les naturels appel
lent oula et qui .consiste en une- boule grosse
comme les deux points, avec un manche assez
mince, long de 0 m. 23 à 0 m. 30. Ce n’est pas
un casse-tête, mais un projectile qui, lancé à la
�— 163 —
main avec force, ne doit pas laisser que d’être
redoutable. Il y a encore des haches en pierre, —
on reconnaît, dans des roches striées de rainures,
les polissoirs qui servaient à les polir et à les aigui
ser; — mais on ne s’en sert plus guère, les outils
de fer étant aujourd’hui très répandus.
Les Fidjiens pratiquent le tatouage par scarifica
tion. Ils boivent le kava. On retrouve chez eux bon
nombre de coutumes polynésiennes. Ils construisent
bien les pirogues et les manoeuvrent habilement.
Leur supériorité ne les empêchait pas de se livrer,
il n’v a encore que très peu de temps, à des
cruautés qn'on croirait inhérentes seulement à l’étal
le plus sauvage, le plus dégradé. Ils pratiquaient,
et probablement pratiquent encore sur quelques
points de l’archipel, le cannibalisme sur une très
grande échelle, et ce n’était pas la disette qui pou
vait les y contraindre, car leurs îles sont plantu
reuses; on y cultive avec soin l’iguame et le laro.
Les sacrifices humains accompagnaient l'anthro
pophagie. H ost rare de voir faire aussi peu de cas
de la vie humaine qu’aux Fidji : un jour qu’il
s’agissait de mettre à l’eau une énorme et lourde
pirogue, les rouleaux employés pour faciliter l’opé
ration étaient des hommes vivants, enveloppés dans
des tiges de bananier pour qu’ils présentassent
une surface arrondie, et dont l’épaisseur était cal
culée pour que les misérables ne fussent écrasés
que peu à peu. Une autre fois, pour bâtir la mai
son d’uu chef, sous chacun des piliers qui devaient
supporter le toit, on avait jeté des esclaves tout
vivants : ils étaient censés soutenir la maison au-
�— 164 —
dessus de la tôle du chef (25). On pourrait citer
encore des faits analogues; cependant, déjà en 1849
lors de la visite du capitaine Erskinc, les vieilles
coutumes tendaient à disparaître, sous l'influence
des missionnaires et de quelques négociants hon
nêtes, et on commençait à se cacher pour s’y livrer.
En&n tout récemment, pour éviter des difficultés
avec les États-Unis qui réclamaient de lui une sa
tisfaction onéreuse pour des actes de violence, le
vieux roi Çahhombau, le plus enragé cannibale
qu'on eût jamais vu, abjurant ses anciens erre
ments, a mis son pays sous le protectorat de l'An
gleterre qui l’a proclamé colonie anglaise. Peu de
temps après, le roi fil un voyage à Sydney, d'où sa
suite rapporta la variole qui fit périr un tiers de la
population de l’archipel. En 1840, Wilkes estimait
le nombre des habitants à 133 500; Erskine, en
1S49, entre 200 000 et 300 000. Les différentes îles
paraissent, en effet, être très peuplées; néanmoins
nous croyons le moins fort de cos chiffres encore
trop élevé.
Les Néo-Calédoniens ont la peau d'un noir fuli
gineux, le plus ordinairement couleur de choco
lat. Leurs cheveux sont noirs, épais, laineux et
crépus, quelquefois plus fins, floconneux. Ils ouf
de la barbe noire, frisée et bien fournie, sur le
corps un duvet d'un blond fauve, plus ou moins
long, surtout à la partie externe des bras et du
rachis; le nez, large, épaté, déprimé entre les
orbites, — cette dépression est, paraît-il, artificielle;
— l’œil, non oblique, largement ouvert, mais en
foncé ; l'iris, d'un brun très noir ; la conjonctive
�— 165 —
rougeâtre, ce qui donne à l’œil une expression fa
rouche; les lèvres ordinairement grosses, plus ou
moins renversées ; les mâchoires proéminentes ;
les incisives proclives; la bouche grande; les
dents bien alignées, parfaitement blanches. Les
pommettes sont saillantes, mais moins que celles
des nègres; le front étroit, convexe, haut mais
fuyant; la tète, aplatie transversalement, allongée,
très étroite aux tempes (dolichocéphales progna
thes) ; la capacité moyenne des crânes calédoniens
est de 1407 centimètres cubes.
La taille moyenne des hommes est de t m. 07.
Le tronc et les membres sont très bien propor
tionnés ; la poitrine est large, le système muscu
laire bien développé, l'abdomen rarement proémi
nent. Les membres inférieurs sont souvent un peu
courts. Le pénis n’a pas la longueur extraordi
naire de celui des nègres. La sécrétion cutanée,
quoique abondante, n’a pas l'odeur de la sueur de
ces derniers; les Calédoniens sentent la bôte fauve.
Leur peau est douce et fraiche.
Les hommes ne sont pas très laids de figure, mais
les femmes sont loin de les valoir. Jeuues, leurs
formes sont grêles et indécises, mais le rude la
beur auquel elles sont vouées, et los mauvais trai
tements, les conduisent vile à une vieillesse pré
coce. Même à un âge peu avancé, elles sont
hideuses, avec leur allure bestiale, leur tête faisant
avec leur chevelure laineuse une grosse boule
noire, le lobe de leurs oreilles très allongé, percé
d’un grand trou et le plus souvent déchiré, leurs
seins énormes, piriformes et bientôt flétris. Elles
�soul nubiles de bonne hetrre, mais peu fécondes.
Elles allaitent leurs enfants très longtemps, ordi
nairement pendant trois ans, quelquefois pendant
cinq ou six. La longévité des deux sexes ne parait ('
pas être très grande.
Les Néo-Calédoniens ont la vue et l’ouïe d’une,
acuité extrême et sont très aptes à tous les exer
cices corporels. Ils nagent admirablement, mais
en chien ; de même que les autres Océaniens, ils
grimpent anx arbres comme des singes. La mar
che dans des sentiers étroits développe aussi chez
eux un mouvement de rotation du bassin très
prononcé.
I
Leur appétit est quelquefois prodigieux ; 011 les
voit absorber en un seul repas trois ou quatre fois fl
autant d’aliments que l'Européen le mieux doué
sous ce rapport pourrait en consommer ; par con
tre, ils restent facilement plusieurs jours sans
manger; cela lient à la pénurie, à l'instabilité des
ressources alimentaires : comme ils ne savent pas I
toujours quand ils mangeront, si une occasion se I
présente de se remplir le ventre, ils la saisissent.
Dans les moments de disette, ceux de la partie
nord-est île file, où celte terre est très abondante, :
avalent des boulettes d’une steatite molle, ressem
blant à la pierre à savon des tailleurs et des cordon
niers, mais n’ayant aucune propriété nutritive, el
qui peut tout au plus engourdir les tiraillements de
la faim, en donnant prise aux spasmes de l’estomac.
Sans armes pour tuer les oiseaux, dans un pays
dépourvu de mammifères, ils ne mangent que (
peu de viande, car on ne peut faire entrer en ligne
�— 167 —
de compte linéiques roussettes surprises daus leur
sommeil, ni les repas de chair humaine, quoiqu’ils
soient encore trop communs. En dehors du poisson
qui fait souvent défaut, des coquillages et des
crustacés, le fond de l’alimentation est végétal
(ignames, laros) et, en général, peu abondant. Celte
fade nourriture n'est relevée par aucun condi
ment ; c'est à peine s'ils absorbent un peu de sel
par l’ingestion des mollusques et des crustacés, et
par celle de l’eau de mer qu’ils boivent, à épo
ques fixes, comme médicament : ceux qui habitent
l’intérieur viennent de temps en temps sur le lit
toral dans ce but. Les coquillages entrent pour
une bonne part dans l’alimentation. Les coquilles
jetées aux environs des cases forment de vérita
bles kjokenmœdclings.
La boisson est l’eau pure, et ils n’en abusent
pas ; ils ne boivent que très peu. Ils ne connais
saient ni le kava ni aucun breuvage enivrant. A
l’époque de uotrc séjour en Calédonie, on comptait
les très rares individus ayant appris, dans la com
pagnie des Européens, à boire du vin et de l’eaude-vie avec plaisir : il est à craindre que cette
sobriété n’ait pas duré. Aujourd’hui, tous abusent
de la pipe.
