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BULLETIN DE LA SOCIETE
DES ETUDES OCEANIENNES
N°314
DECEMBRE 2008
MAKATEA
��Bulletin
de la Société
des Etudes océaniennes
(Polynésie orientale)
N°314 - Décembre 2008
Sommaire
Avant-propos.................................................................................................................. p. 4
Te parau mo’e o Makatea ............................................................................................. p. 6
Julien Mai
Pehepehe teie nö Makatea ........................................................................................... p. 8
Julien Mai
Pehepepehe nö Makatea recueilli en 1947.................................................................... p. 10
Teri’itauroa Pani dit Heimau
Makatea, soixante années d’aventure humaine et industrielle......................................... p. 13
Christian Beslu
Inventaire historique et archéologique de Makatea en 2008 .......................................... p. 49
Paul Niva
Flore patrimoniale de l’atoll soulevé de Makatea............................................................ p. 63
Jean-François Butaud & Frédéric Jacq
Makatea.......................................................................................................................... p. 96
Camélia Marakai
Paripari o te ’āi’a........................................................................................................... p. 98
Te’ura Camélia Marakai l’a reçu de sa grand-mère Tetua’ura Tava’e-Tauraatua
épse Marakai dite Mama Tepairu qui l’a reçu de son arrière-arrière grand-mère Tarii
Paripari fenua no Makatea .......................................................................................... p.102
Te’ura Camélia Marakai d’après les éléments reçus de sa grand-mère
Tetua’ura Tava’e-Tauraatua épse Marakai
Trois chansons :
Makatea teie te repo 'uo'uo e, Po tapati i Makatea, Moumu....................................... p.106
Anonymes
La cérémonie du kava à Futuna : un exemple de mutations et de permanences
au regard des effets d’inculturation et d’acculturation.................................................... p.110
Pascal Ibrahim Lefèvre
�Avant-propos
Chers amis,
Le contenu d’un bulletin varie en fonction des articles reçus et
approuvés par votre comité de lecture qui tente d’en diversifier le contenu
tout en cherchant parfois à privilégier un thème.
Christian Beslu nous a remis son article sur l’exploitation des phosphates de Makatea qui circula durant deux ans, fut annoté, lu et relu sans
qu’il ne trouve « sa » place dans un numéro. Après le n° 313 consacré
aux Îles Sous-le-Vent, l’idée est venue d’élaborer un « spécial Makatea ».
Notre vice-président Fasan Chong dit Jean Kape, membre actif de
l’association ornithologique « Manu », s’est proposé de mobiliser ses
amis chercheurs, détenteurs de précieuses informations. C’est ainsi que
Paul Niva, technicien en archéologie nous remit son inventaire sur les
structures anciennes de Makatea ; que Jean-François Butaud et Frédéric
Jacq tous deux botanistes, nous remirent leur étude de la flore patrimoniale de Makatea.
Ces trois textes étaient accompagnés d’une riche iconographie où
choisir fut ardu. Aussi fut-il décidé, une fois n’est pas coutume, de leur
donner la part belle dans ce bulletin.
En préparant ce numéro, s’est déclenchée dans ma tête les mots
d’une comptine, pipine, qui nous permettait de désigner qui s’y collait
« C’est toi le fe » que voici : « Ma ka te a – Nu ka hiva – Ko ko ko ko
tapiri ia na Ko. » Puis une chanson célébrant l’île à la terre blanche,
s’est mise à y dérouler sa musique et ses mots. Jean Kape qui est aussi président de l’association « Te Reo o te Tuamotu » fut à nouveau sollicité
pour, cette fois-ci, une participation pa’umotu. C’est ainsi que ce numéro
s’ouvre par des poèmes, paripari, des mots, parau, offerts par Julien Mai
actuel maire de Makatea et directeur de l’établissement public Heiva Nui
et par une complainte, pehepehe, recueillie dans les années 1940 par
�Teri’itauroa Pani dit Heimau qui y fut pasteur. C’est ainsi qu’après l’étude
de Christian Beslu, celle de Paul Niva et les résultats de Jean-François
Butaud et Frédéric Jacq, vous trouverez trois poèmes de Te’ura Camélia
Marakai qui continue la transmission initiée par sa trisaïeule Tarii et poursuivie par sa grand-mère Tetua’ura Tava’e-Tauraatua. Et enfin, pour clore
le thème Makatea, trois chansons complaintes portent la parole
d’hommes et de femmes qui y naquirent, vécurent, s’émerveillant des
beautés du lieu, évoquant des événements douloureux.
Ce bulletin offre différents regards sur Makatea : ceux de l’intérieur,
pudiques et évasifs avec leur pehe pehe, paripari, himene ; ceux de l’extérieur plus diserts tel Christian Beslu le collectionneur qui fait parler ses
objets, Paul Niva qui réveille les pierres et enfin, Jean-François Butaud et
Frédéric Jacq qui nous dévoilent les plantes et les lieux où elles s’épanouissent, façonnant les humains qui s’y installent et les modifient en
retour. Ces différents regards nous ont amenés à garder les trois cartes de
nos auteurs où chacun y souligne son centre d’intérêt tout en rappelant
celui des autres.
Ces textes insistent sur l’impérieuse nécessité de conserver précieusement non seulement les sites naturels et plantes rares, mais aussi des
traces de l’Histoire ancienne et récente afin qu’elles servent de repères
aux générations futures. Cette conservation de la mémoire consisterait
dans un premier temps à encourager d’autres auteurs et détenteurs
d’images et d’objets à les rassembler. En même temps, décideurs et aménageurs devraient être sensibilisés à penser la préservation, l’aménagement et la gestion de l’espace de cette île, réelle curiosité géologique,
botanique et historique, en y intégrant des programmes de visites éducatives et touristiques.
Pour terminer, prêtons attention à la réflexion de Pascal Ibrahim Lefèvre sur la cérémonie du kava à Futuna. Là aussi, il est question de
mémoire. En nous informant sur Futuna, il nous donne à penser sur ce qui
s’est passé et se passe en Polynésie française dans le domaine du religieux.
Bonne lecture.
La Présidente
Simone Grand
5
�Te parau mo’e o Makatea
1
Makatea te ‘uri’uri o te ua’ao
Teie o tei hōro’a i teie fenua ‘uri’uri nā tai
Te hau o te ‘otora’a o te mata’i
Makatea te tupu-māite-ra’a
E ono ‘ahuru mirioni matahiti
Te feiā mātāmua o tei haere mai
I ni’a i teie fenua e ari’i īa
E ari’i ho’i nō te fenua feti’a mai
‘Ua haere mai
‘Ua pārahi mai
‘Ua ora mai
E tae a’e ra i te hō’ē taime
‘Ua parau i te parau
‘E teie tō parau nei :
Makatea e fenua ‘auhune
E fenua ruperupe
E ma’o tārere nō te moana nïnamu o te ra’i
E fenua tāhia e te mata’i
O te fenua mo’a teie
Julien Mai
1
O tei fa’a’itehia mai e Julien Mai, te tāvana o teie motu. Julien Mai, actuel maire de l’île.
�N°314 - Décembre 2008
Mots secrets de Makatea
Makatea à l’odeur de poisson du fou2
Odeur marine offerte à la terre
Par les multiples gémissements du vent
Makatea qui grandit lentement
Durant six millions d’années.
Les premiers hommes qui arrivèrent
Sur cette île étaient rois
Rois venus du pays de l’étoile
Ils vinrent
S’installèrent
Vécurent.
Puis vint le jour où
Ils dirent des mots
Les mots que voici :
« Makatea terre prospère
Terre luxuriante
Requin suspendu dans l’océan bleu du ciel
Île caressée par les vents
Terre sacrée. »
Julien Mai
2
Il s’agit bien sûr de l’oiseau du genre Sula. Trad. S. Grand
7
�Pehepehe teie no Makatea
3
Mai te pape mo’a ra i Vai Rō’ā
E hi’o ana vau i tō’u nei ava o Tōhuna Tepairu
‘Ua ‘ōtu’itu’i ho’i te vahine i te pae tahatai
E ti’i ana vau e ta’ita’i mai
O te ta’i ri’i o te ‘ā’au
O tei māna’ona’o hia e vētahi ‘ē
Te ihu a Rupe
Tei roto i te tai
Te vai tere īa
Ta’i pū
Ta’i rua
Te ‘oto o te fenua
O te au ha’apape ua
O te fenua mo’a ‘oia
Julien Mai
3
O tei fatuhia, te tuha’a mātāmua, o Julien Mai, te tāvana o teie motu i teie nei. ‘re’a te tuha’a piti ra, nö
roto mai ïa i te parau tumu o te fenua. La première partie est de Julien Mai, actuel maire de l’île, la
deuxième fait partie des paroles anciennes de l’île. Trad. S. Grand.
�N°314 - Décembre 2008
Complainte de Makatea
Du bassin sacré de Vai Ro’a,
J’aperçois la passe Tähuna Tepairu
Une femme agonise sur la plage.
Je me lève et la traîne jusqu’ici
Profondément ému,
D’autres se sont contentés d’y penser…
Le bec de pigeon
S’enfonce dans la mer
Voyage
Mugissement de la conque
Deuxième appel,
Chagrin de la terre
Bienfait de l’eau de pluie
Terre sacrée elle est.
Julien Mai
9
�Pehepepehe no Makatea
4
E haere ri’i au i tai
E hi’ohi’o ri’i au i te huru o te ‘āi’a
‘Ua oioi te mata o Ātea
E manini fa’atere tō ‘outou i Tavahi
E haruru pa’a’ina te miti i te pari
‘Ua fēto’ito’i te ‘are o te moana
E mara’amu te mata’i e farara nei
Tā’amu te aroha i ā’u ē
Makatea teie i te feo rautara
‘Āno’i i te repo pūre’a
Makatea teie i te papa teatea
Vaira’a i te ‘ino o te manu
Tei Aeti’a ta’u hi’ora’a mai
‘Ua tūrehurehu te moana
Makatea teie i te feo taratara
Tāhiri te hau’a o te maire
Maire ri’i hu’a nō Makatea nui
Hōhore te ma’a pa’a iti
Makatea teie i te one hu’a tea
Mohimohi te mata o te ‘aito
Tē ti’ati’a ra te ‘aito ro’o nui
Peipei i tāna ‘ōmore
Verohia Pāhara i te ‘are o te moana
‘O te ‘ōmore īa a Tangaroa
Makatea teie i te feo rautara
‘Āno’i i te repo püre’a
Makatea teie i feo taratara
Tāhiri te hau’a o te maire
Makatea teie i te one hu’a tea
Mohimohi te mata o te ‘aito
4
Extrait de Hei Pua Ri’i, publication de l’Académie tahitienne, (mars 1997, p. 55). Chant recueilli par
Teri’itauroa Pani dit Heimau, pasteur protestant originaire de Ra’iatea, affecté 7 ans à Makatea à partir
de 1947. Reproduction autorisée par sa fille Négrita Vahina Tetua née Pani. Trad. S. Grand.
�N°314 - Décembre 2008
Complainte de Makatea
Je me promène sur le rivage
Regardant ci et là mon espace.
Matinaux sont les yeux d’Atea
Votre voyage sera lisse à Tavahi.
La mer se brise en grondant sur la falaise
Les vagues de l’océan s’agitent
Mara’amu le vent qui souffle
L’amour m’y attache
Makatea aux feo à multiples dentelures
Mélangée à la terre jaune
C’est Makatea à la roche claire
Réceptacle des fientes d’oiseaux
De Aeti j’ai regardé
Les embruns de l’océan
C’est Makatea aux feo dentelés
Se répand le parfum du maire
Petite plante de Makatea la superbe
A l’écorce délicatement pelée
C’est Makatea au fin sable blanc
Eblouis furent les yeux du guerrier
Quand se leva le héros à grande renommée
Assurant sa lance
Verohia Pahara dans la vague océane
C’est la lance de Tangaroa
Makatea aux feo à multiples dentelures
Mélangées à de la terre jaune
C’est Makatea aux feo dentelés
Où se répand le parfum du maire
Makatea au fin sable blanc
Eblouis sont les yeux du guerrier
Teri’itauroa Pani dit Heimau
11
�Carte des gisements
�Makatea
soixante années d’aventure
humaine et industrielle
Durant cette dernière décennie il n’est question en Polynésie française que de « l’après CEP », ce qui donne l’impression qu’il ne s’est pas
passé grand chose avant ! Il y a pourtant eu la formidable histoire de
Makatea, l’île aux phosphates qui, durant des décennies, a scandé la vie
de la petite colonie des Etablissements français de l’Océanie en y déversant une manne substantielle pouvant couvrir dans les meilleures années
jusqu’au quart de son budget... Voici son histoire brièvement résumée.
L’île de Makatea fait partie de l’archipel des Tuamotu. C’est une élévation corallienne d’environ 3000 hectares, située à 130 miles marins au
nord-est de Tahiti et qui domine l’océan par des falaises abruptes d’une
hauteur allant de 50 à 110 mètres. Le soulèvement de cet ex-atoll serait
une réponse élastique de la lithosphère à l’enfoncement des îles de Tahiti
et de Moorea mais l’origine morphologique ainsi que la formation du
phosphate tricalcique se discute encore aujourd’hui.
Le premier nom de l’île en langue vernaculaire est Ma’atea (ou
Matea, Metia, Matia) qui désignerait une surface corallienne tourmentée.
Il se peut que ce soit la « Sagittaria » aperçue par l’expédition de Quiros
le 13 février 1606 mais plus sûrement la « Eyland Van Varwikking » (île
de la guérison), repérée par l’expédition Roggeven le 22 juin 1722 et
dont une chaloupe y accosta justement pour cueillir des herbes nécessaires aux nombreux marins scorbutiques.
�Bellingshausen signale dans son journal de bord qu’il a capturé 4
indigènes de l’île lors de son passage en 1820.
Dans le rapport du voyage à Matea qu’effectua le Chef de Division
Page, le Messager de Tahiti du 9 avril 1854 donne une description assez
paradisiaque de l’île : « véritable réserve naturelle, abritant quelque 200
habitants laborieux. »
On entend parler pour la première fois de phosphate en Océanie
française lorsqu’un dénommé Rousseau, natif de Tahiti mais travaillant
dans les engrais en métropole, déclare en 1884 qu’il y a des traces de
phosphate dans une des îles des E. F. O. dont il ne se souvient plus du
nom. C’est le capitaine Bonnet, officier français retiré à Tahiti qui affirme
en 1890 la présence du précieux engrais à Makatea mais il faut attendre
les résultats du prélèvement qu’effectue le professeur Agassiz en tournée
à bord de l’Albatros en 1904 pour avoir la confirmation d’une possible
et valable exploitation d’un phosphate tricalcique dont la teneur variant
de 80 à 85% se révèle l’une des plus élevées au monde.
Maître Goupil, notaire à Tahiti et M. Touze, récemment nommé chef
des Travaux Publics (et qui épousera quelque temps plus tard la fille de
Me Goupil) prennent contact avec la Pacific Phosphate Company qui
exploite les gisements de Nauru et de l’île Océan (République de Kiribati)
et décident finalement de fonder leur propre compagnie. Les difficultés
sont énormes et innombrables (pas de législation minière, nombreux
propriétaires à convaincre, le moindre bout de terre étant indivis...) et il
faut trouver des astuces comme celle de faire passer le futur terrain d’exploitation comme simple carrière. 1200 contrats rédigés en français et en
tahitien sont enfin signés après des efforts considérables et malgré l’intervention d’autres compagnies, tant françaises qu’étrangères, qui n’hésitent pas à surenchérir sur les prix offerts et à essayer d’avoir de
puissants appuis tel celui de la reine Marau Salmon. Certaines parcelles
se trouveront ainsi achetées deux fois. Ces imbroglios juridiques qui ne
cesseront qu’en 1910 vaudront d’ailleurs à Makatea la nouvelle appellation « d’île aux procès ».
14
�MATEA :
Le Gouverneur, Commissaire Impérial, Chef de division
Page, est arrivé à Papeete vendredi dernier 7 avril, de
retour d’une excursion qu’il vient de faire aux îles Matea
et Rairoa à bord de l’aviso à vapeur le Duroc .
L’ILE MATEA
L’île Matea dresse à près de cent mètres au-dessus de
la mer sa blanche et abrupte falaise. On la voit du large à
20 miles de distance, du pont d’une goélette. Elle git isolément à 12 lieues de Tahiti dans le N – N.E. et à 20 heures
de la cyclade occidentale des Pomotous. Sa forme est irrégulièrement quadrangulaire et si l’on veut nous passer une
comparaison assez vulgaire, elle ressemble à un paté ; sa
muraille nue, d’apparence cannelée, repose sur un bourrelet inférieur que la mer vient battre. Elle est couronnée
d’une forêt verdoyante au sein de laquelle s’élève un amas
de roches que les gens du pays nomment poutiare et d’où
l’œil embrasse toute l’île.
L’abord n’en est pas facile. Comme à Meetia, c’est au
vent sur la face N – E. qu’on débarque, au milieu de la
vague qui brise. Ainsi qu’à Meetia, c’est entre deux roches
qu’on lance son canot, entre deux crêtes écumantes ; seulement ici ce n’est qu’un embryon de bassin infiniment
plus dangereux que dans la première île et il faut saisir
l’instant de la lame qui monte et la roche calcaire est
tapissée de coraux tandis qu’à Meetia, ce sont des blocs
volcaniques. Le village est là, sur un plateau en pente
douce de 100 mètres de largeur environ qui aboutit au
flanc abrupt de la montagne. Les habitants sont au nombre de 204 sous un seul chef ; les enfants y entrent dans
la proportion du quart. Quant à l’état moral de cette
population, il est déplorable dans la partie féminine. La
nourriture y est abondante ; les hommes sont assez laborieux ; ils plantent des taros et des ignames partout où le
sol s’y prête ; chaque famille a une sorte de potager sur
le plateau de la montagne, au milieu des bois ; ils y récoltent des patates douces, des courges, de l’arrow-root et
toutes les racines cultivées à Tahiti. On trouve presque
partout des cocotiers et sur certains points, ils forment de
magnifiques bosquets. A leur taille et à leur nombre on
peut juger qu’il y a long-temps déjà que l’île est habitée.
