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BULLETIN
DE M
SOCIETE
DES ETUDES
OCENNIENNES
A
N° 253
TOME XXI
—
Société des
N° 4 / Mars 1991
Études
Océaniennes
�Société des Etudes Océaniennes
Fondée le 1er janvier
1917
Service des Archives Territoriales
Vallée de Tipaerui
B.P.110
Papeete
Polynésie Française
Tél. 4196 03
Banque Westpac : 012022 T 21
—
CCP : 834-85-08 Papeete
CONSEIL D'ADMINISTRATION
t M. Paul MOORTGAT
t Me Eric LEQUERRE
Président
Vice-Président
Mlle Jeanine LAGUESSE
Secrétaire
M.
Trésorier
Raymond PIETRI
ASSESSEURS
M. Yvonnic ALLAIN
M. Robert KOENIG
Mme Flora DEVATINE
M. Roland SUE
MEMBRE D'HONNEUR
M. Bertrand JAUNEZ
Société des
Études
Océaniennes
�BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ
DES
ÉTUDES OCÉANIENNES
(POLYNÉSIE ORIENTALE)
N° 253
-
TOME XXI
-
N° 4 MARS 1991
SOMMAIRE
Pape'ete de jadis et naguères : Raymond Pietri
1 re partie : A l'abordage du village de Pape'ete
Discours pour
l'inauguration de la semaine culturelle
: Fasan Chong dit Kape Jean
Te Puka Maruia
Passé d'ici,
Jean-Michel Chazine
Le début de "fonctionnarisation" des autorités
"traditionnelles" tahitiennes : les chefs, les juges,
cour
41
présent d'ailleurs : une gageure pour
les sciences humaines ?
la
3
:
49
des Toohitu, les muto'i, les conseils de district :
Mareva Berrou
L'échec scolaire des
59
Polynésiens : Bernard Poirine
69
Hommage à Eric Lequerré : Yvonnic Alain
11 o
L'adieu à Mme Henri
112
Jacquier : Raymond Pietri
Compte rendu
Daniel Margueron : Tahiti dans toute sa littérature —
Essai sur Tahiti et ses îles dans la littérature française de
la découverte à nos jours
Société des
Études
Océaniennes
114
�Bdl'aiam.uteoDrisben)
La
Pd(amvoiesefocni
�3
PAPE'ETE DE JADIS ET
1ère Partie
1.
:
A l'abordage
du village de Pape'ete
préliminaires rétro
Rêveries
-
NAGUÈRES
à bord de longues
pirogues doubles, taillées pour lutter contre vents impétueux et flots tumul¬
tueux, après avoir embarqué femmes, cochons et dieux, pour progresser de
Dans la
siècle
en
migration des intrépides Polynésiens
siècle à travers l'immensité de Moana
—
Nui — la science archéolo-
gique-linguistique-ethnobotanique-ethnozoologique fait débarquer les pre¬
miers habitants de Tahiti et des îles alentour entre
les ans 300 à 900 après
(dixit Jean-Marie Dalet, in magazine Distance n° 99 de Mars1990). Partis peut-être d'un point vague au sud du fleuve Yang Tsé
Kiang, avec un jalon d'accostage à Shomon au Japon (le carbone 14 de
l'ORSTOM, plus le faciès pigmentaire des habitants attestant ce passage),
le Grand Océan a éparpillé les survivants des mers, anciens continentaux
Jésus-Christ
Avril
devenus insulaires.
Imaginons une telle pirogue qui, la première, aura pu «beacher» sur la
plage divisée par l'embouchure baladeuse de la rivière Vai-'ava, en un lieu
aujourd'hui occupé parles trottoirs asphaltés du bloc Tiare-Socredo vers la
Banque de Polynésie— peut-être que la plage se trouvait là où est aujour¬
d'hui implantée notre Mairie nouvelle, puisque les enfonceurs de piliers y
ont
rencontré
Cette
puna,
une
bonne couche de sable
...
pirogue aura pu entrer dans le lagon par l'une des passes de Ta'a-
To'a-atâ
ou
Tau-noa, ou en ayant frôlé l'îlot lagunaire de Motu-Uta
après avoir franchi, portée par une ample houle, le récif nord-est aujourd'hui
super-élevé par la digue protectrice de l'ogre Port Autonome, sinon en ayant
Société des
Études
Océaniennes
�4
passé par dessus le récif ouest, de Motu-One vers la Pointe Tata'a, abritant
aujourd'hui l'aérodrome international Louis Castex inauguré en mai 1961
par le gouverneur Aimé Grimald (projet cependant repoussé au nom des
Tahitiens par le sénateur Dr Jean Florisson en 1954-55 à l'Assemblée de
l'Union Française), dont les extractions de Puna-ru'u ont
phagocyté MotuTâhiri...
Imaginons la sensation du premier découvreur Maori posant le premier
plage de Vai-'ete par un matin ensoleillé, ou par un jour
pluvieux. L'imagination peut aussi faire arriver le premier
occupant à pied par l'Est, si les premiers-futurs Mâ-'ohi, hâlés d'écume de
mer et exténués
par de longs voyages, avaient touché terre du côté sans
récifs-barrières par une nuit sans lune, et pourquoi pas
par l'Ouest, selon les
approches de nos hardis ancêtres au gré des vents humés et par l'observation
des vagues et des poissons dans la mer ou des oiseaux et des
nuages dans le
ciel, guidés la nuit par un firmament souvent immuablement étoilé, mettant
pas sur cette
finissant très
leur foi
en
Tâne, Ta'a-roa, Hiro
ou
Maui...
Imaginons l'ictus émotif de ce premier habitant — prolongement des
Wikings ofthe Sunrise de Peter Te-rangi-hiroa Buck—venant à se réveiller
ici en 1990, ayant constitué avec ses
compagnons allogènes, survivants de
cette course au soleil, les
aborigènes rescapés du continent Mû, qui ont
engendré depuis leur départ de ce voyage scientifiquement calculé la 80ème
génération actuelle d'indigènes croisés...
Mais
jour d'huy, la rivière Pape-'ava ne sinue plus en zone maréca¬
la rue de la Petite-Pologne (devenue
plus tard rue Paul Gauguin) qui passait derrière la Mairie de Pape'ete
(alors sise à proximité de l'ancien et actuel Marché municipal de tout Tahiti
et d'ailleurs)
ayant valu à la rue alors dénommée Bonard d'être rebaptisée
vers 1970 rue
François Cardella, du nom du premier Maire de Pape'ete—
la précédente rue Cardella étant celle où ce Corse a habité à
l'angle avec la
rue Bréa
aujourd'hui rue Félix Lagarde, dans une maison à étage typique du
style à dentelles coloniales (à l'emplacement actuel du bâtiment Kuo Min
Tang) et qui explique ainsi le nom donné à la Clinique bâtie en 1965, dans
la rue depuis dénommée Anne-Marie
Javouhey sur proposition du Con¬
seiller municipal Yves Malardé en 1969.
ce
geuse pour parcourir un lit qu 'occupera
Coudant à
Fâri'i-mâtâ, la Pape'ava disparaît sous le carrefour moder¬
ce
qui fait demander, de portière à portière, à
l'automobiliste nouvellement arrivé à Tahiti
pour repérer une adresse : «S'il
nisé dit du Pont de l'Est
—
Société des
Études
Océaniennes
�5
plaît, pouvez-vous m'indiquer où se trouve le Pont de l'Est ? —Vous
êtes dessus ! — ?...» .Mais le Rond-Point à feux changeants ne donne pas
le temps d'éclairer 1' étonnement du visiteur
vous
y
...
Déviée
depuis 1847 par les urbanistes derrière l'actuelle Mairie y
implantée depuis 1920, les crues aux inondations de sinistre mémoire,
surtout pour la zone
commerçante en contrebas lors des saisons des pluies,
ont été dans un premier temps endiguées en 1970
(partie visible encore du
pont dit Waikiki vers le pont Vai-nini'i-'ore au nom évocateur) tout le long
de la rue des Remparts à partir de son coude à hauteur du bâtiment
Polycom.
Dans un second temps la Pape'ava, ainsi domptée,
se cache depuis 1975
sous des travaux de Génie de la rue des
Remparts à double voie jusqu'au
croisement avec l'avenue tri-communale du Prince Hinoi, où le restaurant
chinois Waikiki à cagibis de la patronne Thérèse à la longue tresse
noire,— avec ses panneaux plafonniers et sa peinture murale par G. Bovy
de la Muraille de Chine (transférés depuis au Waikiki rue Albert Leboucher), — servait des mets réputés de l'Orient extrême...
Mais la
Pape'ava, qui glougloutait avec l'agitation d'énormes an¬
guilles entretenues en face de l'ancien garage des pompiers (emplacement
de l'entrée latérale de la Mairie néo-coloniale... architectement
parlant !),
passe toujours devant la Caserne des Sapeurs-Pompiers installée depuis
1985 (avec le Syndicat Pare-Nui en 1987 et Radio-Pape'ete FM-107 depuis
1987-88) là même où, de l'autre côté de l'Usine d'électricité des Ets Martin,
a longtemps
brillé le magasin familial des Lou alias'Arupa (nom du lieu-dit).
Ainsi l'Ecole des Soeurs et la Cathédrale
(avec sa lugubre sirène hors
longtemps côtoyé la Brasse¬
Aora'i et de blocs de glace
domestique, tout à côté d'un tamarinier abritant le garage de la voiture des
pompiers de la ville, qui avait pour chauffeur responsable Paepae Ma'i,
lequel vivait là avec une nombreuse progéniture ayant hérité du surnom de
Pompier, dont Jean footballeur en 1956-58 à Fê'î-Pi (habitant toujours dans
ce secteur comme
gardien-planton de la Boutique Klima), Albert (décédé)
basketteur à Fê'î-Pi et de la Sélection Tahiti en 1955 (première visite de la
Sélection de Nouvelle-Calédonie), les chanteurs-musiciens Teata «Rossi¬
gnol» et Francis «Mala» (père du jeune baryton Steve Ma'i, élève du
Conservatoire Artistique Territorial, dont la voix prometteuse de bel canto
a été révélée au
public en avril dernier pour une émigration promotionnelle
prochainement en France)...
clocher annonçant autrefois les incendies) ont
rie Emile A. Martin, productrice de la bière
Société des
Études
Océaniennes
�6
Tandis que, derrière la Brasserie, une rue sécante ou
plutôt un large
passage aux senteurs chevalines appelé Remise, allant de la rue Jaussen à
la rue des Beaux -Arts (aujourd'hui rue Edouard
Ahnne) en face de l'hôtelbar-restaurant Métropole, servait de
parking, sous de hauts arbres 'autera'a,
aux voitures à cheval venues
pour le Marché—spectacle encore visible vers
1950
isolant à l'angle arrière l'atelier-ferblanterie-carrosserie de Henri
—
Lambert, pilier de Fê'î-Pi avec Albert Haerera'aroa
Snow et le garage
en
face, entre la maison
Citroën.
Madame «Momo» Penot née Graffe,
qui a vécu son enfance dans le
quartier Manu-hô'ê non loin de la Mairie, rectifie la prononciation de ceux
qui vocalisent Pape-ava au lieu de Pape-'ava : l'accent aigu étant donné,
dans la lecture et l'élocution,
par l'apostrophe conventionnelle ou'eia en
abordant des voyelles pour inviter le locuteur à veiller à une
prononciation
gutturale (véritable consonne verbale). En effet, lors de marée haute
remontant depuis Vainini'i'ore la rivière calmée
jusqu'aux abords du Poht
de l'Est (que dominait un fort à meurtrières du
temps de guerre), les eaux
mêlées de la
donnent
mer et
du
murmure
ruisselant des hauteurs de la Mission
goût saumâtre (salin, salé, amer = 'ava, 'ava'ava, tô'ava'ava).
plausible écarte la suggestion avancée par d'aucuns que c'est
la rivière de la
passe (ava)... qu'elle partage avec la rivière Tipae-ru'i (Taupô), laquelle passe agrandie par dynamitage était jadis rendue plus difficile
à négocier, voire d'accès
dangereux ('atâ; atâatâ), par un écueil de corail
(ito'a) en cas de grosse mer et de fausse manoeuvre: To'a-atâ, suggère
l'ancien capitaine du Port Louis «Loulou» Le Caill
à moins qu'un lieu
récifal des environs eût
pu servir aux pêcheurs pour confectionner et étendre
leurs filets : To'a-tâ? ; noter
que le pâté de corail intérieur à proximité de
la passe, nommé
To'a-tai, sert de balise de virage pour les courses de
pirogues.
un
Cette assertion
...
Abandonnons
vagabondage sautillant pour un raccourci historique
développement de l'enceinte de Pape'ete, à laquelle le
chercheur-ethnologue suédois Bengt Danielsson, navigateur par radeau
ce
de la naissance et du
Kon-Tiki
1947, a consacré en collaboration avec son épouse Marieplaquette documentée et illustrée de 90 pages dans un magni¬
fique ouvrage sur l'histoire de Pape'ete (1818-1990) de 207 pages, produit
par Christian Gleizal, diffusé dimanche 20 mai 1990 (séance solennelle du
Conseil Municipal). Danielsson
y écrit notamment : «A la suite des premiè¬
res élections
d'après guerre, une nouvelle équipe s'installe dans l'ancien
bâtiment en bois, entre la rue de la
Petite-Pologne et la rue des Remparts, qui
Thérèse
en
une
Société des
Études
Océaniennes
�7
jusqu'alors a servi de couvent aux Soeurs de Saint-Joseph de Cluny» (1919-
20).*
Tandis que l'Ecole des Frères de Ploërmel — qui
se trouvait à l'angle
Magasin Vigor aujourd'hui occupé par Le Jasmin devenu Le Palais de
la Bière en face du Jet d'Eau—a donné son nom à la rue remontant
rejoindre
la rue des Remparts, le commun des gens du
pays ayant fini par l'appeler rue
des Ecoles et, plus ironiquement, rue des
Eperviers (version d'un mot
tahitien à sens ambigu) de par la réputation des
fréquentateurs du coin qui
ne devraient
pas être des Ecoliers
la rue des Remparts remontant jusqu'à
s'incurver pour se confondre avec la rue du Frère Alain
(laissant
découvrir l'Ecole des Frères devenue Collège La Mennais, le Frère Alain
barbu ayant été un mémorable
Directeur) — dans sa rencontre avec la rue
Dumont d'Urville qui borde l'Ecole Protestante Viénot &
Collège Pôdu
...
—
mare...
Le centenaire de la ville de
Pape'ete 1890-1990, comme commune de
République, est le prétexte de la présente petite histoire pour remonter aux
origines de notre localité. En voici certaines facettes, ce récit parfois senti¬
mental n'ayant pas la prétention d'avoir sélectionné exhaustivement les
véritables faits marquants : c'est ainsi que des épisodes
mineurs peuvent
paraître comme relatés avec importance, quand d'autres événements auront
été, involontairement, négligés voire éludés.
la
2.
-
A la découverte du
Pacifique
Après les Polynésiens dans leurs séculaires migrations vers l'Est, le
circumnavigateur de 38 ans Samuel Wallis (1728-1795), commandant Her
Majesty's Ship Dolphin, quitte l'Angleterre à Plymouth le 21 août 1766,
avec un jeune
équipage de 122 matelots, en route vers l'Ouest pour étendre
les découvertes anglaises dans l'hémisphère austral du Grand Océan, en
passant par le détroit de Magellan. Une parenthèse pour rappeler, d'abord,
que le conquistador espagnol Vasco Nunez de Balboa (1475-1517), à 38
ans, après avoir traversé l'isthme de l'Amérique Centrale, a découvert en
1513 cette grande masse maritime du globe appelée depuis Océan
Pacifique;
ensuite, que le navigateur portugais Fernando de Magellan (1480-1521), à
40 ans, a découvert et doublé en 1520 le détroit
qui porte son nom entre
l'Amérique du Sud et la Terre de Feu mais, entamant le premier voyage
autour du monde, il sera tué aux Philippines.
Société des
Études
Océaniennes
�8
3.
-
Les seconds découvreurs de Tahiti. A la
conquête du
royaume des
Pômare
Découverte par les Portugais au 16ème siècle
puis explorée à partir de
1605 par les Hollandais (d'où son ancien nom de
Nouvelle-Hollande),
l'Australie sera occupée en 1770
par les Anglais, qui y installeront une
colonie pénitentiaire en 1788 en Nouvelle-Galles du Sud.
L'on
prête à l'habile navigateur espagnol Fernandez de Quiros, — la
description qu'il fit de sa forme, de son petit isthme, de sa distance vis-à-vis
des îles voisines et, surtout, la
position géographique qu'il indiqua, tout
concorde à le prouver, malgré
la légère différence de quelques miles en
latitude et de 2 degrés en longitude et
qu'il l'ait qualifiée d'île plate,—d'être
le premier Européen à avoir découvert en 1606 l'île de Tahiti
qu'il appela
Sagittaria. Il n'y a pas lieu cependant de déduire qu'il a foulé le sol de ce
panache, surgi des noces explosives de la lave et de l'écume de mer pour
faire d'un volcan libéré des fissures sous-marines la
perle du Pacifique,
cliché enchanteur des Mers du Sud
qui perdure
...
Dès 1688, l'excellent
navigateur Dampier a décrit le fruit à pain, ainsi
baptisé comme poussant sur un grand arbre que les indigènes de Guam s'en
servent en guise de pain,
qui est cueilli non quand il est mûr épanoui, mais
quand il est encore vert et dur et qu 'on fait cuire : la croûte noircie est enlevée
pour manger tôt l'intérieur doux, moelleux, blanc comme de la mie, les
indigènes lui ayant indiqué que cet arbre pousse en grande quantité sur les
Iles des Larrons
(Mariannes).
Lord Anson
navire dans
ces
(1697-1762) confirme cette description, l'équipage de son
mêmes parages
préférant, au cours des escales, consommer
pain tellement bon à la place des biscuits marins. Mais si Dampier
dit qu'il n'y a
pas de graine ni de noyau à l'intérieur du fruit, Cook affirme
l'existence d'un trognon non
mangeable, mais trouve à sa pulpe un goût
insipide, vaguement sucré et qui ressemble plus ou moins à de la mie d'un
pain de froment auquel on aurait mélangé du tubercule de topinambour...
ce
fruit à
Dans notre
hémisphère méridional, le navigateur Wallis aura décou¬
Pinaki, Nukutavake, Vaira'atea, Paraoa, Manuhangi et
Nengonengo, puis Mehetu avant de voir apparaître, le 18 juin 1767, l'île de
Tahiti, sa frégate jetant l'ancre en baie de Matavai, ce premier
mouillage
vert
successivement
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Études
Océaniennes
�9
étranger
par où a commencé notre histoire contemporaine. Souffrant d'une
tuberculose aggravée par le scorbut, lui-même ne descendra à terre
que le 12
juillet,
reçu par la forte princesse Pûrea. Auparavant, le 25 juin, le
Tobias Furneaux a planté un mât orné d'une flamme aux couleurs
lieutenant
anglaises,
prenant ainsi possession de cette terre qu'il appelle Ile du Roi George III
(1733-1820). L'escale de 37 jours, — malgré des épisodes à coups de canon
ou «incidents» de méfiance
belliqueuse réciproque, lors des approches du
rivage à la recherche de mouillage, navire encerclé de pirogues, — a
entretenu des relations amicales (troc de cochons, chiens,
poules, légumes
et fruits contre
objets de pacotille, verroterie, haches et clous) et «accueillan¬
tes » pour les étrangers,
lesquels auront visité une partie de l'île. Le Dolphin,
provision d'eau pleine, quitte Matavai le 27 juillet 1767, Wallis regagnant
l'Angleterre le 20 mai 1768 via le Cap de Bonne-Espérance— l'ancien Cap
des Tempêtes doublé au sud de l'Afrique par
les navigateurs portugais
Bartholomeu Dias (en 1487) puis Vasco de Gama en créant la Route des
Indes (en 1497).
L'ancien
puis colonel Louis-Antoine de Bougainville (17291811), entré dans la Marine, reçoit à 37 ans mission du Roi Louis XV (17101774) pour un voyage autour du monde vers les Indes Orientales. Le
navigateur parisien commande la frégate la Boudeuse, quittant Brest le 5
décembre 1766, traverse le détroit de Magellan et
l'Archipel Dangereux
(Tuâmotu) : Vahitahi, Akiaki, Hao quand après Meheti'a lui apparaît, le
3 avril 1768, Tahiti. Naviguant au
large de la côte est, son mouillage
exécrable en baie de Tapora (Hitia 'a) durera du 6 au 15 avril et le court
séjour
à terre,—non exempt d'incidents, outre la
perte de six ancres,—ne donnera
pas lieu à une exploration de l'île. Cependant, poursuivant ce premier
voyage de circumnavigation française, « Putaviri » emmène avec lui l'in¬
digène Ahutoru, qui débarque à Saint-Malo le 15 mars 1769 : âgé d'une
trentaine d'années, il avivera la curiosité des salons parisiens,
la narration
de Bougainville venant exciter les esprits sur le
mythe du bon sauvage dans
l'idyllique Nouvelle Cythère, en précurseur de l'intemporel mirage polyné¬
sien
puisqu'il persiste encore aujourd'hui. Après un séjour de 11 mois à
Paris, dans la société royale, il réembarque à La Rochelle, transbordant via
l'Ile de France (Maurice) à l'Ile Bourbon
(Réunion) en octobre 1771, où il
meurt de la petite vérole, sans revoir Tahiti...
avocat
...
...
Le
grand circumnavigateur anglais, alors lieutenant, James Cook
(1728-1779), âgé de 41 ans, embarque à Plymouth sur VEndeavour, solide
bâtiment charbonnier qu'il commande, pour une double mission visant à
Société des
Études
Océaniennes
�10
contrebalancer l'emprise
espagnole dans le Pacifique par une expédition sur
Tahiti.
D'une
compétence éprouvée et très versé en astronomie, Cook est
chargé par la Royal Society, avec l'astronome Charles Green et le botaniste
suédois fort cultivé D.C. Solander, d'installer un observatoire pour suivre
le passage de la planète Vénus sur le disque solaire. Après avoir doublé le
Cap Horn et navigué à travers les Tuâmotu (dont 'Anaa), Cook mouille le 13
avril 1769 en baie de Matavai, pour établir son observatoire à la Pointe
Tefauroa (Cook a estimé, — le nombre de pirogues de guerre s'élevant à
1720, — le nombre d'hommes capables de les manier à 86.800, concluant
que la population devait être chiffrée à 204.000 âmes «au moins»). Pour ce
premier séjour, hormis les incidents habituels, règne un climat paisible et
Cook entreprend le tour de l'île en chaloupe et à pied, sans toutefois s'arrêter
en rade de Vai'ete. Après avoir passé 92 jours à Tahiti, Cook appareille le
13 juillet 1769, direction Iles-Sous-le-Vent (Huahine, Ra'iatea) puis Rurutu
et Aotearoa (Nouvelle-Zélande), étant de retour en Angleterre en août 1771,
l'indigène Tupaia emmené par Cook étant mort en cours de route.
4.
-
La baie de
«
Puerto de Santa Maria
»
dans l'île
Amat
Le
navigateur espagnol el Capitan don Domingo de Boenechea est
envoyé dans le Pacifique, avec un équipage de 251 marins, sur une petite
frégate VAguila, quittant Callao (Pérou) le 26 septembre 1772 — avec
comme mission secrète, dans son voyage océanien de reconnaissance, com¬
muniquée par le vice-roi du Pérou, d'explorer Tahiti, d'aider les missionnaires de la frégate (padré José Amich et Juan Bonamo) et de ramener « de
leurplein gré » quelques indigènes à Lima. Tauere, Haraiki, 'Anaa, Meheti'a
et Tahiti est en vue le 8 novembre 1772 et,,ayant eu du mal à trouver un
ancrage sûr, Boenechea mouille en baie de Vaiurua à Tautira le 19 novem¬
bre. Son second, le lieutenant don Thomas Gayangos, fait en baleinière, du
...
5
11 décembre
1772, le tour de l'île dont il reconnaît les ancrages et
sommaire, comme la carte qui l'accompagne, mais qui a
le mérite d'indiquer la baie baignant
Pape'ete, baptisée Puerto de Santa
Maria. Effectuée cette reconnaissance de Tahiti, dont il estime la population
à «pas plus de 10.000 habitants»
après son séjour d'environ un mois et une
semaine, Boenechea quitte Tahiti le 20 décembre 1772 pour une reconnais¬
sance de l'île voisine de Mo'orea. La
frégate Aguila est de retour au Pérou,
au
dressera
un
récit
Société des
Études
Océaniennes
�11
Valparaiso le 21 janvier 1773, y ayant amené 4 naturels de Tahiti : Thomas
(30 ans), Joseph Tipitipia (26 ans), Franco Heiao (18 ans) et Manuel
Tetuanui (10 ans) — dont deux mourront peu après leur arrivée : Heiao au
port de Valparaiso et Tipitipia à Lima — lesquels seront les hôtes du viceroi don Manuel Amat y Juniente (rapport du lieutenant Juan de Hervé).
à
Pautu
A la découverte du continent austral, une
nouvelle mission quitte
Plymouth le 13 juillet 1772 avec deux navires : le Resolution (capitaine
Cook) et YAdventure (capitaine Tobias Furneaux), ramenant ainsi Cook à
Tahiti pour un second séjour, du 17 août au 1er septembre 1773 (15 jours):
d'abord à Tautira puis à Matavai ; et il s'en va à Huahine, Ra'iatea — (où
Furneaux embarque le 7 septembre l'indigène Ma'i sur Y Adventure qui le
débarquera le 14 juillet 1774 à Spithead en Angleterre) — et Aotearoa, à la
poursuite en vain de la Terra Australie incognita, le Resolution revenant par
Rapa-Nui (Ile de Pâques) et les Iles Marquises en mars-avril 1774. Retra¬
versée des Tuâmotu ('Apataki, Toau, 'Arutua et Kaukura), pour un troisième
séjour à Tahiti, du 21 avril au 14 mai 1774 (24 jours), où pas davantage Cook
ne jettera l'ancre dans le lagon de Motu-Uta ; et derechef il visite Huahine
et Ra'iatea, pour être de retour à Plymouth le 30 juillet 1775.
Pour Ma'i, le lecteur se reportera avec intérêt à l'ouvrage 'O Ma'i,
ambassadeur du Pacifique par E.H. Me Cormick (Editions Perspectives
Mâ'ohi 1986, traduction
Alfred Coqui Grand).
Dominique Bénard, préfaces de José Garanger et
Porapora, embarqué à Ra'iatea sur le
(19 septembre 1773), accompagne Cook (Tonga, Nou¬
velle-Zélande, Ile de Pâques, Tahuata) regagnant Tahiti (22 avril 1774)
après avoir vu l'Antarctique, les icebergs et la banquise polaire {fenua
teatea). Il est à Matavai au passage du bateau Lady Penrhyn, lieutenant
Watts (1788). Son portrait à la sanguine est conservé au Musée de Green¬
wich Hospital, dessiné par Peter Hodges : missionnaire de la L.M.S., artisanforgeron du premier convoi du £>w/f(départ Angleterre 10 août 1796, arrivée
Tahiti 6 mars 1797), qui, découragé par l'agitation locale, quitte le pays par
Nautilus (31 mars 1798) pour Sydney.
Parenthèse
:
Mahine Hitihiti de
navire Resolution
baptisés en terre péruvienne, Pautu et Tetuanui, sont
rapatriés lors d'une nouvelle expédition de Boenechea sur YAguila quittant
Callao le 20 septembre 1774, sur la route de Tauere, Tatakoto, Hikueru,
Haraiki, 'Anaa, Tahanea, Meheti'a (13 novembre) puis Tahiti : au mouillage
de Cook en baie de Tautira le 27 novembre 1774, avec de conserve le navire
Nos Tahitiens,
Société des
Études
Océaniennes
�12
espagnols francis¬
résidence derrière
palissades prêtes pour séjourner à terre dès le 31 décembre 1774, croix et
première messe étant célébrées le 1er janvier 1775. Le 5 janvier, le nouvel¬
lement promu capitaine Boenechea fait reconnaître aux Chefs Tu et Vehiatua la souveraineté de l'Espagne sur l'île qu'il a baptisée du nom de Ile Amat.
Puis YAguila, étant partie le 7 janvier en reconnaissance avec le Jupiter à
Ra'iatea (10 janvier), est de retour à Tahiti le 20 janvier avec son comman¬
dant soudainement et gravement malade : Boenechea meurt ainsi à Tautira
le 26 janvier 1775 et sera enterré près de la croix fraîchement plantée.
marchand Jupiter pour y installer les deux missionnaires
cains Narciso Gonzalez et Geronimo Qota, chapelle et
Son second don Thomas
Gayangos, qui est apprécié des indigènes
pour les avoir traités avec tact et gentillesse, prend alors le commandement
pour ramener les deux navires au Pérou, laissant sur place, pour aider les
missionnaires, deux marins espagnols : le matelot François Perez, qui se
révélera peu respectueux, et l'interprète Maximo Rodriguez (25 ans), déjà
venu en décembre 1772 lors de la première expédition de Boenechea—sans
instruction se dit-il, mais qui tiendra, du 15 novembre 1774 au 12 novembre
1775, un diaire plein de bon sens, premier témoignage d'Européen mêlé à
la vie indigène quotidiennement. Après la mort de Vehiatua, apeurés par les
rumeurs, convoitises locales et chapardages, les missionnaires préfèrent, à
la réapparition de YAguila apportant du ravitaillement le 30 octobre 1775,
ré-embarquer le 12 novembre, ayant échoué à leur mission.
d'exploration pour le Resolution (capitaine Cook)
quittant Plymouth le 1er juillet 1776, avec le Discovery (capitaine Clerke),
Nouveau voyage
l'ancre à Tautira le 12 août 1777, puis
apprend, du roi Tu alias Pômare 1er (Vaira'atoa), le
passage de missionnaires espagnols ; son expédition quitte Matavai le 30
septembre, direction Mo'orea (11 jours) où avait eu lieu une certaine
agitation guerrière en révolte contre le Roi de Tahiti. Pour son quatrième
séjour donc à Tahiti (50 jours), le mouillage de Matavai, protégé d'avril à
septembre quand souffle le mara'amu, lui ayant donné pleine satisfaction,
Cook n'aura pas ancré du tout en rade de Vai'ava. Repassant à Huahine (23
jours) — où Cook dépose le 12 octobre notre aventurier tatoué et interprète
Ma'i, ramené d'Angleterre où il a épaté la gentry de Londres, qu'il a quittée
le 24 juin 1776 (en y ayant laissé son tabouret de tête portatif... qui a rejoint
en 1986 le Musée de Puna'auia à
prix de récupération fort onéreux ! )—puis
à Ra'iatea (34 jours) et Porapora (8 décembre), Cook remonte aux Iles
Hawaii où il sera tué par les indigènes le 4 février 1779.
passant à Tupua'i avant de mouiller
le 24 à Matavai. Cook
Société des
Études Océaniennes
�13
5.
Et vogue
-
le Bounty..A Bligh et Pômare 1er
grands amis
Ayant participé aux précédents voyages de Cook sur le Resolution, le
Captain William Bligh commandant comme lieutenant le H.M.S. Bounty,
sloop gréé en trois-mâts, appareille de Spithead (rade de Portsmouth) le 23
décembre 1787, avec un équipage de 46 personnes, aux fins d'embarquer
aux Iles de la Société des plants d'arbre à pain — sous le contrôle de 2
spécialistes de premier ordre recommandés par le célèbre Sir Joseph Banks
: David Nelson, botaniste du dernier voyage de Cook, et William Brown, jar¬
dinier
destinés aux plantations des Antilles, en nourriture aux esclaves
noirs des Britanniques. Un temps abominable de froid et de vent tempé¬
tueux, un mois durant, le fait renoncer à doubler le Cap Horn. Bligh change
totalement de route par le Cap de Bonne-Espérance (23 mai) pour être à
Tahiti le 26 octobre 1788 : mouillage à Matavai, périlleux sous to'erau
l'obligeant en décembre à s'abriter en baie voisine de To'aroa ('Arue), à
proximité de Papaoa, résidence de son ami le Roi Pômare 1er. Le médecin
du bord est mort le 9 décembre 1788, victime intoxiquée de son intempé¬
rance, et est enterré dans l"île.