Les principales maladies des Calédoniens sont :
la syphilis (indigène, ou importée par les Euro
péens?), une sorte de lèpre , l’éléphantiasis, la
terrible phthisie pulmonaire qui fait à elle seule
plus de ravages que toutes les autres affections
réunies, des cas d’bydropisie, des maladies d’yeux
fréquentes, dues à l’habitude de dormir en plein
�— 168 —
a ir, o u d a n s d e s c a s e s é tro ite s re m p lie s à d e s
s e in d e f u m é e p o u r c h a s s e r l e s m o u s t iq u e s . O n
r e m a r q u e — a s s e z r a r e m e n t il e s t v r a i — u n e
a ffe c tio n s i n g u l iè r e q u i v a j u s q u ’à u n d é li r e a ig u ,
u n e v é r i t a b l e p o s s e s s io n d é m o n i a q u e , q u e le s C a
l é d o n ie n s a p p e l l e n t l 'enlèvement du cœur, c 'e s t-à d i r e d e l ’in te l li g e n c e . L ’a c c è s , q u i d u r e u n e h e u r e
o u u n e h e u re e t d e m ie , s e re n o u v e lle o rd in a ire
m e n t p e n d a n t p l u s i e u r s j o u r s c o n s é c u t if s , p u i s la
g u é r i s o n a lie u p o u r t o u j o u r s o u p r o v i s o i r e m e n t ,
c a r il y a s o u v e n t d e s r é c i d iv e s a u b o u t d e q u e l
q u e s m o is o u d e q u e l q u e s a n n é e s .
C e r ta i n e s o r g a n is a t i o n s p a r a i s s e n t p r é d is p o s é e s
à c e t t e s o r t e d ’o b s e s s io n q u i p r o v i e n t , p lu s q u e
p r o b a b le m e n t , d e s i d é e s s u p e r s t i t i e u s e s , d e s t e r
r e u r s q u ’i n s p i r e n t le s esprits, le s ê t r e s e x t r a o r d i
n a i r e s q u i r e m p l i s s e n t l e s b o is , le s l ie u x d e s é p u l
t u r e , e t c ., t e r r e u r s q u i s o n t la t r a d u c t i o n d e s id é e s
r e li g i e u s e s c h e z le s N é o - C a lé d o n ie u s , e t q u ’e n t r e
t i e n n e n t s o i g n e u s e m e n t le s s o r c i e r s , v é r it a b l e s
c h a r l a t a n s , à la fo is p r o p h è te s e t m é d e c in s de
l’à m e e t d u c o r p s . L e tabou d e la P o l y n é s i e e x is te
s o u s u n a u t r e n o m a v e c les m ê m e s ctT els. L e s C a
lé d o n i e n s c r o i e n t v a g u e m e n t à u n e a u t r e v i e , e t,
c h e z e u x , c o tte c r o y a n c e r e v ê t u n e f o r m e p lu s
c o n s o l a n t e q u e c h e z le s P o l y n é s i e n s , c a r to u s j o u i
r o n t a p r è s la m o r t d 'u n p a r a d i s p e u p lé p a r le u r s
a n c ê t r e s , a v e c a b o n d a n c e d e t a r o s e t d ’ig n a m e s .
P a r l e u r c o n s t it u t io n , l e u r a s p e c t g é n é r a l , ils se
r a t t a c h e n t a u x P a p o u s , m a is o n r e m a r q u e ch ez
e u x d e s t r a c e s d e m é t i s s a g e . L ’ile a r e ç u é v id e m
m e n t s a p o p u la tio n d e d i v e r s e s s o u r c e s ; le s p e u -
�— 169 —
plades ciiros du sud-est de l'Asie ont pu y arri
ver ; la race polynésienne y aura sans doute à
plusieurs reprises envoyé des colonies, comme cela
a eu lieu, pour ainsi dire de nos jours, sur la plus
septentrionale des iles Loyally, qui a pris le nom
de la patrie des émigrants, Ouvéa. Les femmes de
cette petite iie, incomparablement mieux que les
Calédoniennes, sont à cause de cela très appréciées
par les chefs de la côte orientale de la NouvelleCalédonie ; aussi sur cette côte rencontre-t-on des
métis ayant le type d'Ouvéa.
Nous avons vu aussi de ce côté de Pile quelques
albinos.
« L’originalité du costume canaque, dit M. Henri
Rivière (Souvenirs de la Nouvelle-Calédonie, 1880),
c’est qu’il n’existe pas, ou si peu, qu'il n’y a pas
lieu de s’étendre à son sujet... il ne s’adapte qu’à
une partie du corps : ce n’est pas le talon. L'ac
coutrement est une étoffe de couleur voyante. »
U est de fail que les Calédoniens trouvent moyen
d’ôtre plus indécents que s’ils étaient complète
ment nus. Aux iles Loyally, c’est, ou c’était, en
core pire ; nos missionnaires ont appris aux na
turels à se vêtir quelque peu. Dans les deux pays,
on joint quelques ornements au costume par trop
primitif, des colliers, des bracelets en poil de rous
sette avec des coquilles, ordinairement des porce
laines œuf de Léda. La chevelure est tantôt ra
menée en une touffe très haute et enveloppée
d’une étoffe, de manière à figurer une sorte de
bonnet à poil ; tantôt elle est coupée presque ras
et ceinte d’une espèce de turban orné d’une ai-
�— 170 —
«frette tic plumes, ou bien la tête esl surmontée
d'un lube cylindrique eu grossier feutre noir, sans
fond et sans rebords. Souvent les cheveux sont
teints avec de la chaux. Üu porte la barbe en
tière ou en collier, ou l’on se rase.
Le vêtement des femmes consiste tout simple
ment en une ceinture en paille, à franges, large
de 15 à 20 centimètres, franges comprises, quel
quefois teinte en noir. Dans le nord de rile, cette
ceinture est munie par derrière d’un tablier tom
bant jusqu'aux jarrets.
Le tatouage, beaucoup plus commun chez les
femmes que chez les hommes, est un tatouage en
relief sur les bras et la poitrine (les seins chez les
femmesi, obtenu au moyen de brins d’herbe sèche
qu’on pique dans la peau et auxquels on met le feu.
Dans les fêtes et les combats, les hommes se bar
bouillent tout le corps en noir.
Les Calédoniens sont sales quoiqu’ils soient sou
vent dans l'eau ; ils sont couverts de vermine qu’ils
mangent.
Ils fabriquent des étoffes avec des écorces parie
procédé du battage ; avec les tiges à la fois molles
et résistantes d’un jonc, ils font des manteaux
pour la pluie qui ressemblent à un petit toit de
chaume (26), avec les fibres du jalé de très beaux
filets de pêche, des cordelettes avec le poil de
roussette ; ils savent aussi fabriquer de la poterie.
Leurs sculptures sont inférieures à celle des Poly
nésiens; le plus souvent, leurs représentations de
la figure humaine ne rappellent pas le type de la
population : ainsi on en voit avec des profils bus-
�qués, <Jt; grands nez aquilins, dont les modèles
n’existent pas dans le pays. Leur seul instrument
de musique est la flûte, dans laquelle on souffle
avec une des narines en bouchant l'autre, ou avec
la bouche. L’idée ne leur est pas venue d’utiliser
pour l’éclairage l’huile si facilement obtenue du
coco et de l’amande de \'Aleurites triloba, très com
muns dans leur ile.
Leurs armes sont des casse-tête de diverses for
mes, quelquefois tout simplement une branche
noueuse, quelquefois en forme de faux ou de bec
d’oiseau de proie, des sagayes qu’ils lancent très
adroitement, des frondes avec lesquelles ils pro
jettent à grande distance des pierres auxquelles
ils donnent par le frottement une forme ovoïde.
Les haches en pierre de diverses formes, très
communes autrefois, ne sont plus aujourd’hui que
des objets de curiosité.