L’eau douce qui suinte à travers la roche calcaire fournit
des sources limpides qui suffisent au besoin de la population. Dans le flanc du mont, à mi-hauteur à peu près, on
trouve des cavernes profondes dont la partie la plus
creuse est taillée par la nature en bassins remplis d’une
eau excellente et les voutes et le sol sont hérissés de stalactites et de stalagmites de fin calcaire tient, ça et là, de
couleurs irisées et qui, en se rejoignant, forment des
piliers et des colonnes.
On arrive au sommet de la montagne par un sentier
fort raide tracé dans une anfractuosité du rocher. L’île
entière n’est qu’un vaste plateau légèrement ondulé et
couvert de bois ; un chemin très bien tracé, macadamisé
même en divers endroits la traverse ; on y circule à l’aise,
abrité sous de continuels ombrages. Tantôt ce sont des
bois entiers d’énormes tamanus qui forment de sombres
bocages , tantôt des bouquets d’athea aux fleurs
blanches qui remplissent l’air des parfums de l’œillet ,
puis d’innombrables cocotiers du plus vert feuillage dont
les fruits ont une délicieuse fraicheur ; des hutus, des
myrtoides et un arbuste à suc laiteux, à fleurs en ombelle
ayant quatre pétales à la corolle, les étamines, le pistil et
le font du calice du plus beau vert et les bords de la
corolle d’un blanc éclatant qui donne au bouquet un
caractère d’une beauté frappante. Le sol est tout entier
formé de carbonate de chaux, tantôt semé de sable et de
gravier calcaire, tantôt hérissé de blocs de calcaire redressés ; ce calcaire assez grossier presque partout a été
ingéodé par l’eau de manière à lui donner à la surface
l’aspect de roches madréporiques ; mais ce n’est qu’un
calcaire coquillier où l’on trouve des bivalves et des univalves parfaitement pétrifiés ; et des rares madrépores
forment le noyau de rognons calcaires empâtés dans la
masse ou enchâssés dans quelque fissure. Nous n’avons
reconnu nulle part la trace d’une roche ou d’un bloc corallien. La forêt n’est pas silencieuse comme les bois de
Tahiti ; de tous côtés les éroupés (pigeons ramiers) se
répondent en roucoulements prolongés ; de nombreuses
perruches caquètent ; une espèce de merle siffleur joint
son ramage à la voix plus douce des tourterelles, puis de
blanches mouettes font entendre leurs cris dans les airs
et sur la plage se jouent une multitude de pluviers ou de
chevaliers qu’aucun chasseur ne dédaignerait d’abattre
d’un coup de fusil. Nul reptile à moins qu’on ne donne ce
nom au petit lézard qui bruit dans les feuilles sèches. Les
brises de la mer y rafraichissent l’ardeur des jours et en
chassent les moustiques et les nuits sont d’une beauté
incomparable. Là comme à Meetia, mieux encore qu’à
Meetia, le solitaire contemplatif peut aller oublier les tracasseries du monde.
Extrait du Messager de Tahiti du 9 avril 1834
�A la Société Française des Îles du Pacifique, d’abord constituée avec
la participation de la Pacific Phosphate Cy, succède le 4 décembre 1908
la Compagnie Française des Phosphates de l’Océanie au capital de 6 millions de francs dont M. Etienne Touze, démissionnaire de son poste de
fonctionnaire, prend la direction. Il la conservera jusqu’à sa mort en
1951. Il y a au début 52 actionnaires, la majorité des titres étant détenue
jusqu’en 1958 par la société Unilever, le groupe H. Duwez, la Banque de
l’Indochine et la Cie financière de Suez qui garderont malgré tout et
jusqu’à la fin la haute main sur cette juteuse affaire.
Les difficultés ne sont pas moindres en ce qui concerne le recrutement de la main-d’oeuvre. Les Tahitiens n’étant pas très familiers du travail cadencé, il s’avère nécessaire de faire appel pour le démarrage à des
ouvriers étrangers et le chantier devient ainsi, à l’époque, le plus cosmopolite du monde. Il y a là des travailleurs originaires de tout le Grand Pacifique ; des indigènes des Cook, des Gilbert, des Fidji... mais aussi des
Annamites, des Chinois, des Japonais... et quelques Polynésiens malgré
tout qui se feront de plus en plus nombreux au rythme du temps ; les
ouvriers et employés restant automatiquement groupés suivant les ethnies.
Au début de ce XXè siècle, l’archéologie n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements et les gens qui s’intéressent à Makatea se concentrent
sur le phosphate et non sur l’histoire de l’île. Il n’y a donc ni études ni
fouilles officielles préliminaires de cette île qui semble pourtant avoir
constitué un site important dans l’histoire des migrations polynésiennes.
Dans les notes archéologiques rapportées par P. Vérin (BSEO N°132 de
juin 1962), celui-ci tout en déplorant cet état de fait, indique que les sites
côtiers ont subi une terrible érosion de par l’action des éléments marins,
que les vestiges de l’intérieur ont déjà été laminés par les opérations d’extraction et qu’il n’est donc pas aisé de trouver quelque chose de probant
pour remonter l’histoire de l’île.
Il est fort probable que, malgré son accès difficile, cet immense plateau ait été durant longtemps pillé par des visiteurs de passage de ce qu’il
pouvait contenir de vestiges d’occupation ancienne. E. Bonnefin et A. Seal
du Bishop Museum visitent en 1901 une grotte remplie d’ossements et
16
�Action de la Compagnie des Phosphates
Ouvriers en équilibre
poussant leurs brouettes.
�d’un tiki aux yeux de perles ! Ce qui caractérise en effet le plus cette île,
c’est le nombre incalculable de grottes et de fissures naturelles pouvant
avoir servi tant d’habitats que de cimetières ; ces derniers étant restés
pour le moins inviolés par respect et par superstition. On reste d’ailleurs
confondu par la performance des îliens pour aller déposer leurs morts
dans des trous parfois à flanc de falaise (perches pour monter, cordes
pour descendre5).
K. Emory qui visita Makatea en 1930 signale la présence d’au moins
huit marae plus ou moins importants. B. Villaret qui fut durant quelque
temps le médecin de la Compagnie mentionne en 1952 l’existence d’une
terrasse avec murettes et émet l’hypothèse que les outils de pierre et les
ossements humains, crânes y compris, trouvés in situ pourraient être
des traces de migration pré-polynésienne (hommes de type négroïde de
petite taille6) mais les quelques spécialistes qui se sont penchés sur la
question considèrent qu’il ne s’agit que de classiques vestiges.
Ce qu’il y a de sûr, c’est que les nombreuses cavernes souterraines
contenant de limpides nappes d’eau (certaines avec de magnifiques stalactites), ainsi que l’exubérante végétation environnante ont, à une lointaine époque, constitué un excellent terrain d’occupation et que l’île a
certainement dû héberger dans ses grottes et ses abris sous roche une
population relativement importante d’autant que, de par sa figuration,
l’île se révélait aisément défendable. Les plus facilement visitables des
grottes restant aujourd’hui la Vairoa, la Vaimarui, la Vairore, la Vairereao,
la Vaitepapa, la Vaiterupe et la Vaitepiha
L’histoire en forme de légende, racontée au début du XXè siècle par
les rares natifs de Makatea, veut que la guerre ait été de mise avec d’autres habitants des Tuamotu en particulier ceux de Anaa et aussi de Mehetia (îles-du-Vent) qui venaient peut être chercher là des endroits propices
N.d.l’ed. Il existait à Tahiti des gens qu’on appelait des piri mato, (qui se collent aux rochers), des varappeurs en quelque sorte, dont une des missions était de transporter des ossements contenus dans des troncs
évidés pour les cacher dans des anfractuosités de falaises abruptes. Ces caches servaient à protéger les ossements de profanations pour raisons multiples.
6
Cf. Villaret.
5
18
�Le train et tous ses wagonnets.
La motrice et ses conducteurs.
�au repos de leurs morts. Il semble en effet que cette île soit avant tout
l’antre de la mort, le lieu de rendez-vous privilégié de tous les tupapa’u,
spectres et autres zombies de l’Océanie. C’est sans doute pour cela qu’entre 1842 et 1851 y furent envoyés tous les « indésirables » de Tahiti…
Pour mener à bien l’extraction de phosphate il faut bien évidemment autre chose que l’eau claire des grottes et ce sont, avec la difficulté
d’approche des navires de chargement, les deux principaux problèmes
que la direction de la Compagnie a à résoudre au milieu de bien d’autres
légèrement moins cruciaux. L’acharné M. Touze vient à bout de tous les
problèmes et quand, en 1921, il abandonne la direction pour prendre en
France la place d’administrateur délégué au siège de la société, il aura en
12 ans vu Makatea prendre vie et se développer.
Le minerai se présentait sous forme de sable phosphaté ou en
couches dures stratifiées. Son extraction se pratiquait à ciel ouvert à la
pelle, la pioche, le seau et la brouette. La forme de cette brouette qui servait d’unité de base pour calculer la paye des ouvriers, fut d’ailleurs plusieurs fois remaniée ; la dernière mouture dont la cuvette était encastrée
dans la roue permettant un transport de 100 kg de moyenne. Il fallait la
conduire en équilibre sur des planches pour aller répandre sa charge sur
les nombreux et bruyants tapis roulants qui déversaient le tout dans les
wagonnets répartis le long des voies longeant les différentes parcelles de
l’exploitation (Pehunia, Pinacles, Potholes,...). Les manoeuvres qui étaient
payés au rendement, arrivaient à extraire chacun jusqu’à cinq tonnes de
minerai par jour. D’importantes infrastructures furent assez rapidement
montées : une usine de séchage fonctionnant jour et nuit, une centrale
électrique comprenant d’abord un énorme groupe Sulzer remplacé
ensuite par trois groupes électrogènes de 300 KW, environ 7 km de lignes
de chemin de fer, une gare de triage avec château d’eau dénommée
« Falaise », un funiculaire, une jetée métallique de 50m au-dessus du
niveau de la mer d’où le phosphate était d’abord déversé dans des paniers
embarqués dans des chalands faisant la navette entre la côte et le bateau
acheteur. Il avait fallu creuser une passe artificielle dans le récif mais elle
ne permettait que le passage de ces petits chalands et le remplissage des
minéraliers demandait 3 à 4 jours. Aussi la création en 1954, pour un
20
�La motrice sortie des rails.
Problème de relèvement.
�coût de 120 millions, d’une immense jetée métallique avec un encorbellement de 106 mètres de portée, sur la mer au-delà du récif permit de
déverser directement dans les cargos 500 tonnes de minerai à l’heure et
s’avéra la plus utile et la plus rentable des réalisations techniques (cet
immense pont métallique fut conçu par M. Caquau, celui-là même qui
dessina le pont de Tancarville).
Si dès le début de l’exploitation les petits trains étaient tractés par des
machines à vapeur rachetées à une compagnie de phosphate marocaine,
elles furent assez rapidement remplacées par des motrices au diesel,
celles du port de Temao ayant déjà servi sur la ligne Maginot et exigeant
un écartement de rails différent.
Le site de Vaitepaua, vaste plateau au-dessus de Temao et qui ne comprenait que quelques cases indigènes, devint le centre de vie principal. F.
Doumenge le décrit comme un ensemble bocager assez lâche, avec des
bungalows et des bâtiments collectifs à un étage répartis au milieu de
pelouses et de jardins fleuris où poussaient quelques arbres fruitiers. Les
employés disposaient de leur propre logement tandis que les ouvriers célibataires étaient groupés dans des dortoirs. Les réfectoires et foyers étaient
accessibles à tous ; il était possible d’y faire de la cuisine mais il y avait aussi
3 restaurants chinois et de nombreux marchands ambulants... C’était au
milieu du village que se tenaient le siège et les bureaux de la Cie mais aussi
les administrations (poste, gendarmerie) et les services sociaux (hôpital,
école, cercle de réunions, bâtiments religieux, cinéma, bibliothèque, court
de tennis, station radio et station météo...) Deux autres lieux de vie furent
créés à Temao près du débarcadère où logea une partie de la main-d’oeuvre et à Moumu, l’ancien village, totalement à l’opposé et où vivaient
quelques agriculteurs et où, malgré le manque de plage, venaient se reposer les cadres durant les dimanches, certains de ceux-ci n’hésitant d’ailleurs pas à se rendre en villégiature dans l’atoll de Tikehau à 70 km de là.
En 1933, une nappe phréatique est atteinte lors d’une extraction à 50
mètres de profondeur, le pompage étant assuré par une éolienne mais
cela ne fournit pas assez d’eau douce pour la consommation et chaque
habitation est équipée en plus de citernes pour recueillir et stocker l’eau
de pluie.
22
�Gare de la Falaise.
Activité portuaire.
�De 1906 à 1966, des milliers d’hommes de tous horizons travaillent
sur ce chantier. Outre les ouvriers, techniciens et cadres de la compagnie, c’est une véritable fourmilière où se croisent toutes les ethnies avec
ses magasins (alimentation, boulangerie, boucherie (et abattoir !) blanchisserie, coiffeur...) ses églises, ses temples et même ses cimetières. En
1963, L. Molet fait le décompte des religions représentées à Makatea sur
2400 personnes encore là à cette dernière époque : Témoins de Jéhovah,
Adventistes du 7ème jour, Mormons et Kanitos (250), Catholiques (350),
Protestants (1500), sans tenir compte des Bouddhistes et autres religions
asiatiques des premiers arrivants. Un pasteur, deux diacres, un katekita
et des prêtres itinérants font en sorte de gérer toutes ces communautés.
Les salaires sont très disparates. En 1962 les ouvriers gagnent entre
6000 et 10 000 Frs par mois, les ouvriers spécialisés (mécanique, électricité, forge, fonderie, maçonnerie...), entre 7000 et 15 000 Frs, les
agents de maîtrise entre 15 000 et 22 000 Frs et les cadres entre 25 000
et 50 000 Frs. Pour tous viennent s’ajouter à cela heures supplémentaires
et primes diverses. Tous ces salaires étant évidemment bien supérieurs à
ceux pratiqués à Papeete.
En tant que délégué de la Fédération des Sociétés Sportives présidée
par le docteur Cassiau, Hubert Mulliez (qui fut l’un des derniers à quitter Makatea) organise durant les week-ends des tournois sportifs (football, volley, basket et même concours de pêche...), sans compter les
groupes de danse qui participent souvent au Tiurai de Papeete. Certains
géologues du dimanche ont parfois la chance de ramener quelques fossiles, évidemment phosphatés, principalement des dents de requins déjà
de belle taille et d’un joli noir brillant. Hors travail, on se déplace à bicyclette et le réparateur de vélos n’est jamais au chômage.
La compagnie avait évidemment besoin de son propre bateau. Ce sont
d’abord des goélettes : La Cholita (1903) 190 tx, L’Océanien (1920) 308
tx, et enfin L’Oiseau des Iles I, un voilier trois-mâts de 400 tx acheté à Nantes
en 1935 et dont la mission principale est de faire la navette des travailleurs
recrutés pour un an (entre 160 et 180 personnes par voyage) entre Makatea et tous les archipels des EFO mais aussi les Cook, avec un agent recruteur et un médecin pour les visites médicales. Son autre fonction étant le
24
�La première digue.
La centrale et son responsable.
�ravitaillement de l’île en nourriture et marchandises. Bien qu’assez mal équilibré, ce bateau qui mettait environ 12 heures pour joindre Tahiti et Makatea, assurera son service au milieu de nombreuses aventures jusqu’en 1957
date à laquelle il sera vendu à un Mexicain pour être transformé en yacht de
tourisme. Le dernier bâtiment de la Cie sera L’Oiseau des Iles II un caboteur
de 48m de long acheté neuf à La Pallice en 1956. Le commandant R. Argot
qui commanda quelque temps le premier Oiseau des Iles raconte des anecdotes très romancées sur les voyages effectués par ces bâtiments dans les
Mémoires de l’histoire d’une revue maritime. Il semble cependant que
c’était bien durant les trajets effectués par ces bateaux qu’il était possible de
récolter quelques confidences mettant en exergue les rancunes et jalousies
qui ne manquaient évidemment pas de régner parmi tout ce petit monde.
La main-d’oeuvre change sans cesse d’origine avec des majorités
plus ou moins marquées suivant les époques. On compte par exemple
250 Japonais en 1911, 287 Annamites et 272 Chinois en 1926. Les originaires des Cook sont 351 en 1944 et font des pieds et des mains pour
revenir après leur premier contrat car ils vivent alors bien mieux que chez
eux et gagnent infiniment plus d’argent ; avoir été à Makatea constitue
d’ailleurs pour eux une promotion sociale. Il faut attendre 1956 pour voir
une majorité de travailleurs de Polynésie française (EFO à l’époque) soit
563 employés, ouvriers ou administratifs. Les hommes originaires des
îles Australes, ayant la réputation d’une grande force, étant particulièrement ciblés...
Au plus fort de son activité, la C.F.P.O. emploie quelque 2000 personnes et il est bien évident que la gestion d’une telle population aux origines si disparates n’est pas une mince affaire. Un seul gendarme doit
assurer l’ordre et la discipline et ce n’est pas là une sinécure même avec
l’aide d’un ou deux muto’i supplétifs d’autant qu’il lui faut également assurer le service postal, la maîtrise du port et une infinité d’autres fonctions
plus ou moins officielles car il est aussi le représentant de l’Etat. Un des
muto’i les plus marquants et pourtant auto proclamé, fut le dénommé
Lazare (de son vrai nom Tehei a Teahoro), ancien diacre de belle allure,
toujours habillé de blanc, très respecté de tous et qui prenait un plaisir évident autant dans la calligraphie des papiers officiels que dans le collage des
26
�Le village de Moumu.
L’extraction commence à la porte du village.
�timbres poste sur le courrier. Bien que les commerçants chinois n’aient
pas le droit de vendre de boissons alcoolisées, le « Cercle » des cadres en
a, lui, le droit et il y a évidemment toujours des risques de fuite... Il faut
régler avatars et conflits en tous genres. Les accidents ne sont pas rares,
les bagarres relativement fréquentes pouvant parfois déboucher sur des
meurtres (affaire Louis Gooding - Terii Richmond). Certains avantages
attribués à la direction et aux cadres, déjà particulièrement bien payés,
attisent rancunes et jalousies et l’ambiance générale s’en ressent.