—
Nelson constate que les pamplemousses introduits au cours du séjour
en 1777 sont en production. Le 4 avril 1789, ayant connu d'abord
de Cook
un long voyage (dix mois) sous la dure discipline de Bligh avec son nine-ocat-tail... et cinq mois d'escale en cette terre d'accueil avec récolte de 1015
Bounty part pour Huahine où Bligh apprend que Ma'i, l'accom¬
pagnateur de Cook, est décédé quelques années plus tôt de sa belle mort...
ohi 'uru, le
L'histoire de la mutinerie du 28 avril 1789 s'ensuivra
...
tandis que
l'implacable Bligh, qui a réussi, avec 18 marins sur une chaloupe, à regagner
(14 juin) puis, par un schooner, Batavia (1er octobre), sera de retour
en Angleterre en débarquant sur l'Ile de Wight (14 mars 1790). Sont morts
7 sans revoir leur patrie : le botaniste David Nelson, le second lieutenant ou
3ème officier William Elphinstone, le boucher Robert Lamb, les quartiers-
Timor
maîtres Peter Lenkletter et John Norton, le cuisinier Thomas Hall et le
matelot-médecin Thomas Ledward. Son audacieuse croisière en chaloupe
promouvoir Bligh au grade de capitaine de frégate, ayant ramené en
Angleterre 11 survivants : le capitaine en second John Fryer, le canonnierchef William Peckover, le maître d'équipage William Cole, le charpentier
William Purcell, les midship Thomas Hayward et John Hallet, le voilier
fait
Société des
Études Océaniennes
�14
Lebogue, le cuisinier John Smith, le second quartier-maître
George Simpson, le gamin midship Robert Tinkler et le commis Samuel.
Lawrence
capitaine Edwards commandant la frégate Pandora, voi¬
rapide monté par 160 hommes, est dépêché à la recherche des mutins,
mouillant en baie de Matavai le 23 mars 1791 pour quitter Tahiti le 9 mai
suivant. Il ramènera 14 mutins dont 4 disparaîtront noyés (midship George
Stewart, matelots : Richard Skinner, Henry Hillbrant et John Sumner) — le
Pandora ayant, en effet, coulé le 29 août sur la Grande Barrière de Corail
d'Australie et dont 99 membres d'équipage plus 10 prisonniers seront
sauvés
de retour via Timor et Batavia (7 novembre), enfin le Cap pour 1 '
Angleterre à Spithead le 19 juin 1792 par le H.M.S Gorgon. Procès pour
mutinerie et piraterie en Cour Martiale, du 12 au 18 septembre 1792, sur
le navire de guerre H.M.S. Duke ancré en rade de Plymouth : un décret du
roi George III du 24 octobre octroie grâce pleine et entière par clémence à
3 condamnés à mort (midship Peter Heywood ; second maître d'équipage
James Morrison, auteur d'un Journal ; matelot qualifié et steward du
commandant, William Muspratt : sursis mué en grâce), 3 matelots qualifiés
étant pendus le 29 à bord du H.M.S. Brunswick en rade de Portsmouth
(Thomas Burkitt, Thomas Ellison et John Millward) ; 4 ayant été acquittés
(Joseph Coleman, armurier ; Charles Norman, second charpentier ; Thomas
Me Intosh, charpentier d'équipage ; Michael Byme, matelot qualifié).
L'intraitable
lier
—
A
chill
Tahiti, avant l'arrivée du Pandora, le maître d'armes James Chur¬
été assassiné par
le matelot qualifié Matthew Thompson, lui-même
lapidé à mort, vengé par les amis tahitiens du premier. Promu capitaine de
frégate par l'Amirauté, Bligh reçoit mission de repartir au plus vite afin
d'assurer le transport des arbres à pain de Tahiti dans les Antilles : il quitte
l'Angleterre en août 1791 sur le H.M.S. Providence (de conserve avec
YAssistance, capitaine Portlock), avec à son bord le dessinateur anglais
George Tobin ; Bligh arrive à Tahiti le 10. avril 1792, jetant l'ancre à
Matavai. Non sans se renseigner sur les mutins, mais toujours sans avoir
connu le
mouillage de Pape'ete, il embarque 2500 plants de maiore le 16
juillet 1792 (pour les déposer à Sainte-Hélène et à la Jamaïque, ainsi que le
passager clandestin Popo de Tahiti pour s'y occuper des tumu'uru), avec
l'indigène Maititi pour Londres où il mourra peu après l'arrivée.
a
Mission
accomplie aux Iles de la Société, Bligh est chargé en 1798 de
réprimer une révolte de matelots anglais à l'embouchure de la Tamise. En
guerre contre la France sous la Révolution, Bligh commande un navire sous
Société des
Études Océaniennes
�15
Camperdown, et un autre navire sous Nelson à la bataille
Copenhague, y déployant une grande bravoure. Puis le vice-amiral Bligh
est nommé en 1805 gouverneur de la N.S.W. en Australie (NouvelleHollande), où son despotisme provoquera une rebellion de la population et
des troupes de Sydney jusqu'à l'emprisonner à Botany Bay le 26 janvier
1808 : le gouvernement britannique sera obligé d'expédier un régiment pour
le délivrer, et il ne sera relâché qu'en mars 1810. De retour en Angleterre,
Bligh prend sa retraite d'amiral et mourra en 1817 dans son manoir du comté
de Kent, à l'âge de 64 ans.
l'amiral Duncan, à
de
1) Les 25 mutinés du 28 avril 1789 demeurés sur le
Bounty avec le second lieutenant Fletcher Christian — après avoir largué,
sur une chaloupe, Bligh et 18 marins parmi les volontaires, au large de
l'Archipel des Amis (Iles Tonga) — hostilement accueillis à Tupua'i (25
mai), reviennent à Tahiti (6 juin) s'approvisionner en embarquant (19 juin)
également 24 Tahitiens (8 hommes, 9 femmes, 7 garçons) dans l'intention
de retourner à Tupua'i (26 juin) s'y installer.
Parenthèses
:
Mais les affrontements avec les naturels
obligent les pirates (15 sep¬
tembre) à s'en aller de nouveau pour la baie de Matavai (20 septembre) où
descendent à terre 16 volontaires : ceux-là même qui, en mars 1991, seront
mis à la réclusion par le capitaine Edwards sur le Pandora, au secret et aux
fers, quittant Tahiti le 7 mai 1791 — (... « que plusieurs prisonniers avaient
épousé des filles de chefs extrêmement respectables du district situé en face
du mouillage et que le midship Stewart, en particulier, s'était marié à la fille
d'un grand propriétaire terrien qui habitait près de la baie de Matavai» — cf.
Sir John Barrow : The mutiny andpractical seizure ofH.M. S. Bounty, 1831).
prisonniers se rendaient chaque jour à bord du
elles y amenaient leurs enfants, qui furent autorisés à être portés
devant leurs pères infortunés. Il aurait fallu être bien insensible pour ne pas
être ému au spectacle des pauvres captifs dans les fers et versant des larmes
sur leur frêle progéniture.». — (cf. George Hamilton : Voyage autour du
monde).
«Les femmes des
Pandora ;
Peggy (car c' est ainsi qu ' il 1 ' appelait) devint
midship George Stewart, l'un des mutins du Bounty. Ils avaient
vécu chez le vieux chef en se chérissant mutuellement. Une très belle petite
fille avait été le fruit de leur union et elle était encore au sein quand arriva
«
Fille d'un chef indigène,
la femme du
Société des
Études
Océaniennes
�16
le Pandora ; les
...
A terre dans
son
criminels furent appréhendés et mis aux fers à bord du navire
état indescriptible de désespoir et de chagrin, éloignée de
un
mari, ayant reçu l'interdiction de revenir sur le
navire, elle sombra dans
profond ; minée par la tristesse, elle perdit le goût de manger
et de vivre ; elle cessa de rire ; elle dépérit graduellement et rapidement
pendant deux mois, et elle mourut d'un coeur brisé, au sens littéral du mot,
victime de ses sentiments. Sa petite fille vit encore ; elle a été élevée par une
soeur, qui l'a soignée comme si elle était sa propre fille et qui a rempli tous
les devoirs d'une tendre mère à l'égard de ce bébé orphelin». — (cf.
Missionary Voyage of the Duff).
un
abattement
2) Les 9 mutins restants sur le Bounty, approvisionnés, perdent de vue
pointe Vénus le 22 septembre 1789, partis avec 19 Tahitiens (12 femmes,
7 hommes), car «Christian avait maintes fois exprimé le désir de découvrir
une île inconnue ou inhabitée, ne possédant pas de port pour abriter un
la
navire».
6.
-
Depuis mai 1789, la Révolution agite la France pour une décennie...
A la découverte de Pare et Fare-'Ura
Ayant quitté l'Angleterre le 10 août 1796 avec le premier convoi de
envoyés en Océanie, le capitaine Wilson commandant le
Duff\ venant du sud, aborde Tahiti par Pâ'ea et remonte le long de la côte
Ouest, passant devant la baie de Pape'ete sans s'y intéresser, pour aller
s'arrêter sans hésitation au mouillage de Matavai le 5 mars 1797. Y
débarquent 18 évangélistes de la London Missionary Society,—pour fonder
une mission à Tahiti,
qui s'installe à la Pointe Tefauroa, dans une grande
maison construite par Bligh en 1788, encore en bon état, — ainsi que 2
artisans pastoraux : William Pascoe Crook (1775-1846) et le tonnelier John
Harris, lesquels seront affectés aux Iles Marquises, à Tahuata (Santa
Christina, 6 juin 1797). Mais inadapté parson bref séjour marquisien, Harris
réembarque sur le Duff (26 juin) pour Tahiti.
missionnaires
A son retour des Iles
Marquises, le capitaine Wilson effectue un tour
pied ; il découvre, en parcourant le littoral du
mata'eina'a de Pare, une immense maison (Long House : 90 m x 14 m - h.
6,5 m) appelée Nawnoo, appartenant à la secte des 'arioi : à l'emplacement
actuel de l'Hôtel Royal Pape'ete, à proximité de la limite de miti nanu
(marée montante). Cependant, la carte illustrant le récit du narrateur semble
de l'île de reconnaissance à
Société des
Études Océaniennes
�17
désigner ce lieu Nâ-nu'u, vocable collectif pour la compagnie
rassemblant 'Arue et Pare, deux anciens mata'eina 'a de la province Tepori-
vouloir
dépendant du royaume des Pômare (dixit l'orateur Temaeva a
'Anahoa, BSEO1935, père de l'ancien planton-ronéotypiste Auguste 'Anahoa
o-nu'u
Economiques).
des Affaires
Après le départ du Discourant 1797, Pômare 1er organise une grande
(ta'urua = ta'upiti) les 9 et 10 janvier 1798 aux environs de Nâ-nu'u.
Y sont présents : les missionnaires de Matavai, plusieurs chefs et prêtres
venus de tous les districts, outre de nombreux participants et spectateurs, le
Roi s'affirmant ainsi « comme chef suprême de Tahiti, grâce à son armée de
mercenaires papa 'a ». Cependant subsiste un mécontentement latent, avec
parmi les contestataires de ce pouvoir le propre fils du roi, le futur Pômare
II (15 ans).
fête
Durement traités voire molestés durant cette
époque, 11 des mission¬
(dont le révérend James Fleet Cover, le menuisier John Cock, les
Smith, le charpentier William Henry)
arrivés par le Duff, à peine plus d'un an auparavant, décident de quitter Tahiti
naires
tisserands Rowland Hassel et William
le 31
1798
mars
sur
le navire de commerce Nautilus en route pour
l'Australie, arrivant à Sydney le 14 mai 1798 et où le jardinier Samuel
Clode
assassiné par un soldat. Les 7 courageux missionnaires
restants sont : le charpentier Henry Bicknell (1766-1820), le bourrelier Ben¬
jamin Broomhall (1776-1802), John Eyre, le médecin John A. Gilham (qui
regagnera l'Angleterre par le Duff quittant Tahiti le 4 août 1798), John
Harris (lequel quitte la mission début janvier 1800 par le navire américain
Betsy de passage à Tahiti pour Tonga), le maçon Henry Nott (1774-1844)
et John Jefferson (1760-1807).
(1761-1799)
sera
Deux aventuriers suédois,
Peter
se
arrivant à Tahiti par navire Daedalus (février 1793),
protection de Pômare, prenant ainsi part dans les luttes
indigènes. En particulier, ils servent d'interprètes et informa¬
Haggerstein,
sont
mis
sous
intestines des
Andrew Cornelius Lynd (1766-1807) et
en
la
l'arrivée des missionnaires du
Duff (mars 1797), et se mettront au
capitaine Turnbull de la Margaret à son passage à Tahiti en 1802,
en l'accompagnant dans différents districts hostiles à Pômare ; atteint
d'éléphantiasis, Lynd, installé dans l'île, mourra à 41 ans.
teurs à
service du
Un second contingent de 9 co-religionnaires de la L.M.S. quitte l'An¬
gleterre par navire Royal Admirai (5 mai 1800) direction Océanie via
Sydney pour Tahiti (10 juillet 1801), dont : Samuel Tessier, James Hayward,
Société des
Études Océaniennes
�18
Scott, John Davies (1772-1855), William Waters (lequel, atteint de
quitte Tahiti le 29 décembre 1804 pour retourner en
Angleterre), Charles Wilson (1770-1857), John Youl (1773-1827 : ayant
quitté la Mission en mai 1807 pour retourner en Angleterre)...
William
troubles mentaux,
L'agitation guerrière locale apparemment apaisée, le Roi Pômare et
paraissent en meilleurs termes, cette façade tendant sans doute à
maintenir le pouvoir de la dynastie menacée, par les fréquences et vis-à-vis
des étrangers notamment cherchant à s'installer de plus en plus lors de leurs
visites. Ainsi, en juillet 1802, les chefs de la côte ouest, oppressés et révoltés,
envahissent Porionu'u, incendiant la grande maison de réunion des 'arioi.
son
7.
fils
-
Petite histoire des chefs à l'arrivée des étran¬
gers
signaler qu' il y a 35 ans que le premier Blanc, Samuel Wallis,
apparu à Tahiti en juin 1767, alors que'Amo, l'important chef de Papara
(Ouest), avec sa femme Pûrea dite Reine de l'île, âgés chacun d'une
quarantaine d'années, accourus à Matavai (Est), ont connu les premiers
contacts guerriers meurtriers avec les Anglais, qui utilisent fusils et obusiers
pour disperser les nombreuses pirogues des assaillants indigènes. La paix
s'ensuit avec les relations amicales, mais les coups de canon ont ébranlé
l'autorité de 'Amo, au profit du clan Vaira'atoa qui s'appuie sur les
rapprochements avec les étrangers.
Il faut
a
En décembre
1768, Vehiatua (chef de Tai'arapu) s'allie avec Tutaha
(chef de Puna'auia) pour battre en guerre 'Amo à la bataille de Papara ; ainsi
prend le titre de Tu future branche des Pômare, tandis que Tutaha
fait de Pare sa résidence et que Pûrea, séparée de'Amo au prestige amoindri,
a pour
favori son conseiller-pilote Tupaia (lequel sera guide-informateur en
avril 1769 au premier voyage de Cook sur YEndeavour avec Banks, mais
n'arrivera pas en Europe, car il meurt victime d'une affection conjuguée de
scorbut, phtisie et dysenterie début 1770, enterré en Ile d'Eadam avec son
compagnon Taiata, un jeune Tahitien de 12 ans mort, quelques jours avant
Tupaia, le 17 décembre 1769).
Vaira'atoa
Au second voyage de Cook, un double séjour à Tahiti (en août 1773,
puis en avril-mai 1774) l'a fait rencontrer Vaira'atoa-Tu-Tina (30 ans) alias
Pômare 1er, lequel prépare une flotte de guerre (210 pirogues pour 9.000
Société des
Études Océaniennes
�19
guerriers) en vue de subjuguer Mahine, chef de Mo'orea en révolte, mais en
vain. Au troisième voyage de Cook, nouveau séjour à Tahiti (août-septem¬
bre 1777) : le visiteur déclinera une participation aux conflits intérieurs,
souhaitant
un
retour à la
paix dans la population locale.
Cependant, dans une bataille à Pare en 1783, écrasé, le clan Pômare
replier en montagne, allant même chercher refuge en la presqu'île in¬
dépendante de Tai'arapu. En prolongement des voyages de Cook auxquels
a
participé Bligh, le Bounty arrive à Tahiti (octobre 1788-avril 1789) : l'ami
doit
se
de Cook aurait obtenu du collecteur de maiore la cession
d'armes à feu
...
(cadeaux ? troc avec les futurs «mutins» installés en échange de terrains ?...).
Ainsi, les chefs de Tetaha (Fa'a'a) et de Atahuru (Puna'auia) vont tenter de
se défaire de Pômare pour investir Pare et Papara, mais l'aide anglaise dont
bénéficie Pômare permet à ce dernier, «par un mouvement tournant par la
mer», de surprendre ses insurgés «foudroyés par l'effet des armes à feu» ...
La paix s'établit alors, avec la souveraineté de Pômare sur Tahiti-Nui et son
siège à Pare. Au cours de cette régence, début 1791 le fils reçoit publique¬
ment à 17 ans l'investiture de son titre de ari'i Pômare II, son père-régent
s'occupant à préparer la conquête de Tai'arapu en mars 1791, quand
survient le Pandora récupérer les rescapés du Bounty, épisode relaté plus
haut qui ralentit les perspectives belligérantes intérieures ...
Toutefois, le Pandora ayant quitté Tahiti (8 mai 1791), lorsque le
navigateur Vancouver est de passage fin 1791, Pômare 1er a déjà étendu son
emprise sur la presqu'île de Tahiti-Iti (Tai'arapu) — confiée au futur
Pômare II
ainsi que sur Mo'orea et Huahine. Les visiteurs européens,
dont aussi des marins déserteurs et des aventuriers de tout poil parfois
conseillers militaires et livreurs d'armes à feu, s'insinuent en même temps
que les vecteurs du christianisme. C'est dans ce contexte que, à la bataille
de Atahuru en lutte contre Pômare 1er en 1793, meurt Amo (chef esseulé de
Papara, depuis la bataille de décembre 1768) et que son fils et successeur
Temari'i, en chef malheureux, apporte le district de Papara en héritage royal
à la suprématie désormais consacrée de la dynastie des Pômare ...
—
anglais du Duff(mars 1797) puis du Royal Admirai
(mai 1800) entrent ainsi dans un climat d'hégémonie tiraillée, où le père,
adroit, rusé et rapace, est favorable à l'accueil de ces étrangers touchant terre
à Matavai
qu'il prend sous sa protection et qui le soutiennent, parce qu'un
besoin réciproque les rapproche, — mais où le fils s'en méfie. L'épisode de
juillet 1802 sus-évoqué, nous voici dans le cours du temps.
Les missionnaires
—
Société des
Études Océaniennes
�20
septembre 1803, Pômare le Premier, qui a joué un si grand rôle
Tahiti, meurt lors d'une visite à bord du Dart, à l'âge de
60 ans, ses ambitions assouvies, semble-t-il... Mais l'attitude hostile de son
fils rend précaire la situation des missionnaires anglais de Londres, qui
Le 3
dans l'histoire de
avaient obtenu cession de leur domaine de Matavai
nécessité de
se
constituer
en
Pômare le Second étend
:
ceux-ci voient alors la
forteresse, constamment assiégée.
son
influence entre Mo'orea et Tahiti, au nom
de'Oro pour
contrarier l'action des missionnaires, durant quatre années de
paix relative cependant dans les relations tribales. Mais en juin 1807, il
envahit en surprise Puna'auia (défaite complète de l'armée du chef Ta'atari'i), mais ne surprend pas le clan du chef Tati Taura'atuai'apatea de Papara
retiré à temps en montagne. Puis par mer, l'assaillant Pômare se rend à
Tautira pour quelque répit. Ultérieurement, en tentant un combat-revanche,
Ta'atari'i est tué ; ensuite, intraitable, Pômare
II met à sac le district de
Papara. Son ivresse despotique devenant alors intolérable, le grand ra 'atira
Pafa'i rallie l'entièreté de l'île de Tahiti pour s'insurger contre Pômare II,
obligé de s'enfuir à Mo'orea (début 1808).
Ces événements, turbulents pour la conquête spirituelle, entraînent un
nouvel exode de découragement des messagers de paix vers l'Australie.
Sont restés notamment à Tahiti : Nott, Wilson, Hayward, Scott et Davies
résister au persistant paganisme, lesquels, — ayant effectué une pre¬
mière tournée évangélique aux Iles-Sous-le-Vent en 1807, — s'installent à
pour
Mo'orea
peu
8.
(décembre 1808) dans l'environnement d'exil de Pômare II, qui
à peu sera gagné par l'influence chrétienne.
-
Intermède pour un
rocher isolé en mer
Il y a maintenant une vingtaine d'années (28 avril 1789) qu'a éclaté
la mutinerie du Bounty — qui disparaîtra des longs regards de Matavai le 22
...
septembre 1789 — et que le Pandora a rapatrié les mutins restés à Tahiti (8
mai 1791). Un certain oubli a dorénavant relégué cette mémorable piraterie
des préoccupations actuelles locales comme internationales, car l'Europe
est en pleine effervescence guerrière...
Mais le hasard
taine
pour
conduit le navire marchand américain
Topaz, capi¬
Folger, qui aborde une île à pic, battue par les flots mugissants comme
interdire tout débarquement : Pitcairn, 29 septembre 1808. Il y a été
a
Société des
Études
Océaniennes
�21
accueilli par l'Anglais
Alexander Smith, seul matelot survivant des 9 mutins
Fletcher Christian, et qui, tel un patriarche,
entretient dans une vie exemplaire une maisonnée de 35 âmes sur un rocher
de 10 km2 culminant à 300m (sommet où Christian s'était aménagé sa
cachette d'observation imprenable). Les mutins, quelques temps après avoir
quitté Tahiti, ont fracassé volontairement et brûlé le Bounty en mauvais état
sur les escarpements de l'île (découverte par le capitaine Carteret en 1767).
ayant suivi le second du Bounty
Après collectivement s'être établis et avoir labouré cette nouvelle terre
inhabitée, devenu ombrageux et dictatorial, Christian sera la seconde
victime d'un climat de méfiance et de jalousie, l'irritation et l'exaspération
amenant les néo-ennemis à s'entretuer avec les 6 indigènes mâles vite esclavagés, après neuf mois à deux années (?) de communauté tolérante. Le
matelot John Williams, excellent armurier, est abattu le premier, puis, après
Christian, ce sera le tour successivement du second-canonnier John Mills,
du matelot Isaac Martin et du jardinier William Brown, qui seront les 5
Blancs occis en cette journée sanglante ; puis, en octobre 1793, les derniers
Tahitiens mâles seront exterminés avec la complicité des femmes.
La vie semble cool jusqu'en 1798 ; puis les deux matelots William Me
Koy et Matthew Quintal, bouilleurs d'eau-de-vie de racine Dracoena terminalis, seront éliminés : le premier, par crise de délire alambiqué, s'est jeté
du haut d'une falaise ; le second, courant 1799, devenu convoiteur et
menaçant, se fera «assommer, comme un boeuf, à coups de hachette» par les
deux Blancs restants, qui vivront dans le repentir, Bible et Livre de prières
dominicales du Bounty en mains.
Un
plus tard (1800), une infection pulmonaire met un terme à
midship Edward Young, laissant seul le matelot Alexander
Smith dans sa contrition ; notre champion du Crédo mourra à Pitcairn en
mars 1829, âgé de 69 ans. Ce résumé résulte de la première nouvelle de cette
découverte extraordinaire, reçue du capitaine Folger en touchant Valparaiso
et communiquée par le lieutenant William Fitzmaurice (10 octobre 1808) à
l'Amirauté d'Angleterre (14 mai 1809) via Sir Sydney Smith à Rio de
Janeiro. Mais les guerres de l'Europe mirent en sourdine l'événement,
quand deux frégates anglaises en croisière dans le Pacifique, le Briton et le
Tagus respectivement commandés par Sir Thomas Staines et le capitaine
Pipon, viennent le raviver par un rapport plus détaillé envoyé de Valparaiso
(18 octobre 1814) et reçu début 1815 à l'Amirauté.
an
l'existence du
Y est
signalée la confession d'un vénérable vieillard, unique survivant
Société des
Études Océaniennes
�22
des mutins du
Bounty, s'appelant cette fois-là John Adams. Elle ne provo¬
que pas plus de réaction de la part du gouvernement britannique. Et deux
années s'écoulent encore, quand d'abord un baleinier en relâche y dépose le
Buffet, séduit par la communauté de l'île pour y devenir
Ensuite, en 1825, croise dans le Pacifique, pour une
expédition de découverte, le vaisseau de guerre Blossom capitaine Beechey
nommé John
l'instituteur et pasteur.
il recueille le récit
complet de la mutinerie version John Adams, vieil
agile malgré un embonpoint, ayant inculqué à son
entourage une extraordinaire instruction morale et religieuse... comme pour
éloigner dans sa retraite d'expiation son nom véritable d'Alexander Smith,
avec la charge de la nombreuse descendance croisée d'Angleterre et de
Tahiti. De cette aventure, seuls 3 mutins auront connu l'ignominieuse
punition par pendaison haut et court.
:
homme chauve de 65 ans,
Dans la vie
quotidienne à Pitcairn, bien qu'élevant chèvres et porcs
apportés par le Bounty, les premiers habitants en question tuent rarement un
cochon, leur nourriture étant quasiment végétarienne au régimepetania ...
Le patriarche narrateur demandera au capitaine Beechey, pour sa félicité su¬
prême, « de lire les prières du mariage pour lui et pour sa femme (... sa vieille
compagne aveugle et alitée depuis plusieurs années) ... cérémonie du
mariage où ils furent régulièrement unis, événement consigné dans un
registre ...». Selon les lois maritimes condamnant de crime de piraterie
l'insubordination notoire où les sentiments n'ont pas place dans la disci¬
pline, le devoir du précédent visiteur Sir Staines commandait impérative¬
ment de passer les menottes à Smith alias Adams pour le ramener en
Angleterre où, jugé et condamné comme ses complices, il aurait subi la
peine de mort... peut-être, car le recul du temps et certaines circonstances
atténuantes, renforcées par son comportement ultérieur à la mutinerie,
hautement méritoire dans la gestion de Pitcairn, lui auraient probablement
valu le pardon de Sa Majesté George IV ...
Enfin, il faut savoir que l'auteur Sir John Barrow (1764-1848)— nom
une pointe, un
cap et un détroit ; grand voyageur et géographe
anglais du Lancashire, devenu sous-secrétaire d'Etat à la Marine en 1804:
poste qu'il conservera durant 40 années, a notamment créé la Société Royale
de Géographie en 1830 — se porte garant de l'exactitude des assertions ciaprès. Le récit, nuancé dans le temps, des circonstances de la mort de
Fletcher Christian, par le seul survivant témoin des faits, laisse en effet
planer quelques doutes sur le décès réel de Christian dans sa plantation : à
peu près à l'époque où le capitaine Folger visite Pitcairn, vers 1808 ou 1809,
donné à
Société des
Études
Océaniennes
�23
région des lacs de Cumberland et de Westmoreland, bien des gens
que Christian se trouvait dans les parages et qu'il rendait de
fréquentes visites à une vieille tante habitant par là, étant bien connu des gens
du cru. Et justement à la même époque, dans Fore Street, quai de Plymouth,
le capitaine Heywood (ancien midship du Bounty) marchant rapidement
derrière un homme, dont la silhouette et l'allure générale ressemblaient
tellement à celles de Christian, voulut le rattraper. Mais le marcheur,
entendant «les pas se rapprocher de lui , retourna brusquement la tête,
dévisagea Heywood et s'enfuit à toutes jambes». Dans la course-poursuite
après cette frappante ressemblance et leur émotion réciproque, Heywood fut
pris de vitesse et l'inconnu disparut dans le dédale des rues, alors qu'il
n'avait jamais entendu parler de lui depuis leur séparation à Tahiti... Troublé
mais craignant les conséquences pénibles d'une telle déclaration, Heywood
jusqu'à sa mort évoquera cet incident peu ordinaire...
dans la
ont affirmé
9.
-
Après la bataille de Fê'î-Pi
plupart des pasteurs, partis vers Sydney, accepteront de revenir à
1815, en même temps que de nouveaux évangélistes
sont venus d'Angleterre grossir la Mission. C'est sur ces entrefaites que, un
complot ourdi par les non-convertis ayant foiré (juillet 1815) contre les
partisans de Pômare II, acquis à la cause chrétienne, ce dernier sort
vainqueur dans la fameuse bataille de Fê'î-Pi (12 novembre 1815) en
accordant clémence aux vaincus sans massacre, signe de la progression de
l'influence religieuse ...avec destruction de tiki.
La
Tahiti entre 1812 et
reconquête militaire de Tahiti par Pômare II en 1815-1816,
qu'arrivent de nouveaux évangélistes de la London Missionary Socie¬
ty, dont William Pascoe Crook « Turutu » (1775-1846), déjà affecté avec
John Harris aux Iles Marquises (6 juin 1797), lors du premier contingent du
Duff, et y ayant séjourné deux ans, alors âgé de 22 ans et ayant noté dans son
journal une multitude d'observations, d'une valeur scientifique inestimable,
avec un vocabulaire marquisien. Harris, lui, avait réembarqué (26 juin)
aussitôt sur le Duff, effrayé par la familiarité lubrique des îliennes, pour
S'ensuit la
alors
retourner à
Tahiti.
Quant à Crook, le navire américain Betsy, de passage en
juin 1798,
l'embarque pour Nuku-Hiva où, parlant bien le marquisien et bien accueilli,
Société des
Études
Océaniennes
�24
il demeure
jusqu'au 8 janvier 1799 : il profitera du passage des baleiniers
anglais Euphrates et Butterworth, pour être de retour en Angleterre en mai
1799. Est du voyage le Marquisien tatoué Timotiti (Temoteitei), qui sera
exhibé à Londres où il meurt rapidement de consomption.
en
Crook retourne en Océanie, marié avec Hannah Dare, séjourne d'abord
Nouvelle Galles du Sud (Australie) de 1807 à 1816 : il ouvre à Sydney
le
premier pensionnat pour jeunes filles (1804), fonde la première église
congrégationaliste (1810) ; il embarque ensuite, avec son épouse et leurs 7
enfants, sur un navire missionnaire destination Mo'orea (8 mai 1816), où
il installe sa mission en attendant la pacification de Tahiti.
Vers la même
époque, William Ellis (1794-1872) — ayant, lui, quitté
l'Angleterre (23 janvier 1816) avec 7 autres missionnaires pour arriver à
Mo'orea (26 mars), apportant sa presse d'imprimerie à Papeto'ai pour
met en pratique ses aptitudes d'imprimeur par la
l'installer à 'Afare'aitu
réalisation d'un abécédaire (juin) en présence de Pômare II : premier
ouvrage imprimé (devenu introuvable) dans une île du Pacifique. Et Crook
assiste Ellis dans la publication d'un catéchisme adapté (1817) et d'une
traduction de l'Evangile de Luc (1818).