Les guerres sont fréquentes, sous divers prétex
tes, mais le motif réel est ordinairement l’envie de
dépouiller une tribu voisine du produit de ses cul
tures et, pour compléter la ripaille, de se pro
curer quelques cadavres d’ennemis à dévorer. Les
opérations, dirigées par un chef spécial, le chef de
la guerre, consistent le plus souveut en surprises;
on tombe avant le jour sur un village auquel on
met le feu; on massacre les habitants qui cher
chent à fuir l'incendie; on coupe les arbres à fruit:
les femmes et les enfants qui ont suivi les guer
riers saccagent les plantations, enlevant tout ce
qui peut être emporté. Quelquefois les adversaires
ne se laissent pas surprendre ; alors la bataille a
�lieu en plein champ. Les deux partis débutent, à la
façon des héros d’Homère, par s’accabler d’injures
auxquelles succèdent le jet des pierres de fronde
et des sagayes, puis les luttes corps à corps, et
bientôt la débandade pour le parti qui compte trois
ou quatre victimes, parce qu’il ne s’occupe plus
que d'empêcher ses morts et ses blessés de tomber
au pouvoir de l’ennemi. Au lieu de faire parade
de leurs blessures, les guerriers calédoniens les
cachent soigneusement parce qu’elles montre
raient leur maladresse à parer les coups, ce dont
ils se préoccupent avant tout; cela ne les empêche
pas d’être très braves; non seulement ils le mon
trent dans leurs guerres de tribu à tribu, mais,
dans leurs luttes contre nous, ils ont souvent prouvé
qu’ils n’étaient pas des adversaires à dédaigner.
Tout sauvages qu’ils sont, ils ne manquent pas
d'imagination; les conteurs ne sont pas rares chez
eux ; l’apologue et l’allégorie leur sont familiers.
La terre de Calédonie ne produisant spontané
ment à peu près rien qui puisse se manger, il faut
la cultiver. Les cultures de laro feraient honneur
au pays le plus civilisé par la manière dont sont
aménagées et conduites les irrigations indispensa
bles à cette aroïdée. La culture des ignames est
également très soignée. Les défrichements se font
au moyen du feu; les naturels savent marner la
terre avec des coquilles.
La recherche des coquillages et des crabes, à
mer basse est dévolue aux femmes ; les hommes
pêchent dans l'intérieur des récifs, avec des piro
gues (pêche au filet, à l'hameçon, à la foëne, quel-
�quefois en engourdissant le poisson avec des plan
tes vénéneuses jetées à lamer). Sans faire de longs
voyages, les Calédoniens ne sont cependant pas
étrangers au métier de marin ; ils ont de grandes
pirogues doubles, longues de 14 ou 13 mètres,
naviguant bien avec une ou deux grandes voiles
triangulaires en nattes.
Leurs cases, semblables à des ruches, n'ont gé
néralement pas plus de 3 ou 4 riiètres de diamètre,
avec une ouverture unique de 0 m. 60 de haut sur
0 m. 40 de large; il y a constamment du feu dans
l’intérieur pour chasser les moustiques. Les cases
des chefs sout plus grandes, ordinairement distin
guées par un toit eu paiu de "sucre, haut de 8 à
10 mètres; souvent, une belle allée de cocotiers
conduit à la demeure du chef. Les cases sont ordi
nairement groupées en petits villages.
Les Calédoniens comptent par années solaires et
par lunaisons. Leur numeration est basée sur la
vingtaine, c’est - à - dire qu’ils commencent par
compter sur les dix doigts des mains, ce qui fait
uu premier total : les mains, puis sur les dix doigts
des pieds dont la somme jointe aux mains fait un
homme (27). Us pourraient compter ainsi indéfini
ment, mais ils ne tardent pas à s’embrouiller, ou
bliant le numéro d'ordre de la dernière vingtaine;
aussi, dès que le chiffre s’élève quelque peu, on ne
compte plus et on l'énonce par uu collectif rappe
lant l’idée de la pluralité, de la grandeur.
La polygamie est bien autorisée par les mœurs,
mais il n’y a guère que les chefs à se donner ce
luxe qui, chez les gens riches, remplace la domes-
�— 174 —
lin it!. La condition des femmes est le plus souvent
tout ce qu’il y a de plus misérable, aussi il n’est pas
rare d'en voir se débarrasser par le suicide de leur
triste existence. Ce Retire de vie développe chez
elles un mélange d’abrutissement, de méchanceté
et de ruse. Sages et réservées, par terreur super
stitieuse, jusqu’à l’âge de seize ou dix-sept ans,
elles ne tardent pas à se livrer à la débauche la
plus éhontée, jusqu’à ce que l’éclipse de leurs
charmes, entre vingt et vingt-cinq ans, les fasse se
ranger et entrer en ménage.
Le mariage n'est accompagné d’aucune céré
monie ; tout se borne à quelques cadeaux aux pa
rents de la future. Les enfants sont bien soignés
tant qu'ils sont tout petits, mais l’affection réci
proque des parents et des enfants ne larde pas à
diminuer. L’adoption est en usage, comme eu Pol>nésie.
Le libertinage se développe de bonne heure
chez les jeunes garçons et, peut-être à cause de
celte précocité, dégénère en un vice hideux.
Quoique les liens affectueux se relâchent de
bonne heure entre les parents et les enfants, ces
derniers gardent néanmoins pour leurs ascendants
un respect tel que le (ils n’oserait pas toucher un
cheveu de la tête de son père : de même pour le
cadet à l’égard de l'ainé. Malgré cela, il n’est pas
rare de voir les Calédoniens abandonner leurs pa
rents vieux et malades, et même les jeter tout
vivants dans une fosse et piétiner dessus, pour en
finir avec les charges que la maladie et la vieil
lesse imposent aux patients eux-mêmes, et cela
�sau» remords, croyant au contraire très bien faire;
il est certain que très souvent ce sont les malades
qui demandent à être délivrés d’une existence qui
leur est à charge.
Les morts sont quelquefois inhumés ; dans cer
taines tribus on n’enterre que les chefs; les cada
vres des autres individus sont placés dans un lieu
écarté, au fond d’un bois, sur des claies, dans le
branchage d’un arbre. Nous avons souvent trouvé
des squelettes sans la tète ; celle-ci était cachée à
part dans quelque creux de rocher. On dépose
autour du mort ses armes, des étolïes, des vivres, etc. La mort est l’occasion de cérémonies et
de scènes de deuil qui prennent de grandes pro
portions s'il s'agit d’un chef; non seulement il y a
alors des sacrifices humains, mais, comme si la na
ture devait s’associer au deuil des hommes, on
coupe les cocotiers, on arrache les plantations. Au
bout d’un mois, un festin de Gargantua, auquel
sont invitées les tribus alliées, clot la série des cé
rémonies funèbres, mais on recommence à l’anni
versaire, quelquefois pendant sept ou huit ans.
Du reste, tout est occasion de fête pour les Calé
doniens : la naissance d’un lils, — celle des filles
passe inaperçue : — la circoncision (ou, pour être
plus correct, l’incision) à la suite de laquelle le
petit garçon, âgé de cinq ou six ans, est mis pour
ia première fois en possession du vêtement rudi
mentaire de ses compatriotes, et surtout la récolte
des ignames, fêle à laquelle s’invitent à tour de rôle
les tribus amies et où l'on se gorge d’aliments avecla plus complète imprévoyance, quitte à mourir de
�— 176 —
fairfl plus tard; pour que la fôte soit complète, il
faut qu’elle soit accompagnée d’un festin de chair
humaine. L'intervalle des repas se passe en luttes,
en joutes à la sagaye, puis, la nuit venue, les hom
mes, barbouillés de noir, exécutent, à la lueur de
grands feux, le pilou-pilou, danse diabolique, accom
pagnée de hurlements qu'on ne peut entendre sans
frissonner. Les femmes dansent aussi de leur côté.
Chez toute les populations mélaniennes, le pou
voir des chefs est despotique; en Calédonie un
abirne les sépare de leurs sujets, gent corvéable et
mangeable à merci, mais un long abrutissement fait
trouver à ces malheureux un pareil état de choses
tout naturel; un chef fait-il tuer un enfant pour
régaler un de ses amis, les parents de la victime
pourront être consternés, mais l’idée de se plaindre
ne leur viendra pas. « C’est le chef, c’est son droit. »
Chaque année, le Téama, grand chef qui commande
à plusieurs autres en vertu des règles d’une vraie
féodalité, fait acte de suzeraineté en parcourant
les domaines qui relèvent de lui, blessant ou tuant
quelqu’un, brûlant des cases, ravageant des cul
tures, etc., etc. Son lits, le Têa, ne doit jamais poser
les pieds à terre avant d’avoir été circoncis.