Dès le début de la guerre de 1914, la canonnière Zélée vient appréhender à Makatea le minéralier allemand Walkure (dont le commandant
n’était même pas au courant du conflit !) Ce fait traumatise quelque peu
les habitants et la peur s’installe après le bombardement de Papeete. Le
rythme du travail et la production de phosphate diminuent sensiblement
d’autant que beaucoup de Polynésiens se portent volontaires pour partir
avec le Bataillon du Pacifique, ce qui provoque une coupe sombre dans le
lot des travailleurs. Il ne reste alors quasiment plus que des étrangers, principalement des Japonais dont le nombre oscille entre 250 et 300 jusqu’en
1925. La guerre de 1939-1945 amène aussi quelques troubles, la direction
se trouvant tiraillée entre les lointaines et inefficaces directives de Paris et
les vétilleux contrôles de l’administration locale. Il faut d’abord opter pour
le ralliement à la « France Libre » ou non. La majorité des travailleurs n’a
pas vraiment d’idée sur la question et la plupart répondent qu’ils sont là
avant tout pour travailler et gagner salaire et que cette guerre lointaine ne
les concerne pas... d’où quelques renvois intempestifs de certains éléments
qui sont remerciés et renvoyés à Tahiti où l’atmosphère n’est guère meilleure. Le dénommé J. Wilmet, correspondant de la Cie à Papeete, se voit
convoqué le 1er juillet 1941 chez le juge d’instruction, inculpé « d’avoir
exercé une influence fâcheuse sur l’esprit de l’armée et des populations »
(sic). La majorité du courrier passe par le contrôle civil et militaire et beaucoup de lettres, même de Papeete à Papeete, sont ouvertes par la censure...
La C.F.P.O. est pourtant durant cette période la seule source de revenus des EFO. Mis à part le Japon, les clients pour le précieux minerai
restent les USA (Honolulu), l’Inde mais surtout l’Australie et la NouvelleZélande qui en échange ravitaillent Tahiti en blé et en produits alimentaires.
28
�La fanfare du dimanche.
Rassemblement de cadres.
�D’autre part les salaires que la Cie verse à son personnel en Polynésie rentrent en grande partie dans le circuit monétaire du Territoire.
Bien que tout le personnel soit pratiquement logé et nourri par la
C.F.P.O. et que les soins soient également gratuits, la disparité reste
grande entre les ouvriers et les cadres qui jouissent d’importants privilèges, ne serait-ce que le droit de boire des alcools forts alors que les
ouvriers n’ont droit qu’au vin et à la bière et certains jours seulement.
En 1920, R. J. Fletcher, écrivain Néo-Hébridais qui se trouve embauché
par la Cie comme secrétaire et météorologue, a laissé quelques écrits sur
la mentalité régnante et les rébellions sporadiques des travailleurs dont
le labeur s’avère quand même épuisant. La première grève signalée est
celle du 11 septembre 1947, orchestrée depuis Tahiti par « L’Union territoriale des syndicats chrétiens » ayant Franz Vanizette à sa tête. Ce n’est
qu’en 1957 que se crée un syndicat local évidemment mal venu sur un
chantier que la direction a, jusqu’à présent, gouverné sans partage. La
première action syndicale est de réclamer une majoration de salaire
pour les mécaniciens de la centrale électrique obligés de travailler par
roulement la nuit et les jours fériés. Dans un premier temps la direction
accepte cette majoration mais se rétracte aussitôt ce qui entraîne un
mouvement de grève à rebondissements, les responsables de la Cie menaçant de faire intervenir les forces de l’ordre de Tahiti. Le conflit ne
s’apaise qu’au bout d’un mois de tractations et l’intervention de l’inspecteur général des colonies, du gouverneur et de M. Ahnne l’administrateur des Tuamotu-Gambier occupant également à l’époque la fonction
d’inspecteur du travail. Le rapport du sociologue L. Molet (ORSTOM
1964) parlant de « l’influence heureuse » de l’expérience Makatea sur
l’évolution économique et « sociale » de la Polynésie française paraît
alors dans le contexte quelque peu déplacé.
C’est malgré tout grâce à ce syndicat que la « Caisse de Compensations des Prestations Familiales des Etablissements Français de l’Océanie » (future CPS7) voit le jour. Elle est chargée d’assurer la gestion et le
paiement des prestations familiales des salariés de Makatea.
7
Caisse de Prévoyance sociale
30
�Le plus beau fare de Makatea.
Le store après le travail.
�Le gisement diminuant malgré tout au fur et à mesure de la modernisation des installations et la concurrence des phosphates de Nauru et de
Floride s’avérant de plus en plus compétitifs, les besoins en personnel
diminuent à partir des années 1930 et il ne reste plus en 1960 que 650
employés, tous Français de Métropole ou de Polynésie. Beaucoup de Chinois ayant économisé un petit pécule demandent et obtiennent généralement l’autorisation de se fixer à Tahiti ou dans d’autres archipels. Les
Annamites du début repartent par contre à peu près tous en Indochine ou
en Nouvelle-Calédonie où ils s’installent durablement. Il faut dire qu’une
partie de leur salaire était obligatoirement versée, par le biais de timbres
« pécule », sur un livret spécial délivré à la signature de leur contrat afin
qu’ils ne dépensent pas tout leur argent et qu’ils en aient assez pour
retourner chez eux.
1965 fut la dernière année d’exploitation. Le chantier avait fourni en
60 ans un total de 11,2 millions de tonnes de minerai (12 000 en 1908,
38 000 en 1960); le village de Vaitepaua représentait lui-même le dernier
carré exploitable, le chantier s’arrêtant juste à sa porte. Tandis que l’île
comptait 2273 habitants en 1962, il n’en restait plus que 60 au début de
1967, la plupart propriétaires terriens, agriculteurs pêcheurs à Makatea
même. C’est le 21 octobre 1966 que L’Oiseau des Iles II rapatria sur
Papeete les 50 derniers ouvriers ainsi que la mission des TP 8 dirigée par
M. Bonnard avec un détachement de l’armée d’une trentaine d’hommes
(BIMAT) et d’un soutien médical en la personne du Dr Bagnis, venu inspecter les installations et récupérer ce qui pouvait encore l’être car, pour
un franc symbolique. La C.F.P.O. avait « cédé » installations et matériel au
Territoire qui n’en aura cure, ne sauvant même pas les belles locomotives qui caractérisaient pourtant un demi-siècle de prospérité et que le
C.E.P.9, avec ses énormes moyens, aurait sans doute pu ramener à Tahiti
pour en faire des monuments ou... pourquoi pas, une attraction mobile..?
(un petit train fonctionnait encore là-bas en 1974 !) Seuls, le central
8
9
Travaux Publics
Centre d’Expérimentation du Pacifique
32
�Le repas du dimanche.
Les traditions ne se perdent pas.
�téléphonique, plus moderne que celui de Papeete, fut récupéré par le
directeur des Postes de l’époque, M. Porcher, et réinstallé à la recette
principale de Papeete et le cinéma Bambridge se vit remonté à Papeete
d’abord sous le nom de Rex puis sous celui de Liberty. Le grand hangar
sur le quai de Papeete disparut en 1967, ainsi que l’immeuble de la
C.F.P.O. à l’emplacement duquel se montera l’hôtel Royal Papeete.
Une partie des ouvriers et employés qui avaient acquis là-bas un vrai
savoir- faire seront réembauchés par les Travaux Publics à Tahiti et par le
CEP pour les différents sites d’expérimentations alors en pleine installation pendant que certains autres partiront travailler en Nouvelle-Calédonie dans les chantiers du nickel.
Outre des restes rouillés, l’île a également conservé des milliers de
trous où l’eau qui y stagne constitue de parfaits gîtes à moustiques, lesquels ont toujours pullulé, entretenant un état quasiment endémique de
filariose et éléphantiasis. Depuis 1984, l’Institut Malardé envoie périodiquement des agents pour y introduire des toxorhynchites, sortes de gros
moustiques inoffensifs pour l’homme et dont les larves carnivores se
nourrissent uniquement de larves des autres moustiques.
La nature a tellement repris ses droits que l’on ne distingue plus
guère aujourd’hui les crevasses artificielles dont certaines peuvent atteindre une profondeur de plus de 20m. Le kaveu, ce crabe de cocotier à la
chair savoureuse qui avait vu son royaume envahi, commence à y reprendre ses aises et les tupapa’u peuvent enfin réoccuper l’espace et se relivrer à leurs facéties y compris dans les ruines des villages où le vent en
s’engouffrant génère nuitamment des bruits et autres lugubres musiques.
Même les anciens cimetières disparaissent sous les purau et hautes
herbes en tous genres. L’île qui était considérée par beaucoup comme un
désert végétal contient en réalité à peu près toutes les plantes de l’Océanie qui s’y trouvent maintenant bien protégées et la tourterelle verte peut
s’y cacher à nouveau.
En 1999, l’Association pour le respect des contribuables (ARDEC)
proposa l’installation d’un centre d’enfouissement technique (CET) pour
les déchets de Tahiti, proposition qui n’eut heureusement pas de suite. On
entendit aussi parler de raffinerie de pétrole, de centre pénitencier,
34
�La route de Moumu.
�d’élevage de moutons et enfin de la création d’une piste d’aviation et d’un
petit aérodrome...
L’immense passerelle de 300 mètres, appelée par certains « le dinosaure d’acier » et par d’autres « le golden gate », considérée en 1928
comme une des réalisations techniques les plus avancées de l’époque,
subissait grandement, depuis la fermeture du chantier, les atteintes du
temps et de la mer et risquait de devenir dangereuse. Aussi fut-il fait appel
à la société Palacz en juin 1988 pour la faire disparaître. Plus de 500 kg
d’explosifs furent nécessaires pour en venir à bout.
Bien peu de touristes se rendent aujourd’hui à Makatea dont l’accès
s’avère toujours aussi délicat. L’île n’est desservie, plus ou moins régulièrement et suivant la météo, que par deux bateaux par mois. Seules
quelques rares expéditions sont organisées par des groupements polynésiens, la plupart du temps composés d’anciens ou de fils d’anciens qui
ne peuvent que constater la décrépitude galopante de ce qui constitua,
avec le C.E.P., deux des plus extraordinaires chantiers industriels et aventures humaines du XXè siècle.
On reparla un peu de Makatea lorsque fut envisagé l’extraction du
phosphate de l’atoll de Mataiva mais ce fut surtout pour regretter l’abandon de tout le matériel de la C.F.P.O.
Curieusement, Makatea et son histoire sont bien connues des collectionneurs de cartes postales et des philatélistes. Clément de Balmann
qui travailla comme comptable à la Cie de 1910 à 1917 réalisa en effet un
certain nombre de photographies sur Makatea et ses activités et les fit
éditer en cartes postales et cartes lettres très recherchées de nos jours.
Christian Beslu
36
�Funéraille d’un japonais.
Le chocolat Suchard s’invite à Makatea.
�BIBLIOGRAPHIE
BESLU Christian - Makatea, une grande aventure de 60 années - Dixit 2002 (éd. Créaprint)
BESLU Christian - Makatea, l’île aux curiosités (Timbroscopie de mars 1990) - Articles parus dans différents quotidiens (Journal de Tahiti - La Dépêche - Les Nouvelles).
CAZASSUS Gauthier - Makatea, l’île fantôme - (revue Tahiti Magazine)
DANTON Hervé (1993) Makatea - (bulletin de la SEO N° 258/259)
DROLLET Félix - Makatea et la C.F.P.O. - (bulletin archives de PF)
GLEIZAL Christian (1988) Dictionnaire illustré de la Polynésie française - (édition de l’alizé)
O’REILLY Patrick et REITMAN Edouard (1967) Bibliographie de Tahiti et de la Polynésie française (Société des Océanistes N°14)
VÉRIN Pierre (1962) - Notes archéologiques sur Makatea - (BSEO N°132)
VIREMOUNEIX Jean (1997) - Makatea - (éd. Scoop)
Les illustrations sont dans leur majorité faites à partir de clichés photographiques de C. de Balmann et
L. Gauthier, G. Cazassus (coll. M. M. Fayadat, Beslu).
Un grand merci à M. Bonnard pour ses renseignements et commentaires
et à M. Fayadat pour son prêt de photographies.
38
�Les machines-outils sont désormais envahies par la végétation,
et le seul chemin de fer du Pacifique a succombé à la rouille.
�Makatea & la philatélie
Marcophilie
L’installation d’un tel chantier exigeait bien évidemment la création
rapide de supports logistiques en tous genres parmi lesquels un service
postal, nécessaire non seulement pour le courrier officiel de la compagnie avec le bureau de Papeete et le siège social parisien mais également
pour les milliers de travailleurs venant d’horizons très différents et qui
tenaient bien évidemment à rester en relation avec leurs lointaines
familles.
En attendant l’arrivée d’un véritable timbre à date, le fonctionnaire
chargé du courrier appliqua comme oblitération sur les timbres le nom
de Makatea, écrit à la plume, suivi ou non de la date et avec même quelquefois sa signature. Il se fit faire ensuite, ou bricola lui-même, un tampon en caoutchouc « Makatea » ajoutant la date à l’aide d’un cachet
dateur. Arrivèrent enfin, semble-t-il simultanément vers 1912, deux
cachets officiels aux noms de Moumu, le plus ancien village sur la côte
nord est de l’île et de Temao dans le nord ouest, où se trouvaient les installations portuaires.
A la suite du cyclone de 1926 qui ravagea le secteur de Temao un
seul bureau de poste fut installé dans le village de Vaitepaua nouvellement
établi sur les hauteurs avec un autre timbre à date portant l’intitulé « VAITEPAUA / ILE MAKATEA » qui perdura jusqu’à l’arrêt définitif de l’exploitation en 1966. Le cachet moderne, à la discrétion de la mairesse, est
ainsi rédigé : « VAITEPAUA MAKATEA / TUAMOTU ».
�Une enveloppe de la Compagnie des Phosphates.
Les timbres à date les plus rares.
�A cette marcophilie, déjà riche en rebondissements, il faut ajouter les
fameux « timbres pécules », timbres poste prélevés des stocks de la Poste
et surchargés « IMMIGRATION PECULE + la valeur (10, 20, 30 ou 60
francs) » distribués lors de la paye à chaque engagé asiatique sur les
grands chantiers des E.F.O. pour être collés sur un livret individuel afin de
constituer une réserve en cas de fin de contrat, abandon de travail ou
décès.
Christian Beslu
42
�Les échos de la guerre 1914 - 1918
�Les ravages de la grippe espagnole.
�Les timbres pécules avec lesquels les travailleurs
étaient payés en partie.
�La chasse aux sorc!ères.
�Un Procès Verbal signé Lazare.
�Carte archéologique de Makatea.
�Inventaire historique
et archéologique de Makatea
en 2005
En novembre 2005, sous la direction de la Délégation à la
Recherche, une mission malacologique, archéologique et ornithologique
fut effectuée sur Makatea. Ce fut également l’occasion pour les membres
des associations culturelles Te Rau ati ati et Tuihana, de réaliser un inventaire du patrimoine culturel de l’île.
Makatea, île de 30 km2, se trouve à 245km au nord-est de Tahiti.
Elle est située au 148°15’10’’ ouest et 15°15’05 sud. Surélevée, elle
mesure 7km sur 4,5km et a la forme d’un croissant. Les côtes nord-ouest
et nord-est présentent les baies de Moumu et Temao. Une partie de l’île
est entourée d’un récif frangeant situé à 100m à l’extérieur du pied des
falaises. Le plateau supérieur s’élève à en moyenne 60-75m ; l’actuel village Vaitepaua se situe au nord. Le plus haut point Puutiare culmine à
110m.
L’île est essentiellement constituée de feo, mot pa’umotu qui désigne
les blocs de corail surélevés, aux pentes abruptes, soumis à l’érosion
aérienne et aux formes dentelées caractéristiques. La roche calcaire qui
constitue l’île est aussi appelée makatea.
L’épaisse végétation qui occupe la cuvette de l’ancien lagon est essentiellement composée d’acacias, banyans, pandanus, miro, ahi’a, cocotiers, nono, toroea, tou, ti’anina, tohinu, kahaia, napata, mikimiki,
pitipiti’o, goyaviers et psilotum.
�Entre 30 et 40 personnes en saison basse et le double en saison haute
peuplent cette île. Ils habitent le village de Vaitepaua.
En 1930, l’archéologue Kenneth P. Emory du Bishop Museum de
Honolulu fut le premier à réaliser un inventaire des structures archéologiques. Il releva le marae Raiupu, le seul qui semblait avoir été conservé
à cette époque et nota la destructions de sept autres (Emory 1934 : 28).
En 1952, Bernard Villaret mentionne la présence d’une trentaine de
plates-formes disposées en arc de cercle (BSEO n° 100 : 421) à Puutiare.
De passage à Makatea en 1961, l’archéologue Pierre Vérin (BSEO n°
132 : 52) n’a pas retrouvé les structures recensées par Emory, mais il
visite des abris et grottes funéraires.
L’exploitation du phosphate à Makatea au début du XXè siècle, a laissé
des trous béants en surface. Notre prospection s’est effectuée dans des
conditions très difficiles de par l’environnement et l’état du terrain très
abîmé et de par la difficulté à se rendre dans les points extrêmes. En effet,
pour se rendre à un autre bout de l’île, le passage obligé par le récif frangeant dépendait de l’état de la mer. Certaines parties de l’île n’ont pu être
visitées car parfois inaccessibles.
Certaines zones n’ont révélé aucun vestige archéologique de surface.
Les travaux de construction pour l’exploitation du phosphate ont probablement détruit les vestiges archéologiques mentionnés par la tradition
orale et notifiés par Emory (1934 : 28).
Vestiges historiques
Plusieurs vestiges datant de la période de l’exploitation du phosphate
sont présents. Certaines plates-formes en dalle de corail ont servi de soubassement pour les constructions de la période européenne.
L’usine de traitement et de réparation des engins tels que le train,
est toujours là. Les machines sont encore en place ainsi qu’un groupe
électrogène, un garage pour l’entretien des trains et les appareillages pour
la ferronnerie.
Un train et les wagons sont sur le bord du chemin.
La maison de l’ancien directeur est une construction d’architecture
50
�Type de mur en feo.
�victorienne. Elle est occupée par l’ancienne mairesse de l’île. Le bâtiment
est en mauvais état et risque de s’effondrer à tout moment. L’ouvrage est
pourtant très typique de la période coloniale et pourrait être restauré
pour témoigner d’une période historique de Makatea.