—
Laissons ici notre collaborateur Robert
Koenig déclarer à l'occasion
du livre des vendredi 12 et samedi 13 octobre 1990 organisées
par l'O.T.A.C. : « Le 30 juin 1817 est imprimée à Mo'orea la première page
du premier livre jamais écrit dans une langue du Pacifique; l'éditeur William
Ellis est entouré des autorités territoriales et des corps constitués de l'époque
et, parmi eux, se trouve Pati'i, le grand-prêtre de Mo'orea, celui-là même qui
sera l'informateur d'Ellis
pour Polynesian Researches et d'Orsmond pour
Ancient Tahiti »... «Editer c'est aussi imprimer la parole des hommes et des
dieux. Il y a un plaisir tout particulier de relever ce fait : la première véritable
activité industrielle de ce Territoire a été l'imprimerie, activité fort moderne
puisque déjà décentralisée de Mo'orea à Huahine et à Taha'a. Il y a là le
premier clin d'oeil de l'Histoire, puisque la première activité industrielle à
Tahiti se situait à la Pointe Nu'uroa (dite des Pêcheurs) de Puna'auia, non
loin de la future zone industrielle de la Punaru'u» (polluante et bruyante!)...
Le dilemme des éditeurs d'hier est le même aujourd'hui : problèmes de
papier, d'encre, de plomb, de couverture, de reliure... avec en outre le
«miconia des éditeurs,
un cancer mécanique qui ronge les îles ... la
photocopieuse! ...».
des journées
...
Société des
Études
Océaniennes
�25
10.
Crook établit
-
sa
mission à «Wilks Harbour»
Ellis
rejoindra Huahine (20 juin 1818) en emportant sa presse d'im¬
primerie, alors que Crook, chargé d'installer une nouvelle mission à Tahiti,
a choisi de s'établir à l'Ouest de Pare (14 avril 1818), endroit appelé Wilks
Harbour, nom donné en l'honneur d'un des directeurs de la London
Missionary Society.
Les autres missionnaires, ayant
réoccupé les paroisses existantes de
ainsi choisi un site qui connaîtra, au fil du temps, un
développement dont nous sommes aujourd'hui les héritiers : une ville por¬
tuaire auparavant ignorée. Plaine marécageuse et, de ce fait, peu habitée, la
localité compte alors quelques cocotiers et arbres à pain disséminés et
beaucoup d'arbustes tâhinu à fines fleurs blanches. Lieu humide où abonde
le moustique à filariose, ce choix conduit Crook à bâtir une villa sur la colline
panoramique de Faiere qu'il dénomme Mount Hope, à l'air pur et frais
d'altitude. Il fait construire également deux grandes maisons style fare
pote 'e à Pâ 'ofa 'i en bordure de mer (temple et école), puis un centre de soins
dans l'enceinte de la Mission (donc vrai premier hôpital) — Crook possède
de solides connaissances médicales
et tout cela par dévouement spirituel
Tahiti, Crook
a
—
et social.
Le succès de cette
sa
résidence
ancestrale de
entreprise amène Pômare II, chef de Pare et qui a
royale à Papaoa ('Arue), à séjourner souvent sur sa terre
Motu-Uta, dans une sorte de belvédère-cabinet de travail.
Il faut signaler que, vers la même l'époque, le rassemblement mis¬
sionnaire protestant à Mo'orea, comme séjour d'accueil avant de rayonner
dans les archipels, aligne des pasteurs pionniers tels que :
David
Darling (1790-1867) : passe de Mo'orea (1817) à Tahiti
(1819) pour la station de Puna'auia, ayant assisté au baptême de Pômare II,
est en tournée à Tai'arapu (1821), est chargé de la presse de la Mission
(1827), inspecte les stations des Australes et des Marquises (1831), Angle¬
terre (1817), re-Tahiti (1818)...;
—
1817, assiste aussi au
baptême de Pômare II en 1819, fonde la station de Taha'a (1822) et va
s'installer en Nouvelle-Zélande (1827) ;
—
—
Robert Bourne
:
arrivé à Mo'orea
en
Henry Bicknell (1766-1820) : «charpentier, scieur de long et faiseur
Société des
Études
Océaniennes
�26
premier contingent 1797, quitte Tahiti (mai 1808) via
Sydney pour l'Angleterre, porteur du manuscrit du premier livre de lecture
en tahitien préparé par Davies (imprimé à Londres, 1810), réapparaît à
Mo'orea provisoirement dans la demeure même de Pômare (juin 1811), de
Papeto'ai est muté à Matavai et ouvrira la station de Papara (début 1818) ;
il aura l'honneur de baptiser Pômare II, avec speech de circonstance, le 18
mai 1819, dans la fameuse Royal Mission Chapel ; il mourra de dysenterie
à Papara (7 août 1820) ; sa veuve deviendra la seconde épouse de Davies ;
roues »
de la L.M.S.
Samuel Tessier
du contingent des neuf pasteurs arrivés par navire
Royal Admirai (10 juillet 1801), à Tahiti alors en guerre progressive, son
équipe sera envoyée par sécurité à Huahine (1808) ; séjour à Sydney
(octobre 1809-juin 1813), affecté à Mo'orea puis court séjour à Matavai, est
adjoint à Bicknell à Papara (nov. 1818), assiste aussi au baptême de Pômare
II (mai 1819), meurt de dysenterie (23 juillet 1820), deux semaines avant son
collègue à Papara ;
—
:
Henry Nott (1774-1844) : artisan du premier contingent mission¬
Duff(mars 1797), a de grandes aptitudes linguistiques pour prêcher
en tahitien : tour de l'île avec son collègue James Elder (1802) ; leur
chairman John Jefferson, maîtrisant parfaitement la langue locale pour la
mission de Tahiti, étant mort et enterré à Matavai (25 septembre 1807), Nott
réalise avec son collège James Hayward la première tournée évangélique à
Huahine, Ra'iatea et Porapora; puis l'insécurité de Tahiti le fait séjourner
à Mo'orea (1808-1815), où s'est retiré Pômare II après sa défaite et où
l'Histoire reconnaît l'ascendant pris par le missionnaire sur le comporte¬
ment ultérieur du roi, chrétiennement et intellectuellement ; à Huahine
(juillet 1818), puis à Matavai (juin 1819) pour rétablir la station abandonnée
lors des événements guerriers, il retourne en Angleterre (1825), d'où il
reviendra (1827) pour continuer à travailler avec acharnement en self-made
man à la traduction de la Bible
(après celle de l'Evangile de Luc imprimée
sur la presse
de'Afare'aitu en 1817) jusqu'en décembre 1835 : il retourne en
Angleterre faire imprimer (juin 1836) «le fruit d'un labeur de vingt années»;
édition complète réalisée, il revient à Tahiti (juillet 1840) puis se retire du
service actif pour mourir à Papara le 2 mai 1844 ;
—
naire du
William Ellis : sus-évoqué, installé avec sa presse à Huahine
(1818), vient consulter Nott à Tahiti (1821) sur le Code Pômare, part en
visite aux Iles Marquises puis Hawaii, retourne à Huahine (octobre 1822)
et quittera l'archipel (31 décembre 1822) pour l'Angleterre où, après un
—
Société des
Études Océaniennes
�27
séjour missionnaire à Madagascar, il mourra le 9 juin 1872 ; ayant notam¬
ment publié à Londres en 1829 Polynesian Researches (traduction A la
recherche de la Polynésie d'Autrefois par la Société des Océanistes de Paris,
1972) ;
Henry (1770-1859) : charpentier du premier contingent
Dujf(mdus 1797) et du groupe repartant sur Sydney (avril
1798) dans la période de guerre à Tahiti... mais il revient à Tahiti (janvier
1800-novembre 1808), les guerres locales l'éloignant alors à Huahine, puis
(octobre 1809) en Australie (éducation des enfants), revient à Mo'orea
(septembre 1811), sa femme née Sarah Maben mourant à Papeto'ai (juillet
1812) : 3 enfants; repart à Sydney (1813) pour être réaffecté à son retour,
remarié, à la mission entre Pape'ete et Mo'orea (1813-1832) : sa seconde
femme née Ann Shepherd lui ayant donné 11 enfants, tous nés à Tahiti ou
Mo'orea, le couple s'est retiré à Sydney en 1842 (W.H. est décédé à Ryde
le 1er avril 1859 à 89 ans, Ann le 28 juin 1882 à 85 ans) ;
—
William
missionnaire du
(1772-1855) : arrive à Tahiti à 29 ans (juillet 1801)
pour y demeurer plus d'un demi-siècle au service de sa mission ; ce maître
d'école se révèle comme linguiste, traducteur et historien, formant un sacré
quatuor intellectuel avec Henry, Orsmond et Nott ; après son alphabet de
1810 (cf. Bicknell plus haut), est en poste à Huahine (1808-1809), Mo'orea
(1811-1818), Huahine encore (1818-1820) sous le règne du roi Mahine,
avec ses collèges Charles Barff, Orsmond et Ellis ; s'installe ensuite à Papara
définitivement, dans «une résidence agréable, avec un verger et quelques
têtes de bétail»; a rédigé The History of the Tahitian Mission 1799-1830,
histoire inédite (publiée à Cambridge en 1959 enfin) ; il connaîtra l'occu¬
pation française vers 1842 doublée de l'arrivée des missionnaires catholi¬
ques; cependant, avec Orsmond, il choisit de rester sur place. Il aura quitté
les Iles de la Société une seule fois en 1809, avec un groupe de 7 mission¬
naires ne pouvant plus exercer leur ministère à la suite de la révolte indigène;
ayant quitté Huahine sur le brick Hibernia (17 octobre) pour aller s'installer
en N.S.W.... il est de retour, marié, en septembre 1811 pour Mo'orea : sa
jeune femme Mary meurt un an plus tard (4 septembre 1812). Il épousera
ensuite la veuve de son collaborateur Bicknell (décédé en 1820), une
Anglaise nommée Mary Ann Bradley (décédée en janvier 1826) ; il
terminera sa vie quasiment aveugle et impotent, un pasteur indigène lui
ayant été adjoint à Papara où il meurt à 83 ans (19 août 1855). Il a publié, en
1823, une première grammaire tahitienne (Grammar ofthe Tahitian dialect
of the Polynesian language, Tahiti, Mission Press) puis, en collaboration
—
John Davies
Société des Etudes Océaniennes
�28
Darling (cité plus haut), A Tahitian and English Dictionary and a short
grammar ofthe Tahitian dialect (Tahiti 1851, L.M.S.'s Press), ouvrage que
les Editions Haerepô ont fort heureusement reproduit tel quel en 1985
puis
1987 : ce dictionnaire uniquement
tahitien-anglais auquel se réfère cons¬
tamment l'Académie Tahitienne Fare Vâna'a... comme d'autres instances
avec
autorisées, constituant avec le fameux dictionnaire exclusivement Pa'umotu-English élaboré par Frank Stimson (La Haye, 1964) une source délectissime pour les curieux linguistiques ;
John Muggridge Orsmond (1788-1856) : arrive de Londres via
Sydney à Mo'orea (27 avril 1817) jusqu'au 20 juin 1818, rejoint Ellis à
—
Huahine, est à Rai'atea en décembre mais sa femme y meurt en couches (6
janvier 1819)... se remarie à Sydney avec Isabelle Nelson et revient pour
s'installer à Porapora (18 nov. 1820)
jusqu'en 1824, est désigné pour diriger
la South Seas Academy à Mo'orea, école sélective
; nommé ensuite à
Tai'arapu (1831), il assistera dix à douze années plus tard à la situation
d'occupation française relatée chez Davies ci-dessus, ayant tous deux
oeuvré
avec autant
d'ardeur et d'érudition dans la confection du dictionnaire
tahitien-anglais sus-évoqué. Demeuré
sur place après les événements de
1840-1844, il aurait confié un important manuscrit ethnologique au gouver¬
nement français en 1848, via le Gouverneur Charles
François Lavaud, aux
Fins de publication, et qui a malheureusement
disparu ... My God ! Mais sa
petite-fille Teuira Henry (1847-1915 : issue de Isaac Henry, fils de William
Henry et de Eliza Orsmond : fille de John Orsmond et d'Isabelle Nelson),
professeur linguiste à l'Ecole Viénot, réussit à restituer partiellement le
travail de son éminent aïeul « Otomoni » dans
l'ouvrage Ancient Tahiti
(1921, Bishop Museum of Honolulu) légué à nous sous la traduction Tahiti
aux
temps anciens de Bertrand Jaunez (1951, Société des Océanistes de
Paris). Pensant se retirer en Nouvelle-Zélande, Orsmond meurt en cours de
voyage le 23 avril 1856 et est immergé dans l'Océan Pacifique ;
C'est donc dans l'environnement de cet
aréopage, — (liste des noms
de fréquentation privilégiée réciproquement, que
Pômare II, personne lettrée, devient traducteur-correcteur de textes bibli¬
ques et ainsi collaborateur préféré de Crook. Ce dernier le soigne, en outre,
des souffrances d'un ancien
éléphantiasis, mais le roi est grand consomma¬
cités
non
exhaustive)
—
teur de rhum...
Société des
Études
Océaniennes
�29
11.
Le code du roi Pômare II
-
En assemblée
générale convoquée à la résidence de Papaoa le 13 mai
1819, est approuvé et promulgué le Code Pômare, essentiellement oeuvre de
Nott. Et comme il
se
rend
régulièrement au culte du dimanche au Temple de
Pâ'ofa'i, Pômare II est baptisé le 18 mai 1819, en la chapelle royale
octogonale de Papaoa, en présence de quatre milliers d'assistants.
Episode de la canne à sucre dont la culture a réussi aux Antilles : envoyé
d'Angleterre via Sydney, arrive à Tahiti John Gyles, colon-missionnaire de
la L.M.S. (14 août 1818), pour lancer ses plantations à Mo 'orea. La tentative
est un échec, car la main-d'oeuvre locale, libre et altière, répugne à la
servilité ; notre visiteur abandonne et retourne à Londres (22 juin 1820).
Mais le fils de Bicknell, ayant participé à ce premier essai, va transférer les
plants de canne à Tahiti où il réussira à obtenir un très bon sucre, mais
insuffisamment pour l'exploiter en affaire commerciale car onéreuse.
Le
commerce
s'est peu
à peu développé durant ces deux premières
présent siècle, les guerres s'estompant,grignotées par le chris¬
tianisme; l'élevage porcin fournit du porc salé aux navires en progression
de passages ; mais aussi, le pays reçoit crescendo : textiles, outils, armes et
munitions, alcools... Pômare II est à l'apogée de son règne, étendant son
autocratie sur Tahiti et Mo'orea et sa suzeraineté à Raro voire aux Tuâmotu.
décennies du
première femme Tetua est morte en juillet 1806, alors qu'il avait la
actuellement, la plus jeune des deux épouses du roi, Teremoemoe,
fille du chef de Ra'iatea (l'autre étant sa soeur Teri'itaria), accouchera à
Papaoa d'un fils le 25 juin 1820 : le futur Pômare III, confié aux soins
hospitaliers de dame Crook à Pâ'ofa'i. En juillet 1820, on note le passage à
Tahiti du navire russe du capitaine Bellinghausen. Le 10 septembre 1820,
Crook baptise le nouveau roi en présence d'un millier de personnes.
Sa
trentaine ;
12.
-
Motu-Uta
en
baie de
«
Hope Town
D'une stature caressant le double mètre,
mais est devenu
»
Pômare II est impressionnant,
ventripotent et son état de santé va se dégrader rapidement,
par suite de «ses habitudes d'intempérance et d'autres excès méprisables ».
En novembre 1821, il est transporté de Papeto'ai (Mo'orea) à sa résidence de
Tahiti à
Papaoa ('Arue), puis il est acheminé pour être installé fin novembre
expire le 11 décembre, au milieu d'une grande affluence.
à Motu-Uta où il
Société des
Études
Océaniennes
�30
En 1822, le
Conseil de Régence adopte un drapeau-étendard rouge
l'angle supérieur de la hampe.
orné d'une étoile dans
Petit à
petit, à partir de l'installation missionnaire de Pâ'ofa'i, la plaine
marécageuse va se peupler plus à l'Est : les remblais progressent, les néo¬
citadins provenant surtout des vallées à l'Ouest de Pare (Hamuta et
Fautau'a), ainsi que de Tipaeru'i (Taupô) en amont, comme des agglomérations
limitrophes de Pira'e et Tefana et aussi des Tuâmotu.
Le lieu de
débarquement de l'époque est composé de nombreuses
«petites cases... au milieu des orangers, des cocotiers, des goyaviers et des
arbres de toutes espèces qui ombragent le rivage
curviligne sur les bords de
la rade
grâcieux et pittoresque» (journal de bord du capitaine Gabriel de
Larcy, 1822). Les missionnaires l'appellent Hope Town, puisque la localité
s'étend en contrebas de Mount Hope
(Faiere).
...
Cependant, les indigènes l'appellent vite Vai'ete, du nom de la rivière
(source à 'Orovini, entre l'actuelle Assemblée Territoriale et la Radio-Télé¬
vision) traversant la terre ancestrale des Pômare (terre entre les actuelles rue
du Dr Cassiau et Avenue
Bruat). L'extension du peuplement de cette ville,
où en 5 années (de 1818 à 1823) sont venues s'installer avec Crook
près de
mille personnes, rend nécessaire la construction
plus grande d'un nouveau
temple et d'une nouvelle école. Pômare III va sur ses 3 ans quand a lieu la
pose de la première pierre du nouveau temple (5 juin 1823) avec cérémonie
circonstanciée et gigantesque tâmâ 'ara 'a.
Quant à Crook, la réussite de
son dévouement apostolique constatée à
Pape'ete le fait désigner par ses confrères à la tâche plus difficile d'évangélisation de la presqu'île de
Tai'arapu : il est affecté à Vairâ'ô (octobre 1823)
avec épouse et enfants
(9 désormais) jusqu'en 1830 où il quitte Tahiti
(septembre) pour se retirer en Australie. Crook mourra le 14 juin 1846 à
Melbourne
13.
-
(71 ans).
Intermède missionnaire
De nouveaux missionnaires de la L.M.S. sont venus renforcer en Océanie l'action et les activités de leurs
prédécesseurs. John Williams
(17961839) arrive à Mo'orea d'abord (17 novembre 1817), est affecté à Huahine
(20 juin 1818) puis à Ra'iatea pour y fonder la mission, où il est particuliè-
Société des
Études
Océaniennes
�31
école, cultures de tabac et canne à sucre) ; part à Sydney
(octobre 1821), y achète le schooner Endeavour aux fins d'étendre avec plus
d'efficacité l'oeuvre missionnaire entre Ra'iatea, Rurutu-Rimatara et Rarorement
actif (code,
tonga (où il a fait construire le navire Messenger ofPeace) entre
1822 à 1833.
baleinier Tuscan (25 septembre 1821) :
les stations de Vaipiha'a (1822) puis
Hitia'a (1825-1826), le charpentier de métier Thomas Blossom, pour la
South Seas Academy, et le tisserand Elijah Armitage, pour enseigner
comment traiter le coton : ce dernier, de Pira'e passe installer sa fabrique à
Mo'orea (début 1823) ; cette tentative cotonnière ayant fait fiasco, l'orateur
de la prédication Williams emmène Armitage (1833) avec son métier à
Rarotonga où l'expérience, coûteuse, sera finalement abandonnée aussi, et
le tisserand retournera en Angleterre (mars 1836).
Sont arrivés
d'Angleterre
par
le missionnaire Thomas Jones, pour
Quant à Williams, il a rallié
son
l'Angleterre (12 juin 1834) pour préparer
livre Narrative of Missionary enterprises in
the South Seas Islands (avril
1837), qui suscite un vif intérêt ; le succès des ventes permet à la mission
d'acheter et équiper le navire Camden, capitaine Morgan, pour regagner, via
Sydney avec un groupe de jeunes missionnaires, Tahiti (mars 1839). En
voulant sillonner pour la conquête spirituelle au-delà des Iles Cook, William
connaîtra une fin tragique : assassiné à l'île d'Erromango (20 novembre
1839), le martyr gît en terre samoane à 'Uporu.
d'Angleterre, le missionnaire George Platt (1789-1865) dé¬
barque à Mo'orea (17 novembre 1817), pour seconder William Henry
(arrivé en mars 1797) à Papeto'ai et y établir une église (1819) ; il succède
à Orsmond à Porapora (février 1824) puis visite les Iles Australes sur le
Messenger ofPeace (1er trimestre 1830). Mais les turbulences politiques à
Porapora l'obligent à aller s'installer à Ra'iatea (1830) jusqu'en mars 1856;
rentré en Angleterre, il est de retour à Ra'iatea en août 1859 et y mourra à
76 ans (4 avril 1865).
Arrivant
(1796-1884), envoyé par la L.M.S., arrive à Tahiti (31
juillet 1825) pour travailler deux ans dans la Mission entre successivement
Tahiti, Ra'iatea et Taha'a. Il est ensuite affecté à Rarotonga jusqu'en 1854;
se retire à Sydney où il meurt à 88 ans.
Signalons ici, hors Pape'ete, le cas de Tute « Cook » Tehuiari'i (17811858), premier pasteur et missionnaire protestant tahitien originaire de
Mo'orea, ami du Roi Pômare II et homme de puissante stature. Après les
événements locaux de 1817-1818, il émigré avec des missionnaires à
Charles Pitman
Société des
Études
Océaniennes
�32
Huahine où, une solide formation ecclésiale dans la nouvelle
religion reçue,
il est choisi pour assurer la direction de la première
Eglise indigène de
Huahine (mai 1820). Renseigné par William Ellis, le Roi Kamehameha III
de Hawaii sollicite
au
Roi de Tahiti les services de christianisation des
pasteurs indigènes ; et Tute est ainsi désigné par la mission de Huahine qu'il
quitte via Pape'ete avec femme et filles (19 juin 1826), pour arriver à
Honolulu (24 juillet) où il est bien accueilli comme
instituteur-évangéliste
et chapelain
personnel du roi, jusqu'à sa mort à 77 ans (3 décembre 1858).
14.
en
Sous le règne du roi Pômare III, Pritchard entre
scène
-
Les navires de
commerce comme
les baleiniers découvrent maintenant
Wilks
Harbour, alias Hope Town, alias Pape'ete, un mouillage toute
plus sûr qu'en baie de Matavai, pouvant y entrer par les passes de
Taunoa et Tipaeru'i. Les équipages en
permission y distribuent cadeaux
divers, gin et rhum, tandis que les hôtes les reçoivent avec force 'upa'upa
engendrant des joies bacchanales.
en
l'année
Après l'envahissement de Papara par Pômare II en 1807 et la guerre de
(novembre 1815) qui ont laissé des deuils sanglants, les apports de
paix évangélique ont développé, chez les dirigeants actuels des générations
locales, des stratégies et des ambitions de pouvoir nouvelles. 'Opuhara de
Papara tué au combat, son frère Tati revenu de son exil à Porapora reprend
le titre de chef de Papara, le
Code Pômare promulgué en mai 1819 ayant reçu
l'assentiment intégral des chefs.
Fê'î-Pi
Le 21 avril 1824, en la
chapelle royale de Papaoa ('Arue), la cérémonie
du couronnement du jeune
roi (presque 4 ans) est officiée notamment
par les
Henry pour oindre, Nott pour couronner et Davies pour répondre
à la place du roi Pômare III,
l'engageant à « promettre de régenter son peuple
pasteurs
avec
justice et bonté, selon la Bible
Le 24 décembre 1824 arrive de
et le Code
».
Londres, par navire Fox Hound, à Tahiti
le missionnaire
affecté à
Installé à
George Pritchard (1796-1883) : après un an à Fa'a'a, il est
Pape'ete. Sa tâche est difficile, mais il est ambitieux et énergique.
Pâ'ofa'i, il entreprend de mener à bonne fin la construction du
temple commencé par son prédécesseur Crook, mais suspendue
depuis son départ. L'enfant-roi est élève à la South Seas Academy à
nouveau
Société des
Études
Océaniennes
�33
(Mo'orea), où il a pour précepteur Orsmond ; il accompagne
visite sur le navire Blossom (avril 1826) capitaine Beechey,
dans la rade de Pape'ete, ce navire de guerre qui a accosté à Pitcairn courant
1825 (36 ans après la mutinerie du Bounty).
'Afare'aitu
Pritchard
en
l'Assemblée Législative (créée en 1824) a institué une
réglementation contre les matelots déserteurs. En août 1826, le navire de
guerre américain Peacock, capitaine Thomas Catesby Jones, fait faire le
En mai 1826,
voyage
Mo'orea-Tahiti à l'élève-roi témoignant d'un esprit vif.
15.
La reine Pômare IV
-
s'installe
1826, est fêtée l'inauguration du Temple et des bâtiments
malade
à Mo'orea en saison humide, Pômare III, rejeton
Tombé
En décembre
annexes.
mâle
Pare
unique de la dynastie actuelle, succombe rapidement (dysenterie?) à
le 10 janvier 1827 (6 ans 1/2) et est inhumé à Papaoa. Sa soeur
vers
1813) le titre
de Teremoemoe, c'est la soeur de celle-ci sa tante Teri'itaria qui assure, en fine
politicienne, la régence. Traditionnellement promise au ari'i Tâpoa de
Porapora, elle s'installe aussitôt à Pape'ete, lieu de vie plus amusant que
Papaoa, étant adhérente de la nouvelle secte des Mamaia aux moeurs libres,
et ainsi à la grande appréhension des missionnaires. Il faut dire que les
'Aimata, sans couronnement, prend à 14 ans (née le 28 février
IV, Reine de Tahiti, Mo'orea et dépendances : fille
de Pômare
physiquement et oratoirement,
parmi les jeunes gens du type play boy Jouisseurs sans doute, mais robustes
et causeurs virils, et les spécimens féminins de belles plantes.
Mamaia sont des taure'are'a sélectionnés,
Pape'ete fait partie du mata'eina'a de Pare, dépendant de Porionu'u
'Arue, et devient ainsi le chef-lieu du Royaume des Pômare,
l'assemblée annuelle des chefs s'y tenant pour la première fois à partir de
comme
Alexander Simpson (1801-1866) arrive de la L.M.S. à
(13 mars 1827) pour Papeto'ai-Mo'orea ; il accompagnera Pritchard
en tournée aux Iles Australes et aux Iles Marquises sur navire Olive Branch
(mars-mai 1829) et sera chargé de la South Seas Academy.
1827. Le pasteur
Tahiti
Débarque le 15 mars 1829 à Pape'ete Jacques-Antoine Moerenhout
(1796-1879), comme subrécargue de la goélette Valdora venant du Chili
pour le négoce et la plonge de la nacre aux Tuâmotu. La trentaine passée, ce
célèbre marchand de mère française et de père belge, quand la Belgique est
Société des
Études
Océaniennes
�34
territoire annexé à la France
(de 1794 à 1815), a participé dans l'Armée
française comme dessinateur du Génie dans la Campagne d'Allemagne
(1813) et la Campagne de France (1814), puis est dans le commerce à
Anvers. Secrétaire du consul des Pays-Bas au Chili
(1826), ensuite commer¬
çant, il arrive donc subrécargue à Tahiti (1829) en vue de créer une
plantation de canne à sucre près de Pape'ete, y demeurant comme négociant
toujours en affaires avec Valparaiso, où il s'est marié avec Petroni La Garcia
y La Guerra (1833). Habitant une belle résidence sur le front de mer, notre
immigrant franco-belge sera, avec sa femme chilienne, témoin privilégié
des activités locales.
Vers cette
époque, Crook a signalé le passage aux Iles Marquises, à
(début 1825), d'Ambroise Favart (1790-1847), marin aventurier et
armurier amateur, qui circulera plus tard dans les Tuâmotu, sur une
goélette
chilienne, y ayant flairé la valeur commerciale de la nacre.
Tahuata
A l'avènement donc de Pômare
Vahine, l'influence mamaia menace
plus prestigieux parmi ceuxci, Tati de Papara et Hitoti Manua (1770-1846) de Ti'arei-Hitia'a, vont
investir en force Pape'ete (septembre 1829) pour contraindre la Reine à
renvoyer les «faux prophètes de la secte syncrétiste » à Ra 'iatea, où la Reine
va s'exiler
d'elle-même, prenant ainsi le parti de la Mission.
l'autorité
et
des missionnaires et des chefs. Les
Pômare Vahine revient à Pape'ete en
janvier 1831 avec une garde
d'environ 400 Mamaia, auxquels se joignent autant de
guerriers des deux
chefs de
Tai'arapu. Elle exige que tous les chefs de Tahiti lui rendent
hommage. A nouveau Tati et Hitoti assiègent Pape'ete pour forcer la Reine
à renoncer à son entreprise. La guerre
fratricide est avortée par l'arrivée de
deux navires de guerre anglais (24 mars
1831), lesquels débarquent 86
ressortissants de Pitcairn. Evacués de leur île où ils ont été élevés dans la
stricte observance des Dix Commandements, les descendants des mutins-
naufragés volontaires du Bounty seront vite victimes des maladies apportées
les baleiniers : 12 innocents meurent, les survivants aidés par Pritchard
regagneront Pitcairn par un baleinier (août 1831).
par
Peu de
temps après, la Reine choque les missionnaires, en délaissant
pour épouser son cousin Ari'ifâite (13 ans), fils d'un chef
de Huahine. Alors Tati,
craignant l'influence libertine néfaste des héréti¬
ques Mamaia, entreprend d'écraser ces derniers à Tai'arapu lors d'une
bataille militaire sanglante. Et il
convoque en assemblée des chefs la Reine
qui, humiliée, en cette séance extraordinaire en la présence habituelle des
son
mari
Tâpoa,
Société des
Études
Océaniennes
�35
pasteurs, promet de renoncer à ses
société de
pratiques anciennes. Est alors fondée une
Reine Pômare IV.
tempérance, dont la présidence est confiée à la
Signalons ici un personnage d'époque : Samuel Pinder Henry (père)
(1800-1852), fils aîné du missionnaire William Henry de la
L.M.S. avec sa première épouse Sarah Maben, né à Tahiti (8 février 1800)
et ayant étudié à Sydney ; est agent maritime (ari'itai) du Roi Pômare, en
particulier actif dans le commerce interinsulaire et avec l'Australie, ayant
notamment assuré à la demande du gouvernement de la N.S.W. le transport
à Tahiti des gens de Pitcairn (1831). Il a épousé, à Sydney, Sophia Wood
(juin 1821) ; il exploitera en co-propriété «une plantation de canne à sucre
à Ma'iripehe, qui marche mal faute de main-d'oeuvre». Il terminera comme
pilote à Pape'ete où il meurt (1er juin 1852).
alias Teri'itahi
Mais Pape'ete est déjà envahie par les équipages, véritables fauteurs de
trouble, affluant des navires baleiniers y faisant relâche. Ils chassent de plus
au-delà de l'Atlantique, pour l'huile de
augmentation because of le progrès pour servir
au
graissage des machines industrielles et à l'éclairage des maisons et des
rues. Il s'agit principalement de baleiniers américains basés au Massachu¬
setts : la carcasse dépecée à bord, la graisse est fondue dans d'énormes
chaudrons logés en caissons de brique sur le pont ; doublant le Cap Horn —
le voyage aller-retour dure 2 à 3 ans ! — ils font de longues escales plusieurs
en
plus fréquemment les cétacés,
baleine
:
la demande est en
fois par an,
chaudrons.
pour
provisions d'eau de bord et de bois de chauffe des
déserteurs
papa'a surtout d'origine américaine, ont établi des cases de grog shops sur
le front de mer ; les baleiniers, autrefois de 12 par an, sont maintenant de 80
par an (période 1830-1840). Chaque équipage se compose d'une trentaine
d'hommes qui recherchent, après de durs et si longs séjours en mer, femmes
et boissons à terre : deux commerces interdits par les lois puritaines ratifiées
par la Reine à l'incitation des missionnaires, payables en tara marite ou
moni manu (pièces à l'effigie d'aigle sud-américain). L'ambiance est
propice au dévergondage, à l'ivrognerie d'influence excessive sur la popu¬
lation indigène. Aussi l'assemblée des chefs, où Tati et Hitoti se signalent,
institue un corps de muto'i doté d'une prison (la carabousse, carabossa) —
de construction légère ne pouvant empêcher des tentatives d'évasion ! —
avec une potence à Tipaeru'i, afin de réprimer le désordre ... bien difficile¬
Les matelots,
anciens beachcombers, parfois pionniers ou
ment.
Société des
Études
Océaniennes
�36
16.