Les Calédoniens s’établissent ordinairement le
long des cours d’eau, à portée de la mer qui leur
offre plus de ressources que l’intérieur de l’ile. Lors
de notre prise de possession en 1853, on estimait
la population entre 40 000 et 43 000 individus, mais
celte évaluation ne repose sur aucune base solide :
en tout cas, on a pu constater que la population a
diminué depuis lors; l’arrivée des Européens sem-
�hie avoir piyduit les mômes effets que dans le reste
de l'Océanie : nous avons vu, eu trois ans, des dis
tricts être presque entièrement dégarnis de leurs
habitants, par suite d’affections prenant très vite
un caractère épidémique. Au dire des mission
naires, qui ont été à portée de les voir pendant
longtemps, les Néo-Calédoniens seraient en déca
dence, et eux-mêmes en conviennent : il est de fait
qu'ils n’entreprennent plus aujourd’hui de grands
travaux d’irrigation, de fortification, etc., comme
ceux dont on voit les vestiges.
Forster, qui du reste était assez porté à voir
tout eu beau, avait représenté les Calédoniens
comme des hommes doux, humains, en un mot
n’ayant que de bonnes qualités. Labillardière, venu
dix-huit ans après, avecd’Entrecasteaux, les signa
lait au contraire comme des voleurs et des anthro
pophages. Forster s’était sans doute trouvé eu Ca
lédonie dans un bon moment, pendant lequel les
naturels ne s’étaient pas montrés sous leur vrai
jour; pendant trois années consécutives passées à
la Nouvelle-Calédonie, nous aurions presque pu
avoir sur leur-compte la même opinion que Forster;
il nous est arrivé souvent d’être entièrement à leur
discrétion et de n’avoir eu qu'à nous louer de leurs
lions procédés; mais avant et après cette époque,
même eu laissant de côté la terrible insurrection
de 1878-1879, trop de faits prouvent que ce sont
des sauvages perfides, hypocrites et rusés, faisant
à l’étranger la meilleure figure au moment même
où ils méditent le plus mauvais coup, pleins de ca
prices, aujourd’hui bons et serviables, intraitables
J oüan. — LXV.
12
�et cruels demain. Ajoutons à cela <|u'ils sont pleins
d’orgueil par suite de leur ignorance, paresseux,
considérant le travail comme nn déshonneur, en
môme temps braves et passionnés pour la guerre,
supportant la douleur et la maladie avec stoïcisme,
intelligent, très méfiants et très dissimulés, et
pourtant très gais et très causeurs; en un mot, on
trouve en eux, comme chez tous les sauvages, un
mélange de qualités et de défauts, mais ces der
niers dominent, quoi qu'aient pu dire quelques
enthousiastes; néanmoins il semblerait que leur
caractère peut se modifier par l’éducation; on les
amène plus facilement au travail régulier que les
Polynésiens; nous avons vu des enfants élevés à
Nouméa montrer une grande aptitude pour les
langues étrangères et les diverses professions ma
nuelles, et nous avons été témoin, de la part de
leurs néophytes envers les missionnaires français,
d’actes de dévouementdont les aimables Polynésiens
auraient été incapables.
Les Calédoniens sont, par-dessus le marché, des
anthropophages de premier ordre. Ils ne mangent
pas seulement leurs ennemis; on voit des chefs
mettre leurs sujets en coupes réglées : c’était le cas
de Bouarat, le chef de Hienghen. Un jour qu’un de
ses parents, un chef comme lui, dans un moment
de pénurie, se plaignait de sa maigreur. « Que ne
« fais-tu comme moi? lui dit Bouarat; mange de
« temps en temps un Iamboitc (gens du menu peu« pie), et comme moi tu deviendras gros et gras! »
— Le cousin suivit le conseil, et quelques mois
après revint voir celui qui le lui avait donné, pour
�lui dire qu'il s’en trouvait bien : il avait mangé
jusqu’à sa femme I
Ce qui vient d’être dit des Néo-Calédoniens peul
s’appliquer presque sans variantes aux indigènes
des iles Loyally, annexes de notre colonie. Le
Samoan Reporter donnait, en 1800, 13 000 habitants
à ce petit archipel. Les missionnaires catholiques,
qui y étaient établis à cette époque, nous accusèrentun chiffre moins élevé,entre 10 000 et 11 000in
dividus.
Les langues papoues sont encore loin d’être con
nues; ou u'eu a guère (pie des vocabulaires peu
éleudus, mais qui suffisent cependant pour montrer
que les relations avec d’autres peuples, Malais,
Polynésiens, Micronésiens, y out introduit des mots
qui n’y figuraient pas primitivement. Au Port-Dorcï
(Nouvelle-Guinée), d’Urville a signalé quelques mots
malais et deux mots malgaches; on sait que le malais
a fourni des éléments à la langue de -Madagascar.
Le voisinage des iles Tonga, et les relations que
les deux archipels entretiennent ensemble, ont ap
porté des modifications dans l’idiome des Fidji.
Dans ces iles, comme cela se voit dans quelques
archipels de la Polynésie occidentale, il y a un lan
gage de cérémonie pour parler aux chefs.
D’Urville a reconnu trois idiomes différents sur
la petite ile Vanikorojon y trouve une douzaine
de mots polynésiens très communs et qui sont dus,
sans doute, au voisinage de l’ile polynésienne Tikopia.
A la Nouvelle-Calédonie, il n’existe pas de nom
pour désigner Pile entière; il y aurait (Bouquet de
�La Grye) six langues, ayant chacune deux ou plu
sieurs dialectes. Des jeunes garçons, que le gou
vernement local avait tait venir de toute l’ile à
Nouméa pour leur apprendre divers métiers, par
laient français pour se comprendre entre eux. Sou
vent les noms de nombre diffèrent suivant qu’il
s’agit d’hommes ou de choses; quelques mots, mais
en petit nombre, ont des rapports avec des mots
polynésiens et malais. D'autres noms, de prove
nance polynésienne, ont été introduits parles navi
gateurs européens (28). 11 y a aussi des mois qu’on
n’emploie qu’eu parlant aux grands personnages.
Dans plusieurs îles du Pacifique Sud-Ouest, les
populations ont un double vocabulaire pour la nu
mération, l’un en langue indigène, l'autre en poly
nésien. C’est le cas des iles Loyally, principalement
à Ouvéa, où un élément étranger, venu des Iles
Wallis, s’est établi; mais les colons, dégradés au
contact des autochtones, n’ont conservé que les
cinq premiers nombres cardinaux; on remarque,
du reste, la même chose dans les autres iles où la
numération polynésienne a été importée. — Dans
la partie sud d’Ouvéa, on parle la langue até, qui
nous a paru assez rude et hérissée do consonnes
nasales; elle ne nous semble pas être tout à fait la
môme dans les deux autres iles dn groupe, Lifou
et Maré.
�CHAPITRE All
Population; incertitude sur le nombre des habitants.
— Etablissements européens. — Avenir des îles du
Pacifique.
Ce qui précède doit, il nous semble, suffire pour
le but que nous nous étions proposé : donner une
idée générale des iles du Pacifique, de leurs pro
ductions et de leurs habitants à l’époque actuelle.
Le lecteur a pu reconnaître que, si quelques-unes
ont subi des changements notables depuis les grands
voyages de découverte du dernier siècle, d’autres
eu grand nombre sont restées à peu près telles
qu’elles étaient alors, et très souvent les change
ments qu'elles ont éprouvés ont eu lieu plutôt en
mal qu’en bien : ainsi partout, ou presque partout,
on a constaté une dépopulation effrayante sur les
causes de laquelle nous ne reviendrons pas. Il est
certain que les premiers visiteurs, par de faux cal
culs, avaient exagéré le chiffre des habitants des
différentes terres oVi ils ne passaient le plus souvents que quelques jours; plus tard, lorsque des
Européens se furent fixés à demeure dans ces
régions, on put avoir des notions à peu près
exactes sur le nombre des indigènes, et c’est eu
partant de ces bases qu’on s’est bientôt aperçu du
décroissement continu de la population. 11 nous
�semble encore impossible (le dire, a une approxi
mation quelconque,ce quelle est aujourd’hui pour
l’ensemble de l’Océanie, car, si l’on a des chiffres
exacts pour quelques archipels polynésiens rela
tivement très civilisés, pour les autres, surtout
pour les terres mélanésiennes, on manque complè
tement de renseignements.