Un four à pain, le premier construit dans l’archipel des Tuamotu, se
trouve à côté de la maison d’architecture victorienne.
Les vielles bâtisses sur le quai de Temao sont envahies par les acacias et ti’anina.
De nombreuses tombes portent des inscriptions en caractères asiatiques. Ces sépultures coexistent avec des tombes de communautés différentes sur la face sud.
Sites naturels
Les grottes se trouvent au pied de la falaise. Certaines sont reliées
par des tunnels. La plus grande et la plus importante s’appelle Vairoa.
L’accès s’effectue par une entrée bien aménagée ; un escalier permet d’y
accéder. La source d’eau se trouve à 40m au-dessous du niveau de la mer
et est potable. Une stalactite de la grotte a été surnommée « patte d’éléphant » à cause de sa forme particulière. Certaines pierres de la source
et des grottes ont été taillées. Certaines grottes renferment des sépultures
et se trouvent sur des falaises autour de l’île.
Le pa est une formation naturelle utilisée comme poste de défense
en cas d’invasion ennemie. C’est une falaise de formation géologique en
makatea de 60 à 70m de hauteur. Mes informateurs racontent que les
combats livrés par les aito de l’île contre les légendaires guerriers parata
(de Anaa) ont été féroces. Les combattants parata avaient beaucoup de
mal à escalader le mur et étaient donc obligés d’emprunter le seul passage accessible, le « sentier des ancêtres », où les hommes de l’île s’y
embusquaient.
Le sentier des ancêtres. Le chemin actuellement utilisé par les
habitants pour se rendre dans l’ancien village de Moumu aurait été aménagé par les « Anciens ». C’est un passage en pente de 50° approximativement, large de 7m et long de 100m. Cet ouvrage a été réalisé en brûlant
le feo. C’est le seul passage entre Vaitepaua et Moumu.
52
�Marae Ra’i upu.
�Sites archéologiques
Dans les alentours de Puutiare, des alignements de pierres et des
plates-formes ont été répertoriés.
Sur la face nord-ouest du mont Puutiare, deux alignements de pierres
sont constitués de deux assises en opus incertum. Ces alignements mesurent entre 5 et 7m de long et 30 à 40cm de haut. Plusieurs trous situés à
proximité de ces structures montrent que le site a été exploité durant la
période du phosphate. La tradition orale mentionne la présence d’un
marae dans le secteur que nous avons cherché sans succès. Il a donc
probablement été détruit lors de l’exploitation du phosphate. Les ouvrages
font face à Tikehau.
La série de plates-formes relevées par B. Villaret n’a pas été retrouvée. De même, plusieurs plates-formes contenant des crânes sont décrites
par un habitant de l’île (Henri Vairaaora comm. Pers.) Notre prospection dans le secteur ne nous a pas permis de les retrouver.
Du village de Vaitepaua jusqu’à l’ancien village de Moumu, plusieurs
structures ont été répertoriées.
Le village de Moumu
L’ancien village de Moumu se situait sur la face est de l’île. Il détient
un élément vital dans l’organisation des habitats anciens. Son originalité
est que le sol contient de l’eau potable. Ce trésor rare dans les Tuamotu
montre clairement que cette zone a pu être occupée anciennement.
Par ailleurs, il semble que Makatea était une escale importante pour
les voyages vers Tahiti. Aux alentours du village de Moumu se trouve une
zone archéologique. Au pied de la falaise, on observe la présence de plusieurs vestiges. Il s’agit soit des maite, soit de plates-formes ou des murs
de soutènement. Pour plus de clarté, les vestiges sont décrits par type, bien
évidemment, les structures décrites sont celles qui sont en état et visibles.
Les maite
Les fosses se trouvent sur le côté sud de la route. Ces ouvrages présentent des mesures et des formes très variées. Ainsi ils peuvent être de forme
ronde ou rectangulaire. La profondeur des maite varie entre 2 et 4m.
54
�Elie Poroi au marae Ra’i upu.
Ahu Ra’i upu et pierre dressée.
�Les murs
Proches de la falaise, de part et d’autre de la route principale, on
remarque la présence de parements en opus incertum. Ces murs mesurent parfois plus de 100 à 150m de longueur. Leur hauteur varie entre 50
à 80 cm. Ces parements simples peuvent par ailleurs délimiter des enclos
quadrangulaires. A l’intérieur de ces structures, on remarque la présence
d’alignements de pierres posées sur chant ou de monticules de cailloutis, en moyenne longs de 5m et larges de 80cm. Des plates-formes se
situent quelques fois à l’intérieur de ces enclos. Occasionnellement pour
la construction du parement, des dalles coraliennes servent d’assises. Les
pierres de formation naturelle et en place ont été utilisées pour la
construction de ces murs souvent proches des points d’eau.
Les plates-formes
Celles inventoriées pendant la prospection sont de différentes dimensions. Les structures recensées étant trop nombreuses pour être toutes
décrites, seules deux, une au nord et une au sud de la route, ont fait l’objet d’une étude plus détaillée. Ces structures ne présentent pas les mêmes
caractéristiques.
L’une située au-dessus de la grotte est en bon état. Elle mesure 8m
par 5m pour 80cm de haut. Elle est entièrement pavée.
L’autre, proche de la grotte au nord mesure en moyenne 11m par
8m. Elle a été aménagée sur la roche naturelle. Sa hauteur varie selon le
pendage du sol, allant approximativement de 40 à 80cm du sol. Une entrée
se situe sur la face sud-est. Le matériau de construction est essentiellement constitué de gros blocs de feo.
La plate-forme au sud de la grotte mesure 4mx4m. Les murs sont formés par des grandes dalles coraliennes. Le remplissage est composé de terre
et de cailloutis ; cette structure est posée sur un monticule de 2m de haut.
La superficie de 16m2 est une niche idéale pour un arbre tel que le tohinu.
Les murs de soutènement
Ils se trouvent au pied de la falaise. Ils ont servi de terrasse d’aménagement pour certaines structures. Les longueurs et largeurs sont diverses.
56
�Marae Teniania.
�Le marae Raiupu
Cette structure a été inventoriée par K.P. Emory (1934 : 28). C’est
par ailleurs l’unique structure dont il a fait un croquis. P. Vérin (1962)
écrivait lors de son passage sur l’île : « l’existence de Ra’iupu n’était
même plus un souvenir. » Or, d’après notre relevé détaillé de ces vestiges
lithiques, nous avons observé qu’il correspond à celui réalisé par Emory.
Le marae Raiupu existe donc toujours.
L’accès par la route se fait par un chemin mesurant 80m de long et
large de 80cm. Des trous sont présents aux alentours. Le marae s’étend
sur 16 x 18m.
Orienté est-ouest, le ahu du marae est une plate-forme rectangulaire mesurant 7m de long et 2,20m de large et 65cm de haut en
moyenne. Le matériau utilisé est essentiellement du makatea. Depuis le
passage de Emory, la structure a été endommagée par la végétation.
Dans l’angle nord-ouest, des fragments d’ossements broyés sont présents. La partie proximale d’un fémur est conservée et mesure 10cm.
C’est le seul élément reconnaissable. Quelques fragments de cervicales
étaient enveloppés dans une mousse végétale. Un triton et un corail
branchu (Acropora) ont été trouvés associés à ces ossements. Dans
l’angle sud-ouest, se trouvent également des ossements broyés ; seules
subsistent une mandibule et la partie proximale d’un humérus. Un triton est aussi associé à ces ossements. Les ossements dans cet angle se
trouvaient sous un pandanus.
Des plaques de makatea mesurant en moyenne 40 à 50cm de long
et 65cm de haut constituent les faces nord et est de la structure. La face
sud est formée par des pierres de taille moyenne qui semblent être tombées sur le mur de soutènement arrière. Le côté ouest est composé de
pierres de tailles moyennes. Certaines d’entre elles sont posées sur chant.
Deux pierres dressées se situent au centre de la structure. Le ahu est rempli de roches de taille moyenne.
Accolée au ahu se trouve une plate-forme quadrangulaire de 1,20m
de long, 80cm de large et 20cm de haut. Une pierre dressée se situe à l’intérieur de l’ouvrage et mesure 60cm de haut et 35cm de large. Les pierres
de bordure sont posées sur chant.
58
�N°314 - Décembre 2008
Une plate-forme quadrangulaire de 30cm est située à l’opposé du
ahu. Une pierre dressée de 60cm de large et 40cm de haut est placée
au centre. Un fragment de cervicale se trouve à proximité de la pierre
dressée.
Plusieurs pierres dressées sont situées dans la cour. L’une d’elles a
une forme particulière en effet, elle ressemble à ce que l’on retrouve sur
les marae des Tuamotu (Emory 1934 : 8, fig. 5 n°4). Cette pierre mesure
90cm de haut et 70cm de large à la base. Cinq pierres dossiers se trouvent à proximité du ahu.
Un aménagement de pierres de tailles différentes, large de 80cm et
haut de 10cm débute au centre du ahu.
Il a été difficile d’identifier le mur gauche du marae car la végétation
a beaucoup endommagé les éléments en place.
Un nettoyage de la cour a permis de mettre au jour un pavage. Ce
pavage est bien conservé malgré le dépôt d’humus. La surface pavée
s’étend sur une superficie de 648m2. Le matériau de ce pavage est caractérisé soit par de gros blocs plats comme ceux trouvés à proximité du
ahu, soit par des pierres plates de taille moyenne.
Le mur droit du marae est délimité par un mur de soutènement haut
de 1m. Ce mur de gros blocs naturels mesure en moyenne 27m de long
et 1m de large. Des pierres disposées perpendiculairement au mur marquent un espace de 80cm de large.
Le mur antérieur mesure 23m de long et en moyenne 80cm de haut.
Le mur postérieur mesure 28m de long et est essentiellement constitué de
gros blocs.
Le marae Teniania
Il a été localisé sur la pointe du même nom et se situe en bordure de
la falaise. A l’origine, ce site n’a pas de nom et n’est mentionné dans aucun
texte. Ici, pour des raisons pratiques, ce marae a été nommé Teniania
parce qu’il se trouve sur la terre dite Teniania.
Le premier élément constituant le marae Teniania est un enclos de
4,10m de long et 2m de large. Les pierres de limite sont de gros blocs de
makatea mesurant en moyenne 1mx1m et posés à plat sur le sol. La
59
�façade sud de l’enclos est un alignement de pierres mesurant en moyenne
25 x 30cm. L’intérieur de l’enclos est rempli de terre et de cailloutis.
Un mur composé de deux à trois assises, mesure 7,60m de long et
environ 30 à 40cm de large. Ce mur est perpendiculaire à l’enclos et
rejoint un mur de soutènement dans le coin sud-ouest.
Accolé à l’enclos, un entassement de feo de petite taille forme une
structure de 1 x 1,50m en moyenne. A proximité se trouve une grande
pierre dressée de 105cm de haut, 55cm à la base et 65cm au sommet. Cette
pierre semble avoir été fracturée pour obtenir une forme particulière.
La cour du marae est une surface plane de 39,52m2, parfois pavée
de dalots de makatea. Le remplissage est essentiellement constitué de
cailloutis.
Les grottes funéraires
Comme l’a constaté Pierre Vérin, de nombreuses grottes funéraires
existent sur l’île. Toutefois, dans un souci de protection afin d’éviter tout
pillage et profanation, leur emplacement ne sera pas mentionné.
Conclusion
Cette approche trop rapide permet malgré tout de souligner la
richesse patrimoniale de l’île de Makatea. Contrairement à ce que l’on
pourrait penser, l’exploitation du phosphate n’a pas détruit tous les sites
préhistoriques comme en témoigne l’existence de nombreuses fosses de
culture (maite), les marae conservés et peut-être une partie de l’ancien
village de Moumu qui pourrait dater d’avant le contact avec les Européens.
L’exploitation du phosphate pendant plus d’un demi-siècle a laissé de
nombreuses traces sur l’île. Les carrières ont énormément dégradé le
patrimoine naturel et présentent souvent un danger pour qui s’y aventure. D’autres vestiges laissés à l’abandon, tels que l’usine, le wagon, etc.,
témoignent d’un moment important de l’histoire de Makatea et de la Polynésie française. Il est dommage de laisser ces témoins historiques se
dégrader jusqu’à ce qu’ils disparaissent. Comme les marae, ils représentent un moment précis de notre histoire qui ne doit pas être oublié.
60
�N°314 - Décembre 2008
Les structures relevées pendant la mission montrent que le travail
d’inventaire est important. Il est essentiel que des missions de recherche
sur le terrain continuent sur Makatea pour obtenir et compléter nos
données.
Les structures retrouvées dans l’ancien village de Moumu sont des
murs, des plates-formes et des fosses. Les structures avec du liant sont
toutes concentrées autour de l’église proche de l’océan.
Au pied de la falaise, ce sont des monuments sans liant, qu’il s’agisse
des murs ou des plates-formes. Ces structures ne sont pas simples à identifier et dater. Dans le cadre de cette étude, leur positionnement dans la
période pré européenne peut s’avérer erroné. Seule une fouille de ces
ouvrages pourrait déterminer leur date d’occupation.
La présence de fosses, maite, est avec les marae, un élément déterminant témoignant avec certitude de l’occupation humaine durant la
période pré européenne (Chazine 1985).
Les marae sont tous situés au sommet des falaises. Ce bref rapport
sur les deux structures cérémonielles encore en place n’est pas suffisant
pour une analyse concluante. Seule une étude approfondie pourrait
apporter des résultats pertinents.
Le patrimoine culturel que nous venons de décrire rapidement devra
être pris en compte et conservé (au moins les témoins les plus intéressants) dans les projets d’aménagement de Makatea en cours d’études. Si
certains éléments devaient être détruits pour permettre des aménagements modernes, ils devraient d’abord être étudiés pour compléter l’histoire de l’île qui est encore trop mal connue.
Paul Niva
Technicien en archéologie
61
�REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Elie Poroi qui m’a accompagné durant cette prospection ainsi que les habitants du village pour leur hospitalité et leurs précieuses informations.
BIBLIOGRAPHIE
CHAZINE J.M. (1988-1989) Les techniques de l’horticulture. Université de Paris I « Ethnologie préhistorique » - Laboratoire associé au CNRS –URA – 275 Rapport d’activité.
EMORY K.P. (1934) Tuamotuan stone structures. B.P. Bishop Museum, Bull. 118, Honolulu, Hawaii, p.
78.
GERARD B. (1978) Le marae : description morphologique. Cah. de l’ORSTOM, sér. Sci. Hum., vol. XV, n°4,
pp. : 407-448.
VERIN P. (1963) Notes archéologiques sur l’île de Makatea. BSEO tome XII n°2, N°139, pp. 51-56.
VILLARET B. (1952) Découvertes archéologiques à Makatea (Tuamotu). BSEO n°100 p. 421.
62
�Flore patrimoniale de l’atoll
soulevé de Makatea
Caractéristiques de Makatea
L’île de Makatea, appartenant à la commune de Rangiroa, consiste en
un atoll surélevé du fait du bombement du plancher océanique entre
Tahiti et le Nord-Est des Tuamotu. Sa formation géologique est liée à une
isostasie tectonique, lorsque la formation des volcans de Tahiti a provoqué une flexure portant l’ancien atoll en altitude. L’atoll culmine
aujourd’hui à 111 m d’altitude au mont Puutiare et possède une superficie émergée de près de 28,2 km² (Andréfouët et al., 2005). Erodé, dissous par les pluies, l’atoll est devenu un plateau de calcaire corallien où
des formations phosphatées se présentaient en affleurement à la surface
du sol au milieu des feo, colonnes de calcaire dur et stérile de composition magnésienne proche de la dolomie. Entourée d’un récif frangeant,
l’île n’a pas de véritable plaine littorale, mais est généralement bordée
par de hautes falaises.
Le phosphate y a été exploité de 1908 à 1966 sur près de la moitié
de l’île et sous la forme d’une extraction à ciel ouvert, la végétation ayant
été défrichée. Au plus fort de l’exploitation, plus de 3000 personnes habitaient l’île (Danton, 1993).
Ce soulèvement a conditionné son histoire humaine mouvementée
mais également sa richesse naturelle.
�Plage de Moumu.
�N°314 - Décembre 2008
Historique des prospections botaniques
Les premières récoltes botaniques connues de Makatea proviennent
de l’expert des pêches H.F. Moore qui visita l’île en 1899 et récolta au
moins cinq échantillons (numéros 261 à 265).
Néanmoins, le palmier endémique Pritchardia vuylstekeana était
déjà connu depuis 1883, date de sa description (Beccari & Rock, 1921).
Cela est confirmé par le journal du chirurgien de la Marine et botaniste
Jean Nadeaud qui cite en 1858 ou 1859 que Pritchardia pacifica est le
Umeume de Tahiti et le Tavevo de Makatea (Nadeaud, 1859)
Puis, en janvier 1921, les botanistes E.D.W. et F.B.H. Brown, ultérieurement rattachés à la Bayard Dominick Expedition, y collectèrent au
moins un échantillon, le numéro 174 (Brown & Brown, 1931).
En 1922, la Whitney Expedition s’arrêta sur l’île vraisemblablement
pour une seule journée (le 18 août). Les ornithologues E.H. Quayle et
W.B. Jones y récoltèrent à cette occasion 51 échantillons (numéros 854
à 905). Ils durent visiter l’île une seconde fois au milieu de l’année 1923
puisque le numéro 2241 semble y avoir été prélevé.
Ce n’est qu’en 1934 que voit le jour le premier travail d’ensemble sur
la flore de Makatea avec The Flora of Makatea de G.P. Wilder qui séjourna
sur l’île en 1926, 1929 et 1932 (Wilder, 1934). Cette flore présente une
liste commentée de la totalité de la flore observée et récoltée par l’auteur
ainsi qu’une rapide description de la végétation.
En 1982, du 28 avril au 6 mai, Jacques Florence, botaniste de l’ORSTOM (aujourd’hui IRD) chargé de la réalisation du projet de flore de la
Polynésie française, séjourne pour la première fois dans l’île. Il y récolte
128 échantillons d’herbier (numéros 2978 à 3105) et effectue une première caractérisation des groupements végétaux (Florence, 1982). Lors
de deux nouveaux séjours en 1988, du 19 au 31 janvier (numéros 9026
à 9086) et du 17 au 29 février (numéros 9093 à 9132), il ajoute 101
échantillons pour l’île, soit un total de 173 taxons récoltés en 1982 et
1988 (Florence et al., 2007). Ces récoltes et des relevés phytosociologiques dans les différentes formations végétales de l’île lui permettent de
caractériser les groupements végétaux de Makatea et de dresser une première carte de la végétation de l’île (Florence, 1993).