-
Le
commerçant Moerenhout, consul et
témoin d'une
époque
En avril
1835, Moerenhout s'est absenté en Amérique et en France
(pour son manuscrit qui sera publié en 1837 : Voyage aux Iles du Grand
Océan) et est de retour à Pape'ete (4 janvier 1836) avec le titre convoité de
consul des Etats-Unis et une importante
cargaison de marchandises françai¬
ses, la réunion des chefs de Tahiti et Mo'orea en présence de la Reine l'ayant
autorisé à remplir ses nouvelles fonctions (27 janvier).
Le capitaine Arnaud Maurice (1800-1871),
navigant à partir du Chili
depuis 1830, connaît les parages des Iles Gambier, Tuâmotu et Fiji — il
s'installera à Huahine (Tefareri'i) avec une Tahitienne à sa retraite. Alors en
relâche à Valparaiso, il renseigne les pères
François Caret (1802-1844) et
Honoré Louis Laval (1868-1880), en attente de vents
favorables, sur
l'absence de mission installée
aux
Iles Gambier ; à la recherche donc d'un
terrain
propice pour leur apostolat, nos deux catholiques, avec leur compa¬
charpentier, picpucien irlandais Père Columban James Murphy, em¬
barquent sur le navire péruvien Peruana pour Mangareva (6 août 1834) et
Akamaru (7) où ils s'installent : le Roi
Maputeoa sera baptisé solennelle¬
gnon
ment le
25 août 1836.
Entre
temps, ils ont reçu Mgr Etienne Rouchouze (1798-1843) venu
les mêmes chemin et navire (9 mai 1835), pour y séjourner jusqu'en
1837, et lequel déléguera les Pères Caret et Laval accompagnés d'un
charpentier nommé Vincent, par le brick Eliza, capitaine William Hamilton,
à Tahiti ; débarquement à Tautira (20 novembre
1836), accueil par un
Suédois, pour se rendre à pied à Pape'ete. Ils sont reçus par Moerenhout qui
les présentera à la Reine,
laquelle semble subir l'ascendant de Pritchard qui
brigue, depuis 1832, le titre de consul britannique.
par
Après
une assemblée de juges sous la présidence de la Reine Pômare
lettre d'elle (29 novembre 1836) invite les prêtres catholiques à ne
point résider à Tahiti. Moerenhout, consul des U.S.A. depuis janvier 1835,
leur ayant prêté asile, dans sa case, nos deux missionnaires
y sont saisis (12
décembre 1836) et expulsés manu militari,
pour réembarquer sur Y Eliza (16
IV,
une
décembre) direction Mangareva (31 décembre). Réapparaissant à Pape'ete
en transit
pour Honolulu (21 janvier 1837) avec le Père Maigret, par navire
Colombo, le Père Caret n'est pas autorisé par la Reine à débarquer et la
goélette est déroutée sur Valparaiso.
Société des
Études
Océaniennes
�37
énergiquement intervenu contre l'expulsion des
jugés indésirables, le gouvernement tahitien a protesté auprès du
gouvernement de Washington, qui relèvera ledit protecteur de ses fonctions
de consul des Etats-Unis (18 juin 1837) dans un pays devenu pleinement
protestant et dont Moerenhout souhaitait la France pour assurer la protection
du Royaume des Pômare.
Moerenhout étant
deux curés
Par contre, devant
l'extension des méfaits occasionnés par les escales
répétées des navires étrangers, les missionnaires anglais déduisent que le
de combattre les désordres est de demander à un gouvernement
européen de prendre possession de Tahiti. Ils rédigent ainsi une pétition,
signée de la Reine Pômare IV, à l'adresse de la Reine Victoria de GrandeBretagne (1819-1901), laquelle se contentera de nommer, pour cette «petite
île à l'autre bout du monde, sans aucune valeur économique ou stratégique»,
le pasteur de Pâ'ofa'i «pour le poste de consul aux Iles de la Société et aux
Iles des Navigateurs» (14 février 1837), charge effective à compter d'avril.
Pritchard est présenté officiellement à la Reine et aux chefs par le comman¬
dant du navire Imogene (20 novembre) et, le gouvernement britannique
seul moyen
souhaitant
sionne de
Dans
consul non missionnaire, notre agent diplomatique démis¬
charge de la L.M.S. (30 décembre 1837).
un
sa
son
rapport à la Maison
Blanche (24 décembre 1837), Moeren¬
agissements de Pritchard «qu'il accuse d'utiliser ses
fonctions sacrées et son influence politique pour se livrer» à un commerce
rémunérateur. Mais Moerenhout et sa femme seront victimes d'un attentat
hout dénonce les
(nuit du 9 au 10 juin 1838) commis par un matelot, déserteur de baleinier,
d'origine sud-américaine. Moerenhout se rétablit promptement, pas son
épouse ...
17.
-
Dupetit-Thouars rencontre Pômare Vahine
capitaine de vaisseau Abel Aubert Dupetit-Thouars (1793-1864)
frégate Vénus un voyage autour du monde (1836-1839), pour
établir un rapport sur la pêche à la baleine dans l'Océan Pacifique, où
quelques baleiniers français ont fait apparition. A Valparaiso (juillet 1838)
il a reçu de France des instructions pour Tahiti, laissant les pères picpuciens
Joseph Dosithée Desvault (1807-1881) et Louis Borgella (1808-1873) à
Vaitahu-Tahuata (2 août 1838), arrivant à Pape'ete le 2 août 1838, afin
d'exiger de la Reine de Tahiti une lettre d'excuses au Roi des Français, en
Le
effectue sur la
Société des
Études
Océaniennes
�38
réparation de l'insulte faite à la France pour les avanies essuyées par les
prêtres Caret et Laval : chose faite, avec 21 coups de canon pour saluer le
pavillon français.
Un traité est conclu
avec
la Reine
(5 septembre 1838) «accordant
aux
Français, quelle
commercer
fortement
que soit leur profession, la liberté de s'établir et de
dans les Etats de la Reine Pômare IV». Le navigateur, qui a été
impressionné par les qualités de Moerenhout, persuade en même
temps celle-ci de l'accepter comme consul de France. Cette désignation est
ratifiée par une ordonnance (26 octobre 1839) du Roi Louis-Philippe (17731850)... alors que dame Moerenhout a succombé (20 octobre 1838), après
être restée malade plus de 4 mois, des suites de l'agression de juin , et que
l'agresseur sera l'un des premiers condamnés à la pendaison (6 février
1839).
Dupetit-Thouars a quitté Tahiti (17 septembre 1838) après avoir
promu Moerenhout et rencontré, à son passage à Tahiti, Jules-SébastienCésar Dumont d'Urville (1790-1842) — polytechnicien qui a fait 3 grands
voyages le conduisant aux îles enchanteresses d'Océanie : comme lieute¬
nant de vaisseau en second de Duperrey, à bord de la Coquille ; comme
capitaine de frégate sur le même bateau devenu YAstrolabe (1826-1829),
pour explorer la Polynésie et rechercher les traces de La Pérouse ; comman¬
dant une exploration des régions australes sur Y Astrolabe et la Zélée, avec
séjour en Polynésie (août & septembre 1838) : Gambier, Marquises,
Tuâmotu et Tahiti.
On note le bref passage (septembre 1838) du voyageur et savant
polonais Paul Edmond Strzelecki (1797-1873) à Pape'ete, venant de Valpa¬
raiso sur le Fly, pour la Tasmanie puis Londres.
18.
-
Intermède
d'époque
Le
charpentier Joseph Brémond (1803-1864) de Marseille, arrivé à
1833, rendra service au Père François Caret lorsque celui-ci, —
après les conventions de la Reine avec Dupetit-Thouars (septembre 1838)
et Laplace
(juin 1839) sur l'entrée des Français à Tahiti et le libre exercice
du culte
quittant Mangareva, arrive par le Rob Roy à Pape'ete (31
décembre 1841), en pleine épidémie de variole. C'est le
démarrage, diffi¬
cile, de l'établissement de la Mission Catholique à Tahiti, l'acquisition de
Tahiti
en
—
Société des
Études
Océaniennes
�39
tiraillements consulaires et mission¬
Tahiti (4 mai-5 juin 1842) le contreamiral marquis Joseph du Bouzet (1805-1867), en voyage dans les mers du
Sud, de retour en France sur Y Aube, qui essaie d'apaiser les disputes locales
où le consul Moerenhout a du mal à se dépêtrer. S'y distingue, en particulier,
le négociant et ancien marin Auguste Lucas (1804-1854) de Belle-Isle en
Morbihan : séjournera 8 ans à Pape'ete de 1839 à 1847, champion procédu¬
rier dans les affaires politiques et judiciaires, pamphlétaire acerbe contre
l'Administration et la politique religieuse.
terrains n'étant pas commode dans les
naires existant à cette époque. Passe à
quand il passe à Tahiti (octobre
1842) : il sera reçu dans une maison en briques séchées, que la Mission
Catholique vient de faire construire, celle-là même qui sera incendiée avec
la chapelle et tous les documents manuscrits et archives (dont des travaux
pour un dictionnaire très avancé et attendu sur la langue tahitienne) par «les
naturels hérétiques» (30 juin 1844). Peu après ce désastre, le Père Caret (né
le 14 juillet 1802 à Miniac en Ille-et-Vilaine), miné par une affection
pulmonaire, prend passage sur la Meurthe, pensant être rapatrié sur Bor¬
deaux par Mangareva, mais il meurt à Rikitea à 42 ans.
L'écrivain Herman Melville a 23 ans
Charpentier donc pour divers travaux des missionnaires et de la Reine,
Joseph Brémond est déjà restaurateur-tavernier en 1844 ; ayant pu épouser
sa femme indigène de Pâ'ea, 'O'opa a Tetuanui (1809-1899) dont il eut
plusieurs enfants —la Reine venant de lever la défense empêchant un
étranger de s'unir à une naturelle — et il mourra à Pape 'ete à 61 ans (26 août
1864).
Hastings,
banquière de Londres, arrive à Pape'ete (début 1841)
dans un Tahiti assez agité. Il deviendra vite un citoyen d'élite, ayant épousé
(début 1842) la princesse Ari'i'oehau (1821-1897), petite-fille de Tati chef
En effet,
Alexander Salmon (1820-1866), gentleman né à
issu d'une famille
de
Papara, au Temple de Pape'ete.
Raymond PIETRI
(à suivre... )
Société des
Études
Océaniennes
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m
■
■
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Société des
Études
Océaniennes
�41
DISCOURS
POUR L'INAUGURATION
DE LA SEMAINE
CULTURELLE
TE PUKA MARUIA
Monsieur 1
e
Haut-Commissaire de la République,
Président du Territoire et Ministre de la
Monsieur le Vice-
Culture,
Madame et Messieurs les Ministres,
Mesdames et messieurs les
ainsi que
les dignitaires du monde culturel,
Vous tous ici
,
personnalistés
Manava ! Kia
présents,
ora
!
joie que j'ai l'honneur d'être le porte-parole du comité
organisateur de notre manifestation pour vous accueillir à cette petite
cérémonie d'inauguration de la semaine culturelle Te Puka Maruia, conçue
et mise sur pied par les trois partenaires que sont :
C'est
—
—
l'Association Culturelle
le
nes
—
avec
Département Archéologie du Centre Polynésien des Sciences Humai¬
Te
le
Tamariki Te Puka Maruia,
Anavaharau,
Bishop Museum de Honolulu.
Société des
Études Océaniennes
�42
L'accueil traditionnel que vous venez de voir à travers les
chants,
danses et fakatara de notre henua vous a donné,
je pense, une petite idée de
notre culture.
Soyez tous les bienvenus à cette cérémonie d'inauguration de la
semaine culturelle Pa'umotu des îles Napuka et
Tepoto, qui composaient
jadis le territoire de Te Puka Maruia sous le règne de Maruia, notre ancêtre
bien-aimée et défunte souveraine, qui fut intronisée toute
jeune par sa mère
Unuhia qui découvrit et colonisa les deux îles de l'extrême nord de
l'archipel
des Tuamotu. Là, elle planta des
puka qui constituent encore aujourd'hui de
véritables forêts dans
nos
îles.
Lors de l'intronisation de
Puka
sa fille, la reine Unuhia nomma ces îles Na
d'autres termes, les deux forêts de Pisonia de Maruia,
de regagner son pays
d'origine Hi va Te Rekareka.
Maruia,
a
avant
en
Ces deux îles étaient
Nui
du
ou encore
Te Puka
appelées séparément Te Puka Maruia et Te PotoRunga (le Puka du haut) et Te Puka Raro (le Puka
bas).
Le nom Napuka, qui
désigne uniquement aujourd'hui l'une des deux
îles, est probablement le fruit de difficultés de communication entre les
navigateurs chargés de dresser la carte de la région et les indigènes de ces
îles.
Ces derniers, dans un
passé encore récent, aimaient citer l'un de ces
désigner ces îles. Très souvent donc, lorsqu'ils parlent des deux
îles, il leur arrive de dire Na Puka qui est, en définitive, le diminutif de Na
noms
Puka
son
pour
a
Maruia.
Notre association Tamariki Te Puka Maruia tient bien évidemment
nom de l'ancien domaine de Te Puka Maruia.
Elle a été conçue en 1976, première année où les
jeunes de notre
communauté ont décidé de porter l'emblème de Te Puka Maruia au festival
du durai.
Un
concours
de circonstances heureux et de rencontres
opportunes a
été à
l'origine de la conception de
jour,
sous sa forme
En
notre association
qui
a
finalement vu le
officielle, le 26 août 1977.
effet, alors que le petit groupe folklorique Tamariki Te Puka
Société des
Études
Océaniennes
�43
répétitions au fin fond de la vallée de Titioro, la
pirogue double hawaïenne Hokulea faisait son entrée historique et triom¬
phale dan la rade de Papeete.
Maruia effectuait ses
A cette occasion,
j'ai fait la connaissance de plusieurs chercheurs du
Bishop Museum qui suivaient de près le périple de la pirogue Hokulea. Le
Docteur Sinoto, qui se trouve aujourd'hui parmi nous, l'ethno-musicologue
Adrienne Kaepler, qui souhaitait étudier notre folklore, et le Professeur
Kennet Emory. Ce dernier a tenu à rencontrer les gens de notre communauté
qu'il n'a plus quittés jusqu'à la fin de son séjour. Il a profité de l'occasion
pour interroger les personnes âgées afin de compléter et corriger ses anciens
recueils.
quasiment en proie à une euphorie collec¬
revoir Keneti et les jeunes de faire la
éminent chercheur en sciences humaines, dont les
dans le domaine de la culture polynésienne et océa¬
Toute la communauté était
tive. Les vieux étaient heureux de
connaissance de cet
travaux
font autorité
nienne.
Il
nous
a,
bien entendu, beaucoup parlé de ses travaux dans nos îles. En
satisfaction, ce que faisait le groupe, il nous a conseillés et
constatant, avec
encouragé à travailler davantage pour la sauvegarde de notre culture.
C'est
qu'il pouvait donner aux natifs d'un Territoire, lesquels,
selon lui, ayant l'avantage de vivre leur culture et ses mutations, doivent et
peuvent effectuer des recherches sur leurs propres cultures, afin de complé¬
ter ou même de corriger celles menées par les chercheurs extérieurs.
le meilleur conseil
C'est donc la conciliation de tous ces événements et rencontres qui sont
l'origine de l'association Tamariki Te Puka Maruia, qui s'est proposé de
tout mettre en œuvre pour remplir pleinement son rôle et permettre aux
jeunes générations d'avoir de sérieux repères de leur identité culturelle.
à
En
1977, le Professeur Emory est revenu à Tahiti pour suivre le groupe
folklorique Tamariki Te Puka Maruia lors du
Cette
durai.
remporté le premier prix et le trophée du
spectacle présenté au durai, avec la légende de Rata que
publiée par la suite dans le Bulletin de la Société des Etudes
année-là, le groupe a
meilleur thème de
nous avons
Océaniennes.
Toutefois,
en
raison de divers problèmes insurmontables,
Société des
Études Océaniennes
il n'a pu se
�44
reproduire à la Place Vaiete qu'en 1980, date de sa dernière prestation à cette
manifestation.
Par la
à
suite, de
nouveaux
problèmes
nous ont
définitivement fait
participer
aux manifestations suivantes. Dès lors, la branche
Folklore de notre association s'est tout
simplement mise en sommeil.
renoncer
Seules, les branches Recherche
et Artisanat sont restées
Cette dernière branche du Puka permet
survivre,
au
quotidien, quelques
en
activité.
aujourd'hui de faire vivre, voire
mama et
leurs familles.
Quant à la branche Recherche que
j'aime personnellement, elle tra¬
avec des chercheurs français et
étrangers, avec lesquels nous n'acceptons de travailler qu'après de sérieuses
négociations, afin d'éviter tout malentendu. Ce filtrage nous a contraint à
écarter certaines démarches individuelles,
peu claires et plutôt assorties
d'intérêts financiers pour les initiateurs. En effet, la
vigilance est devenue
une
règle rigoureuse chez nous.
vaille souvent, en étroite
collaboration,
Depuis la création de notre association, le Docteur Eric Conte, du
département Archéologie du Centre Te Anavaharau, fut le premier à se
rendre dans nos îles dès 1982. Il a effectué
plusieurs voyages depuis, dans
le cadre de ses missions
ethno-archéologiques consacrées aux techniques de
pêche et aux fouilles archéologiques, qui lui ont permis de faire la surpre¬
nante découverte de nombreuses
sépultures sur le marae Te Tahata à
Tepoto.
Depuis 1981, il a préparé sa thèse de Doctorat en ethnologie préhisto¬
rique, à l'aide de travaux menés conjointement avec les responsables de
notre association, et surtout avec la
parfaite collaboration des informateurs
et de toute la communauté de
Napuka et Tepoto.
Sa thèse axée
à
sur
l'Exploitation traditionnelle des ressources marines
Napuka, qu'il
a soutenue brillamment l'année dernière, lui a valu la
mention très honorable décernée par un éminent
jury.
Nous
avons
le désir de
publier ces travaux communs, sous une forme
grand public, afin d'assurer à l'association les revenus
nécessaires à sa survie pour lui
permettre de continuer sa mission de
recherche, de sauvegarde et de protection de notre patrimoine culturel.
accessible
au
Société des
Études
Océaniennes
�45
Le Professeur Bernard
laboratoire à l'Ecole
dans
nos
Salvat, biologiste de renom, Directeur de
Pratique des Hautes Etudes, s'est également déplacé
scientifique s'est rendu tout spécialement à
îles. Cet éminent
Tepoto pour étudier son sol car, comme l'île de
pas pourvu de lagon.
Nukutavake, Tepoto n'est
scientifique étranger, l'anthropologue physique néo-zélandais
s'est lui aussi rendu à Tepoto, associé à la mission d'Eric
Conte et Isabelle Calaque, pour étudier les squelettes découverts en 1984 sur
Un
John Denison,
le
marae
Te Tahata.
étranger, à qui nous avons fourni des informations, est le
linguiste et enseignant à l'Université de
Australie. Toutefois, il ne s'est pas rendu dans nos îles.
Un autre
Professeur allemand Karl Rensch,
Canberra
en
travailler dans de bonnes conditions
grâce à l'appui logistique et stratégique de notre association.
Tous
ces
chercheurs ont donc pu
Cependant, je dois reconnaître que, à l'exception de la mission du
c'est grâce à l'aide financière du Territoire et de l'Etat,
notamment à travers le département Archéologie du C.P.S.H., que ces
expéditions scientifiques ont pu se réaliser dans nos îles.
Professeur Rensch,
association ne dispose pas de fonds pour ce genre de
remplir une fonction d'intérêt public, mais nous
n'avons pourtant jamais sollicité de subventions. Si celles-ci nous étaient
accordées, en reconnaissance de notre activité, nous les accepterions volon¬
tiers, car c'est seulement en témoignage de reconnaissance ou de sympathie
qu'il est possible, dans nos traditions, de recevoir un don.
En effet, notre
missions. Nous pensons
En outre, les activités de notre association sont suivies, d'une certaine
manière, par les scientifiques du Bishop Museum de Honolulu. Ces derniers
continuent d'ailleurs à nous fournir, sans réserve aucune, une documenta¬
tion
précieuse. Ils sont, par conséquent, des partenaires
privilégiés.
qu'ils nous invitent, d'ores et déjà, à participer à une grande
qu'ils comptent organiser en 1991 à Honolulu.
allons, dès maintenant, nous efforcer de répondre favorablement à
Sachez
manifestation culturelle
Nous
cette
invitation.
notre
En dehors des rapports avec les différentes personnes ou
association s'est fixé comme priorité le recueil d'informations
organismes,
auprès
Société des
Études Océaniennes
�46
des anciens. Au
cours
des douze dernières années, cette initiative nous a
permis de sauvegarder beaucoup de connaissances, notamment celles
fournies par quelques détenteurs de savoirs ancestraux qui ont, depuis, fait
le dernier voyage pour rejoindre nos ancêtres dans l'antre de Havaiki.
Nous
que l'héritage laissé par les anciens servira effective¬
générations. Nous les incitons justement à s'intéresser
de près à notre culture. Nous ne leur demandons pas de vivre ce qu'elles
n'ont pas connu, mais simplement de vivre pleinement leur époque, sans
toutefois perdre de vue leurs origines.
espérons
ment aux nouvelles
A notre sens,
la cohabitation de différentes cultures et ethnies est
enrichissante et même souhaitable pour ces
tion qu'elle soit harmonieuse.
nouvelles générations, à condi¬
Je citerais
l'exemple d'un de nos fils qui, orienté et sensibilisé sur le
sujet qui nous préoccupe, vient de partir en Métropole poursuivre ses études.
Entré, il y a deux ans, au centre universitaire de Pirae, il a obtenu brillamment
son
Dulco couronnant ainsi
Nous
ses
efforts.
espérons que d'autres jeunes suivront cette voie
la communauté et de
Aussi,
nous
sa
pour
le bien de
culture.
fondons beaucoup d'espoirs sur la nouvelle génération qui
arrivera
peut-être à réaliser un vieux projet ambitieux qui consiste à créer un
Ce centre est, pour nous, la clef de tout. Cette structure
permettra de recueillir et de transmettre, dans de bonnes conditions, les
connaissances ancestrales et nos traditions dans sa généralité.
centre culturel.
Pour
finir, je ne voudrais pas parler de culture de nos fles et de nos
ce domaine sans rendre
hommage aux missionnaires qui ont été
les premiers observateurs à recueillir les informations, malgré la sévérité de
leurs critiques à l'égard de nos ancêtres qui leur ont donné beaucoup de peine
dans leurs missions d'évangélisation et de civilisation. Mais ils ont l'excuse
actions dans
d'avoir observé les choses d'un œil de curé et
d'Européen. Tout comme le
capitaine Byron en 1765, ils ont été à leur tour, mais d'une autre manière,
désappointés » avec l'attitude de nos ancêtres.
«
L'isolement naturel de
nos
îles et le
Société des
Études
tempérament de ses habitants, peu
Océaniennes
�47
facilement ou suivre sans réserve tout ce qui est nouveau
étranger, ont peut-être contribué à préserver, d'une certaine manière, nos
traditions. C'est ce qui rend intéressantes aujourd'hui, sans nul doute, les
recherches scientifiques dans nos îles qui demeurent parmi les moins
affectées et influencées par le progrès dans l'archipel des Tuamotu.
enclin à accepter
et
Je
vous
activités
invite donc, au nom des
préparées à votre attention,
organisateurs, à suivre de près
Merci de votre attention et de votre
Kia
ora
les
demain et après demain.
patience.
! Tei koa holà !
FASAN CHONG
dit
Kape Jean
Président de l'Association
culturelle et
folklorique
TAMARIKI TE PUKA MARUIA
Société des
Études
Océaniennes
�.
Société des
Études
Océaniennes
�49
PASSÉ D'ICI, PRÉSENT D'AILLEURS :
UNE GAGEURE
POUR LES SCIENCES
HUMAINES ?
scientifiques menées en Polynésie française et, en
particulier, sur les Tuamotu concernent maintenant de nombreuses discipli¬
nes, dont les Sciences Humaines qui occupent une place charnière détermi¬
nante. Impliquées, en effet, à la fois par le passé et sa continuité ou ses
résurgences dans le présent, limitées d'un côté par les contingences de la
stricte rigueur scientifique mais, en même temps sollicitées par des aspira¬
tions socio-culturelles communautaires locales qu'elles ont souvent géné¬
rées ou réveillées, ces Sciences ne sont effectivement souvent rien moins
qu'humaines... Aussi, quoique disposant d'un certain nombre de données
quantifiées, qu'on peut appeler «matériels», et de procédures conduisant à
l'application de «méthodes», ce type de recherche scientifique contient une
grande part de jugements ou d'appréciations objectives et personnelles.
Les recherches
Que l'on ait dénommé en beaucoup d'endroits, et plus particulièrement
en Océanie, «ethno-archéologie» une de ces procédures d'approche im¬
briquant schématiquement passé et présent, ne change rien au contexte. De
toutes les sources d'informations disponibles, et quelles que soient les
périodes auxquelles elles se rattachent, ce sont les méthodes, les critères de
la discipline ou sa déontologie qui les différencient. Ce qui change, par delà
les stratégies de carrières, c'est l'origine, le contenu et l'agencement ou la
manipulation des données utilisées. Partir des informations recueillies ou
obtenues par les procédures de l'archéologie sur les différentes périodes du
passé pour le reconstituer le plus exactement possible et s'y tenir, en n'ayant
ici,
Société des
Études
Océaniennes
�50
à
l'esprit que les critères de la rigueur scientifique propre à sa discipline ou
groupe social, est une formule tout à fait justifiable, à laquelle beaucoup
son
se sont
limités
ou se
limitent
encore.
On peut
cependant également penser que la responsabilité du cher¬
dépasse ce simple stade et implique de tenter de mener à terme ou
d'assumer tout ou partie des conséquences que sa recherche a
pu éventuel¬
lement engendrer, surtout dans un
espace sociologique souvent différent du
sien. Rien ne l'y oblige, en dehors de la
pression sociale de «sa confrérie».
Or celle-ci, dans le cas de nombreux
pays «jeunes», ou en cours de
structuration comme ici, ne s'exprime pas encore. Situation
qui laisse une
certaine marge de manoeuvre où l'ambiguïté peut avoir libre cours face à
deux niveaux de
comptes à rendre. Avec ses pairs qui ne sont pas sur place,
on n'a
que des rapports objectifs à échanger, présentés logiquement comme
purement scientifiques. Vis-à-vis de la communauté locale aspirant ou
soumise encore au processus d'auto-re-découverte ou de formation de ses
propres cadres, la recherche n'est pas réglementairement tenue d'analyser
ou
d'intégrer son insertion à d'éventuels besoins locaux.
cheur
Ainsi, ayant à sa disposition deux tableaux sur lesquels elle peut jouer
trop de contrainte, la recherche et tout particulièrement les Sciences
Humaines sont difficiles à impliquer réellement dans les
programmes de
développement. L'écart, entre un niveau de demande de production scien¬
tifique «métropolitaine» ou internationale et celui des applications locales
sans
subjectives ou conjoncturelles, est trop souvent incommensurable.
Que dire lorsque les demandes ne sont même pas encore formulées, car non
encore pensées, dans un environnement scientifico-culturel en
plein essor ?
Encore qu'il semble que la voie des médias, — on en a
souvent
exemples polyvalents,
—
puisse être
un
déjà plusieurs
des parcours possibles.
Matériels et méthode
Observer, décrire, analyser, présenter, à l'aide de méthodes convenet sélectionnées, est le lot de chacun. Modifier
peu
à peu l'idée
qu'on se fait d'un phénomène, d'un espace, d'un groupe
humain, et/ou de son histoire, se produit régulièrement. Mais modifier
radicalement ou remettre en cause quelques-unes des données fondamenta¬
les sur lesquelles
s'appuie une société constitue un autre ordre d'interventionnellement élaborées
Société des
Études
Océaniennes
�51
L'analyse des conditions dans lesquelles l'Histoire s'est formée, la
façon dont on l'a pratiquement créée et/ou écrite génèrent des problémati¬
ques différentes.
tion.
D'observateur extérieur, soumis
chercheur
peut être tout à fait
à une «impartialité» de rigueur, le
logiquement entraîné par les conséquences
successives des résultats de sa recherche.
privilégier abusivement, on peut penser que c'est ce qui a com¬
produire avec les atolls des Tuamotu. Ils constituent en euxmêmes, au moins du point de vue géo-morphologique, un ensemble par¬
ticulier; et en dehors des observations ponctuelles des débuts, les recherches
en Sciences Humaines n'y furent entreprises qu'en deux temps. Soit, après
avoir pris en considération leur seule situation géographique excentrée, à la
périphérie orientale du Pacifique insulaire, soit pour y retrouver un lien de
filiation originaire de certaines îles hautes environnantes.
Sans les
mencé de
se
approches qui se sont échelonnées dans le
moins de deux siècles, les îles des Tuamotu ont toujours
été considérées comme des satellites plus ou moins fugaces de leurs hautes
et prolixes voisines, comme une zone de transits migratoires puis comme
une réserve à survivances techniques et culturelles.
Au
cours
des différentes
temps, en un peu
spécifiquement sur
l'Archipel correspond-elle à ces orientations. Depuis la premiere tentative
d'inventaire méthodique entreprise sous l'impulsion du Bishop Museum, au
début des années 30 (K.P. Emory, 1934, 1975), qui tentait le premier de
combiner les relevés des vestiges de surface avec les récits de quelques
«hommes de savoir» ainsi qu'avec la culture matérielle survivante, plu¬
Aussi bien, la gamme
sieurs
des informations portant
approches se sont succédées.
l'échouage du Kon Tiki, un gros travail fut réalisé à Raroia (Dac'est bien plus tard que la procédure inverse fut mise
à Rangiroa par Paul Ottino (1972), sous forme d'une enquête
Suite à
nielsson, 1954) ; mais
en oeuvre
anthropologique de terrain à laquelle on rajouta les dimensions et la
profondeur historiques au moyen de l'archéologie (Garanger et Lavondès,
1966). Au cours de deux missions pluridisciplinaires à Reao, Hatanaka
(1983) tenta une approche encore plus globale, en adjoignant la linguistique
et la psychologie au tandem formé par l'ethnologie et l'archéologie. Cette
dernière
ayant pour principal
objectif de tenter de confirmer la position
de migration entre les Marquises
stratégique de cet atoll dans le processus
,
Société des
Études Océaniennes
�52
l'île de
Pâques. Peu avant, c'était une tentative de reconstitution de l'en¬
peuplement ancien à Takapoto (Chazine,
1977) qui, par l'entremise d'une importante succession de chercheurs, était
lancée sous l'impulsion de B. Salvat (1988).
et
vironnement et de l'évolution du
Au
de
missions, c'est par le biais classique d'un inventaire
vestiges de surface, immobiliers ou mobiliers, suivi de descriptions
techniques et analytiques, que le passé était reconstruit. Outils, accessoires
de pêche ou domestiques, cartographie de structures le plus souvent cérémonielles, en étaient les éléments constitutifs caractéristiques. Il était égale¬
ment implicitement sous-entendu que les activités des insulaires devaient
être, comme pour les îles hautes, exclusivement tournées vers le lagon, la
mer, les rivages et leurs ressources potentielles.
cours
ces
des
Ces recherches
delà des restes
le
passé des Tuamotu, dès qu'elles sont allées auanthropiques habituels, c'est-à-dire les vestiges de structures
sur
cérémonielles et de culture matérielle élémentaire, ont conduit à la mise en
évidence d'aménagements complexes plus surprenants que les simples
descriptions dont
on
les avait qualifiés (Chazine, 1977).
Par leur taille., leur
fréquence, leur répartition, ces complexes, qui cor¬
respondaient à des zones entièrement dévolues aux activités agricoles, dé¬
voilaient d'importantes aptitudes rurales masquées. Dès qu'elles furent
isolées en tant que structures archéologiques spécifiques, ces éléments,
communément appelés fosses de culture, ont alors dépassé la seule limite
arbitraire territoriale de l'Archipel des Tuamotu puisque touchant, même
avec de nombreuses variantes
pratiques, aux besoins alimentaires de base de
la population d'un atoll.