M. C. lleuricy, dans un petit ouvrage (Histoire
de l'Océanie depuis son origine jusqu’en 1843) très
remarquable pour l’époque où il parut, évalue la
superficie de ce que nous avons appelé l’Océanie
des marins, c'est-à-dire la Polynésie, la Micronésie
et la Mélanésie (abstraction faite de la NouvelleHollande et de la Terre de Van-Diemen), à 39 233
lieues carrées de 23 au degré, habitées par
2 397 000 individus; pour concourir à former ce
total, nous voyous figurer les chiffres suivants: Nou
velle-Zélande, 238 000, lies Marquises, 40 000, lies
Sandwich, 143 000, lies Paumotu, 20 000. Or.
nous savons par des documents officiels que ces
chiffres ue sont respectivement aujourd’hui que
42 819 (Nouvelle-Zélande), 6043 (lies Marquises).
44 088 (iles Sandwich), 2739 (îles Paumotu) (29).
— (les différences suffisent déjà pour montrer com
bien le total énoncé plus haut est erroné ; en outre
sur quoi fauteur cité a-t-il pu se baser pour le chif
fre des populations mélanésiennes ? Pour nous,
jusqu’à présent aucune évaluation de. ces dernières
ue uous parait possible. Tout abrégée qu'elle csl,
l'énumération que nous avons faite des productions
de la nature, dans les principaux archipels du Pas
ciliquc, doit donner une idée des ressources quelle-
�— 183 —
peuvent offrir au commerce el à la colonisation.
Quoique venus les derniers dans l'Océanie, les
Anglais ont fondé en Australie et en Tasmanie, il
n'y a pus encore un siècle (1788), des établissements
devenus, grâce à l'esprit de suite des fondateurs
et à des circonstances heureuses, — entre autres la
découverte de riches gisements aurifères, —un véri
table empire qui, si Ton écoutait quelques impa
tients, devrait faire ses affaires tout seul.
La Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne du Sud.
où des missionnaires anglais s'établirent dès 1814,
montrant le chemin à de nombreux émigrants, n’a
été proclamée officiellement colonie anglaise, qu'en
1840. Malgré des commencements difficiles, elle
marche rapidement dans la voie de ses deux de
vancières. Scs richesses minérales, l’or, le cuivre,
la houille, et d'autres produits, plus modestes en
apparence, mais tout aussi utiles, ses forêts, son
sol favorable à l’industrie pastorale et à l'agricul
ture, lui promettent le plus bel avenir. Récemment,
le gouvernement de la reine Victoria a proclamé
« colonie britannique » l'archipel Fidji, où, de même
que cela avait eu lieu à la Nouvelle-Zélande, de
nombreux sujets anglais avaient, depuis des an
nées, fondé des établissements, à leurs risques et
périls. C'esl, du reste, un procédé assez ordinaire
aux Anglais en matière de colonisation, et l'on voit
tout de suite combien il est commode, combien il
simplifie la besogne du gouvernement de la mère
patrie : la colonisation est toute faite, la colonie
presque toujours organisée grâce aux habitudes
de self-government : il n'y a plus qu’à administrer.
�-
18 V -
Tout dernièrement encore, l’Angleterre, profitant
des dissensions religieuses entre les protestants et
les catholiques, a planté sou drapeau sur la petite
ilede Rotuina. Si des établissements anglais du Paci
fique on passe aux nôtres, on est bien obligé de re
connaître que la différence est grande; mais nous
avons la conviction, quoique ce soit un thème favori
que de uier nos aptitudes comme colonisateurs,
qu'il n'en sera pas toujours ainsi, et qu’uu jour
ou tirera bon parti de la Nouvelle-Calédonie dont
nous avons pris possession en 1833; les commen
cements des colonies anglaises ses voisines, au
jourd'hui riches et prospères, ont peut-être été plus
difficiles. Ou aurait, sans aucun doute, tort de
s’exagérer les ressources de la Calédonie, de croire
que ce pays est un eldorado où il n'y a qu’à se
baisser pour faire fortune, mais il y a certainement à
faire pour des gens laborieux et pas trop impatients.
Malgré leur situation géographique et leur heu
reux climat, les iles de la Société sont moins bien
douées, au point de vue utilitaire, que la NouvelleCalédonie; pourtant des essais heureux démontrent
que ces iles peuvent grandement rémunérer le tra
vail des colons. Tahiti et sa voisine Moorea, qui
étaient sous le protectorat de la France depuis le
mois de septembre 1842, protectorat accepté succes
sivement par la plus grande partie des Paumolu et
quelques petites iles des environs, sont depuis quel
ques mois des colonies françaises.
L’archipel Hawaii constitue un royaume indépen
dant sous le sceptre d’un prince indigène, mais les
individus de race européenne y sont assez nombreux
�poui' qu’on puisse le considérer comme une colonie,
en réalité une colonie anglo-américaine prospère.
Le drapeau de l’Espagne abrite depuis 1668, sur
l'archipel des Mariannes, uue population de métis
ol d’indigènes, devenus Espagnols de goûts et d’ha
bitudes, vivant misérablement, ne produisant rien.
Cette population, qui atteint aujourd’hui tout au
plus le chiffre de -l 000 individus, en comptait, diton, 10 000 il y a deux siècles.
Notre établissement des Iles Marquises, qui date
de juin 1842, n’a jamais été qu’un poste militaire,
et encore peu considérable; aujourd’hui, il est ré
duit à sa plus simple expression : un résident et
quelques gendarmes. Il n'y a jamais eu de colons
véritables, mais seulement de petits marchands
vivant sur la garnison et les naturels. Il s’en faut’
pourtant que ces iles soient stériles, et, sans que
cela nuisit à ces derniers, une partie notable du
sol pourrait être mise en valeur par des émigrants.
I)u reste, à uolre avis, il en est de même de toutes
les terres du Pacifique oriental, à l'exception des
récifs coralligènes à peine exondés, car la majeure
partie des iles madréporiques, grâce à la culture
du cocotier dont l’huile est de plus en plus deman
dée, peuvent fournir des produits très rémunéra
teurs. Le climat de toutes ces iles est très saiu, et
moyennant quelques précautions, très faciles à
prendre, le blanc peut y travailler en plein air, ce
qui n'a pas lieu dans la plupart des régions tropi
cales. Toutes les cultures de ces régions y réussis
sent. 11 est bien clair, comme nous le disions tout à
l’heure à propos de la Nouvelle-Calédonie, que celui
�— 186 —
qui s’imaginerait qu’il va trouver sur ces îles des
richesses incalculables, môme au prix de beaucoup
de travail, s’exposerait à des déceptions; mais il est
incontestable que beaucoup de déshérités du vieux
monde, qui ëtoulTenl dans nos centres do population
encombrés, se feraient, dans le Pacifique oriental,
une existence plus confortable et plus digne.
Les Allemands semblent avoir jeté leur dévolu
sur le bel archipel des Navigateurs (Samoa) où,
depuis quelques années déjà, est représentée une
grande maison commerciale de Hambourg.
A diverses reprises, les Hollandais ont essayé de
s’établir à la Nouvelle-Guinée, mais sans succès.
Eu ce moment a lieu une tentative de colonisation
libre à la Nouvelle-Irlande, mais il est difficile de
préjuger ce que la colonie de PoH-Brctondeviendra.