65
�Du 29 mai au 5 juin 2004, une mission botanique a été organisée par
Jean-Yves Meyer de la Délégation à la Recherche avec la participation de
Jean-François Butaud du département forestier du Service du Développement Rural. Ce dernier a notamment récolté 33 échantillons d’herbier
(numéros 442 à 474).
A cette occasion, une première compilation de la flore de l’île a été
réalisée mais n’a pas été formalisée (Meyer & Butaud, 2004).
Du 18 au 28 avril 2007, l’ingénieur écologue Frédéric Jacq a participé à une étude sur les crabes des cocotiers en compagnie de la consultante en écologie marine Elodie Lagouy. Il a récolté 3 échantillons dont le
Pandanus sp. nov. endémique de l’île (numéros 889 à 891).
Flore de Makatea
Compilée à partir de la bibliographie et de nos propres travaux, la
flore vasculaire de Makatea apparaît comme étant composée de 403
espèces (ou plutôt taxons afin de comprendre les sous-espèces et les
variétés). Ce nombre peut être considéré comme très important puisque
la flore d’autres atolls ayant fait l’objet d’études comprend généralement
de 180 à 270 taxons (Butaud, 2008a,b). Il témoigne de l’intensité des
échanges passés lors de la période de l’exploitation du phosphate puisque
la plus grande partie de cette flore a été introduite par l’homme.
En effet, parmi les 403 espèces, 332, soit 82% ont été introduites
par l’homme (Tableau 1). Ces introductions peuvent être déclinées en
deux périodes selon leur origine dans l’île. Ainsi, 43 espèces, soit 13% des
espèces introduites, sont considérées comme étant des introductions
polynésiennes, implantées à Makatea par les Polynésiens à l’occasion de
leurs migrations il y a plus de 250 ans. Les espèces restantes (289 soit
87%) sont des introductions modernes, apportées à Makatea depuis la
redécouverte de la Polynésie par les Européens, il y a moins de 250 ans.
66
�Fleur du coton polynésien,
Gossypium hirsutum var.
taitense, indigène
de Makatea.
Fleurs et fruit
de l’arbre indigène
Pouteria grayana var.
grayana.
�Tableau 1 : Statut des plantes vasculaires de l’atoll de Makatea
Statut
Indigènes au sens strict
Endémiques de Polynésie orientale
dont Endémiques de Polynésie française
dont Endémiques des Tuamotu
dont Endémiques de Makatea
Total indigène
Introductions modernes
Introductions polynésiennes
Total introduites
Flore de Makatea
Nombre
58
13
7
4
4
71
289
43
332
403
Cette importante flore introduite ne doit pas masquer la très riche et
originale flore primaire de Makatea. Ainsi, avec 71 espèces indigènes, la
flore de Makatea est la plus riche de l’archipel des Tuamotu devant celles
des atolls soulevés de Niau (62) et Anaa (56), la flore des autres atolls
n’excédant qu’exceptionnellement 40 espèces indigènes voire 25 dans les
Tuamotu de l’Est (Butaud, 2008a,b).
Par ailleurs, au sein de ces 71 espèces indigènes au sens large, 13,
soit 18%, sont endémiques de Polynésie orientale, c’est à dire restreintes
au niveau mondial à l’ensemble composé de la Polynésie française, des
îles Cook et des îles Pitcairn. En affinant géographiquement, 7 de ces
espèces apparaissent endémiques de Polynésie française et 4 de la seule
île de Makatea (Tableau 1). Avec 4 endémiques insulaires, Makatea se
distingue à nouveau des autres atolls des Tuamotu puisque parmi eux,
seul Niau en a développé, 3 en l’occurrence (Butaud, 2007). Ces taxons
sont le palmier de Makatea (Pritchardia vuylstekeana), l’arbuste Myrsine ovalis var. wilderi, l’arbre Homalium mouo ainsi qu’une nouvelle
espèce de Pandanus.
68
�Port du palmier endémique de Makatea, Pritchardia vuylstekeana.
�Enfin, Makatea présente également 4 espèces protégées par la réglementation en vigueur en Polynésie française (arrêté 306 CM du 20 février
2008). Il s’agit du coton polynésien (Gossypium hirsutum var. taitense), de l’arbre Pouteria grayana var. grayana, du palmier de Makatea (Pritchardia vuylstekeana) et de l’arbuste Tabernaemontana
pandacaqui. Le statut de protection de ces espèces tient en leur rareté en
Polynésie française et en l’intensité des menaces pesant sur elles.
Taxons remarquables
Afin d’attirer l’attention sur la richesse de la flore primaire de Makatea, sont brossés ci-dessous les portraits des taxons remarquables, à
savoir les espèces protégées, les endémiques de l’île et de Polynésie française ainsi que l’emblème végétale de l’île, le Maire ma’atea.
Espèces protégées
Quatre espèces sont protégées par la réglementation (arrêté 306 CM
du 20 février 2008) : 3 indigènes et 1 endémique de Makatea.
Gossypium hirsutum var. taitense
Synonyme : Gossypium hirsutum var. religiosa
Nom local : Vavai
Le cotonnier polynésien est un arbuste restreint au Pacifique Sud. En
Polynésie française, il est trouvé dans les archipels des Marquises et de la
Société, et à Makatea dans les Tuamotu. Dans cette dernière île, il se développe
dans les zones ouvertes des falaises littorales mais également des sites exploités pour les phosphates. Ses graines enveloppées dans un coton adhérent
sont probablement disséminées collées aux plumes de différents oiseaux terrestres ou marins. Sa rareté dans la Société et à Makatea, et sa relative abondance aux Marquises explique le statut UICN de vulnérable (VU) de ce taxon.
Le cotonnier cultivé pour son coton est Gossypium barbadense,
arbuste aujourd’hui naturalisé çà et là en Polynésie française. Les deux
taxons forment par ailleurs un hybride à Tahiti et aux Marquises.
Pouteria grayana var. grayana
Synonyme : Pouteria grayana, Planchonella tahitensis, Planchonella
grayana
70
�Fruits de l’arbuste indigène
Tabernaemontana
pandacaqui.
Fleurs de l’arbre endémique
de Makatea,
Homalium mouo.
�Nom local : Moto
Le Moto est un des principaux arbres de la forêt de plateau et peut
mesurer plus de 20 m de hauteur. Indigène en Polynésie française, il est
également présent dans les atolls de Niau (Karaka) et de Anaa (probablement Torotea) aux Tuamotu mais se développe aussi aux Australes
(Raivavae, Tubuai et Rurutu). Ses fruits charnus, jaunes à maturité et de
plus de 2 cm de longueur sont certainement disséminés par le Carpophage de la Société – Rupe (Ducula aurorae). Etant une espèce indigène, aucun statut UICN n’a été indiqué ; aussi, à la vue de sa répartition
géographique et de l’état de ses populations, il est proposé le statut de vulnérable (VU) pour cette espèce.
Une autre variété, Pouteria grayana var. florencei, est endémique
des îles de Tahiti, Moorea et Raiatea dans l’archipel de la Société. Une
révision de l’espèce à l’échelle du Pacifique serait souhaitable afin de clarifier les limites des taxons et leurs répartitions.
Pritchardia vuylstekeana
Synonyme : Eupritchardia vuylstekeana, Washingtonia vuylstekeana
Nom local : Koko ma’atea, Tavevo
Le Tavevo est un palmier considéré comme endémique à l’île de
Makatea, ne se développant à l’état naturel qu’au sein de la dépression
centrale du plateau. Seules de petites populations très localisées sont
connues ainsi que des pieds juvéniles disséminés par le Ptilope de Makatea – ‘O’o (Ptilinopus chalcurus) ou le Carpophage de la Société. Par ailleurs, le Tavevo est cultivé dans divers jardins botaniques polynésiens ou
internationaux. Du fait de ses populations fragmentées par l’exploitation
du phosphate et de sa néanmoins bonne dynamique naturelle, le Tavevo
est doté du statut UICN de vulnérable (VU).
Une autre espèce de Pritchardia, le Umeume ou P. pericularum est
endémique de l’atoll de Niau dans les Tuamotu, tandis que P. pacifica,
semble être une introduction polynésienne à la fois à Tahiti (Umeume)
et aux Marquises (Vahane ou Vahake). Des investigations récentes
auraient tendance à montrer que le taxon de Makatea ne correspondrait
72
�Fruits de l’arbuste
Myrsine ovalis var. wilderi
endémique de Makatea.
Infrutescence du Pandanus sp.
nov, endémique de Makatea,
Teniania.
�pas à la diagnose de P. vuylstekeana et qu’il faudrait le rapprocher de P.
mitiaroana de Mitiaro aux îles Cook. Il en est de même pour P. pericularum. Cela conduirait alors en l’existence d’une seule espèce, Pritchardia mitiaroana, endémique des îles Cook (Mitiaro) et des Tuamotu
(Makatea et Niau) (Donald Hodel, comm. pers. 2008).
Tabernaemontana pandacaqui
Synonyme : Tabernaemontana orientalis, Ervatamia makateaensis
Nom local : Faiate
Le faiate est un arbuste de sous-bois, voisin du Tiare Mo’orea cultivé (Tabernaemontana divaricata), indigène dans le Pacifique et
observé uniquement en Polynésie française dans l’archipel de la Société
(Tahiti, Huahine, Bora Bora et Maupiti) et à Makatea. Dans cette dernière
île, il n’a été récolté que par Wilder en 1932, dans la forêt de plateau à
Pritchardia. Ses fruits plus ou moins charnus et orange à maturité sont
probablement disséminés par le Ptilope de Makatea. Etant une espèce
indigène, aucun statut UICN n’a été indiqué ; aussi, à la vue de sa rareté
à Makatea et dans les îles de la Société, il est proposé le statut UICN de
menacé d’extinction (EN) pour cette espèce.
Il est probable qu’une révision botanique du genre Tabernaemontana à l’échelle du Pacifique tende à montrer que le taxon présent en
Polynésie française y est endémique (St John, 1974).
Endémiques de Makatea
Outre le palmier Pritchardia vuylstekeana, trois autres taxons sont
endémiques de Makatea.
Homalium mouo
Synonyme : Homalium acuminatum
Nom local : Mouo
Le Mouo constitue un des principaux arbres de la forêt de plateau et
peut mesurer plus de 20m de hauteur. Il ne fleurit que rarement et souvent
lors d’épisodes cycloniques lorsque certaines branches sont brisées. Ses
fruits très légers sont disséminés par les vents. Sa relative abondance à
Makatea explique son statut UICN de taxon à préoccupation mineure (LRlc).
74
�Fruit en forme de fromageon de l’arbre Glochidion wilderi,
endémique des Tumotu-Gambier.
�Le genre Homalium est par ailleurs, également trouvé aux Australes
(Raivavae, Tubuai et Rurutu), dans la Société (Raiatea et Tahaa) et aux
Marquises (Moto de Hiva Oa, Tahuata et Fatu Hiva), avec des espèces
endémiques distinctes, parfois non encore décrites (St John, 1977).
Myrsine ovalis var. wilderi
Synonyme : Myrsine collina var. wilderi, Rapanea ovalis
Nom local : Cette Myrsine est un arbuste de sous-bois de la forêt de plateau se
développant de façon localisée dans la dépression centrale. Ses petits
fruits charnus colorés à maturité sont très probablement disséminés par
le Ptilope de Makatea. Sa relative abondance à Makatea explique son statut UICN de taxon à préoccupation mineure (LRlc).
Le genre Myrsine étant une composante importante des forêts de
nuages dans les archipels des Australes, de la Société et des Marquises,
sa présence dans l’archipel des Tuamotu est remarquable. Une seconde
espèce, Myrsine niauensis ou Napau, est par ailleurs endémique de
l’atoll soulevé de Niau.
Pandanus sp. nov.
Synonyme : Nom local : Fara (ou Hara) mauve
Ce Fara endémique de l’île n’a été étonnement décelé qu’en 2004
avec la récolte d’une phalange au sol, identifiée ultérieurement comme
appartenant à une nouvelle espèce par Jacques Florence. Néanmoins,
Wilder indique que plusieurs espèces de Pandanus sont présentes sur
l’île en 1932. En 2007, Frédéric Jacq a pu localiser plusieurs stations de
l’espèce grâce à la population de Makatea et a récolté un syncarpe complet aujourd’hui conservé à l’herbier (PAP) du Musée de Tahiti et des
îles. Il faut également noter que le botaniste Harold St John a décrit trois
espèces de Pandanus endémiques de Makatea en 1989 (St John, 1989)
mais qu’aucune ne correspond à cette nouvelle espèce bien caractéristique. Les trois espèces décrites (Pandanus elevatus, P. makateaensis
et P. trapaneus) sont aujourd’hui considérées comme synonymes du
76
�Fleurs odorantes de l’arbuste endémique de Polynésie française,
Ixora triflora.
�très variable Pandanus tectorius var. tectorius, le Fara commun des
plages coralliennes et des basses pentes des îles hautes. Les phalanges ou
fruits sont charnus, mauves à maturité, et probablement consommées et
disséminées par le Carpophage de la Société. Son statut UICN reste à établir
à l’issue de sa description botanique et de nouvelles prospections sur l’île.
D’autres espèces de Pandanus sont endémiques de certaines îles
polynésiennes, comme P. papenooensis dans les vallées humides tahitiennes et P. temehaniensis sur les plateaux Temehani à Raiatea. Dans
les Tuamotu, la présence d’une ou de plusieurs autres espèces endémiques est très probable mais reste très problématique du fait de la
grande variabilité de P. tectorius var. tectorius.
Endémiques de Polynésie française
En plus des 4 endémiques insulaires, 3 taxons sont endémiques de
Polynésie française car trouvés également dans les autres archipels polynésiens.
Glochidion wilderi
Synonyme : Glochidion ramiflorum
Nom local : Mahame
Ce petit arbre est relativement commun à Makatea, en forêt primaire
de plateau ou en formations végétales secondarisées. Il est également
trouvé à Anaa aux Tuamotu et à Mangareva aux Gambier. Ses fruits verts
en forme de fromageons ou ses graines vermillons sont très probablement disséminés par le Ptilope de Makatea. Le Mahame possède le statut
UICN de vulnérable (VU) du fait de sa rareté à Mangareva et de sa régression causée par l’exploitation du phosphate à Makatea.
Alors que 22 espèces de Glochidion sont reconnues en Polynésie
française, seules G. wilderi à Makatea et Anaa et G. tuamotuense
(Mahame) à Niau sont présentes dans les Tuamotu. A noter que cette
seconde espèce est également trouvée à Mangareva et Taravai aux Gambier.
Ixora foetida
Synonyme : Ixora triflora
Nom local : Hitoa
78
�Fruits immatures de l’arbuste endémique de Polynésie française,
Xylosma suaveolens subsp. pubigerum.
�Cet arbuste plus ou moins sarmenteux se développe dans les sousbois frais du plateau et de ses rebords. Il est apparemment également
trouvé à Huahine dans l’archipel de la Société et dans les atolls de Niau
et Anaa aux Tuamotu. Ses fruits charnus violacés à maturité sont disséminés par le Ptilope de Makatea. Actuellement non évalué (NE), il est
proposé le statut de vulnérable (VU) pour cette espèce généralement peu
abondante à l’exception de Niau.
Une révision botanique du genre dans la Société et les Tuamotu permettrait de clarifier le statut des différentes provenances et probablement
d’identifier de nouveaux taxons endémiques à une île ou un groupe d’île.
Le genre Ixora comprend par ailleurs plusieurs dizaines d’espèces endémiques de Polynésie française dans les différents archipels mais également une demi-douzaine d’espèces ornementales introduites.
Xylosma suaveolens subsp. pubigerum
Synonyme : Xylosma suaveolens
Nom local : Ramati’a
Ce petit arbre est très abondant à Makatea, essentiellement sur le
plateau et son rebord. Il est également trouvé aux Marquises et à Niau
dans l’archipel des Tuamotu où il porte le même nom. Ses nombreux
petits fruits charnus et noirs à maturité sont idéalement disséminés par le
Ptilope de Makatea. Son abondance à Makatea et aux Marquises explique
son statut UICN de taxon à préoccupation mineure (LRlc).
D’autres sous-espèces sont présentes dans les autres archipels de
Polynésie, notamment aux Australes et dans la Société. Il faut ici noter
que la sous-espèce des Australes est également présente à Anaa où elle est
appelée Karaka.
Autres taxons remarquables
Les endémiques de Polynésie orientale ne sont pas développées ici.
Il s’agit de Allophylus rhomboidalis, Celtis pacifica, Chamaesyce fosbergii, Digitaria stenotaphrodes, Peperomia pallida et Pipturus argenteus var. tuamotensis.
80
�Fruit de l’arbuste sarmenteux indigène,
Alyxia scandens
ou Maire Ma’atea.
�Alyxia scandens
Synonyme :
Nom local : Maire Ma’atea, Maire Makatea, Maire mono’i
Cet arbuste plus ou moins lianescent ou sarmenteux est indigène
dans l’archipel de la Société et à Makatea. Il est absent des autres atolls
des Tuamotu. A Makatea, il est assez abondant en sous-bois et plus souvent en végétation ouverte sur les rebords du plateau. Ses fruits charnus
noirs à maturité sont disséminés par le Ptilope de Makatea. Son écorce
était utilisée à Makatea pour parfumer le mono’i.
D’autres espèces du genre Alyxia sont présentes dans les différents
archipels polynésiens où elles sont nommées Mei’e aux Marquises, Meire
aux Gambier et Maire dans la Société et aux Australes.
Cartographie de la végétation
La seule carte de végétation de l’île de Makatea (Florence, 1993)
provient de l’interprétation des photographies aériennes verticales monochromes S.A.T. de 1981 et des relevés phytosociologiques des missions de
J. Florence entre 1982 et 1988 (op. cit.). Le découpage de la végétation
est issu de la numérisation à petite échelle (1/150 000) et avec peu de
précision de la végétation représentée sur la carte IGN au 1/15 000 de
1988 créée à partir des images monochromes de 1981.