Au travers de celles-ci,
c'était la question de la manière dont les
pratiquement pu occuper et exploiter l'éco-système
particulier des atolls, au cours du temps, qui se posait. D'autant que quelques
datations avaient fait notablement reculer l'ancienneté possible de leur
insulaires avaient
installation.
Devenues
objets archéologiques dans la partie orientale du Pacifique
déjà ancien, alors qu'ailleurs les informations bibliographi¬
ques indiquaient qu'au moins, en Micronésie, elles étaient encore en pleine
production, elles suscitaient au moins deux types de questions.
par un abandon
D'abord, comment et pourquoi cet aspect de la culture matérielle des
Paumotu avait-il été réduit et même occulté si facilement par les observa-
Société des
Études
Océaniennes
�53
teurs
les insulaires avaient-ils pu si rapidement aban¬
qui les avait nourris et occupés pendant si longtemps?
? Ensuite, comment
donner et oublier ce
L'abandon des lieux et aussi des
techniques, commencé lors des
premiers regroupements en villages et de
dans la deuxième moitié du
l'implantation de la cocoteraie,
19ème siècle, s'est pratiquement
achevé, après
phase particulièrement dramatique des cyclones du début du siècle, peu
après la deuxième guerre mondiale. Avec lui et l'intensification généralisée
de la monoculture du cocotier, disparaissaient également, avec la végétation
primaire, la plupart des ressources traditionnelles qui alimentaient la popu¬
lation en vivres végétales fraîches. La monnaie n'apporte pas automatique¬
ment sa contrepartie de vitamines !
la
Malgré les nombreuses mises en garde émises depuis longtemps par
quasiment tous les Services administratifs, — leurs archives en témoignent
clairement, — les possibilités d'alimentation des atolls ont fini par atteindre
un état déplorable. En dehors de quelques points tout à fait ponctuels et
artificiels, il n'y a plus de production vivrière stabilisée, ce qui, en dehors des
ressources lagonaires ou marines que le réseau monétaire n'a pas encore
atteintes, laisse la place à une alimentation totalement dérégulée. Tant du
point de vue nutritionnel que culturel, on assiste à un brassage des notions
alimentaires qui s'apparente à un « syncrétisme gastronomique » dont les
effets risquent de dépasser de beaucoup les possibilités d'intervention
compensatoires.
L'autre composante
du questionnement concerne, pour
les Sciences
ici, de l'interface entre ce qui
est « présent », « passé » ou « survivance ». C'est aussi ce qui est susceptible
du plus grand nombre de manipulations dans l'exploitation des interpréta¬
Humaines, la relativité encore plus évidente,
tions
ou
des reconstitutions.
reconstitution des
procédures de création, mise en service, exploitation, récolte et régénéra¬
tion,
les étapes techniques, écologiques, climatiques et sociales, qui sont
impliquées,
a pu se faire, ici, grâce à une « archéologie du savoir ».
C'était la mémoire de quelques personnes qui devenait le fameux
«locus» cher
archéologues, d'où une fouille méthodique extrayait les
données nécessaires. La convergence des informations nous a permis, grâce
à quelques petites extrapolations-relais, de faire apparaître un ensemble co¬
hérent. Ceci expliquait bien, en théorie, comment « ça » avait fonctionné
Ainsi, pour le système
ancestral des fosses, la
—
—
aux
Société des
Études Océaniennes
�54
autrefois. Restait alors ensuite à tenter de démonter les mécanismes
qui
Or ces deux ensembles appartiennent tous
deux au passé, ce qui dans l'esprit de beaucoup d'insulaires introduit une
sournoise confusion. Par ailleurs, la vitesse relative de changement des uns
et des autres n'est pas la même d'un bout à l'autre de l'Archipel, ce qui rend
la chronologie des processus difficile ou au moins délicate à généraliser.
avaient abouti à leur interruption.
Les lieux et les moments, en
fait les dates des observations,
au
moins
Océanie, s'appliquant aussi bien au présent qu'au passé, sont détermi¬
nants et le glissement de l'un à l'autre apparaît comme tout à fait relatif. Ce
qui est déjà passé, ici, est encore présent ailleurs, et c'est cette relativité qu'il
faut historiciser. On pourrait même dire «exorciser», tant ce qui est passé est
oublié et rejeté parles uns, tandis qu'il en fait vivre d'autres...Si les Sciences
Humaines peuvent être d'un apport incontestable, grâce à leurs méthodes,
même parfois controversées, c'est aussi en tentant de dépasser le simple
recueil, aussi largement et analytiquement épluché soit-il, qu'elles le seront.
en
On peut
aisément tenter de reconstituer la succession des séquences
d'occupation d'un site par quelques-uns des vestiges que l'archéologie met
couramment au jour, mais en dégager les raisons, les logiques internes qui
les ont déterminées, relève presque de l'acrobatie intellectuelle, alors que les
ethnologues — qui, eux, vivent longuement et physiquement des terrains
en contact étroit avec la/les
populations, — n'y arrivent pas encore...
Pourtant, c'est de cela qu'on a besoin, c'est d'une information qui soit
en prise avec
la réalité. Une réalité nourrie, certes, de tout ce que
le passé peut nous apprendre, mais également de tout ce pour quoi le passé
a ici été rejeté et
conservé ou combiné ailleurs.
réellement
Ainsi,
va-t-il des fosses de culture,
lesquelles je
quelqu'obstination depuis quelques années. On a eu l'oc¬
casion, par ailleurs (Barrau, 1961; Chazine, 1983, 1988), de décrire et
développer ce en quoi leur adaptation particulière à l'éco-système et la
morphologie hydrologique spécifique des atolls leur permettent d'être pré¬
sentes sur presque toutes les fles basses de l'ensemble du Pacifique (Spriggs,
1984). Lorsqu'elles n'y sont pas, c'est l'humidité des dépressions maréca¬
geuses qui normalement était utilisée.
m'acharne
en
avec ou pour
avec
Aussi, cette adaptation particulièrement favorable était-elle indépen¬
historiques, puisque soumise aux variations du niveau
de la lentille d'eau douce. Le principe de l'utilisation et de la fabrication d'un
dante des conditions
Société des
Études
Océaniennes
�55
compost, à partir de végétaux particuliers et avec les plantations qu'on peut
y entreprendre, une fois la fosse mise en service, est quasiment autonome.
Il contribue toutefois à matérialiser, consciemment ou pas, l'interaction
directe entre l'existence d'une production végétale naturelle et les besoins
humains.
Une toute récente
mission, dans les archipels
d'îles basses du Pacifi¬
occidental, vient de me confirmer ce qui, jusqu'à présent, ne m'était
que par des recherches bibliographiques. Les rapides observations
que j'ai pu faire dans les trois archipels d'atolls des Marshall, Kiribati et
Tuvalu, concernant les modalités d'adaptation de communautés parfois très
nombreuses, comparées aux Tuamotu (densité mille fois supérieure à
Tarawa par exemple), sont particulièrement instructives.
que
connu
alimentaires ou monétaires y sont très
limitées, aussi la population doit-elle surtout compter sur elle-même. Ceci
lui impose, comme sur un bateau, de produire, utiliser, conserver, protéger
à peu près tout ce dont elle peut avoir besoin. On peut ainsi évaluer ce qu'il
est « humainement » possible de faire sur une île basse. L'amplitude que peut
atteindre une végétation arbustive et arborée — qui, tout en étant contrôlée,
n'est jamais brûlée, — permet de l'utiliser dans la plupart des circonstances
de la « culture matérielle ». Les besoins en combustible domestique jouent
Les ressources extérieures,
également un rôle prépondérant de
régulateur de « gâchis ».
qu'on a pu observer, in situ et in vivo, certains éléments des
paramètres intervenant dans les processus de changement, les traces qu'ils
peuvent laisser dans/sur le sol, les contingences environnementales et/ou
sociales de sauvegarde ou de disparition.
C'est ainsi
En dehors des îles
Marshall, soumises à une influence américaine
plus
pire que massive, j'ai pu nettement repérer, sur les deux autres archipels
contraintes ou les limites et, surtout, l'étendue de la
gamme des possibilités fournies par le simple environnement des atolls.
C'est à l'intérieur de celui-ci que la véritable ingéniosité technique et
culturelle de ces communautés insulaires s'exprime.
et
d'îles basses visités, les
particulier, le problème quotidien de l'obtention des ressources ali¬
survie (là-bas, pas d'Etat ou de subsidesProvidence) est strictement organisé et réparti selon un découpage géogra¬
phique et social rigoureux. On comprend alors aisément pourquoi l'espace,
à l'intérieur duquel les communautés insulaires peuvent se mouvoir, comEn
mentaires nécessaires à leur
,
Société des
Études Océaniennes
�56
prend l'ensemble des milieux accessibles. Sauf cas extrêmes, générant
hypertrophie culturelle, l'importance de la terre et donc du
réseau foncier égale, voire dépasse, pour les relations sociales fonctionnel¬
les, celle de l'eau environnante, tant lagonaire que marine.
souvent une
La
végétation naturelle y est, d'une manière générale, le plus possible
sauvegardée, souvent délimitée et le plus possible recyclée ou servant de
combustible. Les espèces arborées porteuses de fruits comestibles (dont le
pandanus, le cocotier et l'arbre à pain) sont, elles, personnellement ou
familialement appropriées et entretenues à proximité de l'habitat, et leurs
racines abritées et amendées par les résidus végétaux environnants. Ceuxci sont systématiquement ratissés, entassés mais jamais brûlés. Les sols sont
donc à peu près tous soit recouverts, soit enrichis par une épaisse couche
d'humus.
C'est
seulement la rationnalité interne des modalités
d'occupation
des atolls qui devient évidente, mais surtout la raison d'être
de la stricte organisation sociale que cela nécessite. Organisation et hiérar¬
chie qui, comme ailleurs, ne suffisent nullement à exclure les conflits ou les
dérégulations. Non seulement la culture matérielle perdure sous de nom¬
breuses formes, tout en générant, comme partout, ses futurs vestiges archéo¬
logiques plus ou moins fugaces, mais les structures mêmes de la Société qui
la gère sont encore fonctionnelles, déterminantes et évolutives.
non
presque pérenne
La vitesse de perte
généralisée des connaissances ici, et pas unique¬
Tuamotu, ainsi qu'en témoignent la quasi-totalité des observa¬
teurs, depuis même le tout début du 19 ème siècle, est considérable...
ment aux
C'est d'ailleurs
pourquoi on se précipite et se concentre avec autant
les quelques sanctuaires, dont l'isolement est la prin¬
cipale, sinon l'unique protection. Mais ce que les différents intervenants
extraient et préservent théoriquement de la disparition, pourquoi est-il
tellement menacé ? Pourquoi a-t'il en tant d'endroits disparu ? La quête que
nous
poursuivons, pratiquement tous, chacun à son niveau, dans ses diffé¬
rents domaines de compétences, représente, en fait, également l'inconfor¬
table position des Sciences Humaines, dès lors qu'en plus de tenter d'être
scientifiques, elles sont humaines, et ne peuvent s'alimenter que de la réalité
culturelle et socio-économique environnante.
d'activisme fébrile
sur
Où et comment
la mémoire de tel
importe-t-il de restituer un savoir perdu ou enfoui dans
tel groupe ethnique, et dans un contexte historique
ou
Société des
Études
Océaniennes
�57
socio-économiques n'en sont pas
perçus comme tels par la communauté, la société civile, les décideurs ou les
politiciens ? Où et pour qui importe-t'il d'étudier tel ou tel ensemble de tech¬
niques dites traditionnelles mais devenues obsolètes, alors que des considé¬
rations logiques leur feraient aisément retrouver une fonctionnalité active et
donné, si les conditions ou les avantages
une
rationalité
contemporaine ?
Aussi bien la recherche «pure» que
celle appliquée ne peuvent se con¬
approches descriptives, qui, plus elles s'enfoncent
passé, plus elles s'apparentent à celles du médecin-légiste.
tenter de ces
dans le
Pourquoi, à quelques centaines de milles nautiques vers l'ouest, ce que
archéologues, ici, mettent des mois à extraire du sol ou des mémoires ou
même simplement à élaborer, s'observe t'il couramment ?
les
Pourquoi faut-il aller particulièrement à Reao, Napuka, Anaa et autres
réapprendre comment les insulaires d'ici savaient,
avec une ingéniosité certaine, décrire, utiliser, exploiter, mais à leur ma¬
nière, leur espace ?
endroits excentrés, pour
Quelles sont les différences véritablement
fondamentales qui ont
précipité les uns vers une fuite en avant dévastatrice et fait conserver aux
autres, au-delà des contraintes, la majorité de leurs structures régulatrices et
protectrices. Le réel retard des uns n'est peut-être pas pire que l'apparente
avance des autres. N'est-ce pas là que les Sciences Humaines avaient et ont
encore véritablement à débrousser un terrain spécifique au Pacifique insu¬
laire ? Maintenant que l'on sait mieux ce que le passé était et ce que les gens
savaient, notre rôle est, certes, de contribuer à ce qu'ils le sachent encore
mieux, mais surtout à faire apparaître ce qu'ils sont à même de devenir.
Devant les choix
qui sont à faire à l'heure actuelle et l'amplitude
apports exogènes, je pense que le
des
rôle des sciences humaines est également
comprendre l'importance des enjeux et, sans pleurer sur le passé de
l'âge d'or, de faire prendre conscience, aux diverses communautés, de la né¬
cessité de maintenir leur équilibre économique, social et culturel où « cha¬
que chose a sa place ».
de faire
Ce qui
est déjà archéologie, dans le Pacifique
Est, laisse la place à l'eth¬
nologie à l'Ouest. Ce qui est pour le moins paradoxal. Mais pour combien
de temps ? Les Sciences Humaines d'ici et d'ailleurs sauront-elles s'y re-
Société des
Études
Océaniennes
�58
trouver, là où le
n'y est
plus récent est déjà figé par le passé, alors que le plus ancien
?
pas encore...
Jean-Michel CHAZINE
Communication
présentée
aux"Journées de la Recherche
Territoriale", 1989
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Société des
Études
Océaniennes
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�59
LE
DÉBUT
DES
DE
«
FONCTIONNARISATION
AUTORITÉS
TAHITIENNES
:
LA COUR DES
«
TRADITIONNELLES
»
»
LES CHEFS, LES JUGES,
TOOHITU, LES MUTO'I,
LES CONSEILS DE DISTRICT
représentants de la France aux Iles de la Société mènent la même
politique à l'égard des autorités « traditionnelles » tahitiennes. L'organisa¬
tion politique autour du district avec son chef, ses juges, ses muto'i et ses
conseils de district est maintenue certes, mais elle est dépourvue de sa
signification première. Ces agents, autrefois indépendants ou sous la tutelle
de la reine ou d'un autre tavana, deviennent peu à peu des agents de
l'Administration française. C'est le début de fonctionnarisation des autorités
indigènes qui communiquent, dès lors, quasi exclusivement avec l'autorité
protectrice.
Les
1.
—
Les chefs de district
Aux Iles de la Société, le cadre de vie politique, social
communauté polynésienne est le district. Son chef est le
et religieux de la
personnage-clé de
la vie publique, reconnu par la population comme le véritable détenteur du
pouvoir.
Société des
Études
Océaniennes
�60
situation n'a pas changé. Il existe une soixantaine de
tavana, Moorea et Tuamotu compris. Ils exercent l'autorité supérieure dans
leur circonscription, sont chargés de son administration et responsables de
l'ordre et de la tranquillité qui doivent y régner. Ils adressent aux juges
indigènes toutes les personnes qui contreviennent aux lois. Tout rassemble¬
ment dans le district s'effectue sous leur présidence ou avec leur acquiesce¬
En 1842, cette
ment.
Cette
position centrale fait de ces dirigeants une force capable de
intérêts de la puissance
soutenir sournoisement des vues contraires aux
protectrice.
Si l'Administration coloniale n'est pas en mesure
leur ascendant, elle peut
Tous les
de battre en brèche
tenter d'en faire un parti allié à la cause
française.
représentants du drapeau tricolore s'évertuent à cette tâche
délicate.
plein conflit, Bruat éloigne certains chefs hostiles au Protectorat.
l'indulgence : il
respecte autant que possible les titres de chefferie des districts et évite une
répression impopulaire.
En
Puis, lors de la reddition des derniers résistants, il pratique
Il
et leurs
récompense les Tahitiens qui, comme Tati, Paraita, Hitoti, Tairapa
parents, avaient maintenu un noyau de personnalités
pro-françaises.
Néanmoins, avec beaucoup de circonspection, il introduit
changements : il nomme Pitomai, chef de Papeari, pour ne pas
quelques
laisser le
cheffesse » de Faaa. En échange
de cette perte, elle est indemnisée par une solde, et personne ne conteste.
Cette mesure était d'autant plus urgente que le district de Papara devait lui
revenir de droit un jour ou l'autre. Ces trois chefferies représentent un peu
district
aux
mains de Atiau Vahine
déjà
«
moins de la moitié de l'île.
Pour s'attacher leur fidélité et leur reconnaissance, toutes
utilisées. Bruat et Lavaud envoient en France
les ruses sont
quelques fils de chefs et
grands-juges.
mis
possession le 1er juillet 1849 des établissements et forts français de
Haapape à Moorea — excepté le blockaus qui renferme les munitions et
approvisionnements — pour dédommagement de pertes subies à la guerre.
Tariirii, tavana de Mahina, après un séjour dans la Métropole, est
en
Société des
Études Océaniennes
�61
compagnie indigène sont à son service pour l'entretien
garnison s'est retirée. En outre, il reçoit une gratifica¬
tion annuelle de 1.500 francs, la plus élevée après celle du régent et du chef
de Papara, Tati, et une ration alimentaire en sa qualité de commandant du
poste de Haapape. Cette faveur le place au-dessus de la majorité de ses
semblables. Lavaud envisage même de lui confier un emploi à la cour des
toohitu, lorsque l'occasion se présentera, et pour cause : « tout ce qu'il a
rapporté de la manière dont il a été traité en France est à notre avantage et
produit un excellent effet sur les Indiens ». Le commissaire acquitte toutes
les dettes de son auxiliaire. Ainsi, pour enflammer et éveiller l'affection,
l'admiration des indigènes envers leurs protecteurs et les tavana, les
mandataires de la France font de leurs loyaux serviteurs des parangons de
Quatre hommes de la
des bâtiments d'où la
la réussite.
esprit, Tati, qui s'est toujours distingué par son dévoue¬
France, est décoré de la Croix de la Légion d'Honneur, juste
récompense de son appui. C'est un grand chef, entouré d'une nombreuse
lignée dont tous les membres occupent ou occuperont des emplois impor¬
Dans le même
ment à la
tants. Il est
est
écouté des Indiens, son influence sur la reine et sur tout
le pays
puissante. Il doit « être proposé comme exemple pour les autres districts
modèle pour tous ».
et comme
la Marine et des Colonies juge que trop de médailles
indigènes, parfois à la légère. Ceci est vrai mais
nécessaire, car « ils font grand cas de la Légion d'Honneur et y accordent un
grand prix, lui portent un grand respect ». Elles galvanisent leur orgueil et
nourrissant le lien et l'amitié qui les unit à leur « tuteur ».
Le département de
sont
distribuées
aux
A ces honneurs, les
délégués de la France associent les dons gracieux
argent » qui leur sont offerts, variant entre 300 et 2.000 francs. Sous ce
nom, il faudrait plutôt voir des soldes annuelles, dont le paiement est en
grande partie assumé par le budget de l'Administration coloniale. Cette
rémunération supprime les tributs autrefois versés par la population. A
«
en
l'image de leur reine, ils deviennent tributaires de la France.
Le commissaire
fonder
son
politique
«
La
Théogène-François Page estime indispensable de
Il justifie dans un mémoire sa
gouvernement sur ce corps.
:
royauté est une invention. Ce qui est de tradition antique, dans le
de la population pour ses chefs héréditaires et l'obéis-
pays, est le respect
Société des
Études
Océaniennes
�62
sance
à leurs ordres : la formule
nationale de l'autorité n'est point le pouvoir
royal mais bien la féodalité. En se faisant chef suzerain à l'aide de moyens
étrangers à ce peuple, Pomare II n'a constitué qu'une puissance inhérente à
sa personne que ses successeurs directs n'auraient certainement pas pu
conserver si notre Protectorat n'était venu, de l'assentiment même des chefs,
lui donner une sorte de consécration. Le gouverneur pour la France est le vrai
représentant de la souveraineté, le lien réel qui
pouvoirs héréditaires ».
réunit en faisceau tous les
dynastie, après la mort de son unificateur et ambiteux
apparaît comme une coquille vide qui ne prend réalité, paradoxa¬
lement, qu'avec le Protectorat. Jusqu'à l'installation de la France aux Iles de
la Société, Tahiti est gouvernée par les grands chefs, dont Tati, Hitoti,
Utami, Parai ta. Ceux-ci combattent la reine lors de la crise de la Mamaia. Ce
sont eux aussi qui négocient le Protectorat avec Moerenhout puis DupetitThouars. Pomare IV n'est que la contre-partie constitutionnelle du gouver¬
nement français, « une façade destinée à communiquer avec la puissance
extérieure selon des normes que celle-ci puisse accepter ».
En effet, la jeune
créateur,
plus fait la guerre contre la France que pour
Pomare, ari'i comme un autre eu égard aux anciennes coutumes, dont la
«pseudo-puissance » est plus liée à son contrôle d'une division terrienne,
Papeete — chefferie de Pare et Arue — qu'à sa légitimité de reine de Tahiti
et Moorea. D'autres, en choisissant le parti de la France, exprimaient leur
Les chefs de district avaient
opposition au lignage de Pomare IV et se tournaient vers la
puissance pour leur promotion sociale.
Ainsi le bon
sens
exige d'utiliser les tavana comme
nouvelle
contrepoids
l'envergure
Tati, Paraita ? Ne sont-ils pas en quelque sorte les
maîtres » du pouvoir ? En 1849, ils décident son divorce avec Ariifaaite
et son remariage avec un parent du roi des îles Sandwich. Bien sûr, ils en
réfèrent à l'autorité française. De plus, un grand nombre de chefs désapprou¬
vent le népotisme de leur reine et sont prêts à collaborer avec le commissaire
pour contrarier sa politique.
excellent
aux
revendications de la reine. Ne redoute-t-elle pas
de certains chefs comme
«
Bruat et ses successeurs se
gardent de grandir leur influence. Leurs attributions sont redéfinies : ils ne
rétribuent plus les juges, ils nomment les muto'i avec l'accord des commis¬
saires français, ils sont soumis à la loi et susceptibles d'être révoqués. De
Parallèlement, en appuyant leur résistance,
Société des
Études
Océaniennes
�63
plus, ils rendent compte de tout ce qui se passe dans le district par un rapport
hebdomadaire adressé à la reine et au représentant français.
Le 22
mars 1852, après un vote de l'Assemblée législative, un arrêté
prévoit l'élection des chefs par tous les hui raatira du district. Ils seront
cependant « choisis dans la famille de celui qui laisse la place vacante; en
cas d'extinction de la famille, la reine et le commissaire de la France
choisiront un nouveau chef sur une liste de candidats proposée par les
notables » (article 7 — chapitre III). Le résultat de l'élection doit recevoir
la sanction de la reine et du gouverneur qui donnent l'investiture au moyen
d'un brevet (article 2 — chapitre I). Ainsi, Bonard ouvre une brèche dans le
régime coutumier en remettant en cause le système héréditaire de la
transmission des chefferies, bien que l'article 7 du chapitre III semble
préserver ce droit. En fait, il et peu précis : un parent collatéral éloigné peut
être favorisé aux dépens d'un descendant direct, si l'Administration le juge
plus apte à remplir l'office.
plus, les familles sont assez divisées entre elles pour qu'elles ne
puissent pas présenter un postulant unique. Ainsi Bonard donne à ses
successeurs un moyen d'éloigner des chefs qui entretiendraient des senti¬
De
ments
malveillants
En
envers
la France.
1857, les chefs ne sont plus élus par les hui raatira mais par tous les
plus de 21 ans ayant résidé plus de cinq ans dans la
habitants du district de
circonscription.
Le 24 mars 1852, un autre arrêté porte atteinte à leurs privilèges, lui qui
étrangement réunit la majorité des suffrages au « parlement » tahitien. Il
distingue les terres privées qu'un individu possède en toute propriété des
terres fari'i hau ou d'apanage liées à la fonction de chef. Ces dernières ne
sont point déclarées propriétés du gouvernement français, mais elles ne font
plus partie intégrante du patrimoine familial de l'administrateur du district.
Elles assurent
aux
chefs de district et à leur famille des moyens
rapport avec leur position élevée. Si un chef cesse ses
fonctions, toutes les terres fari'i hau sont transmises intégralement à son
successeur. Elles ne peuvent être aliénées sans une décision de l'Assemblée
législative sanctionnée par Sa Majesté la Reine et le commissaire de la
république (article 13). Mais il y a une difficulté à déterminer les terres
appartenant en propre aux chefs et les terres liées à leur titre. L'Administra-
d'existence
en
Société des
Études
Océaniennes
�64
tion
française tranche la question en déclarant terres de chefferie celles
du chef, le temple et la chapelle du district.
qui
entourent la maison
Cet arrêté nie tout droit
est contraire aux
permanent à la jouissance d'un apanage, ce qui
La terre fari'i hau différait du sens européen
usages locaux.
qu'elle était incessible. Un droit présomptif autorisait cependant
propriétaire de faire don d'une terre à son entourage pour service
réciproque. C'était sur cette richesse, en partie, que les tavana fondaient leur
pouvoir et leur crédit vis-à-vis de leurs sujets.
en ce sens
à
son
Ainsi, les délégués de la France en viennent à considérer le
unité purement administrative et son dirigeant un agent
comme une
à l'autorité du
2.
—
Les
district
soumis
gouvernement protecteur.
juges de district, la cour des
Les juges
toohitu
de district, autrefois nombreux, ne sont plus que vingt-et-un
Tahiti, dix à Moorea, donc un par district. Nommés ou révoqués par une
décision du commissaire de la France à partir de 1845 — puis avec l'accord
de la reine en 1847 — rétribués par le gouvernement protecteur sur la
demande de l'Assemblée législative de 1845, ils sont soumis eux aussi à la
à
loi électorale de 1852.
Sont
éligibles à ce grade tous les
se
hui raatira du district qui inspirent
suffrages. Cette élection doit
de confiance pour réunir la majorité des
fonder sur les mérites de l'individu et non sur sa
assez
veut
filiation. Le gouverneur
empêcher toute concentration de pouvoir au sein d'une même
famille.
muto'i, le juge condamne ou acquitte les indigènes inculpés
contenues dans le code Pomare, et sa conviction. Il ne
peut juger les causes dans lesquelles lui ou ses parents se trouvent impliqués.
Aidé des
selon les lois du pays,
Le
ni
gouvernement surveille de haut pour s'assurer qu'il n'y a de sa part
malversation, ni prévarication.
Intégrité, partialité et stricte observance des lois doivent être de règle.
procès mixtes, il s'adjoint au juge de paix et ensemble ils
appliquent, selon les circonstances, les lois françaises, les arrêtés locaux ou
les lois indigènes.
Dans les
Société des
Études
Océaniennes
�65
Cette
justice indigène est rapide, peu formaliste parce que d'abord
protecteurs se plaignent des abus conti¬
disposés à céder aux influences.
verbale et peu coûteuse. Mais les
nuels des juges peu probes et très
Toutefois, le condamné qui pense avoir été lésé peut faire appel à un
composé d'un grand-juge et de deux juges de district désignés par
reine. En dernier recours, le tribunal des toohitu intervient.
tribunal
la
peuplée de sept grands juges, nommés par la reine et
France, puis élus à partir de 1852, joue le rôle de Cour
Cette Haute Cour
le commissaire de la
parmi les hui raatira, convoqués par les deux
rétribués par le gouvernement protecteur. Elle remet aux
rapport trimestriel de ses séances.
de cassation. Ils sont choisis
autorités du pays,
deux pouvoirs un
Cour,
n'y a qu'un appel possible et le jugement prononcé parla Haute
suivant les coutumes du pays, est définitif. Elle s'occupe aussi des cas
Il
de
divorce.
adjoint, d'un greffier et
qui parle en dernier lieu de la peine qu'il
Elle est assistée dans ses séances d'un toohitu
d'un orateur du commissaire du roi
convient
d'appliquer. Il surveille la régularité de la forme du jugement.
grands-juges veillent à ce que la justice soit
grandes divisions dont ils ont la charge,
et que les lois y reçoivent leur exécution. Ils ont le droit de rappeler les juges
à leurs devoirs s'ils s'en écartent. Ils ne peuvent cependant pas casser leurs
jugements mais seulement en suspendre l'exécution, en provoquant les
ordres de la reine et du commissaire qu'ils informent de toutes les contra¬
ventions qu'ils observent. Ils jugent aussi, sur la demande du mandataire de
la France, les chefs indigènes.
En dehors de cela, les
distribuée convenablement dans les
Le commissaire de la
République Bonard n'apprécie guère la
Haute
Cour car, « dans de nombreux procès de terres qu'intente la reine, cette
dernière obtient souvent gain de cause, sauf si le gouvernement français
intervient et oppose son
En
tenu des
influence à celle de la souveraine ».
toohitu qui a
propos injurieux sur le gouvernement du Protectorat.
1857, l'émissaire de la Fiance Du Bouzet destitue un
Deux
ans
plus tard, suite à l'affaire Richmond,
rial Saisset prononce la dissolution
les soldes des membres. Il prend
Société des
le commissaire impé¬
de la Haute Cour Tahitienne et supprime
le parti d'ajourner indéfinitivement sa
Études Océaniennes
�66
réélection,
en
raison
«
du peu de garantie du personnel sous la
pression des
de la possibilité qu'a la reine de l'utiliser pour soutenir ses
La reine peut tout oser en leur nom ».
ari'i du pays » et
prétentions
3.
—
: «
Les muto'i
équivalents des gendarmes. Cette institution existait avant
quelques chefs pour mettre de l'ordre à
marins avaient quelques tendances à troubler la quiétude des
Ce sont les
le Protectorat. Elle a été créée par
Tahiti où les
lieux.
l'Office est réagencé de manière à former un corps
Papeete et ne pouvant franchir les limites de
la ville, cet organisme est vite étendu à toute l'île pour s'occuper de l'ordre
et de la tranquillité des districts auxquels ils sont assignés. Ils ont aussi un
rôle d'informateur auprès de la population. C'est une position très recher¬
chée, qui confère une grande dignité.
Sous le Protectorat,
consistant. D'abord affecté à
Désignés par les chefs et les juges avec l'approbation de la reine et du
commissaire de la France, ils reçoivent de la part du gouvernement protec¬
modique salaire de 20 à 30 francs par mois, « quand il y a lieu d'être
». Leurs émoluments sont augmentés du tiers des
recettes provenant des arrestations, amendes et jugements du district.
teur un
satisfait de leur conduite
toohitu, les chefs et les juges ont autorité sur ces agents. En outre,
proposent leur suspension ou leur remplacement. Le contrôle du commis¬
saire du roi sur ces officiers publics est nécessaire pour éviter les mutations
fréquentes qui seraient dues à un mauvais choix. Celui des gendarmes
français permet une bonne marche du système policier indigène...
Les
ils
plus consistant et leur donner plus
d'indépendance vis-à-vis des chefs, car « les muto'i forment le bras droit du
gouvernement français ». Ils lui sont tout dévoués. Il propose de pourvoir les
places vacantes par des hommes de bonne conduite congédiés de la
compagnie indigène pour former une gendarmerie accoutumée à obéir aux
officiers français.