Un obstacle sérieux à la production dans les iles
du Pacifique, c’est, encore plus que le manque de
capitaux, le manque de bras. Les Polynésiens
n’éprouvent nullement le besoin d’acheter plus de
bien-être qu'ils n’en ont, par un travail quelcon
que, surtout un travail régulier, à heure fixe :
c’est là une sujétion à laquelle ou ne les amènera
jamais. A voir ce qui se passe ailleurs, nous croyons
que la colonisation trouverait des auxiliaires nom
breux et excellents dans les émigrants chinois qui
vont aujourd’hui partout où il y a quelque bénéfice
à faire, quelque argent à gagner : tout nous porte à
croire qu'un jour, peut-être pas bien éloigné, les pa
tients cultivateurs do l’Empire du Milieu mettront en
valeur, non seulement les archipels du Pacifique
oriental, mais les terres de la Mélanésie, et que le
�climatq.' ces dernières, qui semble Cire un obstacle
pour les Européens, n’en sera pas un pour eux.
Les archipels mélanésiens n’ont guère été fré
quentés, jusqu’à présent, que par des troqueurs,
des aventuriers, qui vont y chercher du tripang,
de la nacre, du bois de sandal, de l'écaille de tor
tue, etc., et qui réalisent de beaux bénéfices sur ces
matières premières ; malheureusement, ce trafic
n’offre pas de grandes chances de durée parce que
le moindre défaut des acheteurs et des vendeurs,
c’est de tuer la poule aux œufs d’or; mais la fertilité
exubérante de ces terres finira, en dépit du climat,
peut-être pas partout aussi mauvais qu’on l’a dit, par
y attirer des colons, surtout si les explorateurs, qui
commencent à les entamer sérieusement, y décou
vrent des richesses minérales un peu importantes.
Par ce temps de télégraphe, de vapeur, etc., de
luttes ardentes pour l’existence, aucun coin du
glohe, à moins qu’il ne soit tout à fait déshérité, ne
peut plus se tenir à l’écart, ne doit plus rester en fri
che : tout doit être mis en valeur.L’Ucéauie subira la
loi commune; le percement de l’isthme de Panama
— qui se fera, on peut en être certain, on dépit de
tous les obstacles, de toutes les résistances — attire
de nouveau l’attention sur ces archipels négligés
depuis quelques années, après avoir naguère excité
ungrand intérêt de curiosité, et mèmè plus; malgré
tout ce qui s’est passé depuis, on u'a pas encore
oublié ce qu’on a appelé, en son temps, l’affaire
Pritchard. Avant peu sans doute, ces terres seront le
domaine presque exclusif de la race blanche; alors
on reconnaîtra que ceux qui s’y seront installés à
l’avance, dans les bonnes places, ont été bien avisés.
�NOTES
No t e i , p a g e i l . — E n c o r e u n e a p p e l la ti o n m a l h e u r e u s e !
p e n d a n t b i e n l o n g t e m p s , le s T o n g a n s f u r e n t lo in d e s c m o n
t r e r h o s p i t a l i e r s à l 'é g a r d d e s é t r a n g e r s , b ie n a u c o n t r a i r e ;
b e a u c o u p d e n a v ig a te u r s o n t e u m a ille à p a r tir a v ec e u x .
Note 2 , p . 1 2 . — A u j o u r d 'h u i , le s l 'a u m o t u s 'a p p e l l e n t o fllc i e l l e m e n l Tua-Motu, c e q u i v e u t d i r e ties [molu) de l’étendue, de la grande mer. E n a c c e p t a n t le p r o t e c t o r a t d e la
F r a n c e , l e s i n d i g è n e s a v a i e n t r é c l a m é c o n t r e l’a p p e l l a t i o n d e
l‘aumoiu, paii r a p p e l a n t u n e id é e d e v a s s e l a g e , d 'i u f é r i o r i t é ,
q u i l e s h u m i l i a i t . C e p e n d a n t , c o m m e d a n s le l a n g a g e c o u
r a n t h T a h i t i , o n l e u r d o n n e le p l u s s o u v e n t l e n r a n c i e n
n o m , n o u s c o n t i n u e r o n s à l ’e m p l o y e r .
No t e 3 , p . 1 2 .— Il e s t p l u s q u e p r o b a b l e q u e c e s I le s a v a i e n t é t é
v i s i t é e s , e t n o m m é e s le s J a r d i n s , p a r l 'E s p a g n o l J u a n G a é t a n ,
v e r s 1 3 1 2 . E l le s é t a i e n t p o r t é e s , m a i s d a n s u n e p o s i t i o n e r r o n é e ,
s u r u n e c a r t e t r o u v é e p a r A n s o n à b o r d d u g a l i o n d e M a n il le .
Note V, p . 1 3 . — L e 8 m a i 1 8 4 2 . Il a fallu le griller
)iour en ventr à haut, n o u s d i s a i t l 'a n c i e n p a t r o n d u c a n o t d u
c o m m a n d a n t d c YAttrolabe, u n h o m m e d e la m ê m e t r e m p e q u e
d ’ U r v ill e , a l o r s s i m p l e m a t e l o t , a u j o u r d ’h u i c o n t r e - a m i r a l .
No t e 5 , p . 1 8 . — M . I l a m y {Bulletin de laSociété de Géographie,
m a i 1 8 1 1 ) p r o p o s e le n o m d'indonésiens p o u r le s i n s u l a i r e s
Pré-Malais p r o p r e s h l ’a r c h i p e l d 'A s ie , Uattas, Dayaks, e tc .
Note 6 , p . 20. — L a p r e s e n c e d e n o m b r e u x E u r o p é e n s
s u r q u e l q u e s l ie s a n a t u r e l l e m e n t a m e n é d e s c h a n g e m e n t s
d a n s la m a n i è r e d 'ê t r e d e s h a b i t a n t s ; c e p e n d a n t il y a d e s
a r c h ip e ls o ù le s v ie ille s c o u tu m e s e x is te n t e n c o re d a n s to u te
l e u r i n t é g r i t é . D 'a u t r e p a r t , l e s n a v i g a t e u r s d u d e r n i e r s iè c le
t r o u v è r e n t q u e l q u e s lie s t r è s a v a n c é e s e n c i v i l i s a t i o n , T a h i t i ,
l e s ti c s S a n d w i c h , l e s li e s T o n g a , p a r e x e m p l e . L ’a n t h r o p o
p h a g ie e n a v a i t d i s p a r u ; le s n a t u r e l s p r é t e n d a i e n t m ê m e
q u e l l e n ’y a v a i t j a m a i s e x i s t é ; e u t o u t c a s , d a n s la p l u p a r t ,
s i n o n d a n s t o u t e s , o n f a i s a i t d e s s a c r if ic e s h u m a i n s .
Note 3 , p . 3 3 . — I t i c n z i a v a i t a u s s i e n s a p o s s e s s i o n ,
v e n a n t d e s î l e s S a l o m o n , d e s f r a g m e n t s d 'u n Draille, o i s e a u q u i
v i v a i t 'e n c o r e a f i l e U o u r b o n d a n s le x v n r s i è c l u r - i u a l h e u r e u s c in c n t ce p ré c ie u x é c h a n tillo n f u t p e r d u d a n s u n n a u fra g e .
Y é l a i t - c e p a s p l u t ô t u n Didunculus slrigirosim, c u r i e u x
p ig e o n d e s ile s S a m o a , q u i s e m b l e ê t r e u n p a s s a g e d e s p i
g e o n s a u D rn n le ?
�Note 8 . y . i è .—Atoll e s t le m o t e m p l o y é d a n s l e s m e r s d e
l ’I n d e p o u r d e s i g n e r le s lie s m a d r é p o r i q u e s a la g u n e i n t é r i e u r e ,
t e l l e s q u e le s M a ld iv e s , le s L a q u e d i v e s , l e s C h a g o s , e tc .
Note 9, p . 4 0 . — L 'ile d e Tonga-Tabou, e t f i l e Matea
s i t u é e à q u a r a n t e lie u e s d a n s le n o r d - n o r d - e s t d e T a h i t i , p r é
s e n t e n t le s m ê m e s p h é n o m è n e s (p ie le s i le s L o y a lty : ce
s o n t d e s Ile s c o r a l l i g è n e s , d 'a n c i e n s atolls s o u l e v é s .
Note 1 0 , p . 4 2 . — l ï . I l e u r t e a u , Rapport au Ministre de la
Marine sur la constitution géologique et les richesses miné
rales de la Nouvelle-Calédonie, 1 8 7 8 .