La carte de la végétation de Makatea présentée à la Figure 1, reprend
ce premier travail de Florence (1993). Certaines modifications par rapport à l’interprétation de la végétation et le découpage décrit dans l’Atlas
de la Polynésie française (Florence, 1993) ont été apportées suite aux
prospections récentes (Meyer et Butaud, 2004 ; Lagouy, 2007). C’est le
cas particulièrement au Sud de l’île où le groupement à Scaevola-Chamaesyce apparaît plus être une forêt à Guettarda-Pandanus (Lagouy,
2007). De surcroît, la zone nuageuse de Temao à Vairehu, présente sur
la carte de Florence (1993), a été complétée.
82
�Figure 1 : Carte de la végétation (de 1981) de Makatea
(modifiée de Florence, 1993 & Lagouy, 2007)
La toponymie présente sur la carte provient de Bourrouilh-Le Jan (1977),
des cartes du SHOM de 1960 et de l’IGN de 1988,
et de Vérin (1962).
�Différents groupes de végétation en fonction du type de substrat et de
l’histoire de l’exploitation du phosphate ont été définis par Florence
(1993). Faute de plus amples relevés phytosociologiques, nous les reprenons succinctement ici avec les noms latins à jour.
Tableau 2 :
Proportion des différentes formations végétales sur l’île de Makatea
Le groupement littoral
Ce groupement se situe sur les 4 plages à savoir Moumu, Anapoto
(côte est), Temao et Vairehu, (côte ouest). Il peut se diviser en plusieurs
types de végétation distincts lorsque la bande littorale (entre la plage et
le bas de falaise) est suffisamment large. Suite à l’étude de Lagouy (2007)
sur le Crabe des cocotiers – Kaveu, ce groupement (zone de reproduction des Kaveu) a été particulièrement étudié et ses types de végétation
mieux cartographiés.
Les groupements littoraux psammophiles :
Fourré Scaevola - Heliotropium foertherianum (syn. Tournefortia argentea)
84
�Forêt à Guettarda-Hernanadia avec en premier plan
Ficus prolixa étendant ses racines sur les Feo,
arrière plage de Moumu, Makatea.
�Ce fourré, très présent sur les atolls en façade océanique, se compose essentiellement de l’arbrisseau Scaevola taccada - Apata et de
quelques bosquets de l’arbuste Heliotropium foertherianum - Tahinu.
Il se développe sur les sables littoraux et se limite sur la côte Est et marginalement sur la côte Sud-Ouest, en une bande d’une dizaine de mètres
entre la lisière de la cocoteraie et le rivage. Il a une extension faible du
fait de la cocoteraie qui occupe les substrats les plus favorables et s’y
régénère à son détriment.
La cocoteraie
Issue de plantation, la cocoteraie occupe les meilleurs sols plats de
l’île au détriment de la végétation littorale naturelle sur les 4 plages. Non
entretenue, elle abrite en son sous-bois un fourré à Apata en lisière océanique.
La brousse à Leucaena leucocephala
Suite à l’intensification des échanges, l’arbuste Leucaena leucocephala – Acacia fut introduit près du quai de Temao et y constitue actuellement un peuplement pur sur près de 11 ha. Cette espèce déclarée
menaçant la biodiversité fut récoltée pour la première fois par Florence
en 1982 (Herbier PAP) mais était visible dès les années 1950 sur certains
films tournés sur l’île. Elle envahit également les abords de pistes et le
village à Vaitepaua.
Les groupements littoraux saxicoles :
Bosquets à Pemphis acidula
L’arbuste ‘A’ie, espèce la plus résistante à la salinité, se trouve en
bosquet épars sur le récif frangeant, bordant le karst du littoral Ouest,
milieu plus contraignant.
La forêt à Guettarda-Hernandia
Cette forêt naturelle basse de 7 à 8 m se compose des arbres indigènes
Guettarda speciosa – Tafano, du Pandanus tectorius – Fara et du Hernandia nymphaeifolia – Tianina. Elle est présente essentiellement en zone
d’éboulis au pied de la falaise de Moumu, seul littoral assez large et plage la
plus longue (4,2 km) de l’île. Ce type de végétation remarquable est remplacé à Vairehu par une forêt plus mésophile à Guettarda-Pandanus
86
�Forêt à Guettarda-Pandanus en reconstruction,
en premier plan le Pandanus sp. nov. Fara mauve, Teniania, Makatea.
�débordant du plateau. Cette dernière se différencie notamment par l’absence du Tianina et la présence du Xylosma suaveolens subsp. pubigerum – Ramati’a. Les arbustes Chamaesyce fosbergii – Atoto et Scaevola
taccada - Apata, sont également présents, plus dans le sud de l’île par
plaques suivant les crevasses ou les entrées de cavernes.
Le groupement naturel forestier de plateau sur feo
Cette formation dense et remarquable est constituée de 2 types de
végétation, dont le 1er ceinture le plateau et le 2ème occupe toute la partie
sud et ouest de la dépression centrale non exploitée.
La forêt basse à Guettarda-Pandanus
Cette forêt basse de 4 à 6m de hauteur se compose essentiellement
des arbres mésophiles Guettarda speciosa – Tafano, du Pandanus tectorius– Fara, du Xylosma suaveolens – Ramati’a, et de Allophyllus
rhomboidalis – Rama. Elle abrite notamment le Pandanus sp. nov. –
Fara mauve dont une population a été localisée au lieu dit Teniania.
La forêt haute à Homalium-Pouteria
Cette forêt de 20m de hauteur est localisée dans les noyaux centraux
de calcaires crayeux à l’emplacement de l’ancien lagon. Elle y abrite la
majorité des espèces protégées et patrimoniales définies ci avant et des
taxons communs à la forêt basse à Guettarda-Pandanus. Les arbres dominants sont Homalium mouo, Pouteria grayana var. grayana, et Pisonia
grandis – Pu’atea. Cette forêt accueille également des stations du rare
palmier endémique de l’île, aussi bien au sud de l’île qu’entre le village de
Vaitepaua et le mont Aetia. Son sous-bois est très varié et accueille Ixora
foetida, Myrsine ovalis var. wilderi et Alyxia scandens. Il s’agit de l’habitat le plus remarquable de l’île encore relativement mal connu des naturalistes en raison de sa très grande difficulté d’accès du fait des feo.
Les habitats forestiers, et principalement la forêt à Homalium-Pouteria, sont les zones de nidification préférentielles des derniers Rupe –
Ducula aurorae de l’archipel de la Société. L’extinction dans les autres
îles, de ce carpophage en fait maintenant une espèce « endémique » de
Makatea, dernier refuge de cette espèce protégée (arrêté 306 CM du 20
88
�Trou de plusieurs mètres de profondeur issu de l’exploitation du phosphate,
Vaitehiohio, Makatea.
�février 2008). Ces forêts abritent également le Ptilope de Makatea –
‘O’o (Ptilinopus chalcurus), espèce également protégée. Ce dernier se
distingue très nettement des autres formes de Pigeon vert des Tuamotu (Ptilinopus coralensis) et de la Société (groupe purpuratus). Ce n’est pas
le représentant d’une simple variation géographique avec les précédentes
formes, mais bien un taxon à part et très original (J.C. Thibault comm.
pers., 2008).
La forêt anthropique à Tecoma-Epipremnum
Ce groupement se situe aux alentours de Vaitepaua. Il constitue un
faciès de dégradation de la forêt à Homalium-Pouteria suite à l’exploitation du phosphate et l’implantation du village et de ses infrastructures.
Ce type de végétation se caractérise actuellement par la présence de l’arbre envahissant Tecoma stans – Piti et de la liane ornementale naturalisée Epipremnum pinnatum notée dès 1932 (Wilder, 1934).
A la fin de la seconde guerre mondiale, l’exploitation du phosphate
ramena de la main d’œuvre internationale d’Asie et d’Europe (Danton,
1993). Avec elle, de multiples variétés différentes de fruitiers et de nombreuses ornementales furent introduites (J. Ioane comm. pers. 2007).
Cette forêt se compose donc également de ces nombreux arbres fruitiers
(Mangifera indica ; Annona spp.) mais aussi de plusieurs espèces envahissantes commençant à former des peuplements purs importants autour
du village (Syzygium cumini – Faux Pistachier).
Le groupement des anciens gisements de phosphate
Ce groupement correspond au gisement principal localisé par Danton (1993) et à la végétation basse de la carte IGN de 1988. Il se situe au
nord, à l’est et au sud-est de la dépression centrale. Il couvre avec la forêt
anthropique 641 ha soit 22,8% de la surface de l’île. Il est constitué d’une
végétation secondaire éparse en pleine dynamique de reconstitution vers
une formation forestière. Cette dynamique laisse supposer une recolonisation rapide vers un couvert arboré des zones exploitées en lisière des
formations naturelles. La localisation du gisement secondaire (issue de
Danton, 1993), présentée en pointillé sur la figure 1, suggère une zone
90
�N°314 - Décembre 2008
d’exploitation du phosphate beaucoup plus importante, totalisant 52,3%
de la surface de l’île, au détriment des formations forestières naturelles
sur feo (sur 16,8%). Le manque de prospection actuelle en lisière du
gisement principal laisse pour le moment le doute sur leur composition
floristique, peu visible sur les images aériennes monochromes de 1981.
Deux types de végétation secondarisée ont toutefois été identifiés. La végétation sur ces zones fortement exploitées à ciel ouvert est donc en pleine
dynamique vers une reforestation. Toutefois, l’introduction d’espèces
envahissantes sur l’île peut nuire à la sylvigénèse naturelle de l’île et
constituer de nouveaux types de végétations telle que les forêts à Psidium
ou à Syzygium (S. cumini ou S. jambos).
Le fourré épars à Chamaesyce-Stachytarpheta
Ce fourré occupe la partie sommitale des cloisons des poches exploitées. Il se compose essentiellement de deux arbrisseaux : l’un indigène
Chamaesyce fosbergii – Atoto et un autre introduit Stachytarpheta urticifolia – Itere. Il se caractérise par un couvert très discontinu de
quelques herbacées héliophiles, telles que les lianes Cassytha filiformis
– ‘Aino’a et Passiflora foetida.
La forêt claire à Hibiscus-Psidium
Stade dynamique postérieur au précédent, cette forêt claire est caractérisée par la présence de l’arbre indigène Hibiscus tiliaceus var tiliaceus – Fau et de l’arbuste Psidium guajava – Tuava. Sur les sols plus
épais, en couvert moins épars s’installent progressivement les espèces de
la forêt à Guettarda-Pandanus assez proche. Les parties ouvertes hébergent une flore plus héliophile du groupement précédent avec Scaevola
taccada - Apata et Timonius polygamus – Pairau (Florence, 1993).
Conclusion et perspectives
L’atoll soulevé de Makatea présente la flore la plus riche (71 espèces
indigènes) et la plus originale (13 endémiques de Polynésie orientale
dont 4 endémiques insulaires) de tout l’archipel des Tuamotu. Cette
richesse peut être corrélée avec le soulèvement qui a créé des niches
91
�écologiques plus diversifiées que sur les autres atolls. Par ailleurs, l’altitude moyenne de Makatea (plus de 50 m), lui a permis de ne pas avoir
été submergé comme la plupart des autres atolls de l’archipel lors des
dernières transgressions marines et de constituer une zone refuge pour
bon nombre d’espèces végétales et animales. Une flore particulière a alors
pu s’y développer sur de longues périodes, résultant en l’endémicité précédemment évoquée. Des observations identiques peuvent être tenues
pour l’avifaune et la malacofaune (Gargominy et al., 2006).
Toutefois, cet inventaire et la carte de végétation restent encore partiellement incomplets. Tous les naturalistes s’accordent ainsi pour dire
que les prospections sur l’île de Makatea sont très difficiles au milieu des
feo tranchants qu’il faut parfois escalader et des multiples trous de plusieurs mètres de profondeur issus de l’exploitation du phosphate et masqués parfois par la végétation. Ainsi de nombreuses zones restent encore
inexplorées et d’autres encore sous prospectées. C’est le cas de la plupart
des dernières forêts naturelles de plateau sur feo localisées à Paoa, entre
Vaitepaua et le mont Aetia et principalement tout le Sud-Sud-Ouest de l’île,
de Vairehu à Vaiaua.
Plusieurs espèces appartenant à des genres à radiation adaptative en
Polynésie française restent probablement à découvrir sur l’île. Ainsi, les
arbustes du genre Psychotria ou Meryta ou les coléoptères du genre
Rhyncogonus récoltés plus ou moins récemment sur d’autres atolls soulevés comme Niau et Anaa demeurent encore inconnus de Makatea.
La carte de végétation proposée ici est issue de données de 1981 et
est réalisée à une échelle trop petite (1/150 000ème) pour être utilisable
par les gestionnaires du milieu naturel notamment sur des projets d’extraction nécessitant des études d’impacts. Elle pourra être réactualisée
avec les moyens actuels de Systèmes d’Information Géographique (SIG)
à partir des prises de vue aériennes couleurs de 2001 et de nouveaux
relevés phytosociologiques dans les zones inexplorées.
Makatea a déjà subit l’extraction de phosphate qui a détruit sa végétation naturelle sur plus d’un tiers de sa surface. Il est ainsi remarquable
que cette biodiversité ait pu se maintenir dans le contexte d’exploitation
du phosphate sans prise en compte des enjeux environnementaux
92
�N°314 - Décembre 2008
(Dupon, 1989). Cela démontre la très bonne dynamique de la végétation
avec des zones refuges et la présence d’efficaces disséminateurs de
graines que sont les pigeons frugivores endémiques.
Cette dynamique risque aujourd’hui d’être à nouveau mise à
l’épreuve par différents projets industriels et d’infrastructure, facilités par
des moyens technologiques beaucoup plus puissants que par le passé. En
effet, la Polynésie française souhaite mettre à jour son schéma d’exploitation de carrières de matériaux et particulièrement concernant les roches
massives. Makatea a été ainsi présentée comme un de ces sites potentiels.
Ce projet s’accompagnerait de la création d’un quai encore inexistant sur
l’île. Il pourrait également relancer d’autres projets tels que la cimenterie, la relance de l’exploitation du phosphate résiduel et la création d’un
aérodrome.
Makatea consiste, en tant qu’atoll soulevé, en un site géologique
exceptionnel dans le Pacifique. Par ailleurs, au niveau paysager, l’île
est formée de falaises abruptes criblées de grottes tapissées de concrétions. Cette île a, de plus, été désignée par un collège d’experts comme
étant l’un des 15 sites de conservation prioritaires de Polynésie française sur 115 sites identifiés dont la préservation est impérative du
fait d’une faune, d’une flore, de formations végétales et de paysages
originaux et exceptionnels (Meyer et al., 2005). Outre sa flore exceptionnelle présentée ici, l’atoll soulevé comprend notamment 2 à 3
espèces d’oiseaux endémiques à l’île, ce qui est remarquable pour un
atoll. Cet intérêt et les menaces pesant sur ce patrimoine du fait des
projets de développement envisagés ont été soulignés plus récemment
par un collège de scientifiques oeuvrant pour la conservation du patrimoine (Gargominy et al., 2006). De surcroît, cette île, proposée en
tant que Zone Importante pour la Conservation des Oiseaux (ZICO),
est encore une des dernières îles sans rat noir (Rattus rattus), cause
de raréfaction, voire de disparition de nombreuses espèces animales
et végétales.
Si le développement de l’atoll aujourd’hui oublié de Makatea est souhaitable, il faut espérer qu’il puisse se réaliser de pair avec la préservation et la mise en valeur de sa flore et de sa faune originales.
93
�Enfin, dans la perspective lointaine d’une élévation des niveaux
marins, il est également possible de mettre en avant le rôle futur de refuge
principal des espèces de l’archipel des Tuamotu que peut constituer une
île exceptionnelle telle que Makatea.
Jean-François Butaud
Consultant en botanique et foresterie polynésienne
Frédéric Jacq
Consultant - ingénieur écologue
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier nos collègues botanistes ayant partagé leurs connaissances sur l’île et ses plantes,
Jean-Yves Meyer, Jacques Florence et Donald Hodel. De grands mercis à Jacky Ioane pour son accueil
chaleureux au sein de sa famille, de son intérêt pour le milieu naturel de son île, et de son aide précieuse.
Merci également à Dean qui a bien voulu nous guider à travers les feo de Teniania. Un merci particulier à
Jean Kape pour son insistance à la présence du présent article dans ce BSEO consacré à Makatea et à son
indéfectible volonté de faire connaître et de mettre en valeur les richesses pa’umotu.