Bonard veut
en
faire
un
instrument
1859, une brigade de muto'i à cheval est créée. Il ne semble pas
qu'ils aient une fonction proprement policière. Ce sont des courriers à la disEn
Société des
Études
Océaniennes
�67
position de l'Administration pour le service des correspondances et des
liaisons entre Papeete et les postes extérieurs. Ils servent aussi d'escorte au
commissaire. Ils sont rémunérés 30 francs par mois et sont directement sous
les ordres de l'Administration française. Cette nouveauté permet à la France
de faire quelques économies de personnel et de s'attacher des indigènes.
4.
—
Les conseils de district
Composés d'anciens, leur rôle est de conseiller le chef qui préside
gérer avec lui les affaires du district ; en un mot, veiller à
l'intérêt de la communauté. Ils sont en même temps un frein à l'arbitraire du
tavana. Ils proposent les bénéficiaires de titres, juges, chefs, grands-juges...
jusqu'aux pasteurs indigènes.
l'assemblée et de
Leur poids
n'est donc pas négligeable. Fidèles à leur ligne politique, les
pouvoir.
commissaires de la France sont déterminés à réduire leur
Comme pour
les autres agents, chaque membre du conseil touche une
prébende versée par le gouvernement protecteur. Ces revenus sont essen¬
tiels à la définition de leurs fonctions.
Lors de l'Assemblée
législative de 1855, est sanctionnée une mesure
composition des conseils de district aux chef, juge, muto'i,
contrôlés par l'Administration coloniale et à deux propriétaires
limitant la
officiers
ils ont pour
tâche d'assurer la main-d'oeuvre nécessaire à l'entretien des routes, des
élus. Leurs attributions
se
limitent à des services secondaires
:
enclos..., de veiller à la rentrée des impôts et à l'enregistrement des contrats
concernant les terres. Ils sont surveillés par les bureaux indigènes que
dirigent des administrateurs blancs avec qui ils correspondent. Toutes leurs
décisions doivent être approuvées par le mandataire de la puissance protec¬
trice.
Mareva BERROU
Société des
Études Océaniennes
�.
Société des Etudes Océaniennes
�69
L'ECHEC SCOLAIRE
DES POLYNESIENS
En
Polynésie Française les inégalités culturelles sont cer¬
encore plus sensibles que les inégalités économiques, et
tainement
surtout
elles forment le soubassement de la société de demain, car ce
les élus et les exclus du
système scolaire d'aujourd'hui qui
respectivement la classe dirigeante et le prolétariat de
demain. Or, les chiffres dont nous disposons indiquent un très fort
taux d'échec scolaire chez les Polynésiens, une très bonne réussite
chez les Asiatiques, et une position intermédiaire chez les "Demis".
Les enfants d'Européens sont un cas à part la majorité d'entre eux
étant des enfants d'expatriés, souvent d'un niveau culturel moyen
plus élevé qu'en métropole.
On peut, tout d'abord, dresser un constat, puis rechercher les
causes de ces inégalités, en prenant
comme base les chiffres du
recensement de 1988, une enquête de l'ITSTAT et notre propre
enquête réalisée en 1988.
sont
formeront
I. Le constat de l'échec scolaire
constat : les taux de
scolarisation, le niveau d'étude atteint, et les redoublements et retards
Trois critères essentiels permettent ce
scolaires.
A.
Les taux de scolarisation
Le tableau suivant donne le niveau de scolarisation par groupe
d'âge et
risation
ethnie en 1988. Il faut tout d'abord noter que la scola¬
obligatoire jusqu'à 14 ans en Polynésie Française.
par
est
Société des
Études Océaniennes
�70
Dès la fin de la scolarité
obligatoire (de 14 à 18 ans), près de. la
"Polynésiens sans métissage" ont abandonné leur scola¬
rité, alors que ce n'est le cas que de 30% des Demis, et 10% des
Européens et Asiatiques. De 19 à 22 ans (début des études
supérieures), seuls 7% environs des "Polynésiens sans métissage"
poursuivent leur scolarité, contre 14% des Demis, 14% des
Européens, 25% des Asiatiques. Les chiffres concernant les
Européens et les demis sont sous-évalués, car un bon nombre d'entre
eux poursuivent à cet âge des études en métropole, ce qui les fait
échapper au recensement. Le même problème se pose au niveau des
moitié des
23 à 29
Tableau
ans.
:
le groupe
Pourcentage de la population âgée de 3 à 29
ethnique, le sexe, et le groupe d'âge.
groupes
groupes
sexe
3 à 5
ethniques
ans
6 à 13
ans
ans
qui est scolarisée selon
d'âge
14 à 18
ans
19 à 22
ans
23 à 29
ans
M
85.6
97.4
47.7
5.4
0.7
F
86.4
97.7
56.8
8.1
0.7
T
86.0
97.6
52.2
6.7
0.7
Polynésiens
M
90.7
98.5
65.8
12.9
0.9
demis
F
91.2
98.5
75.7
14.5
1.6
T
91.0
98.5
70.5
13.7
1.2
Polynésiens
sans métissage
Polynésiens
M
86.7
97.7
51.6
6.8
0.7
ensemble
F
87.4
97.9
60.7 ~
9.4
0.9
T
87.0
97.8
56.1
8.1
0.8
M
93.1
99.0
85.3
9.2
0.9
F
90.9
98.6
94.6
30.2
1.4
T
92.1
98.8
89.7
14.4
1.1
M
93.8
98.9
87.5
26.7
1.2
F
91.7
99.4
93.9
23.9
2.1
T
92.8
99.1
90.4
25.3
1.6
M
82.4
96.3
77.8
20.0
0.0
F
95.2
100.0
81.1
9.1
2.4
T
89.5
98.1
79.7
14.9
1.1
Européens
Asiatiques
Autres
Source: Recensement de 1988, ITSTAT.
Société des
Études
Océaniennes
�71
Le niveau d'études atteint
B.
Le tableau suivant donne pour
selon le
Tableau
:
atteint, le
sexe
1988 le niveau d'étude atteint
et l'ethnie.
Répartition de la population née avant 1979 selon le niveau
sexe et
niveau de
pas de
scolarisation
primaire
secondaire
supérieur
Polynésiens
sexe
scolarisation
d'étude
l'ethnie
non
métissés
demis
Européens
Asiatiques
Autres
Ensemble
ensemble
M
6.6
2.7
5.9
0.8
6.3
4.2
5.1
F
6.0
2.7
5.3
0.8
12.0
4.7
5.2
T
6.3
2.7
5.6
0.8
9.0
4.4
5.1
M
60.4
42.0
56.9
10.5
32.7
23.1
48.0
F
52.2
35.0
48.9
12.9
30.7
29.9
44.0
T
56.4
38.5
53.0
11.4
31.8
26.0
46.1
M
32.5
53.2
36.4
66.9
52.7
60.8
42.3
F
41.5
60.5
45.1
67.6
51.8
54.8
47.9
T
36.9
56.8
40.7
67.2
52.3
58.2
45.0
M
0.5
2.1
0.8
21.8
8.2
12.0
4.6
F
0.4
1.9
0.7
18.7
5.5
10.6
2.9
T
0.4
2.0
0.7
20.7
6.9
11.4
3.8
Source: Recensement de 1988, ITSTAT.
L'ethnie
formation
polynésienne a, dans l'ensemble, un niveau de
nettement inférieur à celui des autres ethnies. Ainsi,
parmi
la
population âgée de 10 ans et plus, le niveau secondaire n'est atteint
36,9% des Polynésiens non métissés (en 1983 ce pourcentage
19,5%), contre 56,8% des Demis (33% en 1983), 67,2% des
Européens (53% en 1983), 52,3% des Asiatiques (39% en 1983). Le
niveau supérieur n'est atteint que par 0,4% des Polynésiens non
métissés (0,5% en 1983), mais 2% des Demis (2% en 1983), 20,7%
des Européens (17,5% en 1983), 6,9% des Asiatiques (4% en 1983)
(1). Les chiffres concernant les Européens et les "autres" sont à
que par
était de
(1 ) Les chiffres pour 1983 proviennent du recensement du 15 octobre 1983,
INSEE, p 99. Les tableaux du recensement de 1988, non publiés à la date
de rédaction, ont été fournis aimablement par l'ISTAT.
Société des
Études
Océaniennes
�72
prudence, de nombreux diplômés de l'enseignement
supérieur étant des cadres supérieurs expatriés, civils ou militaires, ce
qui ne reflète donc pas la réussite scolaire des (rares) enfants d'Euro¬
péens ou autres nés dans le Territoire.
Il reste que ces chiffres impliquent, pour les natifs du Territoire,
une réussite très supérieure des Demis et surtout des Asiatiques, qui
ont respectivement 5 fois et 17 fois plus de chances d'être diplômés
de l'enseignement supérieur que les Polynésiens non métissés. Encore
faudrait-il, en toute rigueur, prendre en compte la population des étu¬
diants expatriés temporairement en métropole, en majorité asiatique et
demie elle aussi, ce qui n'est pas le cas dans ce tableau. Par rapport
aux autres ethnies, les
Asiatiques ont considérablement accru leurs
chances d'accès à l'enseignement supérieur en 5 ans seulement, entre
1983 et 1988, passant de 4% à 1%, alors que les Polynésiens et les
Demis n'ont pas sensiblement accru leurs chances d'accès à l'ensei¬
gnement supérieur dans le même temps.
Le tableau ci-dessous nous renseigne sur la répartition par
diplôme le plus élevé de l'enseignement général de la population de
quinze ans et plus. On constate que les Demis ont 4 fois plus et les
Asiatiques 8 fois plus de chances de posséder le baccalauréat que les
Polynésiens non métissés. Ce tableau confirme les résultats du pré¬
cédent, puisque l'écart est encore plus grand en ce qui concerne la pos¬
session d'un diplôme de l'enseignement supérieur, 5,6 fois plus
fréquente parmi les demis, 18 fois plus fréquente parmi les Asiatiques,
49 fois plus fréquente parmi les Européens, que parmi les Polynésiens
non métissés. Le chiffre des
Européens (14,6% de diplômés de l'ensei¬
gnement supérieur) provient évidemment en grande partie de la popu¬
lation de cadres expatriés. Il n'est donc pas, répétons-le, significatif de
la réussite des enfants européens nés sur le Territoire. Les écarts sont
encore plus grands au niveau de la licence et de la maîtrise les
Asiatiques ayant 29 fois plus de chances d'obtenir ce diplôme que les
Polynésiens non métissés (compte non tenu des étudiants asiatiques
poursuivant en 1988 des études de troisième cycle en métropole). Du
côté de l'échec scolaire, on trouve 2 Polynésiens non métissés sur 3
sans aucun diplôme de
l'enseignement général, 90% d'entre eux ne
dépassant pas le certificat d'études primaires, le pourcentage étant de
72% pour les Demis, 63% pour les Asiatiques.
considérer
avec
Société des
Études
Océaniennes
�73
Tableau
selon le
:
diplôme
enst.
Répartition de la population de 15 ans, pour chaque groupe ethnique,
le diplôme le plus élevé de l'enseignement
général
sexe et
Polynésiens
sexe
général
non
métissés
Européens
demis
ensemble
Asiatiques
Autres
Ensemble
M
66.7
46.0
62.8
25.1
37.1
40.4
54.7
F
57.6
37.8
53.9
21.0
41.9
42.5
49.5
T
612
410
58.4
23.6
39.4
41.2
52.2
Certificat
M
25.0
30.3
26.0
13.6
25.8
20.6
23.8
d'études
F
29.4
30.4
29.6
12.6
21.1
15.0
27.1
primaires
T
27.2
30.3
27.7
13.2
23.6
18.3
25.4
B.E.P.C., B.E.
M
7.0
18.4
9.1
29.0
23.3
20.0
13.4
F
11.5
24.7
13.9
29.5
22.8
20.5
16.2
T
9.2
21.5
11.5
29.2
23.1
20.2
14.8
M
0.9
3.7
1.4
17.9
7.5
11.0
4.7
F
1.3
5.2
2.0
111
9.7
13.0
4.8
T
1.1
4.4
1.7
19.4
8.5
11.8
4.7
DEUGou
M
0.1
0.5
0.2
3.6
1.9
2.0
0.9
équivalent
F
0.2
1.1
0.4
4.8
1.4
1.3
1.0
T
0.2
0.8
0.3
4.0
1.6
1.7
0.9
Licence,
M
0.2
0.8
0.3
6.5
3.4
4.0
1.6
Maîtrise
F
0.1
0.5
0.1
7.5
2.3
6.0
1.1
T
0.1
0.6
0.2
6.9
2.9
4.8
1.4
M
0.1
0.4
0.1
4.3
1.1
2.0
0.9
F
0.0
0.2
0.1
2.5
0.7
1.8
0.4
T
0.0
0.3
0.1
3.6
0.9
1.9
0.7
M
0.4
1.7
0.6
14.4
6.3
8.1
3.4
F
0.3
1.8
0.6
14.8
4.4
9.1
15
T
0.3
1.7
0.6
14.6
5.4
8.5
19
aucun
Baccalauréat
Diplômes de
3èmecyde
diplômes de
l'enseignement
supérieur
Source
:
Recensement de 1988, ISTAT.
Le tableau suivant est
plus révélateur de l'évolution récente,
puisqu'il distingue cinq tranches d'âge et deux catégories ethniques :
Polynésiens (métissés ou demis), et "autres". Si l'on prend la caté¬
gorie des diplômés les plus récents, (les 25-34 ans), on observe que,
même si le pourcentage de Polynésiens diplômés du baccalauréat de
Société des
Études
Océaniennes
�74
l'enseignement général (2,3%) ou de l'enseignement supérieur
(1,1%), parti de zéro il y a cinquante ans, double en une génération,
il reste tout de même très faible : 84% des Polynésiens (métissés ou
non) de 25 à 34 ans n'avaient pas dépassé le certificat d'études pri¬
maires, 50,4% n'avaient aucun diplôme d'enseignement général.
Population de 25 ans et plus, selon le groupe d'âge et le diplôme le
plus élevé de l'enseignement général - Comparaison Polynésiens et
Non-Polynésiens
Tableau
:
ethnie
diplôme
ens t.
25-34
ans
35-44
45-54
ans
ans
55-64
ans
65
ans
et
général
& +
plus
Poly.
50.4
61.9
78.6
87.8
86.8
autres
22.7
22.4
31.9
49.5
60.5
Certificats
Poly.
33.5
26.2
15.4
8.6
9.3
d'études
autres
13.3
19.4
21.7
18.4
15.3
aucun
prim.
B.E.P.C., B.E.
Baccalauréat
Diplômes de
l'ens. supérieur
Pol y. =
Poly.
12.7
9.5
5.0
3.0
3.7
autres
29.4
24.7
19.2
13.2
11.1
Poly.
2.3
1.4
0.6
0.4
0.1
autres
20.6
16.9
13.4
10.8
8.1
Poly.
1.1
1.0
0.4
0.2
0.1
autres
13.9
16.5
13.7
8.1
5.0
Polynésiens (non métissés et Demis)
autres = Européens,
Source: Recensement de 1988, ITSTAT
Asiatiques et autres
métissage" ayant atteint le
2°ème
ycle, général ou technique), malgré une progression sensible, reste
tragiquement insuffisant. Voici les chiffres bruts par classe d'âge et
en pourcentage de la classe d'âge :
Le nombre de
"Polynésiens
niveau de scolarisation de
sans
l'enseignement supérieur (1er ou
7 (0,07%)
(0,6%)
25 à 34 ans:
156 (0,8%)
15 à 24 ans:
183 (non significatif car beaucoup n'ont pas
atteint l'âge de poursuivre des études supérieurs ou bien sont en
Métropole en train de le faire); soit un total de 374 personnes sur un
effectif de 77.920 (0,5%) (1) (Voir Note page suivante).
55
ans
et
35 à 54
plus:
ans:
128
Société des
Études
Océaniennes
�75
:
Polynésiens et assimilés par niveau d'étude et classe d'âge, en
pourcentage de l'ensemble des Polynésiens et assimilés de la même classe d'âge.
Tableau
Polynésiens et assimilés nés avant 1979 par sexe selon le niveau de scolarisation
atteint, le groupe d'âge et le degré de métissage en pourcentage du groupe d'âge
SEXE
ENSEMBLE
-
NIVEAU DE
Secon¬
Secon¬
Secon¬
Supé¬
daire
daire
daire
daire
rieur
rieur
Tech¬
Tech¬
(lou
nique
(2nde,
2 ans
détudes
risa¬
nique
(niveau
général
(2nde,
(3 ans
5ème,
1ère,
détodes
ou +
tion
C.A.P.,
1ère,
4ème,
termi¬
après le
B.E.P.
terni.
3ème)
nales)
apès
le Bacc.)
équi¬
valent)
brevet
Pas de
scola¬
ETHNIE
Supé¬
Secon¬
SCOLARISATION
Primaire
degré de métissage
ou
groupe d'âge
ou
général
(6ème,
Bacc.
•
EN-
SEMBLE
DEUG,
BTS,
Bacc.
etc...,)
Tech.)
ENSEMBLE DES
POLYNESIENS
ET ASSIMILES
moins de 15
15 à 24
ans
25 à 34
ans
35 à 54
ans
55
ans
ans
plus
et
115039
9,74%
0,89% 25,53%
4,53%
0,44%
0,27%
1,12% 53,61% 2,88%
1,23% 38,32% 16,54%
2,20% 52,67% 13,42%
9,06% 66,74% 6,03%
26,02% 66,86% 1,10%
0,11% 41,77%
1,77% 32,78%
0,44%
8,84%
5,47%
2,52%
0,77%
0,06%
0,44%
0,88%
0,50%
0,05%
0,00%
19367
0,07%
0,59%
34840
0,50%
25316
0,13%
11448
5,61% 52,99%
1,10% 23,66%
0,38% 14,27%
0,23% 4,84%
24068
POLYNESIENS
moins de 15
ans
15 à 24 ans
25 à 34
ans
35 à 54
ans
55
93317
METISSAGE]
SANS
ans et
plus
1,19%
1,36%
2,50%
10,10%
28,43%
56,73% 2,90%
42,30% 16,52%
56,83% 13,05%
69,64% 5,44%
66,75% 0,88%
0,10%
1,25%
0,82%
0,26%
38,70%
31,88%
0,16%
3,18%
21,97%
12,14%
0,31%
6,39%
4,05%
1,80%
0,53%
0,06%
0,27%
0,46%
0,35%
0,03%
0,00%
15397
0,03%
0,33%
0,26%
0,04%
27810
19736
20858
9516
POLYNESIENS
moins de 15
15 à 24
ans
25 à 34
ans
35 à 54
ans
55
ans
21722
METISSAGE
AVEC
et
ans
plus
0,86% 41,51% 2,77%
0,71% 22,59% 16,63%
0,85% 33,73% 15,14%
4,19% 53,14% 8,79%
14,18% 67,39'« 2,17%
Source: Recensement 1988 ITSTAT,
,
0,18%
3,83%
2,38%
0,94%
0,57%
53,68% 0,96%
36,33% 18,55%
31,37% 11,93%
24,25% 5,88%
12,99% 1,97%
0,05%
1,12%
2,82%
1,19%
0,16%
0,00%
0,24%
1,78%
1,62%
0,57%
calculé à partir du tableau I 29
Société des Etudes Océaniennes
3970
7030
4332
4458
1932
�76
Le tableau
recensement
et
1988
ci
-
avant, calculé à
partir du tableau I 29 du
(non publié) donne le détail, pour les
assimilés, du pourcentage des
Polynésiens
individus de chaque classe d'âge qui
atteignent différents niveaux de scolarisation.
Le nombre de Polynésiens sans métissage
diplômés de
l'enseignement supérieur général se réduit à 276, et celui des
Polynésiens avec métissage à 308, comme l'indique le tableau
suivant (colonnes DEUG, licences - maîtrise, 3ème cycle
additionnées).
Population née avant 1979, par diplôme le plus élevé
gnement général, selon le groupe ethnique et le degré de métissage.
Tableau
SEXE
:
-
de l'ensei¬
ENSEMBLE
DIPLOME
D'ENSEIGNEMENT
GENERAI
ETHNIE
Aucun
C.E.P.
B.E.P.C
Bacca¬
DEUG
Licence,
3ème
EN¬
diplôme
C.E.P.E.
B.E.
lauréat
ou
Maîtrise
cyde
SEM¬
BLE
équivalent
Degré de métissage
ENSEMBLE DE LA
POLYNESIE
FRANÇAISE
816
32 565
18 072
5 724
73433
28247
11119
1656
82
1
134
1 634
791
142 736
304
197
83
115039
POLYNESIENS
ET ASSIMILES
métissage
métissage
62464
22457
7249
871
159
88
29
93317
10969
5790
3870
785
145
109
54
21722
ET
ASSIMILES
5598
sans
métissage
métissage
sans
avec
EUROPEENS
avec
4902
696
2391
5104
2121
270
3355
697
1188
626
18959
4597
3158
657
1138
613
17186
507
197
40
50
13
1773
ASIATIQUES
ET ASSIMILES
sans
avec
métissage
métissage
AUTRES
3336
2995
341
449
1753
1660
1521
232
174
(1) Source
:
117
204
64
7737
1417
534
107
191
58
6823
243
69
10
13
6
914
189
Source: Recensement de 1988, ITSTAT,
ce
603
110
16
45
18
1001
tableau I 30, non publié.
ITSTAT, recensement de 1988, tableau I 29, non publié à
jour.
Société des
Études Océaniennes
�77
Parmi la
population de 15 ans et plus résidant au moment du
le Territoire (donc excluant les étudiants tempo¬
rairement expatriés en métropole), les Asiatiques ne représentaient
que 5,4%, contre 80,5% pour les Polynésiens et assimilés. Or on
comptait autant de diplômés de l'enseignement supérieur parmi ces
deux ethnies : 204 diplômés Asiatiques ou assimilés du niveau
licence, maîtrise, pour 197 Polynésiens et assimilés de niveau
équivalent (dont 88 sans métissage et 109 Demis. La population des
diplômés du second cycle de l'enseignement général supérieur (3 ans
et plus après le BAC) est de 306 personnes parmi les Asiatiques et
assimilés, et de 310 personnes parmi les Polynésiens et assimilés,
dont 133 sans métissage et 177 Demis. Les Européens fournissent
2.123 personnes de ce niveau, soit 75% du total (1).
recensement sur
Tableau
:
voir page
suivante.
(1) Source : Recensement de 1988, Tableaux I 30 et I 28,
jour.
ce
Société des
Études
Océaniennes
non
publiés à
�78
Tableau
Répartition de la population de 15 ans et plus, selon le niveau
l'enseignement technique, par groupe ethnique, en 1988.
:
d'étude
atteint dans
131
-
technique,
Population née avant 1979, par sexe, par diplôme de l'enseignement
selon le groupe ethnique et le degré de métissage
SEXE
-
ENSEMBLE
DIPLOME
D'ENSEIGNEMENT
TECHNIQUE
Diplômes
ETHNIE
Aucun
C.A.P.
B.P,
B.T,
B.T.S,
des
Grandes
EN¬
diplôme
ou
B.E.P.
Bacca¬
D.U.T.
profess,
Ecoles
SEM¬
équivalent
ou
lauréat
équivalent
Degré de métissage
BLE
sociales
et de santé
ENSEMBLE DE LA
POLYNESIE FRANÇAISE
120 197
12 428
4 989
1 852
102170
8984
2728
595
142 736
641
1 284
345
POLYNESIENS
ET ASSIMILES
métissage
avec métissage
sans
84004
18166
197
115039
57
308
6848
1854
315
94
173
29
93317
2136
874
280
103
135
28
21722
EUROPEENS
ET ASSIMILES
sans
avec
métissage
métissage
11154
2619
1718
1080
1004
513
871
18959
9790
2464
1614
1016
974
831
497
17186
1364
155
104
64
30
40
16
1773
6146
712
7737
5447
602
699
110
113
ASIATIQUES
ET ASSIMILES
métissage
avec métissage
sans
AUTRES
727
145
120
79
57
412
124
108
77
53
6823
66
21
12
2
4
914
65
32
24
26
14
478
Source: Recensement 1988, ITSTAT
Société des Etudes Océaniennes
1001
�79
C. Les redoublements et retards scolaires
Dans
une
enquête (non publiée) réalisée par l'ITSTAT à la
(1), on trouve les résul¬
demande du ministère local de l'Education
tats
suivants concernant le nombre de redoublements
:
Au niveau de la
Cinquième, seuls 23% des "Polynésiens purs"
jamais redoublé à ce stade, contre 37,5% des Demis, 71%
des Européens, 78% des Chinois.
Au niveau de la Terminale, seuls 8,5% des "Polynésiens purs"
n'avaient jamais redoublé, contre 23% des Demis, 41% des Euro¬
péens, 42,5% des Chinois.
En Cinquième, 66% des élèves étaient "Polynésiens purs",
mais ces derniers ne formaient plus qu'une minorité de 28% des
classes de Terminales (contre 66% dans la population entière). Leur
n'avaient
nombre tombait de 1.765
en
5ème à 210
en
Terminale, soit
un
élève
moyenne "survivant" à ce niveau. Par contre, les élèves
chinois, qui ne forment que 3,8% des effectifs des classes de Cin¬
sur
8
en
quième, représentent 16% des classes de Terminale (pour une part de
6%, dans la population totale des élèves). Les élèves européens for¬
ment 9,8% des effectifs de 5ème, mais 23% des effectifs de
Terminale (et 12,3% de l'ensemble des élèves).
Par contre, en C.A.P. et en B.E.P. on trouve
76% et 74% de Polynésiens, 16% et 18% de Demis,
respectivement
mais une faible
minorité d'Européens (3,3% et 4,8%) et de Chinois (4% et 3%). Les
Polynésiens s'orientent donc massivement vers les filières courtes
débouchant rapidement, en principe, sur la vie active.
La même enquête révèle des retards scolaires importants pour
les élèves polynésiens.
Ainsi, en classe de Cinquième, où les élèves devraient avoir 12
ans, l'enquête révèle une âge moyen de 12 ans 1/2 pour les Euro¬
péens Euro-Chinois et Chinois, et 13 ans et 1/2 pour les Poly¬
nésiens et les Demis-Polynésiens. En classe de 3ème à l'âge normal
est de 14 ans, les Polynésiens ont 15,6 ans, les demis 15,4 ans, les
Européens 14,7 ans, et les Euro-Chinois et Chinois 14,9 ans. En
(1) ITSTAT (1988) Enquête
sur
l'environnement socio-culturel de l'élève.
Société des
Études
Océaniennes
�80
où l'âge normal est 17 ans, les Polynésiens ont
moyenne 19 ans, les Demis 18,7 ans, les Européens 18,4 ans, et
classe de Terminale,
en
les Chinois 18
En
ans.
avaient 20 ans ou
Terminale, 40 % des élèves polynésiens
plus, eontre 30% des Demis, 24% des Européens, 18% des
Tableau
:
Repartition des élèves par ethnie et niveau en
TOTAL
Chinois.
1988
Poly¬
Demi-
Euro¬
Demi-
nésiens
Polynésiens
péens
Européens
Chinois
Effectifs
100,0%
58,6 %
19,4%
12,3%
2,0 %
06,0 %
CAP
100,0%
76,0%
15,6%
03,3 %
0,0 %
03,9 %
BEP
100,0%
73,5 %
17,5%
04,8 %
0,8 %
02,8 %
5°
100,0%
65,7 %
17,6%
09,8%
1,3%
03,8%
3°
100,0%
54,0 %
20,8 %
14,8%
2,2%
06,2 %
Terminale
100,0%
28,3 %
25; 7 %
23,3 %
5,1 %
16,2%
(1989) Enquête sur l'environnement socio-culturel de
"Demi-Européens" sont en majorité des "Eurasiens".
Source: ITSTAT
Note: les
Source: ITSTAT (1989),
Enquête
sur
l'environnement socio-culturel de l'élèv
Graphique: Répartition éthnique des élèves de C.A.P.
Société des
Études
en
1988
Océaniennes
l'élève.
�81
Source:
ITSTAT
(1989), Enquête
sur
l'environnement socio-culturel de l'élèv
Graphique: Répartition ethnique des élèves de 5°
en
1988.
Graphique : Répartition ethnique des élèves de Terminale en 1988.
Société des
Études
Océaniennes
�82
II. Les causes de
l'échec scolaire des
Polynésiens
Ce domaine est,
reçues".
été faites. Il est donc
jusqu'à présent, dominé par les "idées
Très peu d'études empiriques sérieuses ont
nécessaire d'oublier tout à-priori idéologique
de s'en tenir aux
chiffres.
A.
L'obstacle
montable
linguistique : un handicap insur¬
?
Beaucoup d'auteurs incriminent l'inadaptation des programmes
l'enseignement français et, en particulier, le
problème posé par l'apprentissage du français comme langue non
maternelle chez les élèves polynésiens. On a beaucoup insisté, en
particulier, sur les méfaits que produiraient les mélange des deux
langues, polynésienne et française, aboutissant à une langue parlée
oralement qui devient un "charabia" très éloigné du français demandé à
l'école. Le Ministère de territorial l'Education, partant de cette hypo¬
thèse (non vérifiée), a diffusé des "spots" télévisés recommandant aux
parents de ne pas mélanger le tahitien et le français en parlant avec
et
des méthodes de
leurs enfants.
Pourtant, l'obstacle linguistique existe aussi pour les enfants
chinois, qui réussissent aussi bien, sinon mieux, que les élèves dont
le français est la langue maternelle. Ainsi, d'après l'enquête citée plus
haut, si les parents d'élèves polynésiens de Cinquième parlent entre
eux le tahitien à 46%, et un mélange franco-tahitien à 39%, les
Société des
Études
Océaniennes
�83
parents d'élèves chinois, eux, parlent entre eux le chinois à 42,5% et
un
mélange chinois-français à 37,5%
.
Dans
un cas comme
dans
l'autre, le handicap initial est comparable, puisque seulement une
minorité des parents des deux ethnies parlent le français entre eux
(6%, chez les Polynésiens
chez les Chinois). La situation
apparence pour les élèves Demis, dont les parents
parlent le français entre eux dans 22% des cas.
Si l'on pose la question de savoir quelle langue les parents
parlent avec leurs enfants, on obtient le résultat suivant : les Poly¬
nésiens parlent le français dans 32% des cas, un mélange francopolynésien dans 52% des cas, alors que les Chinois parlent le
français dans 25% des cas et un mélange franco-chinois dans 61% des
cas. En terminale, 42% des
parents polynésiens parlent français avec
leurs en- fants, contre seulement 29% des parents chinois et 65% des
parents demi-polynésiens.
Ici encore, on ne peut pas dire que les élèves chinois aient un
handicap moins grand à surmonter pour acquérir la maîtrise du
français que les élèves polynésiens ou demi-polynésiens. Or, leurs
résultats scolaires sont au moins aussi bons que ceux des Européens
dont le français est la langue maternelle.
La théorie des "méfaits du mélange des langues" est remise en
question par les chiffres de l'enquête de l'ITSTAT, puisque le redou¬
blement (au moins une fois) est plus fréquent chez les élèves qui
parlent exclusivement le tahitien (89%) ou le chinois (65%) avec
leurs parents, que chez ceux qui parlent un mélange tahitien-français
(79%), ou un mélange chinois-français (45%). I/ est à noter que,
parmi les non-Européens (Polynésiens, demis, Chinois), le nombre
de redoublement est plus élevé parmi ceux qui parlent exclusivement
le français (70%) avec leurs parents que parmi ceux qui parlent
chinois (65%) ou un mélange chinois-français.
Il semble donc que l'échec scolaire des Polynésiens soit dû à
d'autres facteurs culturels que la langue, puisque les Polynésiens et
les Demis qui parlent le français avec leurs parents ont une moins
bonne réussite que les Chinois qui parlent le chinois avec leurs
est
meilleure
comme
en
parents.