Note 1 1 , p . 4 8 . — L e s e ffe ts d é s a s t r e u x d e s é r u p t i o n s v o l
c a n i q u e s n 'a v a i e n t p a s m a n q u é d e f r a p p e r l 'i m a g i n a t i o n d e s
H a w a i i e n s , e t , q u o i q u e la p l u p a r t d e c e u x q u i v iv e n t a u j o u r
d ’h u i n ’a i e n t p a s e u d ’a u t r e é d u c a tio n r e l i g i e u s e q u e c e lle
q u 'i l s o n t r e ç u e d e s m i s s i o n n a i r e s c h r é t i e n s , il y a b e a u c o u p à
p a r i e r q u e , p a r m i e u x il y e n a q u i v o i e n t , d a n s le s é r u p t i o n s
tie l e u r s v o l c a n s , d e s e ffe ts d e l a c o lè r e d e Pélé, la d é e s s e d e s
f e u x s o u t e r r a i n s q u i f a it s a d e m e u r e h a b i t u e l l e d u K i l a u e a .
Note 1 2 , p . 5 8 . — C e la s e r e c o n n a î t to u t d e s u i t e s u r la
Carte générale de l’Océan Pacifique,d’après les reconnaissances
de la corvette •• l'Astrolabe » , d r e s s é e p a r M M . d 'U r v il le e t
L o t tin , e n 1 8 3 3 , o ù le s n o m s d e s ile s h a u t e s c o m m e n c e n t
p a r u n e l e t t r e m a j u s c u l e , t a n d i s q u e c e u x d e s il e s b a s s e s s o n t
e n t i è r e m e n t é c r i t s e n c a r a c t è r e s i t a l i q u e s o r d i n a i r e s . D a n s le
p l a n i s p h è r e j o i n t à s o n l i v r e s u r le s Récifs de corail, D a r w i n
a r e n d u c e l te d i s p o s i t i o n e n c o r e p lu s s e n s i b l e , e n c o l o r i a n t
e n bleu foncé le s a t o l l s é p a r s o u r é u n i s p a r g r o u p e s , e n bleu
pâle le s ile s e n t o u r é e s d e r é c i f s - b a r r i è r e s , e t e n rouge pâle
c e l le s o ù il n 'v a q u e d e s r é c if s f r a n g e a n t s . D e s p o i n t s rouge
foncé i n d i q u e n t l e s v o lc a n s e n a c t i v i t é , o u c e u x q u i s o n t
é t e i n t s il n ’y a p a s l o n g t e m p s .
Note 1 3 , p . 6 3 . — E n t r e le s tr o p i q u e s o n t r o u v e le c o c o
t i e r c u ltiv é p a r t o u t o ù il y a d e s h o m m e s . L e s f o r ê ts d e c o
c o t i e r s q u i c o u v r e n t u n e g r a n d e p a r t i e d e s ile s P a u m o l u o u i
é té p l a n t é e s , le s t r a d i t i o n s s o n t là p o u r le d i r e ; q u e lq u e s ile s
n ’o n t re ç u le s c o c o t ie r s q u e d e n o s j o u r s , t o u t r é c e m m e n t, el
o n p e u t , à la ta ille d e s a r b r e s , r e c o n n a î t r e d e p u is c o m b ie n d e
t e m p s c e s i le s s o n t h a b i t é e s .
Note 1 4 , p . 7 0 . — L e s d if f é r e n t e s e s p è c e s d e Phormium
f u r e n t t o u t e s c o n f o n d u e s s o u s le n o m d e Ph. tenax, c o n f u s io n
r e g r e t t a b l e e n c e q u e , s ’a p p l i q u a n t à d e s e s p è c e s f o u r n i s s a n t
tiri c h a n v r e i n f é r i e u r , e lle a j e t é d u d i s c r é d i t s u r u n te x t i l e
t r è s r e c o m m a n d a b l e . C e n o m n e d o it s ’a p p l i q u e r q u 'à l'e s p è c e
�— 190 —
il H e u r s rouges e t n o n à c e l le it i l e u r s jaunes, d o n t e lle d i t l ê r e
b e a u c o u p p a r le f e u i l l a g e . C e t t e d e r n i è r e e s t la s e u l e d o n t la
c u l t u r e a i t è lè e s s a y é e e n g r a n d e n E u r o p e : le c h a n v r e e s t b ie n
i n f é r i e u r à c e l u i d e l’e s p è c e à f le u r s r o u g e s .
Note U b i s , p . 9 9 . — D 'a p r è s 51. H e n r y H a m i n c r s l c y T r a
v e r s . q u i a e x a m i n é , e n 1 8 6 1 , q u e l q u e s s u r v i v a n t s d e’ c e t te
p o p u l a t i o n , le s Mori-Mori s e r a p p r o c h e r a i e n t p l u s d e s P o ly
n é s ie n s q u e d e s P a p o u s .
Note 1 5 , p . 1 0 5 . — A u x ( le s S a n d w ic h , q u i o n t u n g o u v e r
n e m e n t r é g u lie r , le s d ro its m is s u r le s liq u e u r s fo r te s é q u i
v a le n t p r e s q u e à u n e p ro h ib itio n , m a is o n se g r is e a v e c d e
l 'e a u d e C o lo g n e d o n t la v e n t e e s t n e n n i s e . i l n ’y a p a s q u e le s
K a n a k s il n i a g i s s e n t a i n s i d a n s l e s îl e s o ù l 'e a u - d c - v i e e t le r lm m
c o û t e n t t r o p c h e r ; l e s m a t e l o t s b a l e i n i e r s e u f o n t to u t a u t a n t .
No t e 1 6 , p . 1 1 2 . — N o u s a v o n s r e m a r q u é ( d e m ê m e q u e
l e Dr M o ric e ) q u e l q u e c h o s e d e s e m b l a b l e e n C o ç h i n c h i n e ;
le s m è re s a n n a m ite s n e b a is e n t ja m a is le u rs p e tits e n fa n ts :
e l l e s l e s a p p r o c h e n t d e l e u r n e z , e l l e s l e s respirent.
Note 1 7 , p . 1 2 3 . — A n s lie s d e l a S o c i é t é i l ' y a v a i t d e s
a r c s e t d e s f lè c h e s , m a i s , p a r a i t - i l , o u n e s 'e n s e r v a i t q u e
p o u r s ’a m u s e r e t n o n p o u r c o m b a t t r e .
Note 1 8 , p . 1 2 1 . — M a r i n e r , u n d e s n a u f r a g é s d u Portau-Prince, a d o n n é l e s p r e m i e r s r e n s e i g n e m e n t s c e r t a i n s s u r
l 'a r c h i p e l T o n g a , o ù i l a v é c u d e 1 8 0 6 à I S I O .
Note 1 9 , p. 133. — Du ilialccle île Tahiti, (les Marquises,
et, ni général, de la langue polynésienne, p a r L .- J .- l l . G a u s s iu ,
I n g é n i e u r h y d r o g r a p h e d e la .M a rin e , 1 8 5 3 . — C e t o u v r a g e
< a o b t e n u l e g r a n d p r i x d e l i n g u i s t i q u e d e V o ln e y .
Note 2 0 , p . 1 .4 6 . — Il y a e n v i r o n u n s i è c l e , u n e t r o u p e
d e n a t u r e l s d 'U v e a ( d e W a l l i s ) e n v a h i t u n e d e s d e s L o y a lty
( a n n e x e s d e la N o u v e lle - C a lé d o n ie ) c l lu i i m p o s a le n o m d e
s o n a n c i e n n e p a t r i e . D a n s c e l l e l i e , q u i n 'a p l u s a u j o u r d 'h u i
q u e c e n o m , C r é a , l e ty p e d e s h a b i t a n t s a c t u e l s e s t p r e s q u e
p o l y n é s i e n e t d i i ï è r e c o n s i d é r a b l e m e n t d u ty p e d e s h a b i t a n t s
d e s I le s v o i s i n e s , l.ifuu e t Muré, q u i s o n t d e s N é o - C a lé d o n ie n s .