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95
�Makatea
Fenua o tō’u mau Tupuna
Ua rau tō ’oe nehenehe
Fenua i te repo ’uo’uo
Tei reira ho’i te mau feo taratara
Mai te pūrotu tō ’oe ti’ara’a
Ua riro ’oe ei Metua
Mai te ’ūmete tō ’oe hoho’a
Ua riro ’oe ei fa’ari’i mā’a
Auē ho’i au i te mihi ia ’oe
Nō te hia’ai e hau’a fa’ahou
I te no’ano’a o te Maire-rau-ri’i
Tō’u here ia ’oe
Te vai noa nei ā
’Aore ’oe e mo’e iā’u
Te tia’i noa nei au i te taime
E ho’i ā vau i reira
I teie fenua herehia e tō’u mau Tupuna
I teie fenua herehia e au
’Oia nei i te i’oa nehenehe
O Makatea
’Oia nei Makatea
Tō’u ’āi’a ē
Camélia Marakai
�N°314 - Décembre 2008
Makatea
Terre de mes ancêtres
Aux beautés multiples
Terre au sol blanc
Aux feo dentelés
Comme une jeune beauté tu te tiens
Tu es devenue un parent
A un umete tu ressembles
Tu contiens de la nourriture
Comme je languis de toi
Nostalgie de sentir encore
Le parfum du maire
Mon amour pour toi
Subsiste encore
Je ne t’oublie pas
J’attends le moment
Où je rentrerai là-bas
Dans ce pays chéri par mes ancêtres
Ce pays que j’aime
C’est elle au beau nom
C’est Makatea
Mais oui Makatea
Mon pays
Trad. S. Grand
97
�Paripari o te ’ai’a
Fenua pūrotu ’oe e Ma’atea ē
Vehihia e te Maire-rau-ri’i
Ua api o Ana-taui-ra’i
I te mau ivi ta’ata rau
To’īnahia e te ’aito pi’imato o Te’are-te-mātua-nui
I roto i taua ana ra, i Moumu ē
Te tū nei au i te pā Tā-vaha
Vāna’ana’a noa atu ai i teie paripari
Paripari o te ’āi’a ē
O Mātea-i-te-nevaneva-i-te-hi’u-tārava-vai-he’u
Mau mai nei tā’u ’ōrero iti
I roto i te tīputa o te Mara’amu
Pūhi atu i raro i Moumu ē
Hopu roa atu ai i te ava Te-ana-a-Tepairu
Pīha’a a’era i uta i Te-ana-poiri ē
Pīna’ina’i noa mai nei tā’u ’ōrero iti
Ho’i atura vau i Tema’o
Nohora’a nō’u, o Te’ura
Nā Vaitepaua nā mua rā i te he’era’a
Tei riro i teie nei ei ’oire ē
Nānā a’era tā’u mata i te manu rupe, te ’ū’upa, te ’ōtu’u, te
tava’e e te torea
’Oia e rere noa nei i Ma’atea i te ’ā’ara
Nā tahatai ho’i au i Ma’i-tupu-’āfa
Te hevaheva nei te hōhonu o tō’u manava
Te mau parau tahito, te ’ā’ai, te pehepehe ē
Ua reva ia ’outou i te pō
�N°314 - Décembre 2008
Ode à l’île
Tu es une belle île Makatea
Enveloppée par la feuille de maire
Encombrée est la caverne Ana-taui-ra’i
D’ossements humains divers
Creusée jadis par le héros varappeur Te ’are-te-mata-nui
Cette fameuse grotte à Moumu
Debout sur le roc Ta-vaha
J’élabore cette ode
Ode à mon pays
Mātea-i-te-nevaneva-i-te-hi’u-tārava-vai-he’u
Ainsi furent piégés mes mots
Dans le poncho du Mara’amu
Soufflant en bas vers Moumu
Plongeant dans la passe Te-ana-a-Tepairu
Jaillissant dans la caverne sombre
Résonnèrent alors mes mots
Je rentrais à Tema’o
Ma résidence, à moi Te’ura
En glissant d’abord par Vaitepaua
Devenu ce village
Mon œil s’accrocha aux oiseaux pigeons, tourterelles,
aigrettes, sternes et pluviers
Volant sans cesse dans l’air de Ma’atea.
Sur le rivage de Ma’i-tupu-’āfa je me rendis
Se languissent les tréfonds de mon être
Des paroles anciennes, des récits, des poèmes
Vous avez rejoint le monde nocturne
99
�Ia māmā Tāri’i-vahine i Pu’utiare ē
A hea ia tō ’outou parau e vāna’ana’ahia ai
E te Tumu Nui ē, e te Tumu Nui ē
Tumu nui nō te ra’i tuātini
A a’a mai na i tō rima mana
I ni’a i te fenua Tupuna
Ia ho’i mai ā te mau tama nō ānānahi
Nā te ava ra, nā Mo’orea-te-hina-tama
Ia ’ai, ia ’ai i te repo fenua
Ia ’ī, ia ’ī i te ’ihi Tupuna
O Te’ura ho’i au
Te’ura i te ahi ’ura e ’ā noa nei
Te’ura i te mata i ahu
Teie e tū noa nei i Tema’o
’Ōrero noa ho’i au nā tahatai
Nō te hia’ai e fa’i i tō te ao ato’a
E fenua parau rahi ho’i o Ma’atea ē
Pi’i-ato’a-hia i teie nei, Makatea ē
’Oia nei Makatea, tō’u ’āi’a ē
’Oia nei Makatea, tō tāua ’āi’a e Tepairu ē
’Oia nei Makatea, te Tupuna tahi Tumu ē
’Oia nei Makatea i te i’oa tumu tahi
O Mātea-i-te-nevaneva-i-te-hi’u-tārava-vai-he’u
Camélia Marakai
�N°314 - Décembre 2008
Chez Tāri’i-vahine à Pu’utiare
Quand vos mots me rendront-ils érudite ?
Ô Tumu nui, Ô Tumu nui
Tumu nui des cieux nombreux
Que s’enracine ta main puissante
Sur la terre ancestrale
Que les enfants de demain reviennent
Par la passe, par Mo’orea-te-hina-tama
Mangeons mangeons la terre de l’île
Emplissons-nous de l’enchantement des ancêtres
Je suis Te’ura
Te’ura au santal rouge
Te’ura aux yeux brûlants
La voici qui se lève à Tema’o
J’allais sur le rivage parlant
De l’espérance qui emplit le monde
Île à grand renom est Ma’atea
Appelée aussi Makatea
Oui Makatea, mon fief
Oui Makatea notre pays cher Tepairu
Oui Makatea l’Ancêtre unique Tumu
Oui Makatea au nom à racine unique
O Mātea-i-te-nevaneva-i-te-hi’u-tārava-vai-he’u
Trad. S. Grand
101
�Paripari fenua no Makatea
O Makatea te fenua
O Mātea-i-te-nevaneva-i-te-hi’u-tārava – vai-he’u te i’oa meha’i
Monohia i nau i’oa huru rau
O Papa-tea, o Papa-’uo’uo, o Te-mata-o-Ātea, o Ma’atea
O Makatea ia i teie nei
E mou’a tei ni’a
O Pu’utiare e o A’eti’a
E tahua tei raro
O Moumu i te hiti o te rā
O Vaitepaua i ni’a
O Tema’o i te taha o te rā
E ava iti tei Moumu
O Te-ana-a-Tepairu
Pi’iato’ahia o Tahuna-Tepairu
E ava tei Tema’o
O Mo’orea-te-hina-tama
O Te-ana-poiri te ana tumu i Moumu
Ana no Hina
O Ta-ru’i-apo-fatu te ari’i i mūta’a ra
Tei tū i ni’a i te marae Tapu-Hina
O Te’are-te-mātua-nui
Te ’aito pi’imato
O Tepairu te Pūrotu
Pūrotu tapairu
’Una’una, ’ana’ana mai te mārama o Hina
�N°314 - Décembre 2008
Célébrons Makatea
Ō Makatea l’île
Ō Mātea-i-te-nevaneva-i-te-hi’u-tārava – vai-he’u te i’oa
meha’i
Affublée de noms variés
Ō terre blanche, rocher clair, oeil d’Atea, Ō Ma’atea
Makatea aujourd’hui
Des montagnes en haut
Pu’utiare et A’eti’a
Lieux de réunion en bas
Moumu à l’est
Vaitepaua en haut
Tema’o à l’ouest
Une petite passe à Moumu
Te-ana-a-Tepairu
Appelée aussi Tahuna-Tepairu
Une passe à Tema’o
C’est Mo’orea-te-hina-tama
C’est la caverne sombre la grotte d’origine à Moumu
La caverne de Hina
Ta-ru’i-apo-fatu était alors le roi
Debout sur le marae Tapu-Hina
Te’are-te-matua-nui
Le héros varappeur
Tepairu la belle
Belle princesse
Splendide, resplendit la lumière de Hina
103
�Tāhiri te mata’i
Puhihau te hau’a o te Maire-rau-ri’i
Tei vehi ia ’oe e Ma’atea
Ta’i ta’i te manu Torea nā tahatai
Pa’a’ina, hāruru te ’are miti i ni’a i te mato tārere
Ma’atea ē
Teie tō Paripari fenua
Camélia Marakai
�N°314 - Décembre 2008
Le vent rafraîchit
Répand le parfum du Maire
Qui t’enveloppe Ō Ma’atea
Chante le pluvier au bord de l’eau
Résonne, gronde la vague sur le rocher suspendu
Maatea
Je te célèbre
Trad. S. Grand
105
�Makatea
Makatea teie i te repo ‘uo’uo ē
E i reira te mau feo iti taratara ē
E au mau tura Makatea ē
Mai te ‘umete tōna hoho’a ia hi’o ē
Tē rere
Tē rere mai nei
Te mau tamari’i nā ni’a ia Oiseau*
I ni’a tātou te tahua Taraho’i
Fārerei ai tātou ē
Po tapati i Makatea e
Te hō’ē pō tāpati i Makatea nei
‘Ua ro’ohia Teri’i i te ‘ati
‘Ua pi’i mai ra tōna reo marü
E māmā ē
‘Ua ‘ati au
Auē tō reo iti ē
I te pi’ira’a mai te hoa ē
E Rui iti ē
‘Ōhipa ‘ino mau ā
O tā ‘oe i rave a’e nei
�Makatea
N°314 - Décembre 2008
Voici Makatea à la terre blanche
Aux feo à fines dentelures
Tu ressembles chère Makatea
A l’image d’un umete
Ils s’envolent
Ils s’envolent
Les enfants par l’Oiseau*
A la place Taraho’i
Nous nous retrouvons
Dimanche soir à Makatea
Un dimanche soir ici à Makatea
Terii fut victime d’un malheur
Sa douce voix appela
« Ma chérie
Le malheur m’a abattu »
Oh cette voix aimée
Quand elle appela sa compagne
O cher Rui
Quelle chose mauvaise
Tu as commise là.
* Le bateau appelé Oiseau des îles.
Reproduit avec l’aimable autorisation d’Yves Roche.
107
�Moumu
Moumu tō’u ‘āi’a
Fenua o Moumu ē
Te ‘ihi tai ē
Te mau hoa ē
Hi’o mai te mau tamari’i
Mahana teie reva atu ai rātou
‘Āre’a te huira’atira, te huimana o te fenua ē
Te ma’i fare nei te mau hoa here
Au ē
Au ē te aroha ē
�Moumu
N°314 - Décembre 2008
Moumu mon fief
Cher pays de Moumu
Vous les marins
Vous les amis
Regardez les enfants
C’est le jour de leur départ
Mais les notables, les autorités du fenua
Les chers amis sont malades à la maison
Hélas
Hélas quel chagrin.
Reproduit avec l’aimable autorisation d’Yves Roche.
109
�La cérémonie du kava à Futuna :
un exemple de mutations
et de permanences
au regard des effets
d’inculturation et d’acculturation
Dans une lettre datée du 19 août 1842 – soit six ans après l’arrivée
à Futuna du père Chanel10, premier martyr de l’Océanie – le père L. C. Servan relate l’événement qui allait de manière symbolique porter un coup
d’arrêt à plus de vingt-sept siècles de croyances ancestrales11 des Futuniens ; ainsi :
…au milieu d’une place publique se trouvait encore plantée une pierre
sacrée, dans laquelle les habitants du pays supposaient que la divinité
résidait spécialement ; elle a été abattue et brisée par la main de ses
anciens adorateurs12.
Angleviel (Frédéric), Les missions à Wallis et Futuna au XIXème siècle, collection « Îles et archipels » n° 18,
CRET de Bordeaux III, Bordeaux - Talence, 1994.
11
À ce jour, les publications archéologiques récentes en matière d’occupation humaine à Futuna, nous permettent d’évaluer que ses premiers habitants arrivèrent sur l’île entre 900 et 850 avant J.-C, en provenance du nord-ouest de l’archipel fidjien.
12
Abal (Odon), Wallis et Futuna aux premiers temps de la Mission (1841-1862) – Extraits des Annales pour
la Propagation de la Foi, Paris, Collection « Fac-similés Océaniens », L’Harmattan, 2003, p. 365.
10
�N°314 - Décembre 2008
Nous ne reviendrons pas sur la phraséologie apostolique surtout présente à la fin de la citation, très teintée d’idées rédemptrices ; ce qui est
digne d’intérêt, c’est de constater que ce que le missionnaire qualifie de
« dernier reste de l’idolâtrie de Futuna », fut aboli d’une manière assez
radicale, sans protestation apparente ou avouée, et qu’elle marqua l’entrée de ce peuple dans une nouvelle période, sans préjuger de l’état d’esprit de certains, dont les croyances ancestrales ont pu persister. Dès lors,
le malae (qualifié de « place publique » par le missionnaire) espace
sacré de la vie spirituelle, « désacralisé13», ne devait plus être destiné
qu’aux cérémonies coutumières, au sortir de la messe, notamment symbolisées par la cérémonie du kava.
Mais ce système est-il « désacralisable » ? Peut-on lui retrancher une
partie de sa substance, est-il possible d’en altérer le moindre élément,
indissociable d’un tout ? Et ce lieu où jadis les divinités étaient adorées et
invoquées, allait être choisi pour être celui à côté duquel les églises
allaient être édifiées ; cette coexistence perdure de nos jours. Cet espace
se caractérise ainsi par une configuration quasi systématique : l’église est
construite côté montagne, face à elle, côté mer, le malae où se déroulent
les danses et le katoaga14 , puis le fale fono15 où sont installés les aliki
(les nobles) – selon un ordre protocolaire. Abordant la fonction des
marae de Polynésie, Éric Conte confirme bien la pérennité de ce lieu
sacré recevant l’édifice de la nouvelle religion, l’inscrivant ainsi « dans
une certaine continuité avec les divinités ancestrales16. »
13
Il faut bien sûr nuancer l’emploi de ce terme ; si nous reprenons la dichotomie classique profane/sacré,
il faut suggérer que ce lieu n’a pas été vraiment désacralisé même s’il n’est plus l’espace de la vie religieuse
première. Dès lors qu’il reçoit toujours une cérémonie ancestrale, celle du kava – attachée intimement
aux anciennes croyances – sa désacralisation n’est pas effective. Le malae ne redevient en fait un lieu profane dès lors qu’aucune cérémonie, quelle qu’elle soit, s’y tient. La cérémonie du kava, même à l’ère chrétienne, consacre le malae.
14
Mot désignant le partage des vivres.
15
Littéralement « maison de réunion ».
16
Conte (Éric), « Les marae polynésiens, des lieux destinés à capter le pouvoir des dieux », in Religions &
Histoire n° 9, juillet - août 2006, p. 35.
111
�Mais qu’en est-il des possibles – voire inévitables – interpénétrations résultant de cette coexistence ? En quoi la cérémonie du kava, ressortant au domaine de la religion première, peut-elle recevoir des
éléments inculturés ? Enfin, et de manière concomitante l’élément central
de cette pratique dont le kava est l’emblème, peut-elle s’immiscer dans
l’espace de la nouvelle religion, conséquence d’une acculturation ?
La cérémonie du kava : à la jonction de deux systèmes
La cérémonie du kava – pilier central de l’identité culturelle –
représente la plus remarquable subsistance affichée et sans cesse réaffirmée de pratiques liées aux croyances préchrétiennes, renforçant les
liens avec le passé. Si le cannibalisme était considéré comme la nourriture des dieux, le kava constituait bien leur breuvage dont l’offrande figurait l’acte symbolique17. Les missionnaires comprirent très vite
l’importance que revêtait cette tradition pour les habitants de Wallis et
Futuna ; et même s’ils savaient pertinemment que les cérémonies du kava
étaient dès le départ liées aux croyances primitives, donc païennes, ils ne
s’y opposèrent pas – contrairement à l’art du tatouage qui ne survécut
pas. Mais les missionnaires étaient-ils en mesure de bannir un tel cérémoniel, élément essentiel de la culture wallisienne et futunienne ? À aucun
prix il n’eût été question d’abandonner ce rituel, au risque d’être livré à
la colère des divinités, même sous la protection d’un nouveau dieu plus
clément. Si la nouvelle religion put opérer une forme de concession intéressée afin que ses représentants puissent y être aussi honorés, il n’en reste
pas moins que les noms de divinités ancestrales continuent d’être évoqués
dans des mïo – textes sacrés et immuables spécifiques à Futuna – clamés
uniquement lors de la cérémonie du kava en présence d’un roi18.
17
Son ingestion par les chefs étaient également symbolique : « En ingurgitant le kava, les chefs faisaient
entrer en eux les esprits de leurs ancêtres, devenant ainsi, le temps du rituel, des hommes-dieux. » (F.
Douaire-Marsaudon, Les premiers fruits, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1998, p. 254.)
18
Futuna est toujours constituée de deux royaumes.
112
�N°314 - Décembre 2008
Monseigneur Bataillon nous offre, grâce à son témoignage, des explications précises, détaillées et quasiment exhaustives montrant les rapports intrinsèques liant l’homme et le kava :
« Cette plante est le principal mobile, je dirais presque l’unique nécessaire de ces peuples. C’est par elle qu’ils honorent leurs divinités, qu’ils
les apaisent, qu’ils se les rendent favorables, c’est par elle qu’ils se
réconcilient avec leurs ennemis, qu’ils entretiennent la bienveillance
de leur roi et de leurs chefs. C’est par elle que les coupables obtiennent
leur pardon ou leur vie, c’est par elle qu’ils font leur alliance, qu’ils
obtiennent la guérison de leurs malades, qu’ils retrouvent les choses
perdues, ce n’est qu’elle qui puisse faire descendre les divinités du
séjour de la nuit pour s’entretenir avec les mortels. Enfin, il n’y a pas
la moindre assemblée, la plus petite démarche religieuse ou civile,
publique et personnelle, pas la moindre visite, où le kava ne doive présider et être offert de part et d’autre en signe d’amitié mutuelle19. »
Si la Mission catholique a toléré la pratique de cette cérémonie, c’est
d’abord parce qu’elle a mesuré son caractère social, mais c’est aussi parce
qu’elle a compris l’avantage d’y être admise en tant qu’autorité reconnue
et respectée ; elle ne put donc que l’encourager. Une coupe de kava est
bien destinée à honorer chacun des membres présents à cette cérémonie,
autochtones ou non – et dont l’importance dépend de l’événement célébré, et des autorités coutumières présentes. À ce titre, la cérémonie du
kava constitue la marque la plus ostensible d’accueil de l’étranger, et de
tolérance puisque nul n’est a priori, persona non grata, tout Papalagi
(Européen) quel que soit son statut, religion ou origine, est en droit de
recevoir pour lui-même une coupe de kava – geste gratuit, pur et désintéressé. De nos jours, il semble que le kava soit au centre de phénomènes
d’acculturation et/ou d’inculturation : si au sortir de la messe, une cérémonie du kava peut être préparée, même – a fortiori – en l’honneur d’un
représentant de l’église catholique, ladite cérémonie présente les mêmes
caractéristiques, véhicule les mêmes valeurs, le même sens que pour
19
Mgr Pierre Bataillon, Notice au P. Colin sur la mission de Wallis, Wallis, juillet 1838, p. 4.