L'enquête
que nous avons
Société des
effectuée antérieurement à celle de
Études
Océaniennes
�84
(1988) avec les élèves du Lycée Paul Gauguin et du Col¬
lège La Mennais, était beaucoup moins exhaustive et portait sur un
échantillon plus réduit (202 élèves). Elle donne quelques indications
sur le problème de la langue, puisque les élèves parlant chinois à la
maison redoublaient en moyenne 0,59 fois, les élèves parlant français
0,67 fois, les élèves parlant tahitien 0,97 fois. Les élèves parlant le
chinois n'avaient jamais redoublé dans 63% des cas, contre 50% pour
ceux
parlant le français, et 31% pour ceux parlant le tahitien à la
maison. Fait encore plus remarquable, le pourcentage de redoublants
tombait à zéro pour les quelques élèves chinois dont la mère avait
atteint au moins le niveau du BAC. Toutefois, si l'on compare les
performances des élèves parlant français et tahitien à la maison, dont
les mères n'ont aucun diplôme, on ne trouve guère de différence, ce
qui tendrait à prouver que la faiblesse du niveau d'éducation de la
mère explique une bonne partie des différences qui semblent dues au
handicap de la langue parlée à la maison: l'utilisation du tahitien ne
serait, en fait, qu'un indicateur du bas niveau d'éducation de la mère
(dans notre échantillon de 200 élèves, seuls 2 élèves parlant tahitien à
la maison avaient une mère ayant au moins le niveau du BAC):
l'ITSTAT
langue parlée à la maison et le
diplôme de la mère, chez les lycéens de Papeete en 1988.
Tableau
:
Nombre de redoublements suivant la
NOMBRE DE REDOUBLEMENTS SUIVANT
LA LANGUE PARLEE A LA MAISON ET LE DIPLOME DE LA
(Echantillon complet)
DIPLOME
DELA
LANGUE PARLEE A LA MAISON
Sans
dip
<BAC
BAC
MERE
BAC+2
BAC+3
MERE
ou+
Ensemble
(*) Un seul élève dans
Source: B. POIRINE.
Français
0,96
0,77
0,63
0,40
Q21
0,67
Chinois
Tahitien
Ensemble
0,83
0,67
0,00
0,00
1,06
0,90
0,98
0,78
0,59
0,52
0,20
0,73
-
0,59
1,00*
1,00*
-
0,97
ce cas.
(1990)
Enquête sur les facteurs de la réussite
/juin 1990,
scolaire, chez les lycéens de Papeete. Revue D.E.E.S. N°80
CNDP.
Société des
Études Océaniennes
�85
Tableau
de
:
Nombre de redoublement et
langue parlée à la maison chez les lycéens
Papeete en 1987.
Nombre de redoublement et
%
d'élèves
Langue parlée à la maison
redou
ayant
blé
langue parlée à la maison
fols
n
T
F
C
31,58
50,00
63,64
44,74
34,56
18,42
A
Ensemble
de
Pas
redouble¬
33,33
47,52
18,18
50,00
35,15
13,97
13,64
0,00
14,36
5,26
1.47
4,55
16,67
2,97
100,00
100,00
100,00
100,00
100,00
ment
1
redouble¬
ment
2
redouble¬
ments
3
redouble¬
ments
Ensemble
Source: Ibidem
B.
Le
handicap socio-culturel
qu'il est possible d'avancer est que les différences entre
ethnie recouvrent en grande partie des différences de niveau socio¬
culturel des parents. En effet, chez les élèves polynésiens, les parents
sont plus souvent agriculteurs (39%), employés (20%), autres (dont
ouvriers) : 15%, alors que les chefs de famille chinois sont plus
souvent petits commerçants (28%), employés (20%), patrons (17%),
et les chefs de famille
européens cadres supérieurs (27%) ou petits
commerçants (21%).
Les différences sont également sensibles au point de vue du
niveau culturel. Ainsi, le pourcentage des chefs de famille ayant le
niveau BAC et supérieur est de 49% chez les Européens, 14% chez
les Demis et les Chinois, 4% chez les Polynésiens.
-
La thèse
Société des
Études
Océaniennes
�86
handicap socio-culturel semble bien réel pour les élèves
polynésiens, par contre, on constate, du point de vue du niveau de
diplôme des parents, une similarité des situations des élèves demis et
chinois, qui ne permet pas d'expliquer la réussite nettement meilleure
Si le
de
ces
derniers. (1)
En
parents
ou
s'aperçoit que parmi les
d'élèves de Terminale, la part des titulaires de diplômes égaux
poussant plus loin l'analyse, on
supérieurs au BAC est la suivante:
Polynésiens:
6%;
Demi-Polynésiens: 22%;
Euro-Chinois:
8%;
50%;
Européens:
62%.
Chinois:
Ainsi,
on constate que,
parmi les élèves de Terminale, les
chinois ont un niveau d'étude relativement bas (8%
inférieur aux parents d'élèves demis (22%), à peine
supérieur à celui des parents polynésiens (6%). Or, l'ethnie chinoise
est
largement "sur-représentée", nous l'avons vu plus haut, au
niveau de la Terminale, manifestant un haut degré de réussite
scolaire, malgré le handicap culturel représenté par le bas niveau
d'étude des parents, s'ajoutant au prétendu handicap de la langue
exposé plus haut. (2)
parents d'élèves
de BAC et plus),
(1) On constate même que dans les familles des élèves le pourcentage
diplôme est plus élevé pour les Chinois
(25 %) que pour les Demis (20 %), mais moins élevé que chez les
Polynésiens (35 %). Source : Enquête de l'ITSTAT (1988), op. cit.
de chefs de famille sans aucun
(2) Conséquence de cette rapide élévation de la réussite scolaire de
: le niveau de diplôme est considérablement plus élevé
pour les parents d'élèves chinois de Cinquième (21 %) ont le BAC ou
plus) que pour les parents d'élèves chinois de Terminale (8 %). On peut
donc prédire que la réussite des élèves chinois va continuer à s'élever
au fur et à mesure que le niveau d'étude de leur parent va s'accroître. Il
faut noter que même parmi cette nouvelle génération de parents
chinois plus éduqués, seuls 6 % utilisent uniquement le français pour
parler entre eux, et 29 % utilisent le français pour parler avec leurs
l'ethnie chinoise
enfants.
Société des
Études Océaniennes
�87
Notre enquête sur les lycéens de Papeete confirme
des niveaux d'étude des parents par ethnie, ainsi que le
l'inégalité
montre le
tableau suivant:
Tableau
Répartition des mères de lycéens suivant l'ethnie et le diplôme (Papeete
:
1987)
REPARTITION DES MERES SUIVANT L'ETHNIE ET LE DIPLOME
(Echantillon complet)
ETHNIE DE LA MERE
DIPLOME
DE LA MERE
Sans
<
dipl.
BAC
BAC
BAC
BAC+3
+
2
ou +
Ensemble
Autre
Ensemble
10,0
02,0
48,0
21,0
18,0
01,0
91,0
03,0
02,0
02,0
00,0
22,0
16,0
02,0
02,0
04,0
01,0
25,0
08,0
01,0
00,0
03,0
03,0
15,0
73,0
34,0
49,0
37,0
07,0
202,0
Demie
05,0
06,0
23,0
29,0
22,0
15,0
Source: POIRINE
chez les
Polynés. Chinoise
Europ.
(1990), Enquête
lycéens de Papeete
sur les facteurs de la
réussite scolaire
enquête confirme également l'influence des facteurs
sur la réussite scolaire, comme l'indiquent les ta¬
bleaux suivants, obtenus à partir d'élèves de deux établissements
secondaires : l'un privé, l'autre public, de Papeete. Ils démontrent
que la réussite scolaire augmente nettement avec le niveau d'étude du
père, celui de la mère et celui de la famille proche. En ce qui
concerne les notes de dissertation d'économie (en début d'année), le
niveau d'étude de la mère semble plus déterminant que la langue
parlée à la maison. Ainsi, les performances des élèves dont les mères
sont sans diplôme ne sont guère différentes suivant la langue parlée à
la maison, elles tournent même légèrement à l'avantage des élèves
Notre
socio-culturels
parlant le tahitien à la maison.
Société des
Études
Océaniennes
�88
Tableau
chez les
: Niveau d'étude des parents et de la famille proche et réussite scolaire
lycéens de Première et Terminale à Papeete.
Ensemble
Inférieur
au
Supérieur
au
BAC
Diplôme mère
Moyenne du
Moyenne des
nbre de redoublements
notes sur 20
Ensemble
au
Supérieur
BAC
Diplôme
proche
famille
Moyenne du
Moyenne des
nbre de redoublements
notes sur 20
Ensemble
Inférieur
au
0,78
1,05
0,89
0,66
BAC
BAC
Supérieur
BAC
au
09,0
08,7
10,1
09,6
0,79
0,90
0,71
0,38
BAC
au
09,0
08,8
08,8
09,6
0,78
1,04
0,50
0,41
BAC
BAC
Inférieur
BAC
Moyenne des
notes sur 20
Moyenne du
nbre de redoublements
Diplôme père
09,0
08,6
08,9
09,2
NOTE DE DISSERTATION EN TERMINALE SUIVANT
LA LANGUE PARLEE A LA MAISON ET LE DIPLOME DE LA MERE
(Elèves de Terminale)
DIPLOME
DELA
MERE
LANGUE PARLEE A LA MAISON
diplôme
diplôme < BAC
sans
BAC
BAC
+
2
BAC +3
ou
Ensemble
4 ou +
Français Chinois
08,00
07,00
09,62
09,00
10,33
11,67
11,00
09,67
08,20
_
Tahitien
Ensemble
08,50
08,20
07,75
-
-
-
-
Une
-
08,29
09,17
10,33
11,67
11,00
00111
grande partie des différences de réussite scolaire semble liée plus
qu'à la langue parlée à la maison,
puisque, là où le français est utilisé, le niveau d'étude de la mère est
souvent supérieur,
et lorsque le niveau d'étude de la mère est peu
au
niveau d'étude de la mère
Société des
Études
Océaniennes
�89
élevé
(sans diplôme), l'avantage conféré par l'utilisation du français à
négligeable. Il semble donc que la langue mater¬
nelle différente du français ne soit pas un handicap en soi, mais
plutôt l'indice d'un niveau culturel plus faible de la mère, car les
mères chinoises ou demies ayant un niveau d'étude élevé parlent
souvent français à leurs enfants.
Cette différence pourrait d'ailleurs refléter non pas seulement
l'influence de la langue, mais d'un ensemble de facteurs culturels (au
sens
sociologique: notamment les différences de systèmes de valeurs
à propos de l'école et de la culture). Ainsi, le fait de parler à la
maison le français ou le tahitien, dans une famille demie, reflète le
degré d'assimilation à l'une ou l'autre des deux cultures.
la maison semble
Tableau
:
Papeete
en
Niveau d'étude des
parents et réussite scolaire chez les lycéens de
1987.
NOMBRE DE REDOUBLEMENTS SUIVANT
LE DIPLOME DU PERE ET CELUI DE LA MERE
(Echantillon complet)
DIPLOME DU PERE
DIPLOME
DE LA MERE Sans
dipl.
Sans
<
BAC
BAC+2
BAC+3
ou+
Ensemble
dipl.
00,8
01,3
00,5
00,0
01,0
01,0
BAC
00,8
00,9
00,2
00,7
00,5
00,8
00,7
01,0
00,5
00,4
00,6
00,3
00,9
00,5
00,2
00,2
00,5
00,7
BAC
BAC
BAC+3
<BAC
+
2
ou +
Ensemble
-
-
-
00,8
00,3
-
-
-
00,5
01,0
-
00,4
La liaison est
plus nette entre le nombre de redoublements et
diplôme de la mère (dernière colonne du tableau précédent) qu'avec
le diplôme du père (dernière ligne).Le diplôme de la mère a
notamment une grande influence, quelle que soit l'ethnie, sur les
notes de dissertation en Terminale: la meilleure performance des
élèves parlant français semble entièrement imputable au niveau
d'étude plus élevé des mères européennes, car la performance des
élèves parlant français dont la mère a un diplôme inférieur au BAC
ou aucun
diplôme n'est pas meilleure que celle des élèves parlant
le
chinois
ou
tahitien à la maison.
Société des
Études
Océaniennes
�90
Les tableaux suivants mettent en évidence
l'influence de l'origine
d'étude des parents, sur la réussite
Papeete, d'après notre enquête de 1987.
sociale, combinée ou non au niveau
scolaire des élèves à
Tableau
les
:
Réussite scolaire selon la C.S.P. et le niveau d'étude des parents
lycéens de Première et de Terminales de Papeete en 1987.
Moyenne des
notes sur 20
Moyenne du nombre
CSP
de redoublements
père
0,77
09,0
Agriculteur, ouvrier, pers. de service
1,46
09,4
Professions intermédiaires
0,69
08,3
0,43
09,1
0,67
09,3
Ensemble
commerçants et artisans
Petits
supérieurs, professions libérales,
patrons de l'industrie et du commerce
Cadres
Tableau
les
chez
:
Réussite scolaire selon la C.S.P. et le niveau
d'étude des parents chez
lycéens de Papeete en 1987.
NOMBRE DE REDOUBLEMENTS,
CSP DU PERE ET DIPLOME DU PERE
(Echantillon complet)
Agric., ouvrier, employé
cadre moyen,
Petit
techn., inst., infirm.
commerçant ou artisan
Cadres
supé., prof, libérales, patrons
Ensemble
BAC+3
<BAC
BAC
BAC+2
0,95
1,00
0,50
0,00
0,90
1,03
0,50
0,29
0,00
0,74
0,60
ou+
-
-
Ensemble
0,60
0,95
0,40
0,50
"0,53
0,63
0,93
0,50
0,37
0,50
0,73
Le chiffre du tableau est la moyenne du nombre
élèves appartenant à la catégorie concernée.
de redoublements des
lorsque le diplôme du père est
(première colonne), la catégorie socio-professionnelle
du père n'a guère d'influence sur la réussite scolaire de l'enfant. Au
contraire, quel que soit le niveau social, l'échec scolaire diminue avec le
niveau d'étude de ce dernier. Le niveau culturel du père paraît donc plus
déterminant que son niveau social pour expliquer la réussite ou l'échec
Note: Ce tableau semble montrer que,
inférieur
au
BAC
scolaire de l'élève.
Société des
Études Océaniennes
�91
de redoublements n'est pas
significativement supérieur à la moyenne
mère a un niveau d'étude com¬
observée chez les enfants dont la
parable
.
•Le nombre de redoublements
polynésien
ne
de la famille
culturel
:
semble pas se
augmente (au
le
réduire à mesure que le capital culturel
contraire il augmente avec le capital
voir 4° colonne du tableau
suivant). Au contraire, les autres
voient leur réussite s'élever régulièrement
ethnies, (dont les Demis)
avec
élevé des enfants de mère ou de père
capital culturel (voir les trois première colonnes
du tableau).
capital culturel est relativement semblable chez
chinois et polynésiens. La meilleure réussite des
La distribution du
les élèves demis,
quel que soit le niveau de capital familial
élèves chinois est observée
; par
contre il apparaît que les enfants de
père ou de mère polynésiens
plutôt moins que les Européens et Demis lorsque le
capital culturel familial est faible (<12), et plutôt plus lorsque le
capital culturel est élevé (>11). La différence entre Européens et
Demis peut être expliquée par la différence de distribution du capital
culturel entre les deux groupes, car, à capital culturel égal, les
différences de réussite ne sont pas très grandes.
Tableau : Nombre de redoublements suivant l'ethnie, le capital culturel et le diplôme
des parents chez les élèves de Papeete en 1988.
redoublent
NOMBRE DE
REDOUBLEMENTS SUIVANT
CAPITAL CULTUREL DES
L'ETHNIE DE LA MERE ET LE
(Echantillon complet)
CCAPITAL CULTUREL
ETHNIE DE LA MERE
Europ.
Chinois
Demie
Polynés.
Ensemble
00,83
00,52
01,00
01,00
00,64
00,50
00,85
00,89
00,86
01,00
01,00
00,91
00,84
00,62
00,58
00,90
00,73
8
02,00
<
12
00,94
>
11
15
00,57
00,63
00,44
>
Ensemble
00,66
00.49
<
NOTE: Capital culturel
=
00,22
diplôme père + diplôme mère + diplôme famille proche +
REPARTITION DE L'ECHANTILLON DES ELEVES DU
ETHNIE DE LA MERE
Europ.
Chinois
Demie
Polynés.
CAPITAL CULTUREL
<8
PARENTS
01,00
17,00
<
12
>
11
>
15
56,00
30,00
Ensemble
73,00
06,00
21,00
16,00
09,00
37,00
Société des
Études
Nbre de revues
TABLE
Ensemble
20,00
19,00
36,00
34,00
99,00
14,00
08,00
34,00
13,00
04,00
49,00
103,00
55,00
06,00
Océaniennes
202,00
�92
NOMBRE DE REDOUBLEMENTS SUIVANT
L'ETHNIE ET LE DIPLOME DE LA MERE
(Echantillon complet)
DIPLOME
ETHNIE DE LA MERE
DE LA MERE
Sans
<
dipl.
BAC
BAC
BAC+ 2
BAC+3ou
+
Ensemble
Europ.
Demie
00,4
01,5
00,8
00,3
00,5
00,0
00,9
00,9
00,7
00,5
00,4
00,7
Polynés. Chinoise
01,0
00,9
01,0
00,5
00,9
00,5
00,0
00,0
00,9
Ensemble
01,5
01,0
01,0
00,8
00,6
00,5
00,2
-
03,0
00,0
01,0
00,0
00,5
-
Autre
00,7
NOMBRE DE REDOUBLEMENTS SUIVANT
L'ETHNIE DU PERE ET LE CAPITAL CULTUREL DES PARENTS
(Echantillon complet)
CAPITAL
ETHNIE DU PERE
CULTUREL
<
<
8
12
>11
>
15
Ensemble
Europ.
Chinois
Demi
Polynés.
Ensemble
01,14
01,03
00,58
00,64
00,72
00,57
00,38
00,45
00,00
00,41
01,13
01,00
00,58
00,33
00,86
00,90
00,88
01,80
01,50
01,09
00,91
00,84
00,62
NOTE:
Capital culturel
proche
+
=
diplôme père
+
diplôme mère
00,58
00,73
+
diplôme famille
Nbre de revues
Il serait intéressant de savoir
pourquoi
réussite scolaire semble inversement
chez les Polynésiens la
proportionnelle au capital
culturel familial. Peut-être est-ce une
simple coincidence due aux
effectifs réduits des élèves de
père polynésien dont le capital
culturel est supérieur à 11
(5) (1). Les 27 autres ont moins
redoublé que les élèves de
père européen ou demi dont le capital
culturel est comparable,
probablement parce qu'il s'agit d'une
population "sur-sélectionnée", selon l'expression du
sociologue
P. Bourdieu, c'est-à-dire
ayant dû faire preuve de qualités
individuelles exceptionnelles pour
surmonter le handicap
socio-culturel de départ.
(1) L'argument est moins valable pour les effectifs des élèves dont la
mère est dans le même cas, au nombre de 13.
Société des
Études
Océaniennes
�93
Capital culturel, capital social et ethnie.
C.
question qui se pose inévitablement est : les différences de
selon l'ethnie suffisent-elles à
expliquer les différences de réussite scolaire par ethnie ?
Pour mieux répondre à la question, nous avons bâti un indice
de capital culturel et un indice de capital social de la famille des
La
niveau socio-culturel des parents
élèves.
capital culturel est mesuré par l'indicateur suivant:
diplôme du père + diplôme de la mère + diplôme le plus élevé dans
la famille proche + nombre de revues achetées ou reçues régu¬
lièrement. Les "codes" de diplôme sont d'autant plus grands que le
diplôme est plus élevé. L'indicateur augmente donc avec le niveau
d'étude des parents et de la famille proche. Le nombre de revues
reçues à la maison est pris en compte en tant qu'indicateur du niveau
de culture "informelle" dans la famille. Cet indicateur est évidem¬
Le
imparfait, il y a d'autres facteurs culturels (au sens socio¬
logique) transmis par la famille, notamment ceux qui ont trait aux
valeurs (ambition, valorisation de l'effort et de la réussite scolaire et
professionnelle, etc...). Il ne tente pas non plus de pondérer dif¬
féremment les différents facteurs qu'il est censé résumer de façon
synthétique.
Le capital social est mesuré par un indicateur : C.S.P.
(catégorie socio-professionnelle) du père + milieu social (nombre de
ment
appartenant aux catégories cadres supé¬
l'industrie et du commerce, professions libérales).
Le C.S.P. du grand-père n'a pas été retenu, car beaucoup d'élèves ne
connaissaient pas la réponse à cette question.
Tout d'abord, on peut vérifier que ces deux indices composites
de capital culturel et de capital social sont effectivement reliés à la
réussite scolaire des élèves (tableau suivant). En effet, le nombre de
redoublements diminue quand le capital culturel et le capital social
augmentent (dernière colonne, dernière ligne). Les deux formes de
capital ont chacun un effet indépendant l'un de l'autre, puisque, à
capital culturel égal, le nombre de redoublements diminue quand le
relations sociales familiales
rieurs, patrons de
capital social augmente et réciproquement..
Société des
Études
Océaniennes
�94
Tableau
des
:
Nombre de redoublements suivant le
capital social et le capital culturel
parents à Papeete en 1987.
Nombre de redoublements suivant le K social et K culturel
1°B et Terminales B
K social
«5
K culturel
<B
(£00
>11
-
>15
-
-
Ensemble
On constate
-
(£00
également,
>9
00,94
00,96
-
<12
Ensemble
<10
00,96
au
>11
01,05
00,88
00,35
00,40
00,70
01,00
00,88
00,38
00,33
00,72
01,00
0Q91
00,35
00,40
00,78
niveau de l'échantillon des élèves de
l'ensemble des classes de Seconde, Première et Terminale, une
diminution du nombre de redoublement, à mesure que le capital
culturel augmente : le nombre de redoublements
passe de
les élèves bénéficiant d'un capital culturel inférieur à 8, à
les
0,91
pour
0,58 pour
élèves ayant un capital culturel supérieur à 15 (tableau suivant,
dernière
colonne).
Pour savoir si le
capital culturel et le capital social suffisent à
expliquer les différences liées à l'ethnie, nous avons réalisé des
tableaux croisés sur ces deux critères et le critère
ethnique.
Le tableau suivant montre que le nombre de redoublements
dépend
à la fois de l'ethnie des
parents et du capital culturel, mais que la
relation entre capital culturel et réussite scolaire est différente suivant
l'ethnie: Le nombre de redoublements est moindre
pour les enfants
de mère chinoise (0,5) que
pour les enfants de mère européenne (0,7),
demie (0,9) ou polynésienne (0,9). Il tombe même à zéro
pour les 9
élèves dont la mère chinoise possède un
diplôme supérieur ou égal
au BAC
(contre plus de 0,5 pour les enfants de mère européenne de
niveau d'étude équivalent). Cette différence n'est
pas simplement
l'effet d'un niveau culturel
supérieur des mères chinoises, puisqu'elle
persiste pour les élèves dont la mère a un diplôme inférieur au BAC,
et qu'elle se retrouve
quel que soit le niveatt de capital culturel
considéré.
Le nombre de redoublements élevé des
nésienne
de
ces
enfants de mère poly¬
d'étude moyen
polynésienne ou
demie semble lié surtout au faible niveau
mères. En effet, pour les enfants de mère
ou
demie ayant un
diplôme, même inférieur
Société des
Études
au
BAC, le nombre moyen
Océaniennes
�95
•Au
total, les différences de capital culturel
expliquent,
en
grande partie, les différences de réussite scolaire entre ethnies,
notamment en raison du rôle déterminant du niveau d'étude de la
mère, lui-même lié à la langue utilisée à la maison. Lorsque le
niveau culturel familial ou le diplôme de la mère ou du père est
bas, les différences ethniques sont bien moins significatives, sauf
en ce qui concerne l'ethnie chinoise, qui conserve l'avantage, à
niveau culturel égal, sur toutes les autres ethnies.
Il faut évidemment nuancer: nous n'avons pas mesuré les
facteurs culturels au sens sociologique, c'est-à-dire l'ensemble des
valeurs, des normes, des attitudes, des croyances, des manières de
penser en usage dans un groupe social ou ethnique. Ces facteurs
sont difficilement quantifiables, mais jouent certainement un rôle
important dans l'échec ou la réussite scolaire.
Parmi ces facteurs individuels, plus difficilement quantifiables,
mais qui ne sont pas forcément indépendants de la culture héritée
d'un groupe social ou ethnique, on trouve notamment l'attitude
des parents, le temps de travail, la pratique de la lecture, et la
motivation pour les études.
Société des
Études
Océaniennes
�96
D.
L'attitude des
parents, le travail scolaire et
la lecture.
Tous
ces
facteurs ont
parfois été avancés pour justifier les
polynésiens et ceux
Que révèlent les enquêtes à cet égard ?
différences de réussite scolaire entre les élèves
des autres ethnies.
1.
L'attitude des
parents.
parents chinois encouragent-ils plus souvent leurs enfants,
suivent-ils plus attentivement leur travail scolaire ? La réponse est
•
Les
négative, d'après l'enquête de l'ITSTAT: ils ne sont que 20% à en
parler tous les jours à leurs enfants, contre 16% des Polynésiens,
24% des Demis, 57% des Européens. Par contre, les parents chinois
arrivent en tête de ceux qui n'en parlent jamais avec leurs enfants :
c'est le cas de 9% d'entre eux (17% au niveau de la Terminale)
contre 4% pour les
Polynésiens (8% en Terminale). On ne peut donc
pas expliquer ainsi la meilleure réussite des élèves chinois.
,
2.
•
Le
temps de travail scolaire et la lecture
Les différences de résultat scolaire entre ethnies sont-elles dues
à des différences de
temps de travail scolaire ?
L'enquête ITSTAT a comptabilisé les "budgets temps" des
point de vue du temps de travail scolaire à la maison, les
élèves chinois sont en deuxième position derrière les Européens,
viennent ensuite les Demis et les Polynésiens. Ainsi, en 5ème les
Chinois et les Européens consacrent en moyenne un peu plus de 6 h
par semaine au travail scolaire, alors que les Demis y passent 4,6
heures, et les Polynésiens 4,2 heures.
élèves. Du
Par contre
en
heure de moins que
Terminale, les élèves chinois travaillent une
les élèves Européens (6,4 contre 7,5), mais
presqu'une heure de plus que les Polynésiens. Les Chinois arrivent
aussi seconds pour la lecture derrière les Européens. Ils lisent même
moins que les Demis en Terminale. Ils regardent la télévision 2
heures de plus que les Européens, par semaine, mais deux heures et
demie en moins comparé aux Demis et aux Polynésiens. Ils sont
30% à travailler plus de 8 heures par semaine à la maison, comme
les Européens, contre 18% pour les
Demis et 11% pour les
Polynésiens.
Société des
Études
Océaniennes
�97
à la maison le temps passé
aboutit à un rapport temps de loisir/temps de travail de
1,4 pour les Européens, 1,6 pour les Chinois, 2 pour les Demis, 2,3
pour les Polynésiens.
Pourtant, le temps de travail n'est pas la seule explication de la
réussite scolaire, puisque, dans la catégorie "travaillent plus de 8
temps de travail
En incluant dans le
à la lecture, on
heures",
ne
redoublent jamais:
Polynésiens;
24% des
-
39% des Demis;
-
64% des
-
Européens;
60% des Chinois.
-
relation très
scolaire
réussite
scolaire.
travail
et
Dans
l'explication de la note de dissertation par régression multiple, ce
facteur était le plus significatif (t de Student = 2,082), après
l'ambition scolaire (voir plus loin), mais devant le temps de lecture,
le diplôme de la mère, le CSP du père.
•Nous
avons
trouvé, dans notre enquête, une
significative entre temps de
de lecture (non scolaire) à la maison est très
fortement lié au nombre de redoublements et à la note de dis¬
sertation: ceux qui lisent plus de 10 heures par semaine ont
redoublé deux fois moins que ceux qui lisent moins de 2 heures par
semaine, et ils ont une note moyenne de 12 contre 8,6 pour les
•Le temps
autres.
Moyenne du
Premières et Terminales B
nbre de redoublements
Ensemble
<2
temps lecture
en
heures par
semaine
<5
>4
>10
Moyenne des
notes sur 20
0,78
1,00
0,74
0,84
0,50
09,0
08,6
08,2
10,1
12,0
de travail scolaire personnel influe sur la note de
dissertation, mais il n'est pas associé à la réussite scolaire passée
(nombre de redoublements). Une partie des élèves redoublants doit
compenser son handicap scolaire par un supplément de travail
personnel, alors qu'une autre partie a probablement redoublé à cause
•Le temps
d'un travail insuffisant, ce
qui expliquerait l'absence
Société des
Études
Océaniennes
de relation
�98
simple entre travail scolaire et nombre de redoublements.
Premières et Terminales B
Moyenne des
Moyenne du
notes sur 20
nbre de redoublements
Ensemble
scolaire
<10
personnel
09,0
07,8
08,4
09,3
0,78
1,00
0,96
0,71
1,00
<5
Temps de travail
>9
>20
10,9
•La durée du travail scolaire plus
élevée pour les élèves chinois
les Demis et Polynésiens expliquerait donc une
partie de la différence de réussite scolaire. Par contre, elle n 'explique
pas la différence entre Chinois et Européens, en faveur des premiers.
et
moins élevée pour
A
sujet, les chiffres concernant le temps de travail scolaire
personnel sont plus élevés dans notre enquête, limitée aux classes de
Seconde, Première et Terminale des deux établissements les plus
"côtés" de Polynésie Française, que dans celle de l'ITSTAT, qui
comprenait un large échantillon représentatif de tous les lycées et
collèges. Par ailleurs, on constate une différence plus nette entre les
élèves de père ou de mère chinois, qui travaillent en moyenne
respectivement 15,6 h et 14,5 h, et 16,8 h lorsque les deux parents
sont chinois, et les élèves dont les deux
parents sont européens (13,9
h), ou bien dont les deux parents sont polynésiens (11,7 h) ou demis
(11,3 h).
Tableau
Papeete
ce
:
durée du travail scolaire suivant l'ethnie des
en
parents chez les lycéens de
1988.
DUREE DU TRAVAIL SCOLAIRE PERSONNEL ET ETHNIE DES PARENTS
(Echantillon gratuit)
ETHNIE DE LA MERE
ETHNIE
E
DU PERE
D
P
C
A
Europ.
13$
13,0
06,5
-
21,0
13,8
Demie
112
112
112
13,6
-
11,6
Société des
Polynés. Chinoise
121
11,4
127
11,7
09,8
05,0
11,4
Études
08,8
07,0
16$
25,0
14,5
Océaniennes
Autre
Ensemble
08,2
129
11,4
11j0
15,0
14,2
128
-
-
-
10,0
08,7
�99
E.
La
-
valorisation de la réussite scolaire,
motivation de
la
réussite, l'ambition scolaire et pro¬
fessionnelle.
•La valorisation de
la réussite scolaire
(mesurée de 1 à 5 par les
réponses à des questions sur l'importance d'avoir le BAC) est
fortement corrélée avec la réussite scolaire (nombre de redoublements
et note en dissertation en Première et Terminale B) (1). Il y a
également une corrélation entre la valorisation de la réussite scolaire
et le temps de travail scolaire d'une part, et le capital culturel d'autre
part (tableau et graphique suivants).
Tableau
:
Valorisation de la réussite scolaire et
réussite scolaire
Moyenne du
Première et Terminale B
nbre de redoublements
moi
1
important pour moi
Assez important
Sans importance
2
Vital pour
Très
0,78
0,50
0,78
121
Ensemble
Avoir le BAC c'est:
3
Moyenne des
notes sur 20
09,0
1Q1
09,1
07,6
-
>3
-
Graphique : Valorisation de la réussite
personnel.
scolaire et temps de travail
TRAVAIL PERSONNEL ET VALORISATION
LA REUSSITE SCOLAIRE
Société des
Études
Océaniennes
DE
scolaire
�100
graphique précédent mesure les effectifs d'élèves sur l'axe vertical, chaque
sur l'axe de gauche {heures de travail personnel par semaine) et sur l'axe
droite {valorisation du travail scolaire) déterminant un carré dans le plan horizon¬
Le
intervalle
de
tal.