No t e 2 1 , p . 1 1 9 . — P e u t - ê t r e l'influence dépressive d e la
r a c e b l a n c h e s 'e s t - e l l e f a it s e n t i r d a n s le s a r c h i p e l s o ù il y a
d e n o m b r e u x E u r o p é e n s é t a b l i s d e p u i s l o n g t e m p s d é jà (lie s
d e la S o c i é t é , Ile s S a n d w i c h ) ; m a is il n e p e u t e n ê t r e a in s i
a u x d e s G a m b i e r o ù il n 'y e u a j a m a i s e u p lu s d e s e p t o u h u it
à In f o i s , n i a u x d e s M a r q u is e s , s u r t o u t d e p u i s q u i n z e ou
s e i z a a n s q u ’a c e s s é l'o c c u p a t i o n m i l i t a i r e , l a q u e l l e , d u r e s t e ,
n ’a v a i t j a m a i s è l è b i e n c o n s i d é r a b l e ; e n d e h o r s d e s m is s i o n -
,
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-
1 9 1 -
ir n i r e s f r a u y ô ? , n u i p r o c è d e n t a v e c b e a u c o u p d e m é n a g e m e n t s
p o u r to u t c e qui" p e u t a m e n e r d e s c h a n g e m e n t s d a n s l e s c o u
t u m e s , il n ’v a q u e q u e l q u e s é t r a n g e r s , v i v a n t , p o u r l a p l u
p a r t , to u t il f a it d e la vie. île s i n d i g è n e s . O n a a u s s i i n v o q u é ,
p o u r e x p l i q u e r la d é p o p u l a t i o n , d e s c a u s e s m o r a l e s , le c h a g r in ,
le d é p i t d e c e s p o p u l a t i o n s fiéres d e v o i r l e u r s o l e n v a h i p a r
d e s h o m m e s d 'u n e a u t r e r a c e ; c e l a p e u t ê t r e v r a i p o u r c e r
t a i n e s p o p u l a t i o n s , le s N é o - Z é la n d a is , le s N é o - C a lé d o n ie n s p a r
e x e m p l e , m a is n o u s c r o y o n s q u 'o n a e x a g é r é c e s s e n t i m e n t s ;
t o u j o u r s e s t - i l q u e n o u s n e l e s a v o n s j a m a i s r e c o n n u s c h e z le s
X u k u h iv ie n s a v e c le s q u e l s n o u s a v o n s v é c u i n t i m e m e n t p e n d a n t
t r o i s a n n é e s : lo in d e là , n o u s a v o n s t o u j o u r s v u le s g e n s
d e s M a r q u is e s t r è s c o n t r a r i é s q u a n d o n a b a n d o n n a i t u n p o s te ,
p a i r e q u 'i l s a v a i e n t p l u s à g a g n e r q u ’à p e r d r e à n o t r e p r é s e n c e .
Notb 2 2 , p . 1 5 2 . — A u x tic s M a r q u is e s o ù , p a r s u ite d e
la d if f ic u lté d e s c o m m u n i c a t i o n s , c h a q u e v a llé e a lo n g te m p s
f o r m é u n c e n t r e p o l i t i q u e , o n r e m a r q u e d e s d if f é r e n c e s d a n s
la p r o n o n c i a t i o n , e t m ê m e d a n s le v o c a b u l a i r e , n o n s e u le m e n t
d ’u n e ile à l ’a u t r e , m a is d e v a llé e à v a llé e d a n s la m ê m e ile .
Note 2 2 , p . 1 3 7 . — L o r s q u e C a r t e r e t d é c o u v r i t c e g r o u p e ,
e n 1 7 0 7 , s o n n a v i r e fu i a t t a q u é p a r d e s p i r o g u e s c o n tr e
l e s q u e l l e s il f u t o b lig é d 'e m p l o y e r s e s c a n o n s .
No t e 2 4 , p . 1 6 1 . — Il e n é tiiit d e m ê m e a u x lie s L o y a lty
a v a n t q u 'e l l e s n 'e u s s e n t re ç u d e s m i s s i o n n a i r e s .
Note 2 3 , p . 1 6 4 . — R é c its d e J . J a c k s o n , à la s u i t e d e
l 'o u v r a g e d u c a p i t a i n e E r s k i n c , Journal of a cruise amontf
Hte Islands of Ihr Western l’acific, L o n d r e s , 1 8 5 3 .
No t e 26, p . 1 7 0 . — L e s J a p o n a i s e t le s p a y s a n s d u P o r
tu g a l o n t d e s m a n t e a u x to u t à f a i t s e m b l a b l e s .
No t e 27, p . 1 7 3 . — R ie n ri'e s t p l u s n a t u r e l q u e d e c o m p t e r
s u r l e s m a i n s e t s u r le s p ie d s p o u r d e ? s a u v a g e s q u i s o n t
p ie d s n u s e t q u i , l o r s q u 'i l s s o n t a s s i s n u p l u t ô t a c c r o u p i s ,
p r e n n e n t t o u j o u r s l ’e x t r é m i t é d e l e u r s p ie d s a v e c l e u r s m a in s .
Note 28, p . 180. — E n t r e a u t r e s le m o t Taio, « a m i . »
q u 'o n t r o u v e à c h a q u e lig n e d a n s le s r é c its d e B o u g a in v ille
e t de, C o o k s u r T a h i t i , e t q u i n 'e s t p l u s , p o u r a i n s i d i r e , e n
u s a g e a u x t i e s d e la S o c i é i é ; n o s m a t e l o t s l 'o n t t r a n s p o r t é e n
C a l é d o n ie , a i n s i q u e le m o t Kanalt.
Note 29, p . 182. — C e c h if f r e , à v r a i d i r e , ne r e p r é s e n t e
q u e la p o p u l a t i o n d e s il e s f r a n ç a i s e s . A c a u s e d e s h a b i t u d e s
n o m a d e s d e s P a u m o t u , l e u r n o m b r e e s t d iff ic ile à c o n n a î t r e ,
m ê m e d ’u n e m a n i è r e a p p r o c h é e ; e n le m e t t a n t e n t r e 5 0 0 0 e t
6 0 0 0 , o n s e r a p r o b a b l e m e n t e n c o r e a u - d e s s u s d e la v é r i t é .
�TABLE DES MATIERES
C H A P I T R E P R E M IE R . — Géographie .
D é c o u v e r t e s .......................................................................................
C H A P IT R E I I . —
Météorologie.
V e n t s ; c o u r a n t s «le la m e r ; ' c l i m a t s ......................................
C H A P IT R E I I I . —
Géologie.
.•I. N o u v e lle - G u in é e c l t e r r e s v o i s i n e s , N o u v e l l e - C a l é
d o n i e , N o u v e lle - Z é la n d e . — It. I l e s v o l c a n i q u e s . —
C. I le s ... ........................................................................................
C H A P IT R E I V . —
Botanique.
E t o r c o c é a n i e n n e .............................................................................
C H A P IT R E V . —
Zoologie.
P a n n e o c é a n i e n n e ...........................................................................
C H A P IT R E V I. — Anthuopologie . Ethnographie .
Section 1 '" . P o l y n é s i e n s , M i c r o n é s i e n s .................................
Section 2 ’ . M è la n ê s i e . R a c e australienne, r a c e n i ira
nienne .................................................................... ' ......................
C H A P IT R E V II. — P opulation .
E t a b l i s s e m e n t s e u r o p é e n s . — A v e n ir d e l'O c é a n ie
Coulommiera. — Imp.
Pau l
BHOD.VUD.
m
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Imprimés et manuscrits
Description
An account of the resource
Livres et manuscrits provenant de la Bibliothèque de l'Université de la Polynésie française (BUPF), du Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel (SPAA) de la Polynésie française ou de collections privées.
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Les îles du Pacifique
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jouan, Henri (1821-1907)
Source
A related resource from which the described resource is derived
Service du patrimoine archivistique et audiovisuel (SPAA)
Fonds Daniellson
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Paris : Germer Bailliére
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
[1881]
Date de numérisation : 2018
Relation
A related resource
https://www.sudoc.fr/021939292
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
1 volume au format pdf (199 vues)
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
Imprimé
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
DAN-00303
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Polynésie française
Pacifique
Rights
Information about rights held in and over the resource
Diffusion sous licence Creative Commons BY-NC-SA en vertu de la convention liant l’Université de la Polynésie Française et le Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel de la Polynésie Française.
descriptions et voyages
géographie
paysages