113
�n’importe quelle personnalité que l’on doit honorer et respecter. Cette
cérémonie est immuable, elle est profondément liée aux hommages rendus aux dieux ancestraux ; cette sorte de consubstantialité, même si elle
n’est pas affichée de manière visible, est durable. Cependant, les mïo –
qui accompagnent et consacrent la cérémonie – sont au cœur d’une mutation ; leur renouvellement étant la condition de leur permanence.
Ces textes célèbrent un fait d’armes héroïque ou bien un événement
marquant de l’histoire ancienne, ils sont la propriété exclusive d’un clan
familial, transmis à la descendance sans aucune altération, dans une
langue restée figée et dont le sens est difficilement compréhensible pour
les Futuniens d’aujourd’hui. C’est l’intervention verbale qui consacre la
cérémonie du kava.
Il est remarquable que des mïo aient pu être composés pour honorer des saints chrétiens ou même des personnalités religieuses dont la
visite est toujours très attendue et célébrée : il s’agit bien d’un phénomène d’inculturation du catholicisme dans la culture locale. Cette cérémonie qui, par essence, replonge le Futunien catholique dans un temps
ab initio, lui permettant ainsi de renouer avec ses divinités premières,
s’est vue introduire, grâce à la puissance du verbe, des éléments de la
religion allogène, induisant par-là une forme d’incompatibilité. Incompatibilité d’autant plus forte lorsque qu’un mïo traditionnel est suivi d’un
mïo inculturé : l’effet de syncrétisme atteignant alors son apogée ; l’invocation des ancêtres déifiés se plaçant dans le même espace-temps que
celle de figures chrétiennes.
Enfin, l’autre élément syncrétique, faisant ainsi écho au premier,
constitue en l’introduction de la racine de kava à l’église en offrande à
Dieu : elle quitte ainsi son espace sacré pour en servir un autre. L’acte
propitiatoire ancestral n’est pas en rupture « sémiotique » avec sa fonction première ; l’offrande du kava sert toujours à demander la protection
d’une divinité : s’il pouvait apaiser la colère de Fakavelikele20 , il peut tout
Ancêtre divinisé à l’origine du titre de roi à Futuna ; il reste populaire. Cette « popularité » est telle
qu’une carte téléphonique fut créée à son effigie (émission avril 2004).
20
114
�N°314 - Décembre 2008
aussi bien satisfaire le Christ. Le phénomène d’acculturation de la coutume dans la religion catholique semble donc bien avéré. Mais il apparaît
au final que les effets de l’inculturation soient moindres et limités : la présence de la religion allogène dans la coutume est très parcimonieuse,
limitée au verbe, les gestes eux demeurent inaltérés. L’introduction de la
racine de kava dans l’espace chrétien montre un effet d’acculturation
plus marqué. Quoi qu’il en soit, les deux faits qui viennent d’être exposés, montrent les degrés de perméabilité de deux systèmes antagonistes
– prouvant que seule la volonté de l’homme permet de recréer ou de
modifier des systèmes de valeurs, une nécessaire concession à la pérennité de cette coexistence.
Si les mïo originels récités lors de la cérémonie du kava ont permis
la création récente de textes inculturés, d’autres textes sacrés en revanche,
n’ont jamais subi de tels effets.
Des invocations immuables : les tapaki et takofe, le tu.
C’est principalement dans les textes à forme fixe que l’on trouve le
plus grand nombre d’invocations aux divinités et croyances anciennes21 ;
les tapaki et takofe22 sont encore vivaces dans la vie traditionnelle de
Futuna, ils sont exécutés lors de cérémonies coutumières ou calendaires,
et témoignent du profond respect et attachement des Futuniens à leur
représentation. Nous voudrions relever parmi ces textes, certaines de ces
invocations afin de montrer que jamais, depuis l’évangélisation, il n’a été
question de renier l’évocation des divinités ancestrales – ceci étant dû au
fait que ces textes revêtent un caractère sacré, et que nul n’a le droit ni le
pouvoir d’en changer le moindre mot. Ainsi, au sortir de la messe,
Sur environ 24 figures divines présentes dans le panthéon futunien, nous pouvons évaluer à une quinzaine le nombre de ces divinités, héros mythiques ou ancêtres divinisés, évoqués dans le recueil de textes
à tradition orale La Tortue au dos moussu.
22
Les takofe (les danseurs portent le kofe : un bambou) et les tapaki (les danseurs tiennent le paki : palette
en bois, ta signifiant « frapper ») sont des danses accompagnées de chants poétiques à la gloire d’un héros.
Ces deux termes désignent la danse, le chant et les instruments dont on se sert à cette occasion, et surtout,
rappellent des exploits de guerriers. Notons que les takofe sont spécifiques à Futuna.
21
115
�précédant une célébration, même laïque, chaque village exécute sa danse
accompagnée de chants – dont le destinataire privilégié est le roi – et
dans lesquels de nombreux éléments de la théogonie primitive sont présents. Cet acte plonge irrémédiablement et inéluctablement les acteurs et
les spectateurs au cœur même de leurs pratiques ancestrales, dominées
par l’évocation de divinités premières : nous assistons ainsi à une sorte
d’évolution spirituelle et cultuelle vers un crescendo. Si chacun a communié sans restriction avec Dieu au cours de la messe, la racine de kava
apportée en offrande reliait déjà le Futunien à son passé ; puis la cérémonie du kava, étape décisive, pouvait néanmoins rendre hommage à
des personnages du culte catholique, enfin le spectacle des tapaki et des
takofe constituent l’ultime étape de ce parcours, replongeant les individus au cœur même de leur identité culturelle.
La divinité première, commune à l’ensemble polynésien, le dieu
Tagaloa, est évoquée dans un mïo : « Le tonnerre gronde et
explose,/Tagaloa va descendre du ciel./Où es-tu Mago23 ? » Quant au
chant suivant, il mentionne une déité que nous n’avons pu identifier, mais
dont l’évocation est proche de la précédente : Tulikavanoa est descendu
du ciel24 . D’autres textes rappellent bien la colère des dieux25 , crainte
divine qui était l’objet de nombreux rites propitiatoires. La plupart des
ancêtres divinisés sont présents dans ces textes, mais c’est surtout leur
tabernacle, en l’occurrence un rocher, qui est mentionné dans plusieurs
chants : le « Takofe de Fiua » évoque le rocher de Lita26 , le « Tapaki du
Mauifa » parle du rocher du dieu Kula27 , ainsi que celui de Tagaloa qui
Frimiggaci (Daniel) et alii :, La Tortue au dos moussu – Textes de tradition orale de l’île de Futuna, Éditions
Peters-Selaf, 1995, Paris ; « Mīo de Kaumago », p. 255 – Mago est un ancêtre d’origine samoane divinisé,
père de Fakavelikele.
24
Frimigacci et alii, op. cit., p. 145.
25
Ibidem, p.71.
26
Déesse ancestrale de l’île d’Alofi (île inhabitée proche de Futuna avec laquelle elle constitue l’archipel
des îles Horn).
27
L’un des sept enfants de Mago et Tafaleata, fondateurs d’une dynastie dont serait issu Fakavelikele. Il fut
celui qui reçut le premier titre de sau (roi) par l’intermédiaire d’une divinité métamorphosée en colombe.
23
116
�N°314 - Décembre 2008
recèle les secrets de nos origines28 , précise le texte. Enfin, le domaine
chtonien des dieux, le Pulotu29 est également mentionné à l’occasion
d’une métaphore : Mon bambou vient du Pulotu, s’exclame l’énonciateur dans le « Takofe d’Alo30 », le bambou symbolisant l’arme du
guerrier, qui ne peut combattre sans la protection de sa divinité. Quant
au tu, son approche est rendue difficile à cause du tabou qui entoure
les paroles prononcées lors de son exécution ; propriété exclusive de
certaines familles – à l’instar des autres textes –– il n’est pas permis
d’en révéler le contenu. Le tu désigne un ensemble d’éléments factuels : c’est le cortège de l’élite guerrière dont le roi doit s’entourer
lors de ses déplacements à pieds, à l’occasion de toute cérémonie
majeure. Ce terme désigne aussi le texte proféré lors de la procession
de cette garde royale : tout ce que nous savons, c’est que sont évoquées les plus anciennes divinités, celles qui doivent protéger la
marche du roi.
Il semble bien, au vu de ces derniers éléments, que la vie spirituelle
des Futuniens d’aujourd’hui, s’accommode davantage de subsistances
héritées de leurs anciennes croyances. Le syncrétisme est une tendance
philosophico-religieuse cherchant à rapprocher et à fusionner plusieurs
doctrines. Un tel phénomène est observable à Futuna définissant des pratiques religieuses objet d’interactions entre l’ancienne et la nouvelle religion. Le phénomène du syncrétisme peut consister en une réinterprétation
de la religion indigène au contact de la religion allogène ou au contraire
se traduire par l’influence de croyances traditionnelles dans une religion
importée. Il est vrai que le déroulement du culte catholique est nécessairement empreint de ce que l’ethnocentrisme européen nomme trivialement la « couleur locale », et qu’il faut appeler identité culturelle,
certaines influences interactives sont à relever. Si la cérémonie du kava
Ibidem, p. 301.
Nous pouvons renvoyer à l’article de Claire Moyse-Faurie, « Histoires de Pulotu », in Journal de la Société
des Océanistes, n°122-123, septembre 2006, pp. 141-151.
30
Frimigacci et alii, op. cit.,p. 208.
28
29
117
�peut s’inscrire dans un cadre général de festivités, dont la messe est le
point de départ, elle reste – nous l’avons vu – un élément intimement lié
aux temps des ancêtres.
Plus, et s’agissant des chants poétiques cités plus haut, il ressort un
profond attachement à des textes que l’on peut qualifier de sacrés, dès
lors qu’ils s’inscrivent dans un espace-temps ab origine qui a conservé
toutes ses caractéristiques. Ces textes rappellent des faits d’armes d’ancêtres divinisés, des exploits, des événements qui racontent l’histoire
d’une société, qui, depuis, s’est officiellement convertie à une religion
nouvelle.
Ainsi, renier ou masquer l’évocation de ces divinités reviendrait tout
simplement pour un Futunien à occulter une partie de son histoire dont
le déroulement s’est produit dans un espace restreint, favorable à toute
exacerbation. Rappelons ces propos d’Émile Durkheim :
« Les êtres sacrés ne le sont que parce qu’ils sont représentés comme
tels dans les esprits. Que nous cessons d’y croire, et ils seront comme
s’ils n’étaient pas31 ».
Il est bien entendu que les divinités anciennes des Futuniens ne sont
plus objet de cultes ; nonobstant, elles sont toujours présentes, et d’une
certaine manière encore existantes, dès lors que leurs noms sont évoqués – nous pensons ici à la fonction performative du langage : évoquer
le nom de certaines divinités à l’occasion de ces chants, c’est implicitement contribuer à affirmer leur caractère éternel, consolidé par l’immuabilité des textes, mais aussi à réactualiser leur existence, et confirmer
ainsi leur présence, dans un espace et surtout un temps consacré, ab initio, celui qui consacre le Commencement.
La question du risque d’une désacralisation ou d’une folklorisation
de la cérémonie du kava dans des îles la pratiquant, a commencé à se
poser, notamment là où le kava peut être consommé hors de l’espacetemps qui lui a toujours été consacré (Nouvelle-Calédonie ou Fidji par
Durkheim Émile, 1991. Les formes élémentaires de la vie religieuse, 1912, Paris, Le Livre de Poche, « Classiques de la philosophie », p. 581.
31
118
�N°314 - Décembre 2008
exemple). À Wallis et Futuna, ce risque n’est pas à l’ordre du jour, la cérémonie du kava – qu’elle soit solennelle ou informelle (tauasu32 ) – reste
soumise à des règles strictes, assurant et confirmant par là son rôle de
vecteur identitaire.
Pascal Ibrahim Lefevre
Le tauasu se pratique exclusivement à Futuna à l’intérieur des fale fono de chaque village ; c’est le
moment et l’endroit privilégié où le kava est consommé. Le terme tauasu désigne la réunion nocturne,
informelle et quotidienne tenue par les hommes s’échangeant ainsi les nouvelles de la journée, chantent,
racontent ; en présence de chefs, des décisions coutumières ou « politiques » peuvent y être prises. Le kava
est préparé au fur à et à mesure de sa consommation, au fond du fale fono : la soirée est ainsi rythmée
au son du pilon broyant les racines de la plante ; elles seront ensuite diluées et filtrées dans le tanoa qui
ne désemplit jamais. Le breuvage est régulièrement servi, souvent par les plus jeunes, dans des calebasses
confectionnées à partir de noix de coco.
32
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�PUBLICATIONS DE LA SOCIETE DES ETUDES OCEANIENNES
Prix réservé aux membres, en vente au siège de la société/Archives Territoriales de Tipaerui
Dictionnaire de la langue tahitienne
par Tepano Jaussen (11ème édition)................................................ 2 000 FCP 17 €
Dictionnaire de la langue marquisienne
par Mgr Dordillon (3ème édition).................................................... 2 000 FCP 17 €
Dictionnaire de la langue paumotu
par J.F. Stimson et D.S. Marshall (2ème édition)............................... 2 000 FCP 20 €
Dictionnaire de la langue mangarévienne
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2 000 FCP 20 €
Etat de la société tahitienne à l’arrivée des Européens,
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6€
Journal de James Morrison, second maître à bord de la Bounty,
traduit par Bertrand Jaunez........................................................... 2 000 FCP 17 €
Alexandre Salmon et sa femme Ariitaimai,
par Ernest Salmon......................................................................... 1 500 FCP 13 €
Les cyclones en Polynésie Française (1878-1880),
par Raoul Teissier.......................................................................... 1 200 FCP 10 €
Chefs & notables au temps du Protectorat (1842-1880),
par Raoul Teissier.......................................................................... 1 200 FCP 10 €
Généalogies commentées des arii des îles de la Société,
par Mai’arii.................................................................................... 1 500 FCP 13 €
Choix de textes des 10 premiers bulletins de la S.E.O.
(mars 1917 – juillet 1925)........................................................... 1 500 FCP 13 €
Papeete, BSEO n°305/306
par Raymond Pietri........................................................................ 1 200 FCP 10 €
Colons français en Polynésie orientale, BSEO n°221
par Pierre-Yves Toullelan............................................................... 1 200 FCP 10 €
Les Etablissements français d’Océanie en 1885
(numéro spécial 1885-1985)........................................................ 1 200 FCP 10 €
Moruroa, aperçu historique 1767-1964,
par Christian Beslu........................................................................ 1 200 FCP 10 €
Tranche de vie à Moruroa,
par Christian Beslu........................................................................ 4 000 FCP 34 €
Naufrage à Okaro
par Christian Beslu........................................................................ 1 900 FCP 16 €
Les âges de la vie – Tahiti & Hawai’i aux temps anciens
Par Douglas Oliver......................................................................... 2 500 FCP 21 €
Tahiti au temps de la reine Pomare,
par Patrick O’Reilly........................................................................ 1 500 FCP 13 €
Tahiti 40,
par Emile de Curton...................................................................... 1 500 FCP 13 €
Collection des numéros disponibles
des Bulletins de la S.E.O. :................................................................ 200 000 FCP 1676 €
��C
e bulletin offre différents regards
sur Makatea : ceux de l’intérieur,
pudiques et évasifs avec leur pehe pehe,
paripari, himene ; ceux de l’extérieur
plus diserts tel Christian Beslu le collectionneur qui fait parler ses objets, Paul
Niva qui réveille les pierres et enfin,
Jean-François Butaud et Frédéric Jacq
qui nous dévoilent les plantes et les lieux
où elles s’épanouissent, façonnant les
humains qui s’y installent et les modifient en retour.
Enfin, nous lirons la réflexion de Pascal
Ibrahim Lefèvre sur la cérémonie du
kava à Futuna. Là aussi, il est question
de mémoire. En nous informant, il nous
donne à penser sur ce qui s’est passé et
se passe en Polynésie française dans le
domaine du religieux.
N° ISSN : 0373-8957
�
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Bulletin de la Société des Études Océaniennes (BSEO)
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La Société des Études Océaniennes (SEO) est la plus ancienne société savante du Pays. Depuis 1917, elle publie plusieurs fois par an un bulletin "s’intéressant à l’étude de toutes les questions se rattachant à l’anthropologie, l’ethnographie, la philosophie, les sciences naturelles, l’archéologie, l’histoire, aux institutions, mœurs, coutumes et traditions de la Polynésie, en particulier du Pacifique Oriental" (article 1 des statuts de la SEO). La version numérique du BSEO dispose de son ISSN : 2605-8375.
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2605-8375
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Établissement
Université de la Polynésie Française
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Title
A name given to the resource
Bulletin de la Société des Études Océaniennes numéro 314
Description
An account of the resource
- Julien Mai : Te parau mo’e o Makatea 6
- Julien Mai : Pehepehe teie nö Makatea 8
- Teri’itauroa Pani dit Heimau : Pehepepehe nö Makatea recueilli en 1947 10
- Christian Beslu : Makatea, soixante années d’aventure humaine et industrielle 13
- Paul Niva : Inventaire historique et archéologique de Makatea en 2008 49
- Jean-François Butaud & Frédéric Jacq : Flore patrimoniale de l’atoll soulevé de Makatea 63
- Camélia Marakai : Makatea 96
- Te’ura Camélia Marakai l’a reçu de sa grand-mère Tetua’ura Tava’e-Tauraatua épouse Marakai dite Mama Tepairu qui l’a reçu de son arrière-arrière grand-mère Tarii :
Paripari o te ’ai’a 98
- Te’ura Camélia Marakai d’après les éléments reçus de sa grand-mère Tetua’ura Tava’e-Tauraatua épouse Marakai : Paripari fenua no Makatea 102
- Trois chansons : Makatea teie te repo 'uo'uo e, Po tapati i Makatea, Moumu 106
- Pascal Ibrahim Lefèvre : La cérémonie du kava à Futuna : un exemple de mutations et de permanences
au regard des effets d’inculturation et d’acculturation 110
Source
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Société des Études Océaniennes (SEO)
Publisher
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Société des Études Océaniennes (SEO)
Date
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2008
Date de numérisation : 2017
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The nature or genre of the resource
Imprimé
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
PFP 3 (Fonds polynésien)