La hauteur de
l'histogramme au-dessus du carré correspond au nombre d'élèves qui
précisé par le croisement des deux intervalles relatifs au temps de
sont dans le cas
travail et à la valorisation du travail scolaire.
On voit que la proportion des élèves qui travaillent relativement
du bas de l'axe de gauche) s'élève quand on se déplace vers la
l'axe de
•
plus {plus proches
valeur 1 en bas de
droite, c'est-à-dire quand la valorisation de la réussite scolaire augmente.
La motivation de réussite
Tableau
:
Motivation de réussite
:
réussite scolaire
et
Motivation de réussite et réussite scolaire
Moyenne du
Première et Terminale B
Moyenne des
nbre de redoublements
Ensemble
Doit sacrifier
beaucoup de loisirs
Peut y arriver sans se forcer
Pas vraiment besoin de se fatiguer
Pas besoin du BAC
notes sur 20
0.78
09.0
0,85
0,63
2,00
09,4
08^
09,0
-
-
La motivation très forte n'est pas associée à une meilleure
réussite passée, mais la motivation très faible est associée à une moins
bonne réussite passée. Il est normal que ceux qui ont le moins redoublé
soit aussi
qui déclarent "pouvoir y arriver sans se forcer".
ne semble pas associée à la réussite présente, ni
au
temps de travail. Par ethnie la motivation est moins élevée en
moyenne chez les Européens, et plus élevée chez les Chinois et Demis.
ceux
La motivation
(1) La question destinée à mesurer la valorisation de la réussite scolaire
proposait les assertions suivantes : Avoir son BAC, c'est : 1) Vital pour moi
2) Très important pour moi 3) Assez important 4) Pas très important 5) Sans
importance. La moyenne des réponses se situe à 1,54, les élèves sont donc
dans l'ensemble
assez
motivés à
Société des
ce
niveau.
Études
Océaniennes
�101
expliquer ni les différences de réussite, ni de
temps de travail scolaire personnel, entre ethnie. Ainsi, les Demis et
les Chinois ont la même motivation, d'après la réponse à la question,
mais ni la même réussite, ni le même temps de travail personnel. Les
Européens se déclarent moins motivés, mais travaillent au moins
autant que les Chinois.
Ce facteur
Tableau
:
ne
semble
Motivation de réussite par
Ethnie de la mère
% d'élèves
Polyné¬
ayant
répondu:
ethnie de la mère
Chinoise
Demie
Europé¬
enne
sienne
"Je dois
sacrifier
beaucoup de
61,22
70,59
70.27
46,58
34,69
29,41
24,32
46,58
0,00
0,00
0,00
4,11
4,08
0,00
0,00
loi si rs"
"Je peux y
arriver en
travaillant
normalement
"je n'ai pas
vrai ment
besoi
n
de
me
fAfin lier"
L'école
ne
sert à rien
pour ce
.
.
0,00
a
métier
L'ambition scolaire est fortement associée
à la réussite scolaire
passée et présente
Les élèves multi-redoublants ont
des ambitions nettement
en moyenne. Le sens de la causalité
évident. L'ambition est-elle une conséquence ou une
plus modestes
réussite scolaire ? Les deux facteurs
ici n'est pas
cause de la
influent certainement
réciproquement l'un sur l'autre: il y a un cercle vicieux du
découragement et un cercle vertueux de l'ambition qui est renforcée
par
la réussite.
Société des
Études
Océaniennes
�102
Première et Terminale B
Moyenne du
Moyenne des
nbre de redoublements
Ambition scolaire
Ensemble
BAC
BAC+2
BAC+3ou 4
BAC+5/6 (gdes écoles, doctorat...)
Première et Terminale B
notes
20
09,0
07,0
07,6
09,7
10,8
Moyemedu
Moyennedes
nbre de redoublements
Ambition
professionnelle
Ensemble
Agricult/Ouvrier/Employ/Cadre moyen
Cadre supérieur, Professeur
Patron de l'industrie et du
sur
0,78
1,40
1,17
0,57
0,45
0,84
1,11
0t75
0,75
Q56
commerce
Profession libérale
notes sur 20
092
08,7
103
08,3
08,8
Note
: L'échantillon est réduit aux élèves ayant déjà choisi une profession ("ne sais
pas" exclu).
Note : La réponse "autres professions" (code 0) n'est pas pris en compte.
Note : Aucun élève n'a choisi "Petit commerçant et artisan" (code 4).
.
Les facteurs
qui sont les plus significatifs dans l'explication de la
note de dissertation
scolaire et le
La
révèle
Terminale et Première B sont l'ambition
temps de travail scolaire.
régression multiple de la note sur les différents facteurs
meilleur coefficient de signification ( statistique du T de
: "t Statistic" en
anglais) pour le temps de travail scolaire
un
Student
et
en
l'ambition scolaire.
Régression de la note de dissertation
sur
diffé¬
rents facteurs
Data File:
TB1B
Statworks
Variable
Name
Constant
CSP
père
diplôme mère
tp lecture
temps L scol
ambit° scol
Coefficient
Dependent Variable: Note
Std. Err.
Estimate
t
Statistic
Prob
>
0,257
0,133
1,923
0,21 9
0,133
0,609
0,894
0,161
0,041
0,1 14
0,338
0,137
0,475
0,297
0,636
0,055
0,368
2,082
0,767
0,041
3,557
0,001
1,308
Société des
Études
Océaniennes
0,545
t
�103
Conclusion
enquête mettent moins en valeur
les différences dues à l'origine sociale que les différences
dues au niveau culturel familial, ou à la culture d'origine
Les résultats de cette
(européenne, polynésienne, chinoise), qui semblent déter¬
minantes dans "les dispositions à l'égard de l'école, de
l'apprentissage, de l'autorité, des valeurs scolaires", pour
reprendre les termes de Bourdieu et Passeron.
A titre d'exemple, la meilleure réussite moyenne des
élèves dont la langue parlée en famille est le chinois,
observée dans l'ensemble de
l'échantillon, même à niveau
diplôme maternel égal, par rapport aux élèves dont la
langue maternelle est le français, semble infirmer la thèse
de l'obstacle linguistique. Ces facteurs culturels (au sens
sociologique : valeurs, dispositions, attitudes transmises
par un groupe social ou ethnique), autres que la langue,
semblent être plus importants, dans le cas de la Polynésie
française, que le degré de proximité entre la culture
familiale (notamment la langue parlée à la maison) et celle
de
compatibles avec les
théories du handicap linguistique, ou de sa variante mettant
en avant les méfaits du "mélange des langues", employées
soit pour expliquer en Polynésie les différences de réussite
entre ethnies, soit pour expliquer en métropole le handicap
des enfants d'origine populaire, peu familiers avec la
langue "bourgeoise" utilisée à l'école.
de l'école. Ces résultats sont peu
Société des
Études Océaniennes
�104
Le
bi-linguisme,
même le tri-linguisme, bien
maîtrisé, devrait au contraire être un atout pour la jeunesse
polynésienne, comme il l'est pour la jeunesse d'autres
pays francophones bilingues (Suisse, Belgique, Canada
français), car la capacité d'apprentissage de différentes lan¬
gues dans la prime jeunesse est pratiquement infinie,
comme le montre
l'exemple des enfants d'écoles bilingues,
ou ceux de
parents expatriés amenés à résider dans des pays
étrangers pendant plusieurs années, qui repartent souvent
en sachant mieux
parler la langue du pays que leurs
ou
parents.
Par
ailleurs, l'enquête révèle que en dehors des fac¬
socio-économiques, des variables indi¬
viduelles, telles que le temps de lecture non scolaire ou le
temps de travail, ont une grande influence sur les résultats
scolaires et ne sont pas elles-mêmes complètement déter¬
minées par des facteurs socio-culturels,
puisqu'il existe une
grande variété des comportements individuels à cet égard, à
l'intérieur de chaque catégorie socio-culturelle.
teurs culturels et
Ainsi que
Vindique Vétude de ITTSTATdéjà citée
:
"Restent les variables que sont les facteurs individuels qui
ne sont pas uniquement la résultante des autres influences :
on trouve ainsi des enfants qui
auraient eu toutes les
"chances" d'être mis très tôt en situation d'échec scolaire,
mais qui néanmoins réussissent leur scolarité sans
redoublement et
retard
ainsi
des
pères des 23
moins, en Terminale, n'exer¬
ce de profession libérale ni de cadre
supérieur ou de patron
et aucun de ces
pères n'a obtenu le baccalauréat".
sans
Polynésiens ayant 17
:
aucun
ans ou
Société des
Études
Océaniennes
�105
.
L'origine socio-culturelle n'explique pas
tout...
L'origine socio-culturelle et ethnique n'explique donc
pas tout, et c'est heureux, car ce sont ces "exceptions"
exemplaires qui peuvent encourager les élèves dans la voie
de l'effort et de la persévérance, en gardant à l'esprit que
"tout n'est pas joué d'avance", comme voudraient le dé¬
montrer certains partisans d'un déterminisme sociologique
total ou même totalitariste, ayant pour but de défendre la
"reproduction" des
inégalités culturelles et sociales (alors que l'école peut et
doit être l'instrument de la promotion des plus défa¬
vorisés), ou comme voudraient le laisser croire d'autres
idéologues prompts à accuser des programmes ou des
enseignants "inadaptés" aux "spécificités locales".
Le schéma ci-après résume les principales inter¬
actions dégagées par cette étude entre les variables
socio-culturelles et individuelles, d'une part, et les résul¬
thèse de l'école
tats
comme
instance de
scolaires, d'autre part.
Pour
terminer,
on
peut se demander
quelles peuvent
conséquences de l'échec scolaire des Polynésiens
pour l'avenir de la la société pluri-ethnique qui compose la
Polynésie française.
Les inégalités culturelles, très faibles au départ, entre
les communautés polynésiennes, demies et asiatiques, ten¬
dent à s'accentuer très rapidement en raison de l'échec
scolaire des Polynésiens. Le recensement de 1983 donne
les chiffres suivants pour le pourcentage de la population
être les
Société des
Études
Océaniennes
�valeurs
DE
LA
MHJEU7NQ
indvuels •AMBITON SCOLAIRE •AMBITON PJROFESINL! •MOTIVAN •VALORISTN REUSIT SCOLAIRE
facteurs
RSECUOLAIITRE soci-ultre
FDLACTEAURS
LES
mileu
f
indvuel
•
Durée
•
•
'comprten dtrpaevrusonill Lencctouarie àdlvavtaieiusdse scolarité.
V
indvuels scolaire -S
qualites Réusite pasée
�107
de 20 à 29
-
-
-
diplômée de niveau BAC +2
Polynésiens : 0,7 %
Demis :
7,2 %
ans
Chinois
:
ou
plus
:
20,1 %
Européens : 33,7%
Au recensement de 1988, le résultat
-
n'est guère plus
encourageant, puisque, dans la population des 25-34 ans,
le pourcentage de diplômés de l'enseignement supérieur
est de 1,1% parmi les Polynésiens (métissés ou non),
contre 13,9% parmi les autres ethnies, les chiffres res¬
pectifs étant de 2,3% et 20,6% pour les titulaires du
baccalauréat.
Malgré le mythe du "Tahiti Métisse"...
se passent de commentaires, ils révèlent
avec acuité les problèmes sociaux qui risquent de se poser
à terme, si le déséquilibre provoqué par l'échec scolaire des
enfants polynésiens n'est pas résorbé, étant donné que le
niveau de diplôme requis pour les tâches actuellement
occupées par des personnels peu ou pas diplômés est
amené à s'élever régulièrement au fur et à mesure de
l'augmentation de l'offre de diplômés sur le marché du
travail, laissant alors dans la marginalité une grande partie
de la jeunesse polynésienne sortie du système scolaire sans
diplôme. Il y a aussi, à terme, le risque d'une sudaméricanisation de la société, avec une ou plusieurs
ethnies minoritaires constituant la bourgeoisie dirigeante
et occupant, grâce à ses diplômes, la quasi-totalité des
postes de responsabilité. Cette méritocratie minoritaire sur
Ces chiffres
Société des
Études
Océaniennes
�108
le
plan ethnique pourrait être acceptée de moins en moins
la majorité polynésienne, et cela pourrait
déboucher sur des convulsions politiques et sociales ou du
moins sur une exacerbation des tensions raciales qui
existent d'ores et déjà
malgré le mythe du "Tahiti
métisse". Ainsi d'après le recensement de 1988, les
Polynésiens "sans métissage" occupant un emploi de
niveau supérieur (cadre, profession libérale, commerçant,
chef d'entreprise) ne sont que 546, et les Polynésiens
"métissés" sont 927, sur un total de 5.673 personnes.
Ce risque de tension pourrait être accentué par un
développement du chômage chez les jeunes Polynésiens
peu ou pas diplômés. En effet, si le taux de chômage
officiel issu du recensement de 1988 est de 8,6%, pour les
jeunes de 15 à 19 ans il atteint 31% (et 45,7% chez les
jeunes filles de cet âge).
Chez les Polynésiens, le taux de chômage atteint
10,5%, et 10,9% pour les Polynésiens "non métissés",
contre 3,1% pour les Européens et assimilés, 1,8%
pour
les Asiatiques et assimilés.
Pour les 15-24 ans, on a un taux de chômage de
23,1% parmi les "Polynésiens et assimilés", 6,4% parmi
les Européens, 7,4% parmi les
Asiatiques. Les
bien par
,
"Polynésiens et assimilés" forment 96% des chômeurs de
cette tranche d'âge, dont 78,7%
pour les Polynésiens "non
métissés".
D'ores et
déjà, l'échec scolaire d'aujourd'hui prépare
demain, et renforce les inégalité sociales
futures entre ethnie. Les cartes de l'échec scolaire, du chô¬
mage et de l'appartenance aux couches sociales populaires,
les chômeurs de
Société des
Études
Océaniennes
�109
ethnie,
par
se superposent presque exactement, comme
le montrent les trois graphiques de la page suivante,
nous
élaborés à
partir des données du recensement de 1988.
Bernard POIRINE
★
Composition de la couch
populaire en 1988
1292%
El FtynésferesarB
métesage
D Ftynésfensewec
métissage
ES BJFCFEEN3
□ ASATKXJES
□ ALTTFES
78,10%
Part de
Part des différentes ethnies dans la
chaque ethnie
dans les chômeurs
population n'ayant
aucun diplôme ou le
certificat d'études primaires
824%
4,41%
0,54%
14,76%
14,32%
73160%
Soivce
Note
:
Couche
populaire
=
Recensement 198fl, ITS i
ru
ouvriers, agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, artisans,
personnels de service, chômeurs n'ayant jamais travaillé.
Société des
Études
Océaniennes
�110
HOMMAGE A ERIC LEQUERRE
Eric Lequerré nous a
quittés, laissant désemparées son épouse, ses trois
déjà éprouvée, pourtant informées de l'évolution
inéluctable de la maladie qui le tenaillait depuis des années. Ses amis et les
membres de notre Société apprirent avec douleur sa disparition, et beaucoup
tinrent à l'accompagner au cimetière catholique de Puna'auia.
filles et
une
famille
La vie d'Eric fut d'abord celle d'un enfant du pays, issu d'une famille
connue mais modeste, à la recherche d'une solide formation et d'un épa¬
nouissement social et personnel.
Son cursus scolaire et universitaire, comme
professionnelle, furent exemplaires car Eric sut montrer la voie de
«l'océanisation des cadres», chère à plus d'un homme politique de notre
Territoire : ce qui ne fut pas sans susciter parfois incompréhension ou même
jalousie.
sa
vie
Il
quitte Tahiti le 11 juin 1949 sur le Ville d'Amiens, avec une dizaine
jeunes Polynésiens, pour poursuivre ses études à Pontivy puis à Bor¬
deaux. Etrange coïncidence que ce soit sur ce bateau de la contestation
qu'embarque une remarquable « promotion » d'étudiants, tant par le nombre
que par la qualité.
de
Titulaire d'une maîtrise
droit et
inspecteur du Trésor, il est très vite
à M.
Henri Pambrun, reprenant ainsi le flambeau de la tradition des grands
domanistes que furent Roucaute, Faugerat et son prédécesseur immédiat. La
publication dans notre bulletin n° 251-252 d'un article sur les phosphates de
Mataiva nous permet de découvrir, dans un style dépouillé, les connaissan¬
ces précises
qu'il avait en matière du droit sur les lagons.
en
amené à travailler au Service de l'Enregistrement pour succéder ensuite
Conseiller économique et
l'occasion
d'exprimer
ses
social de la Polynésie française, Eric trouve
convictions sur l'avenir ainsi que sur les grands
Société des
Études
Océaniennes
�Ill
économiques et sociaux de la Polynésie. Homme de dossiers, il
peaufine ses interventions avec méthode et s'intéresse plus
particulièrement aux problèmes liés à la construction de la Commission
Economique Européenne et à leur incidence sur le Territoire.
thèmes
travaille et
Bientôt notaire,
c'est
avec
acharnement qu'il apprend le métier et qu'il
place son étude. Sa modernité le fait se lancer dans le traitement
informatique des dossiers dans toutes leurs incidences, y compris compta¬
bles. La performance et l'efficacité viennent couronner ces efforts. Proche
des Polynésiens, il affectionne les recevoir, quelle que soit l'importance du
dossier, développant ainsi sa connaissance des familles du terroir.
met en
la politique des rapports épisodiques bien que parfois
premières approches seront Here Ai'a, comme pour beaucoup
d'anciens étudiants. Puis il soutiendra plus activement Charles Taufa avant
d'adhérer au Tahoeraa Huiraatira. Cependant, son action se fera davantage
sentir par la réflexion et l'expression de ses opinions sur les problèmes du
Territoire que par l'adhésion active à un parti ou à un programme.
Eric,
soutenus.
aura avec
Les
Ancien élève de l'Ecole des frères,
il animera avec détermination et
présidence de l'Amicale des anciens, poursuivant ainsi
Freddy Ellacott, Jean Vernaudon... non
seulement par l'organisation des manifestations récréatives, parfois gigan¬
tesques, mais aussi en apportant une attention particulière aux problèmes
rencontrés par la communauté des Frères de Ploërmel et un soutien continu
à la défense des spécificités de l'Enseignement privé catholique.
dévouement la
l'œuvre des René Leboucher,
Membre du Lion's
Qub,
année de présidence sera marquée par
qui seront menées et par un recrutement
son
l'efficacité des actions caritatives
important.
Au sein de notre Société,
il assuma la succession de Paul Moortgat en
qualité de vice-président, avec dévouement et malgré une santé de plus
plus déficiente. Il aurait vivement souhaité participer à l'inauguration des
locaux mis à la disposition de la Société dans le nouveau bâtiment des
archives territoriales mais n'en a pas eu la force physique.
sa
en
présent dans nos mémoires comme un homme
aimant la vie, son travail, sa famille et son pays.
Eric restera
de volonté,
d'effort et
Yvonnic ALLAIN
au nom
Société des
Études
Océaniennes
du Bureau
�112
L'ADIEU A Mme HENRI JACQUIER
Un numéro spécial du Bulletin de la Société des Etudes Océaniennes
(Numéro 194 - Mars 1976) a été consacré in memoriam à Henri Jacquier. Un
message a été adressé, sous le kiosque du Cimetière de l'Uranie, à l'occasion
des obsèques, le 4 février 1991, de sa veuve décédée près de seize années
après lui.
Chers assistants du coeur,
Yvette
Laguesse,
elle est décédée à
veuve Jacquier, est née le 2 juillet 1916 à Pape'ete ;
domicile de Pâ'ofa'i dans la nuit matutinale de
son
dimanche 3 février 1991
—
elle avait donc franchi 74
ans
le 2
juillet de
l'année écoulée.
Yvette et Jeannine
(sa soeur de cinq ans sa cadette) sont issues d'Emile
Laguesse — né à Paris le 16 avril 1890 et arrivé à Papeete, à Y âge de 9 ans,
en
compagnie de ses parents : Eugène Laguesse (1863-1922) et son épouse
Reine Neffriez (1862-1940)—et de Laurence Brault 1889-1941 : fille aînée
des 4 enfants de Léonce Rodolphe Brault (né à Laval le 22 août 1858, installé
à Tahiti en décembre 1881 comme imprimeur et qui, en juin 1868, 5ème
enfant de Pierre Bonnefin 1826-1886 : né à Saint-Malo, arrivé à Papeete en
septembre 1849, avec Adélaïde Hunter 1833-1871 : née à Papeete parmi la
nombreuse progéniture de l'Anglais Edward Hunter avec Suzannah Chap¬
man 1797-1889).
Yvette épousera en
1938 le pharmacien Henri Jacquier (né le 15 janvier
1907 à Brest, venu pour l'Hôpital de Pape'ete en décembre 1932), lequel
s'installera à son compte, angle front de mer et rue de la Petite Pologne
(devenue rue Paul Gauguin), en reprenant la pharmacie Lherbier. Emile
Laguesse, ayant assuré le prolongement du comptoir A la Ville de Dijon
fondé par son père Eugène, angle droit face à la Cathédrale — et qui avait
été détruit par le bombardement de Papeete le 22 septembre 1914 et vite
et ayant expiré le 5 décembre 1949 à Papeete pendant son
reconstruit
—
Société des
Études
Océaniennes
�113
mandat de
des Ets
président de la Chambre de Commerce et d'Industrie, l'affaire
Laguesse est reprise alors par Jeannine.
couple Jacquier a eu une fille unique Annick, née en 1940, qui
épousera en 1959 Pierre Machenaud, capitaine de corvette aviateur, elle
pharmacienne installée en Normandie, eux deux ayant eu 2 garçons puis 2
filles : l'aîné Héric, adopté par Jeannine, périra tragiquement dans un
accident sur la Route des Collines le 31 janvier 1981, il avait 20 ans ...
Le
Jacquier a présidé le Syndicat d'Initiative de
(ayant notamment procédé à la restauration du marae Arahurahu de Pâ'ea) ainsi que la Société des Etudes Océaniennes de 1953 jusqu'à
son trépas le 9 novembre 1975 — présidence assurée ensuite par Paul
Moortgat tandis que le secrétariat de la Société des Etudes Océaniennes est
assuré depuis l'époque Jacquier et jusqu'à ce jour par Jeannine Laguesse.
L'on se souvient qu'Henri
1952 à 1959
pharmacie Jacquier avait brûlé dans un incendie de quartier, dans
reconstruite. La famille Jacquier partageait
sa résidence entre Pâ'ofa'i à Pap'eete et Ti'apa à Pâ'ea. La maison de Pâ'ofa'i
en bois, centenaire, a donné lieu à des conversations choisies d'un autre
temps, où Jacquier agrémentait la compagnie avec son don de narrateur
érudit et de sa voix rauquescente : il mourra d'un cancer à la gorge. Yvette,
elle, aura marqué de son empreinte le séjour de Pâ'ofa'i, dans une vie
familiale de classe, soignant une demeure rétro ayant résisté aux cyclones
de 1906 et 1983, dans un secteur du front de mer aujourd'hui gagné par le
La
la nuit de Noël 1956, et sera vite
modernisme.
le témoignage d'un pan d'histoire du Tahiti d'autre¬
fois, laissant le souvenir d'un coeur «gros comme ça», dans sa modeste
fierté, et elle parlait étonnamment bien le tahitien.
Yvette emporte
Jeannine, la Société des Etudes Océaniennes adresse ses
profondes, ainsi qu'à ses feti'i issus de la généalogie susindiquée, et notamment ses mo'otua.
A
sa soeur
condoléances
Yvette !
hoa —
'o te Ferma
Têpe'e nei, nâ mûri ia 'oe, te 'otoha'a 'o tô 'oe na mau
ia 'oe 'o tei 'ite mata i te hô'ê "apa'apa — 'a'ai 'ana'anatae mau
nei
'o 'oe 'o tei fâfâhia te hohonu nô tô mafatu.
—
'la he'e
au
tô 'oe haere'a !
Raymond PIETRI
au nom
Société des
Études Océaniennes
du Bureau
�114
COMPTE RENDU D'OUVRAGE
Daniel MARGUERON
Tahiti dans toute
littérature
sa
littérature
—
Essai
sur
Tahiti et
ses
îles dans la
française de la découverte à nos jours
Paris, L'Harmattan, juillet 1989, 469 p., 230 F.
Résidant à Tahiti
depuis 1975, Daniel Margueron a entrepris sur place l'étude
l'imagerie littéraire francophone collant à l'île, une imagerie balisée par quelques
textes forts, valant pour l'étude même de l'exotisme en général, et riche d'une
multitude de textes de série B, hétéroclites, bavards désuets, ou bien surprenants et
modernes. Récits de voyage, romans, essais, nouvelles, poésies et même bandes
dessinées, alimentent donc la réflexion développée dans une thèse de doctorat
soutenue en 1986 à l'Université Paris XII
Val de Marne, dont les Editions
L'Harmattan nous proposent ici une version remaniée, copieuse, à l'index onomas¬
tique très fourni.
de
—
Une telle
entreprise bénéficiait indubitablement des travaux réalisés pendant
plusieurs décennies par les chercheurs, en tête desquels le père mariste Patrick
O'Reilly (fondateur de la Société des Océanistes, décédé en août 1988), notamment
la thèse américaine de Frédéric-Charles Gray, Tahiti in French literature, from
Bougainville to Pierre Loti, soutenue à l'Université d'Arizona (Tucson) en 1970.
Gray avait déjà utilement mis à mal l'imagerie d'Epinal, les étiquettes hâtives, et
proposé d'inattendues filiations, notamment de Melville (Typee) à Loti, dont il
situait Le Mariage de Loti (1880) comme un sommet final. Daniel Margueron
montre pour sa part que ce roman «sentimental exotique» est devenu un texte
emblématique incontournable du regard occidental sur Tahiti, imposant par «son
manque de vérité, plus vrai que la vérité» (Romain Rolland), un roman dans lequel
Société des
Études
Océaniennes
�115
complexe Ile du bonheur «réceptacle des voluptés du monde» (Georges
Ferré) / Ile perverse ou néfaste (la maladie, l'échec), restera au cœur de la plupart des
œuvres publiées depuis
plus d'un siècle. Il nous plaît de constater qu'en 1986, Daniel
Margueron rejoignait ce que nous affirmions dans Pierre Loti l'incompris (Paris,
Presses de La Renaissance, novembre 1986), à savoir que Le Mariage de Loti n'est
pas la tarte à la crème souvent ridiculisée, mais un livre sensible teinté d'anticolo¬
nialisme, l'héroïne symbolisant elle-même en mourant la fin d'une civilisation, celle
la dualité
des «immémoriaux».
Il va de soi que, dans un tel travail, la personnalité lumineuse de Victor Segalen
pouvait qu'éclater, au risque d'éliminer les seconds rôles et les épigones, comme
des graisses superflues. Daniel Margueron, s'il fait le point sur l'exotisme ségalénien et son fascinant roman ethnographique Les Immémoriaux (1907), a le mérite
d'affirmer que Segalen est devenu lui-même mythique, «comme si, après l'avoir
ignoré plus de trente ans, on cherchait à se dédouaner, à se donner bonne conscience
en le surévaluant.
L'unique œuvre de Segalen sur l'Océanie passerait presque pour
être l'Œuvre unique sur l'Océanie !». Il y a tout de même eu depuis Gary, Simenon,
Reverzy, Gerbault, Ener, Villaret, etc.
ne
Margueron se défend de vouloir tomber dans une réhabilitation
suspecte d'œuvres médiocres ou coloniales, renvoyant à une concep¬
tion obsolète voire gênante de l'Autre, mais il prend soin d'accorder crédit à
certaines œuvres aujourd'hui datées ou méprisées. Ainsi en est-il du Vasco de Marc
Chadourne (1895-1975), un premier roman publié en 1927, le «voyage intérieur
d'une tentative de libération individuelle» qui marque un jalon, un malaise («dans
Vasco, les îles sont un langage»), bien avant le noir Passage de Jean Reverzy en
1954. Daniel Margueron tire aussi de l'oubli l'œuvre océanienne de Jean Dorsenne
(Jean Troufleau, 1892-1944), Prix Goncourt 1927, dont il faudrait relir C'est la reine
Pomaré (1934), et quelques autres textes.
Daniel
sulfureuse
ou
ne peut que regretter, pour le souvenir, que des témoins comme Gustave
le
Viaud, frère aîné de Loti (celui recherché dans le roman), parce qu'il n'a pas écrit
On
(mais photographié), ou bien Emile Vedel (1858-1937), parce qu'il a peu écrit (mais
aimé), n'aient point les honneurs de cette galerie océanienne, de ce travail critique
et consciencieux qui constitue en filigrane un voyage dans l'utopie.
Alain
Les
carnets
de l'exotisme n° 1.
Société des
Études Océaniennes
QUELLA-VILLEGER
�PUBLICATIONS DE LA SOCIETE
DES ETUDES OCEANIENNES
EN VENTE AU SIEGE DE LA SOCIETE
Dictionnaire de la
langue tahitienne (T. Jaussen)
Etat de la société tahitienne à l'arrivée des
1.200 F
Européens (E. de Bovis)
Journal de James Morrison
Alexandre Salmon et
Les
sa
^500 F
femme Ariitaimai
(Ernest Salmon)
cyclones en Polynésie Française (R. Teissier)
Chefs et notables des E.F.O.
au
1.500 F
800 F
temps du Protectorat, 1842-1880
(R. Teissier)
800 F
Colons français en
Polynésie Orientale - B.S.O. n° 221
(P.Y. Toullelan)
Etablissements
800 F
Français de l'Océanie - 1885 - B.S.O. n° 231
Moruroa 1767-1964
(C. Beslu) - B.S.E.O. n° 232
-
B.S.E.O. n° 239-240
Choix de textes
1.000 F
(reproduction des numéros 1er
mars
1925) - B.S.E.O. n° 248
Société des
1.500 F
800 F
Généalogies commentées des arii de la Société (Maiarii)
à n° 10 juillet
800 F
Études
1917
1.000 F
Océaniennes
�Le Bulletin
l'impression de tous les articles
qui paraissent dans le Bulletin mais cela n'implique pas qu'il
épouse les théories qui y sont exposées, ou qu'il fait siens les
commentaires et assertions des divers auteurs qui, seuls, en
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Aux lecteurs de former leur
Le Bulletin
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Société des
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Études
Océaniennes
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- Rue Tihoni Tefaatau, Pirae TAHITI
POLYNÉSIE FRANÇAISE
Société des
Études
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�
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Bulletin de la Société des Études Océaniennes (BSEO)
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La Société des Études Océaniennes (SEO) est la plus ancienne société savante du Pays. Depuis 1917, elle publie plusieurs fois par an un bulletin "s’intéressant à l’étude de toutes les questions se rattachant à l’anthropologie, l’ethnographie, la philosophie, les sciences naturelles, l’archéologie, l’histoire, aux institutions, mœurs, coutumes et traditions de la Polynésie, en particulier du Pacifique Oriental" (article 1 des statuts de la SEO). La version numérique du BSEO dispose de son ISSN : 2605-8375.
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2605-8375
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Établissement
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Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 253
Description
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Articles
- Pape'ete de jadis et naguères : Raymond Pietri 1 re partie : A l'abordage du village de Pape'ete 3
- Discours pour l'inauguration de la semaine culturelle Te Puka Maruia : Fasan Chong dit Kape Jean 41
- Passé d'ici, présent d'ailleurs : une gageure pour les sciences humaines ? : Jean-Michel Chazine 49
- Le début de "fonctionnarisation" des autorités "traditionnelles" tahitiennes : les chefs, les juges, la cour des Toohitu, les muto'i, les conseils de district : Mareva Berrou 59
- L'échec scolaire des Polynésiens : Bernard Poirine 69
- Hommage à Eric Lequerré : Yvonnic Alain 110
- L'adieu à Mme Henri Jacquier : Raymond Pietri 112
Compte rendu
Daniel Margueron : Tahiti dans toute sa littérature - Essai sur Tahiti et ses îles dans la littérature française de la découverte à nos jours 114
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1991
Date de numérisation : 2017
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